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Scandale d'Abou Ghraib

Le scandale d'Abou Ghraib est une affaire durant laquelle des militaires de l'armée américaine et des agents de la CIA ont été accusés de violation des droits de l'homme à l'encontre de prisonniers, entre 2003 et 2004, lors de la guerre en Irak, dans la prison d'Abou Ghraib[1]. Ces prisonniers étaient physiquement et sexuellement abusés, torturés[2] - [3] - [4], violés[2] - [3], sodomisés[4].

Lynndie England tenant un prisonnier en laisse, connu pour les gardes sous le nom de « Gus », étendu sur le sol.
Sévices d'un prisonnier, immobile sur une boßte, des fils électriques accrochés à ses mains.
SĂ©vices subis par un prisonnier irakien Ă  Abou Ghraib.

Ce scandale est rendu public Ă  l'Ă©tĂ© 2003, dans les premiers rapports d'Amnesty International faisant Ă©tat de violations des droits de l'Homme Ă  l'encontre de dĂ©tenus dans les prisons irakiennes. Les premiers rapports de mauvais traitements Ă©manent de l'ancienne prison d'Abou Ghraib, alors utilisĂ©e par les États-Unis comme centre de dĂ©tention et d'interrogation pour les rebelles. Dans un article datant du , le Dr Abdel Salam Sidahmed, directeur du programme Moyen-Orient d'Amnesty International, rapporte les conditions des dĂ©tenus dans la prison d'Abou Ghraib, administrĂ©e par l'armĂ©e amĂ©ricaine : « La cĂ©lĂšbre prison d'Abou Ghraib, centre de torture et d'exĂ©cutions de masse au temps du rĂšgne de Saddam Hussein, reste une prison coupĂ©e du monde extĂ©rieur. Le 13 juin, des dĂ©tentions Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e sans jugement ont Ă©tĂ© rapportĂ©es. Les troupes amĂ©ricaines auraient exĂ©cutĂ© un prisonnier et en auraient blessĂ© sept autres[5]. »

Presque un mois plus tard, le , Amnesty International publie un nouvel article condamnant l'armĂ©e amĂ©ricaine et ses atteintes aux droits de l'homme : « d'anciens dĂ©tenus rapportent Ă  Amnesty International que les personnes dĂ©tenues par les militaires de la coalition Ă©taient enfermĂ©es dans des tentes sous une chaleur insoutenable sans eau. Ils Ă©taient forcĂ©s Ă  faire leurs besoins dans des tranchĂ©es et n'avaient aucun vĂȘtement de rechange – mĂȘme aprĂšs deux mois de dĂ©tention. [
] Amnesty International est informĂ© de mauvais traitements ou de torture par les militaires de la coalition. Leurs mĂ©thodes impliquaient des privations prolongĂ©es de sommeil, le maintien forcĂ© dans des positions extrĂȘmement douloureuses — accompagnĂ© de l'exposition Ă  des musiques bruyantes et Ă  une lumiĂšre vive[6]. »

Traitement des détenus

Dans un premier temps, les États-Unis ont adoptĂ© en Afghanistan et Ă  GuantĂĄnamo Bay des mesures pour contourner les restrictions juridiques posĂ©es par les conventions de GenĂšve sur le traitement et l'interrogatoire des dĂ©tenus. Le gouvernement amĂ©ricain a laissĂ© ces mĂ©thodes s'appliquer en Irak : le commandant du centre de GuantĂĄnamo, le gĂ©nĂ©ral Geoffrey D. Miller, s'est rendu Ă  Abou Ghraib et a instaurĂ© ces mĂ©thodes dans la prison irakienne. Elles comportent des traitements inhumains et dĂ©gradants, contraires aux traitĂ©s internationaux : passage Ă  tabac, positions stressantes, humiliantes et douloureuses, privation de sommeil, Ă©lectrocutions, exposition au bruit et Ă  la musique Ă  un volume sonore insupportable, exposition Ă  des chaleurs extrĂȘmes, humiliations Ă  caractĂšre sexuel comme contraindre des hommes Ă  porter des vĂȘtements fĂ©minins, Ă  se masturber ou Ă  avoir des relations homosexuelles, nuditĂ© forcĂ©e, utilisation de cagoules et autres moyens de dĂ©sorientation, utilisation de chiens pour effrayer les prisonniers (des photos montrent des dĂ©tenus mordus et menacĂ©s d'ĂȘtre attaquĂ©s par des chiens[7]), des privations sensorielles et un rĂ©gime alimentaire limitĂ© Ă  l'eau et au pain, ou l'utilisation de menottes causant des lĂ©sions aux poignets. Ces techniques constituent des actes de torture et des traitements inhumains et dĂ©gradants, ayant pour but de "ramollir" les dĂ©tenus en vue des interrogatoires. Les membres de la police militaire ont donnĂ© comme consignes aux gardiens de la prison d'Abou Ghraib de maltraiter les dĂ©tenus, ce qui explique l'arrogance avec laquelle posent sur les photos les soldats chargĂ©s de surveiller les personnes en dĂ©tention[8].

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans un rapport fait état de graves violations du droit international humanitaire dans les centres d'internement en Irak. Des actes de torture, d'humiliation et de mauvais traitements sont systématiquement utilisés contre des détenus suspectés de détenir des informations[9].

A la mi-, le CICR a rendu visite Ă  des personnes privĂ©es de libertĂ© qui Ă©taient soumises Ă  des interrogatoires de la part d'officiers de renseignement militaire dans l'unitĂ© 1A, la "section d'isolement" du centre correctionnel d'Abou Ghraib. La plupart avaient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es en octobre. Pendant la visite, les dĂ©lĂ©guĂ©s du CICR ont Ă©tĂ© les tĂ©moins directs de toute une gamme de techniques utilisĂ©es pour assurer la coopĂ©ration entre les personnes privĂ©es de libertĂ© et les interrogateurs. En particulier de la pratique consistant Ă  garder les personnes privĂ©es de libertĂ© complĂštement nues dans des cellules vides et dans le noir total, apparemment pendant plusieurs jours. Lorsque ces dĂ©lĂ©guĂ©s ont vu de tels cas, le CICR a suspendu ses visites tout en demandant des explications aux autoritĂ©s. L'officier de renseignement militaire responsable des interrogatoires a expliquĂ© que ces procĂ©dĂ©s faisaient "partie du processus"[9].

Le dĂ©tenu Manadel al-Jamadi dĂ©cĂšde dans la prison d'Abou Ghraib aprĂšs un interrogatoire durant lequel il a Ă©tĂ© torturĂ© par des agents de la CIA et en la prĂ©sence d'un traducteur arabophone de la CIA travaillant sous contrat privĂ© en [10]. Il est physiquement agressĂ© puis torturĂ© par estrapade. Sa mort est considĂ©rĂ©e comme un homicide par l'armĂ©e amĂ©ricaine[11] - [12], mais aucun des deux hommes n'a Ă©tĂ© poursuivi devant les tribunaux. Le traducteur, quant Ă  lui, bĂ©nĂ©ficie d'immunitĂ© contre les poursuites pĂ©nales en Ă©change de sa coopĂ©ration dans le cadre de l'enquĂȘte[13].

Le major gĂ©nĂ©ral Antonio Taguba (en), selon les photographies prises dans la prison, explique des cas Ă©vidents de viols[14]. Un dĂ©tenu d'Abou Ghraib explique aux enquĂȘteurs avoir entendu les hurlements d'un enfant irakien se faire violer par un militaire tandis qu'une soldate photographiait la scĂšne[15]. Le violeur prĂ©sumĂ© est identifiĂ© comme un traducteur d'origine amĂ©ricano-Ă©gyptienne par un tĂ©moin. Il est dĂ©sormais entre les mains de la justice amĂ©ricaine[14]. Des photos publiĂ©es montrent aussi quelques dĂ©tenues irakiennes, dont une jeune fille soulevant son t-shirt pour exposer ses seins dans la nuit du . Difficile de dire si elle y est contrainte ou pas, mais dans tous les cas, cela constitue un abus et un cas d'exploitation sexuelle[14] - [16]. Une photo non publiĂ©e montre un soldat amĂ©ricain violant vraisemblablement une dĂ©tenue[14]. D'autres photos montrent des militaires agressant sexuellement des dĂ©tenus lors d'interrogatoires, Ă  l'aide d'objets comme un fil barbelĂ© et un tube fluorescent. D'autres photos non publiĂ©es montrent des rapports sexuels entre gardes amĂ©ricains et dĂ©tenues irakiennes, ainsi que des cas de viols de prisonniers avec des bĂątons, et des pratiques sexuelles entre gardes amĂ©ricains, mais Barack Obama, soutenu par le gĂ©nĂ©ral Taguba, refuse de divulguer ces photos : « ces images sont d'une atroce barbarie[14]. ».

Dans une autre affaire, des soldats sont soupçonnés d'avoir violé des prisonniÚres[17]. Dans encore une autre affaire, des officiels américains rapportent les cas présumés de viols à Abou Ghraib[18].

Au début de l'année 2016, de nouvelles photos sont rendues publiques grùce à la bataille juridique menée par l'American Civil Liberties Union (ACLU), montrant principalement des blessures de prisonniers en Irak et en Afghanistan causées par des actes de torture[19].

Dossier d'incidents enregistrés dans le rapport Fay Jones

Le rapport Fay Jones[20] rĂ©pertorie les incidents enregistrĂ©s par les enquĂȘtes militaires amĂ©ricaines et a fait la liste non exhaustive d’une quarantaine d’incidents graves, d’actes de torture, de violences, d’humiliations, allant parfois jusqu’au viol et au meurtre de dĂ©tenus. Les actes de torture ont Ă©tĂ© commis par des gardiens, des policiers militaires, des agents de renseignement, et par des « Contractors », des sous-traitants travaillant pour des sociĂ©tĂ©s privĂ©es de mercenaires. L’un d’entre eux a violĂ© un adolescent retenu.

Incident no 1 : le , les soldats de la coalition ont Ă©tĂ© tĂ©moins de sĂ©vices (coups, cris et prisonnier battu) perpĂ©trĂ©s par deux soldats du renseignement militaire sur un dĂ©tenu prĂ©tendument impliquĂ© dans l’attaque au mortier d’Abu GhraĂŻb. (Rapport Fay/Jones p. 71)

Incident no 2 : le , une agression sexuelle a été commise sur une détenue, par trois soldats de la police militaire. (Rapport Fay/Jones p. 73)

Incident no 3 : le , abus sexuels, agression et humiliation ont eu lieu Ă  Abu Ghraib. Les dĂ©tenus 27, 30 et 31 ont d’abord Ă©tĂ© intĂ©gralement dĂ©vĂȘtus, menottĂ©s et forcĂ©s Ă  simuler des rapports sexuels entre eux. Des photos de ces humiliations ont Ă©tĂ© prises par les bourreaux. (Rapport Fay/Jones p. 73)

Incident no 4 : un dĂ©tenu a Ă©tĂ© victime de plusieurs abus par la police. ArrivĂ© Ă  la prison le , il a Ă©tĂ© laissĂ© nu en isolation pendant 9 jours. Il a Ă©tĂ© battu de maniĂšre rĂ©guliĂšre, parfois avec des objets (chaises), et Ă©tranglĂ© jusqu'Ă  l’évanouissement. (Rapport Fay/Jones p. 74)

Incident no 5 : un dĂ©tenu, incarcĂ©rĂ© en , a Ă©tĂ© terrorisĂ©, brutalisĂ©, mutilĂ© et humiliĂ© de diverses maniĂšres : battu et frappĂ© pendant les interrogatoires, laissĂ© nu dans sa cellule pendant des pĂ©riodes prolongĂ©es, tĂȘte recouverte et ligotĂ© dans des positions pĂ©nibles et nĂ©fastes. Il a Ă©tĂ© sodomisĂ© avec une matraque par une femme de la police militaire, on lui a urinĂ© dessus, et des photos ont Ă©tĂ© prises au cours des sĂ©vices. Son oreille a Ă©tĂ© coupĂ©e Ă  tel point que des points de suture ont Ă©tĂ© nĂ©cessaires. (Rapport Fay/Jones p. 75)

Incident no 6 : deux prisonniers ont dĂ©clarĂ© qu’ils ont Ă©tĂ©, avec quatre autres anciens gĂ©nĂ©raux irakiens et des membres des services de renseignement de l’ancien rĂ©gime irakien, maltraitĂ©s physiquement et gravement blessĂ©s. Un dĂ©tenu a Ă©tĂ© lacĂ©rĂ© sur cm au menton, ce qui a Ă©galement Ă©tĂ© retranscrit dans les registres de la police militaire. L’autre a Ă©tĂ© frappĂ©, rouĂ© de coups de poing, battu et forcĂ© Ă  ramper nu. (Rapport Fay/Jones p. 75)

Incident no 7 : le , un dĂ©tenu a Ă©tĂ© amenĂ© Ă  Abu GhraĂŻb par la CIA, et a Ă©tĂ© retrouvĂ© mort aprĂšs avoir Ă©tĂ© emmenĂ© Ă  la salle des douches oĂč avait eu lieu l’interrogation. « LTC » Jordan dĂ©clara que le dĂ©tenu Ă©tait dans le compartiment de douche, visage contre le sol, menottĂ© dans le dos. Le corps a Ă©tĂ© secrĂštement transportĂ© afin d’ĂȘtre autopsiĂ©. L’autopsie conclut que la mort du dĂ©tenu Ă©tait due Ă  un caillot de sang dans la tĂȘte, probable rĂ©sultat des blessures provoquĂ©es pendant qu’il rĂ©sistait aux tentatives de maĂźtrise. (Rapport Fay/Jones p. 76)

Incident no 8 : un prisonnier irakien est restĂ© nu dans sa cellule pendant six jours et a Ă©tĂ© immergĂ© dans l’eau froide et dans de l’urine. Un balai Ă©tait tenu contre son anus et quelqu’un lui crachait dessus pendant qu’il Ă©tait battu avec le balai. (Rapport Fay/Jones p. 77)

Incident no 10 : un dĂ©tenu a Ă©tĂ© forcĂ© de se tenir debout sur une boĂźte, des fils attachĂ©s aux mains et au pĂ©nis. On lui a dit que s’il tombait il recevrait des dĂ©charges Ă©lectriques. Six photos furent prises de cet incident et publiĂ©es dans la presse. (Rapport Fay/Jones p. 77)

Incident no 11 : sept dĂ©tenus ont subi des sĂ©vices physiques les et . Leurs tortionnaires leur ont placĂ© un sac sur leur tĂȘte, les ont entassĂ©s et forcĂ©s Ă  se masturber. Pendant cet Ă©vĂ©nement, un des dĂ©tenus a Ă©tĂ© cognĂ© jusqu’à ce qu’il perde connaissance, un autre a Ă©tĂ© frappĂ© si fort, Ă  coups de poing sur les joues, qu’il avait des difficultĂ©s Ă  respirer par la suite. (Rapport Fay/Jones p. 78)

Incident no 12 : un détenu a été blessé par balle de pistolet sur les fesses. (Rapport Fay/Jones p. 78)

Incident no 13 : un dĂ©tenu non identifiĂ© a Ă©tĂ© forcĂ© Ă  se tenir pliĂ© en deux, en sous-vĂȘtements, avec chaque pied posĂ© sur une boĂźte diffĂ©rente. (Rapport Fay/Jones p. 78-79)

Incident no 14 : un prisonnier a Ă©tĂ© photographiĂ© couvert d’excrĂ©ments, ligotĂ© sur un matelas en mousse entre deux brancards, avec une banane enfoncĂ©e dans l'anus. À la suite de ces actes de sadisme et de barbarie, le dĂ©tenu souffre de sĂ©vĂšres problĂšmes mentaux et de troubles psychologiques. (Rapport Fay/Jones p. 79)

Incident no 15 : les et , un policier irakien a Ă©tĂ© interrogĂ© par un contractuel civil de la sociĂ©tĂ© de sĂ©curitĂ© privĂ©e CACI, qui l’a empĂȘchĂ© de respirer pendant plusieurs secondes et a utilisĂ© une matraque pour pousser ou peut-ĂȘtre pour lui tordre les bras, provoquant des souffrances. (Rapport Fay/Jones p. 79)

Incident no 16 : un contractuel a fait tomber un dĂ©tenu d’un camion et l'a traĂźnĂ© jusqu’à la salle d’interrogatoire. (Rapport Fay/Jones p. 79)

Incident no 17 : le , un dĂ©tenu qui avait Ă©tĂ© amenĂ© en cellule d’isolement et qui avait Ă©tĂ© attachĂ©, a Ă©tĂ© trouvĂ© « couvert de sang » par les gardes plusieurs heures plus tard. (Rapport Fay/Jones p. 79)

Incident no 18 : le dĂ©tenu 06 a Ă©tĂ© blessĂ© par un coup de pistolet et conduit Ă  l’hĂŽpital, oĂč il a Ă©tĂ© menacĂ© de torture et de mort par des soldats. Il a affirmĂ© qu’aprĂšs ĂȘtre revenu de l’hĂŽpital il avait Ă©tĂ© forcĂ© Ă  manger du porc, qu'on lui a introduit de l’alcool dans la bouche et placĂ© des substances « trĂšs chaudes » dans le nez et sur le front, que les gardes ont frappĂ© plusieurs fois ses jambes « cassĂ©es » avec un bĂąton en plastique, qu'il a Ă©tĂ© forcĂ© Ă  « insulter » sa religion, qu'on lui a urinĂ© dessus, qu'il a Ă©tĂ© menottĂ© Ă  la porte de sa cellule pendant plusieurs heures, qu'il a Ă©tĂ© giflĂ© Ă  l’arriĂšre de la tĂȘte et qu'on a « autorisĂ© des chiens Ă  essayer de le mordre ». Il a affirmĂ© avoir souffert de privation de sommeil et de menaces de viol. (Rapport Fay/Jones p. 80)

Incident no 19 : un prisonnier a Ă©tĂ© trouvĂ© dans sa cellule, saignant en raison d’un traitement mĂ©dical, de vĂȘtements et d’une literie inappropriĂ©s. (Rapport Fay/Jones p. 81)

Incident no 20 : à l'automne 2003, un détenu a été menotté à la porte de sa cellule et laissé là la moitié de la journée sans eau ni nourriture, forcé à se tenir en équilibre sur des boßtes tout en recevant des coups de poing dans les parties génitales. (Rapport Fay/Jones p. 81)

Incident no 21 : un détenu a été poussé contre un mur, provoquant une lésion de plus de cm. Il a également vu un détenu blessé se faire battre. (Rapport Fay/Jones p. 81)

Incident no 22 : un dĂ©tenu ĂągĂ© d'entre 15 et 18 ans a Ă©tĂ© violĂ© par un agent en civil. La scĂšne a Ă©tĂ© photographiĂ©e par un soldat de sexe fĂ©minin. (Rapport Fay/Jones p. 82). Les photos relatives Ă  ce viol n’ont pas Ă©tĂ© divulguĂ©es mais sont mentionnĂ©es dans diverses sources comme Seymour Hersh.

Incident no 23 : le , un dĂ©tenu a Ă©tĂ© frappĂ© contre un mur et battu. Le dĂ©tenu Ă©tait couchĂ© sur le ventre, les mains menottĂ©es dans le dos, et avec un sac sur la tĂȘte. Un soldat se tenait Ă  cĂŽtĂ© de lui avec le canon d’une arme braquĂ© sur sa tĂȘte. Un autre soldat Ă©tait agenouillĂ© Ă  cĂŽtĂ© du dĂ©tenu et lui administrait des coups de poing dans le dos. (Rapport Fay/Jones p. 82)

Incident no 24 : : une photo montre un dĂ©tenu accroupi sur une chaise pendant l’interrogatoire. (Rapport Fay/Jones p. 83 et 84)

Incident no 25 : le , deux jours aprĂšs l’arrivĂ©e d’un groupe de chiens Ă  Abu GhraĂŻb, officiellement lĂ  pour trouver des armes Ă  feu et des explosifs, plusieurs dĂ©tenus ont Ă©tĂ© menacĂ©s par des chiens extrĂȘmement agitĂ©s. (Rapport Fay/Jones p. 85). Beaucoup ont Ă©tĂ© mordus par des chiens.

Incident no 26 : des gardes de la police militaire ont effrayé deux jeunes détenus avec un chien. (Rapport Fay/Jones p. 85)

Incident no 27 : en , un prisonnier a été mordu par un chien à la cuisse. (Rapport Fay/Jones p. 86). Plusieurs photos de morsures de chiens ont été diffusées.

Incident no 28 : une photo célÚbre, prise aux alentours du , montre un détenu de nationalité syrienne, en tenue orange de prisonnier, agenouillé sur le sol, les mains liées dans le dos, face à un chien noir en laisse mais dépourvu de museliÚre. (Rapport Fay/Jones p. 86)

Incident no 29 : un rapport fait Ă©tat de chiens prĂ©sents lors des interrogatoires de son Ă©quipe le , mais prĂ©tend que les chiens Ă©taient muselĂ©s et tenus en laisse en permanence et ne s’approchaient qu’à une distance de 13 cm. (Rapport Fay/Jones p. 86)

Incident no 30 : un soldat amĂ©ricain rapporte que seuls les interrogatoires en prĂ©sence de chiens, muselĂ©s ou non, ont chez les dĂ©tenus, causĂ© des gĂȘnes ou des peurs extrĂȘmes. (Rapport Fay/Jones p. 87)

Incident no 31 : le rapport fait Ă©galement Ă©tat d’exemples d’interrogatoires oĂč la prĂ©sence de chiens n’a provoquĂ© aucune rĂ©action chez les personnes interrogĂ©es. (Rapport Fay/Jones p. 87)

Incident no 32 : deux soldats ont Ă©tĂ© tĂ©moins de la maniĂšre dont un dĂ©tenu, nu, a reçu un prĂ©tendu traitement plus « doux », consistant Ă  placer un chien en train d’aboyer sur son dos.

Incident no 33 : une forme courante d’humiliation sexuelle infligĂ©e Ă  plusieurs dĂ©tenus consistait Ă  leur faire porter des sous-vĂȘtements fĂ©minins, Ă©galement sur la tĂȘte. Une forme plus sĂ©rieuse consistait Ă  raser le pubis des dĂ©tenus pour les « prĂ©parer ».

Incident no 34 : le premier incident de nuditĂ© forcĂ©e connu est intervenu le , lorsqu’un dĂ©tenu a Ă©tĂ© dĂ©shabillĂ© par un interrogateur et laissĂ© nu dans sa cellule jusqu’au lendemain.

Incident no 35 : le , un dĂ©tenu ĂągĂ© de 17 ans a Ă©tĂ© interrogĂ© toute la nuit, nu, avec seulement un sac sur les parties gĂ©nitales. Pendant la sĂ©ance il lui Ă©tait ordonnĂ© de lever les mains, l’obligeant ainsi Ă  dĂ©couvrir ses parties gĂ©nitales.

Incident no 36 : en , pendant un interrogatoire, un soldat a ordonnĂ© Ă  un dĂ©tenu de soulever sa tenue de prisonnier jusqu’à la taille, faisant comprendre au dĂ©tenu qu’il serait dĂ©shabillĂ© s’il ne coopĂ©rait pas. Bien que la scĂšne ait Ă©tĂ© observĂ©e par un supĂ©rieur, celui-ci n’est pas intervenu. (Rapport Fay/Jones p. 90)

Incident no 37 : des photos prises en montrent des prisonniers nus, cagoulĂ©s ou portant des sous-vĂȘtements fĂ©minins sur la tĂȘte, et enchaĂźnĂ©s, soit Ă  la porte de leur cellule, soit Ă  leur lit. (Rapport Fay/Jones p. 91)

Incident no 38 : 11 photos ont Ă©tĂ© prises et publiĂ©es le . Elles montrent deux trĂšs jeunes filles dĂ©tenues, arrĂȘtĂ©es pour soupçons de prostitution. Les deux jeunes femmes prennent des poses[21], les photographes Ă©tant identifiĂ©s comme Sabrina Harman et Charles Graner. Sur l’une des photos, une dĂ©tenue soulĂšve son T-shirt et montre ses seins. Difficile de savoir s'il y a eu coercition ou pas, mais cela constitue une forme d’exploitation sexuelle ((Rapport Fay/Jones p. 91). On nous apprend aussi que les deux jeunes filles flirtaient avec deux policiers militaires.

Incident no 39 : le , une dĂ©tenue est dĂ©shabillĂ©e et mise en sous-vĂȘtements pour « comportement non coopĂ©ratif ». Les soldats chargĂ©s de l’interrogatoire ont mis fin Ă  l’interrogatoire et ont forcĂ© la prisonniĂšre Ă  marcher Ă  travers le camp en sous-vĂȘtements et avec une couverture. Les deux soldats chargĂ©s de l’interrogatoire ont simplement Ă©tĂ© rappelĂ©s Ă  l’ordre par leur supĂ©rieur pour avoir risquĂ© de dĂ©clencher des Ă©meutes, et se sont vus retirer l’autorisation de pratiquer des interrogatoires. (Rapport Fay/Jones p. 91)

Incident no 40 : aprĂšs qu’un dĂ©tenu a Ă©tĂ© abattu, aprĂšs avoir obtenu une arme avec l’aide de complice parmi les gardes irakiens et tirĂ© sur des soldats amĂ©ricains, 11 policiers irakiens ont Ă©tĂ© placĂ©s en dĂ©tention et des mesures sĂ©vĂšres, interdites, ont Ă©tĂ© employĂ©es, comme l’utilisation de chiens et la nuditĂ© forcĂ©e. (Rapport Fay/Jones p. 91)

Incident no 41 : de la documentation prouve que les supĂ©rieurs et les responsables militaires Ă©taient au courant des pratiques de torture, de l’utilisation de la nuditĂ© et des humiliations sexuelles comme technique d’interrogatoire, et des cellules d’isolement Ă  Abu GhraĂŻb (Rapport Fay/Jones p. 93)

Incident no 42 : le , l’isolement et des mesures de privations sensorielles ont Ă©tĂ© infligĂ©s Ă  un dĂ©tenu. (Rapport Fay/Jones p. 93)

Incident no 43 : en , un dĂ©tenu a Ă©tĂ© menacĂ© de la cellule d’isolement. Il s’est ensuite trouvĂ© dans cette cellule, couchĂ© sur le sol, complĂštement nu et la tĂȘte couverte jusqu’à la lĂšvre supĂ©rieure. (Rapport Fay/Jones p. 94)

Incident no 44 : le , les interrogateurs ont dit Ă  un dĂ©tenu qu’il Ă©tait « prĂ©vu qu’il soit transfĂ©rĂ© en isolement et au trou. » A peu prĂšs au mĂȘme moment, plusieurs Ă©vĂ©nements ont eu lieu : « la police militaire utilisait les dĂ©tenus comme mannequins d’entraĂźnement. Ils frappaient les dĂ©tenus pour s’entraĂźner. Ils leur administraient des coups dans le cou et les assommaient. Un dĂ©tenu Ă©tait tellement effrayĂ© ; le policier militaire lui tenait la tĂȘte et lui dit que tout allait bien se passer, il l’a ensuite frappĂ©. Le dĂ©tenu demandait pitiĂ© et le policier militaire trouvait ça amusant. » (Rapport Fay/Jones p. 95)

TĂ©moignages

La soldate Lynndie England est aperçue sur plusieurs photos aux cĂŽtĂ©s de prisonniers irakiens dĂ©nudĂ©s subissant sĂ©vices et humiliations sexuelles. Dans une interview accordĂ©e Ă  la chaĂźne amĂ©ricaine KCNC-TV (en) de Denver, elle affirme avoir agi sur instruction et contre sa volontĂ© lors de sĂ©ances de pose pour des photos destinĂ©es Ă  exercer des pressions psychologiques sur les dĂ©tenus[22]. À la question de savoir qui avait donnĂ© ces ordres, elle se contente de rĂ©pondre : « des personnes dans ma chaĂźne de commandement[22]. » « J'ai reçu l'instruction de personnes gradĂ©es de “me mettre debout lĂ , tenir cette laisse, regarder l'appareil photo”, et ils ont pris des photos pour les PsyOPs » (OpĂ©rations psychologiques), dit-elle[22]. « Nous avions le sentiment de faire notre travail. Ce qui veut dire que l'on faisait ce qu'on nous demandait de faire et qu'ils obtenaient les rĂ©sultats qu'ils souhaitaient. » Selon elle, ses supĂ©rieurs se montrĂšrent ravis des photos, disant « vous vous en sortez trĂšs bien, continuez ». Elle affirme : « Je ne voulais vraiment pas ĂȘtre sur quelque photo que ce soit », ajoutant qu'elle trouvait tout cela « plutĂŽt bizarre »[22].

Le soldat Jeremy Sivits, qui prit des photos des sĂ©vices dans la prison d'Abou GhraĂŻb, sera le premier Ă  comparaĂźtre en cour martiale Ă  Bagdad[23]. Il dĂ©crit les soldats rigolant et plaisantant alors qu'ils frappaient, dĂ©shabillaient et humiliaient sexuellement les dĂ©tenus, selon ses dĂ©clarations rapportĂ©es par la presse amĂ©ricaine[23] - [24]. Aux enquĂȘteurs militaires, il a dĂ©crit par exemple un prisonnier blessĂ© par balles et menottĂ© Ă  un lit, en train de supplier en hurlant, alors que le caporal de la police militaire Charles A. Graner, qu'il dĂ©crit comme l'un des chefs des tortionnaires, le frappait avec un bĂąton. « Certaines choses qu'on leur faisait faire me faisaient rire. D'autres choses me dĂ©goĂ»taient », a-t-il dĂ©clarĂ©. (Les transcriptions des dĂ©clarations de Sivits ont Ă©tĂ© fournies au Washington Post par l'avocat d'un des autres soldats impliquĂ©s)[24]. Selon Sivits, Graner s'amusait beaucoup Ă  ces sĂ©vices, et a une fois frappĂ© un dĂ©tenu si violemment Ă  la tĂȘte que ce dernier s'est Ă©vanoui. Quant au sergent Ivan Frederick, il forçait les dĂ©tenus Ă  se masturber, et semblait prendre plaisir Ă  les regarder se faire frapper, ajoute Sivits dans ses dĂ©clarations[24]. Quant au sergent Javal Davis, il s'est jetĂ© sur une pyramide de dĂ©tenus, puis « a marchĂ© sur leurs doigts ou orteils », les faisant hurler de douleur[24] - [25]. Davis, dans un appel tĂ©lĂ©phonique Ă  la chaĂźne ABC depuis le camp militaire de Bagdad oĂč il est aux arrĂȘts, a reconnu ces faits. Il affirme que s'il avait refusĂ© de maltraiter les prisonniers, il « aurait alors dĂ©sobĂ©i Ă  un ordre » venant des hommes du renseignement militaire (Military Intelligence). Sivits, qui coopĂšre avec les enquĂȘteurs et compte plaider coupable, risque des peines moins lourdes que ses collĂšgues. Ses rĂ©cits sont les plus dĂ©taillĂ©s parmi ceux des militaires mis en cause, et les avocats des autres soldats incriminĂ©s parlent de dĂ©clarations « fabriquĂ©es », et douteuses du seul fait qu'il a passĂ© un accord avec les procureurs. Alors que les autres gardes affirment avoir agi sur ordre de leurs supĂ©rieurs ou des responsables du renseignement militaire, Sivits a affirmĂ© que ces mauvais traitements n'Ă©taient pas autorisĂ©s par la hiĂ©rarchie, qui n'Ă©tait pas au courant.

Couverture médiatique

Premiers rapports d'Associated Press

Le , The Associated Press publie un long article[26] sur les traitements inhumains, tortures et exécutions qui se déroulent à Abou Ghraib et d'autres prisons américaines localisées en Irak. Cet article s'appuie sur des entretiens avec d'anciens détenus, racontant au journaliste Charles J. Hanley des cas d'intimidation par des chiens de garde et d'humiliation[27]. L'article attire l'attention des médias[28].

Tandis que l'armĂ©e amĂ©ricaine admet des cas d'abus au dĂ©but de 2004, une attention mĂ©diatique locale encore plus grande se fait sentir. Le , l'United States Central Command informe les mĂ©dias d'une enquĂȘte officielle concernant des cas d'agressions et d'humiliations envers des dĂ©tenus irakiens par un groupe de soldats amĂ©ricains. Le , 17 soldats sont suspendus de leurs fonctions. L'armĂ©e annonce le le passage de six soldats devant les tribunaux[29] - [30].

60 Minutes II

Lynndie England pointant du doigt un prisonnier dénudé forcé à se masturber devant ses geÎliers[31].

Ce n'est qu'Ă  partir de fin que le programme tĂ©lĂ©visĂ© amĂ©ricain 60 Minutes II (en) commence son enquĂȘte sur ces abus, montrant de nombreuses photos de tortures prises au sein de la prison[32]. La diffusion de cette enquĂȘte tĂ©lĂ©visĂ©e est retardĂ©e Ă  la suite d'une demande effectuĂ©e par le gĂ©nĂ©ral et chef d'Ă©tat-major du dĂ©partement de la DĂ©fense, Richard Myers. AprĂšs avoir appris la publication imminente d'un article du New Yorker Ă  ce sujet, CBS dĂ©cide de diffuser son programme le [33].

Dans ce programme, Dan Rather interviewe le gĂ©nĂ©ral Mark Kimmitt (en), dirigeant des opĂ©rations de la coalition en Irak : « La premiĂšre chose que je dirais, c'est que nous sommes Ă©galement consternĂ©s. Ce sont nos camarades. Ce sont des gens avec qui nous travaillons tous les jours, et qui nous reprĂ©sentent. Nous portons le mĂȘme uniforme, et ils dĂ©shonorent leurs camarades [
][32]. » Kimmitt explique Ă©galement : « Je voudrais bien rester assis ici en disant qu'il ne s'agit que du seul cas d'abus de prisonniers dont nous nous soucions, mais nous savons qu'il y a eu beaucoup de cas similaires depuis que nous avons dĂ©barquĂ© en Irak[32]. »

Articles du New Yorker

Un article datant de rĂ©digĂ© par Seymour M. Hersh du New Yorker parle en dĂ©tail de ces atrocitĂ©s. Le New Yorker, sous la direction de l'Ă©diteur David Remnick (en), poste un rapport de Hersh sur son site web, accompagnĂ© d'images de torture prises par les soldats dans la prison. L'article, intitulĂ© Torture at Abu Ghraib, est suivi deux semaines plus tard par deux autres sur le mĂȘme sujet, intitulĂ©s Chain of Command et The Gray Zone[33]. Les sources gardĂ©es secrĂštes de Seymour Hersh mentionnent l'existence d'un programme d'interrogatoire du nom de « Copper Green », un mauvais usage officiel et systĂ©mique des mĂ©thodes de torture.

Autres preuves de torture

Le soldat américain Charles Graner frappant, ou faisant semblant de frapper, des prisonniers irakiens menottés

Selon Donald Rumsfeld, secrĂ©taire de la DĂ©fense, de nombreuses autres vidĂ©os et photos d'abus prises Ă  Abou Ghraib existent. Des photos et vidĂ©os ont Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©es Ă  des avocats par le Pentagone lors d'un entretien privĂ© le . Les avocats s'accordent Ă  dire qu'elles sont pires que celles prĂ©cĂ©demment publiĂ©es par les mĂ©dias. Le sĂ©nateur Ron Wyden donne son avis sur ces photos expliquant qu'elles sont « significativement pires que tout ce que je pouvais imaginer [
] Prenez le pire des cas, et multipliez plusieurs fois la gravitĂ© de la situation. » La politicienne Ellen Tauscher (en) donne sa version et explique que ces photos ne sont « dramatiquement pas diffĂ©rentes[34]. » Un membre du dĂ©partement de la DĂ©fense explique que toutes ces photos impliquaient pornographie entre soldats amĂ©ricains, et ne montraient aucun abus envers des dĂ©tenus[35].

Ameen Saeed Al-Sheik, le dĂ©tenu immatriculĂ© 151362, rapporte certains faits au Washington Post en : « Ils ont dit, 'on va vous donner l'envie de crever mais ça n'arrivera pas' [
] Ils m'ont mis nu. L'un d'entre eux m'a dit qu'il me violera. Il a dessinĂ© une femme sur mon dos et m'a mis dans une position indĂ©cente en me tenant le derriĂšre[36]. » « L'un d'entre eux m'a demandĂ© 'Tu pries Allah ?'. J'ai rĂ©pondu 'oui'. Il m'a rĂ©pondu, 'va te faire [injure] et lui avec'. L'un d'entre eux m'a ensuite dit, 'tu repartiras pas d'ici indemne, mais en fauteuil roulant'. Puis il m'a demandĂ©, 't'es mariĂ© ?' et j'ai rĂ©pondu 'oui'. L'un d'eux a rĂ©pondu, 'si ta femme te voyait comme ça, elle aurait honte, mais elle aurait pas le temps vu comment je la bourrinerais' [...] Il m'a ensuite demandĂ© de remercier JĂ©sus pour me laisser en vie [...] Je lui ai dit, 'je crois en Allah', puis il a rĂ©pondu, 'moi, je crois en la torture et c'est ce que je vais te faire'[36]. »

The New York Times rapporte, le , d'autres témoignages sur les atrocités perpétrées à Abou Ghraib. Les soldats s'amusaient à :

  • uriner sur les dĂ©tenus ;
  • sauter sur la jambe d'un dĂ©tenu (sur une blessure dĂ©jĂ  faite par balle) afin qu'elle ne puisse pas guĂ©rir correctement ;
  • continuer Ă  tĂąter la jambe avec un morceau de ferraille pliable ;
  • saupoudrer de l'acide phosphorique sur les dĂ©tenus ;
  • sodomiser les dĂ©tenus Ă  l'aide d'un bĂąton ;
  • accrocher une corde aux jambes ou au pĂ©nis des dĂ©tenus et les traĂźner sur le sol[37].

Dans une vidĂ©o, une garde affirme que les prisonniers Ă©taient tuĂ©s Ă  la moindre incartade, et explique qu'ils sont mĂȘme en possession de serpents venimeux afin de mordre et tuer les prisonniers. La garde explique qu'elle « aurait des problĂšmes » pour avoir jetĂ© des pierres sur les dĂ©tenus[38].

Hashem Muhsen, l'un des dĂ©tenus de la prison, explique que les dĂ©tenus Ă©taient forcĂ©s Ă  ramper sur le sol et Ă  ĂȘtre attachĂ©s comme des mulets par les soldats amĂ©ricains. AprĂšs sa libĂ©ration en , Muhsen s'oriente vers une carriĂšre de policier irakien[39].

Le département de la Défense découvre la mort par torture d'un des détenus, Manadel al-Jamadi. Sa mort est considérée comme un homicide par l'armée américaine[11]. Un détenu clame qu'il aurait été sodomisé. Le Taguba Report (en) trouve la thÚse de la sodomie (« sodomiser un détenu avec un bùton lumineux, voire avec un manche à balai ») tout à fait crédible[40].

Suite judiciaires et poursuites réelles ou symboliques

Un seul haut gradé a été condamné, le général Janis Karpinski, pour « manquements graves à ses devoirs »[41]. Le reste des condamnations concerne surtout les soldats présents sur les photos (Graner condamné à 10 ans de prison, England à 3 ans, Harman à 6 mois etc.).

Les principaux responsables comme le gĂ©nĂ©ral Geoffrey Miller n’ont pas Ă©tĂ© poursuivis.

Jameelah Abbas Hameedi, une ancienne dĂ©tenue de la prison d’Abou Ghraib, a, avec un ancien dĂ©tenu de GuantĂĄnamo, poursuivi George W. Bush, Dick Cheney, Donald Rumsfeld et leurs conseillers juridiques Alberto Gonzales, David Addington (en), William Haynes (en), Jay Bybee (en) et John Yoo, qui ont Ă©tĂ© jugĂ©s par contumace en amĂ©ricains pour crimes contre l’humanitĂ©, et condamnĂ©s symboliquement dans un tribunal de Kuala Lumpur[42] - [43] Jameelah Abbas Hameedi portait le numĂ©ro 157574. Avant d’ĂȘtre amenĂ©e Ă  la prison d’Abou Ghraib, les forces amĂ©ricaines l’ont rudement battue et gravement blessĂ©e Ă  la jambe. Elle a Ă©tĂ© battue avec un bĂąton en plastique, dont un morceau lui est entrĂ© dans la jambe. Elle a Ă©tĂ© mise en sous-vĂȘtements et battue avec son neveu, nu quant Ă  lui, pendant des heures, puis elle a du rester debout pendant des heures sous peine d’ĂȘtre de nouveau battue. Sa fille a Ă©galement Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e avec elle, et les amĂ©ricains menacĂšrent de la violer et de la tuer si Madame Abbas Hameedi ne coopĂ©rait pas. La dĂ©tenue a dĂ» subir une opĂ©ration de la jambe, Ă  vif, sans anesthĂ©sie, pour retirer les Ă©clats de plastique. Jameelah a aussi Ă©tĂ© utilisĂ©e comme bouclier humain par les troupes amĂ©ricaines.

Lors de son arrivĂ©e Ă  Abou Ghraib, elle a pu voir un mĂ©decin, qui lui a prescrit des mĂ©dicaments, mais les interrogateurs amĂ©ricains lui ont interdit tout traitement. Elle a Ă©tĂ© enfermĂ©e dans une petite cellule de deux mĂštres sur deux, oĂč il faisait froid, pour aggraver ses blessures et laisser sa jambe s’infecter, et elle voyait et entendait prĂšs de sa cellule des dĂ©tenus se faire torturer Ă  l’eau froide et menacĂ©s par des chiens. On ne lui a jamais donnĂ© de vĂȘtements propres, la nourriture Ă©tait horrible. Elle est libĂ©rĂ©e le , et garde de graves sĂ©quelles Ă  la jambe Ă  la suite des coups et de l'interdiction de traitements mĂ©dicaux.

RĂ©actions

En 2007, Jean-Claude Pirotte publie une Ɠuvre, intitulĂ©e Absent de Bagdad[44], qui met en scĂšne le scandale d'Abou Ghraib. Ce roman constitue aussi un questionnement sur la dĂ©mocratie en Occident.

Le célÚbre avocat Jacques VergÚs à également écrit un livre sur le sujet, intitulé "La démocratie à visage obscÚne, le vrai catéchisme de George W. Bush" publié par les éditions de la Table ronde.

Notes et références

  1. Glenn Greenwald, « Other government agencies », Salon.com (consulté le ).
  2. Seymour M. Hersh, « Chain of Command », The New Yorker, (consultĂ© le ) : « NBC News later quoted U.S. military officials as saying that the unreleased photographs showed American soldiers “severely beating an Iraqi prisoner nearly to death, having sex with a female Iraqi prisoner, and ‘acting inappropriately with a dead body.’ The officials said there also was a videotape, apparently shot by U.S. personnel, showing Iraqi guards raping young boys.” »
  3. Mark Benjamin, « Taguba denies he's seen abuse photos suppressed by Obama: The general told a U.K. paper about images he saw investigating Abu Ghraib – not photos Obama wants kept secret. », (version du 11 juin 2009 sur Internet Archive).
  4. Seymour Myron Hersh, « The general's report: how Antonio Taguba, who investigated the Abu Ghraib scandal, became one of its casualties. », The New Yorker, (consultĂ© le ) : « Taguba said that he saw "a video of a male American soldier in uniform sodomizing a female detainee". ».
  5. « Iraq: Human rights must be foundation for rebuilding », sur https://www.amnesty.org, Amnesty International, (consulté le ).
  6. « Iraq: Continuing failure to uphold human rights », sur https://www.amnesty.org, Amnesty International, (consulté le )
  7. (en) Clayton Leir, « Horrifying Pictures Of Abu Ghraib Prison / TheRichest », sur therichest.com, (consulté le ).
  8. « Abou Ghraib: La triple faute américaine », sur Human Rights Watch (consulté le )
  9. « Le Monde.fr : Le rapport du CICR sur le traitement des prisonniers irakiens », sur www.mafhoum.com (consulté le )
  10. (en) Tom Head, « The Crucifixion of Manadel al-Jamadi », sur about.com (consulté le ).
  11. (en) Philip Gourevitch et Errol Morris, « Exposure: the woman behind the camera at Abu Ghraib », New Yorker: Annals of War, (consultĂ© le ) : « [We] kind of realized right away that there was no way he died of a heart attack [...] », p. 10–12.
  12. (en) « Reports detail Abu Ghraib prison death; was it torture? », sur MSNBC (consulté le ).
  13. (en) « Jane Mayer, "A Deadly Interrogation: Can the C.I.A. legally kill a prisoner? », sur New Yorker, (consulté le ).
  14. Duncan Gardham et Paul Cruickshank, « Abu Ghraib abuse photos 'show rape' », The Daily Telegraph, Londres, .
  15. Scott Higham et Joe Stephens, « New Details of Prison Abuse Emerge », (consultĂ© le ) : « Hilas also said he witnessed an Army translator having sex with a boy at the prison. », A01.
  16. Mark Benjamin et Michael Scherer, « “Sexual exploitation” », sur Salon (consultĂ© le )
  17. Luke Harding, « After Abu Ghraib », The Guardian, Londres, .
  18. Luke Harding, « Focus shifts to jail abuse of women », The Guardian, florida, .
  19. « Etats-Unis: le Pentagone publie des photos d'abus sur des prisonniers - Amériques - RFI », sur rfi.fr (consulté le )
  20. (en) « Female GI In Abuse Photos Talks », sur CBS News, (consulté le )
  21. (en) « US soldier jailed for Iraq abuse », sur BBC News, (consulté le ).
  22. (en) Associated Press, « Abu Ghraib guard tells of beatings », sur boston.com, (consulté le ).
  23. Ryan Ashley Caldwell, Fallgirls: Gender and the Framing of Torture at Abu Ghraib, (ISBN 1409429695, lire en ligne).
  24. Charles J. Hanley, « AP Enterprise: Former Iraqi detainees tell of riots, punishment in the sun, good Americans and pitiless ones », The San Diego Union-Tribune, (consulté le ).
  25. Charles J. Hanley, « Early accounts of extensive Iraq abuse met U.S. silence », Southeast Missourian,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  26. Greg Mitchell, « Four Years Later: Why Did It Take So Long for the Press to Break Abu Ghraib Story? », (consulté le ).
  27. (en) Michael Getler, « The Images Are Getting Darker », sur Washington Post, (consulté le ).
  28. (en) Thom Shanker, « 6 G.I.'s in Iraq Are Charged With Mistreating Prisoners », sur The New York Times, (consulté le ).
  29. (en) « English-language transcript of March 2008 interview with Lynndie England », Stern magazine, (consulté le ).
  30. (en) « Abuse Of Iraqi POWs By GIs Probed », CBS News, .
  31. (en) Seymour Hersh, « Abu Ghraib's lesson unlearned », The Guardian,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  32. Dan Glaister et Julian Borger, « 1,800 new pictures add to US disgust », The Guardian, Londres,
  33. Thom Shanker et Eric Schmitt, « Rumsfeld Accepts Blame and Offers Apology in Abuse », The New York Times, .
  34. (en) « Higham, Scott, and Stephens, Joe, "New Details of Prison Abuse Emerge" », sur Washington Post, (consulté le ).
  35. (en) Kate Zernike, « Detainees Depict Abuses by Guard in Prison in Iraq », New York Times, (consulté le ).
  36. Gethin Chamberlain, « Chilling new evidence of the brutal regime at Iraqi prison », The Scotsman, Édimbourg, Écosse,‎ (lire en ligne).
  37. « Former Iraqi Prisoners Recount Abuse – Former Iraqi Prisoners Recount Mistreatment by U.S. Soldiers », ABC News (consultĂ© le ).
  38. Antonio Taguba, « The "Taguba Report" On Treatment Of Abu Ghraib Prisoners In Iraq », Findlaw.com, (consulté le ).
  39. (en) « Blog », sur Criminalise War, (consulté le ).
  40. Pirotte, Jean-Claude, 1939-2014., Absent de Bagdad : roman, Paris, Table ronde, , 140 p. (ISBN 978-2-7103-2903-9 et 2-7103-2903-4, OCLC 78714707, lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Hersh, Seymour M. Chain of Command: The Road from 9/11 to Abu Ghraib. New York: HarperCollins, 2004. (ISBN 0-06-019591-6).
  • (en) Clemens, Master Sergeant Michael, Special Investigator, The Secrets of Abu Ghraib Revealed: American Soldiers on Trial. Dulles, VA: Potomac Books, Inc., 2010. (ISBN 1-59797-441-2).
  • (en) Tucker, Bruce and Sia Triantafyllos, « Lynndie England, Abu Ghraib, and the New Imperialism », Canadian Review of American Studies, vol. 38, no 1,‎ , p. 83–100 (DOI 10.3138/cras.38.1.83)
  • (en) Michael Clemens, The Secrets of Abu Ghraib Revealed: American Soldiers on Trial, Potomac Books, (ISBN 1-59797-441-2, lire en ligne).
  • (en) Philip Zimbardo, The Lucifer effect : How good people turn evil, Londres, Rider, , 551 p. (ISBN 978-1-84604-103-7 et 1-84604-103-1, lire en ligne).

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