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Saverio Bettinelli

Saverio Bettinelli ou Xavier Bettinelli (né le à Mantoue, en Lombardie – mort le ) était un religieux jésuite italien du XVIIIe siècle, qui fut également écrivain.

Saverio Bettinelli
Biographie
Naissance
Décès
Pseudonyme
Diodoro Delfico
Activités

Biographie

Serse re di Persia, 1800

Saverio Bettinelli naquit à Mantoue le . Après avoir étudié sous les jésuites, dans sa patrie et à Bologne, il entra, en 1736, au noviciat de cette société. Il y fit un nouveau cours d’études, et enseigna ensuite les belles-lettres, depuis 1739 jusqu’en 1744, à Brescia, où le cardinal Querini, le comte Mazzuchelli, le comte Duranti et d’autres savants, composaient une illustre académie. Il commença à s’y faire connaitre par quelques poésies composées pour les exercices scolastiques. Envoyé à Bologne pour y faire sa théologie, il continua en même temps de cultiver son talent poétique, et fit aussi, pour le théâtre de ce collège sa tragédie de Jonathas. Le nombre des savants et des littérateurs réunis dans cette ville surpassait de beaucoup celui qu’il avait trouvé à Brescia. L’institut récemment fondé par le comte Marsigli, l’académie Clémentine du dessin, l’école de l’astronome poète Manfredi, la réputation naissant de ses savants et ingénieux élèves, Zanotti, Algarotti, etc., fixaient alors sur Bologne les regards du monde littéraire. C’est au milieu de cette réunion, où il fut admis, que Bettinelli acheva son éducation, et atteignit l’âge de trente ans. Il passa, en 1748, à Venise, où il alla professer la rhétorique. Il en sortit pour d’autres missions, et y retourna plusieurs fois. On voit par quelques-unes de ses épîtres en vers libres, ou sciolti, qu’il y fut lié d’amitié avec tout ce que cette ville et cet Etat possédaient alors de plus illustre. Il fut destiné par ses supérieurs à la carrière oratoire ; mais la faiblesse de sa poitrine le força d’y renoncer. La direction du collège des nobles, à Parme, lui fut confiée en 1751 ; il y dirigeait principalement les études poétiques, historiques, et les exercices du théâtre ; il y resta huit ans ; mais ce ne fut pas sans voyager dans plusieurs villes d’Italie, soit pour les affaires de sa compagnie, soit pour sa propre satisfaction ou pour sa santé. Il fit, en 1755, un plus long voyage, parcourut une partie de l’Allemagne, vint jusqu’à Strasbourg et à Nancy, et retourna par l’Allemagne en Italie, emmenant avec lui deux jeunes princes, fils ou neveux du prince de Hohenlohe, qui l’avait prié de se charger de leur éducation. Il fit l’année suivante un autre voyage en France avec l’ainé de ces deux jeunes princes, et logea, à Paris, au collège de Louis-le-Grand. Ce fut pendant ce voyage qu’il écrivit les fameuses Lettres de Virgile, et qu’elles furent imprimées à Venise avec ses sciolti et ceux de Frugoni et d’Algarotti. Les opinions, et, osons le dire nettement, les hérésies littéraires, spirituellement soutenues dans ces lettres contre les deux grandes lumières de la poésie italienne, et surtout contre le Dante[1], lui firent beaucoup d’ennemis, et, ce qu’il y eut pour lui de plus fâcheux, le brouillèrent avec Algarotti. Voulant connaitre de la France autre chose que Paris, il fit quelques excursions en Normandie et dans d’autres provinces ; il alla surtout en Lorraine, à la cour du roi Stanislas, d’où il se rendit à Lyon, et de là aux Délices, près de Genève, où il alla visiter Voltaire. Cette visite eut des particularités piquantes ; on en trouve plusieurs détails dans deux articles du Publiciste (26 brumaire et Ier frimaire an 7), mais avec beaucoup d’inexactitudes[2]. Par exemple, on y fait de Bettinelli un frère servite, au lieu d’un jésuite, et on le donne pour né à Vérone, tandis qu’il l’était à Mantoue. Voltaire ne l’ignorait pas, lorsqu’en lui envoyant à son auberge une édition de ses œuvres, il y joignit ce quatrain, où il faisait allusion aux Lettres de Virgile :

« Compatriote de Virgile,
Et son secrétaire aujourd’hui,
C’est à vous d’écrire sous lui :
Vous avez son âme et son style »

De Genève, où il consulta Tronchin, Bettinelli se rendit à Marseille, de là à Nîmes, et repassa par Gênes en Italie et à Parme, où il arriva en 1759. La même année, il fit un voyage à Venise, et de là à Vérone, avec intention de s’y fixer. Il y resta jusqu’en 1767 ; ayant repris les travaux de la prédication et de l’enseignement, il convertissait la jeunesse, dit Ippolito Pindemonte dans ses Poesie campestri, à Dieu dans l’église, et au bon goût dans sa maison. Il était depuis quelques années à Modène, et il venait d’y être nommé professeur d’éloquence, lorsqu’en 1773, l’ordre des jésuites fut aboli en Italie. Alors il retourna dans sa patrie, où il reprit ses travaux littéraires avec une nouvelle ardeur. Il y publia plusieurs ouvrages ; et regrettant, à ce qu’il paraît, d’avoir tant écrit dans sa vie, sans avoir pu jusqu’alors rien écrire pour plaire aux femmes, probablement à cause de l’habit qu’il portait, il s’en dédommagea en publiant de suite sa correspondance entre deux dames, ses lettres à Lesbie sur les épigrammes, ses lettres sur les beaux-arts, et enfin ses vingt-quatre dialogues sur l’amour. Il venait de les publier, en 1796, quand la guerre éclata de toutes parts en Italie, et quand le siège mis par les Français devant Mantoue l’obligea d’en sortir. Il se retira à Vérone, et s’y lia de l’amitié la plus intime avec le chevalier Ippolito Pindemonte, malgré la disproportion d’âge qui existait entre eux. En 1797, lorsque Mantoue se fut rendue, il y retourna, et, quoique presque octogénaire, il reprit ses travaux et sa manière de vivre accoutumée. Il commença, en 1799, une édition complète de ses œuvres, qui ne fut terminée que deux ans après : l’abbate Bettinelli, Opere ed inedite, in prosa ed in versi, Venise, 1801, 24 vol. in-12. Parvenu à l’âge de quatre-vingt-dix ans, il conservait encore sa gaieté et la vivacité de son esprit ; enfin, le , après quinze jours de maladie, il mourut avec la fermeté d’un philosophe et tous les sentiments d’un homme religieux.

Ĺ’uvres

Il serait trop long de donner la liste de tous ses ouvrages, et d’en spécifier les éditions séparées ; il suffira de les indiquer dans l’ordre où il les a placés lui-même dans cette dernière édition.

  • Ragionamenti filosofici, con annotazioni. Ces discours philosophiques, qui remplissent les deux premiers volumes, forment un cours de morale religieuse, dans lequel l’auteur avait eu dessein de montrer l’homme sous tous les rapports et dans tous les Ă©tats, en suivant l’ordre des livres saints, et traitant d’abord de l’homme crĂ©Ă©, de l’homme raisonnable, de l’homme maitre des crĂ©atures, et ensuite de l’homme dans les diffĂ©rents Ă©tats d’isolement, de sociĂ©tĂ©, d’innocence, d’erreur, de repentir, etc. Il n’en a Ă©crit que dix discours ; les notes sont-elles de petits traitĂ©s philosophiques sur la beautĂ© en gĂ©nĂ©ral, sur la beautĂ© d’expression, sur la physionomie, etc.
  • Dell’Entusiasmo delle belle arti, 2 vol. en 5 parties, dont la dernière est un appendice des deux autres, et traite de l’histoire de l’enthousiasme chez les diffĂ©rents peuples, et de l’influence qu’ont eue sur l’enthousiasme, les climats, les gouvernements, et toutes les modifications sociales. Dans les deux premières parties, l’auteur, qui n’était pas très sujet Ă  l’enthousiasme, en parle quelquefois peu clairement, se gonfle, au lieu de s’élever, et, cherchant avec effort une chaleur qui lui est Ă©trangère, reste froid.
  • Dialoghi d’amore, 2 vol. Le but de l’auteur est de montrer l’influence que l’imagination, la vanitĂ©, l’amitiĂ©, le mariage, l’honneur, l’amour de la gloire, l’étude des sciences, la mode, ont sur cette passion, et ensuite l’empire qu’elle exerce dans les productions des arts, de l’esprit, et surtout de l’art dramatique. Le dernier qui a pour titre : de l’Amour et de PĂ©trarque, est suivi de l’éloge de PĂ©trarque, l’un des meilleurs morceaux de l’auteur.
  • Risorgimento negli studj, nelle arti e ne’ costumi dopo il mille, Bassano, 1775, 2 vol. in-8° ; ouvrage regardĂ© en Italie comme superficiel, mais qui cependant contient des aperçus lumineux, et oĂą les faits sont souvent prĂ©sentĂ©s sous un point de vue philosophique qui ne manque ni de nouveautĂ©, ni de justesse[3].
  • Delle Lettere e delle Arti Mantovane ; lettere ed arti Modenesi, etc., 4 vol., presque tout rempli, comme on voit, de morceaux d’histoire littĂ©raire, principalement consacrĂ©s Ă  la gloire de Mantoue, patrie de l’auteur.
  • Lettere dieci di Virgilio agli Arcadi, 1 vol. Ces lettres, qui ont Ă©tĂ© traduites en français d’abord par Langlard, 1759, in-12, puis par Pommereul, Florence (Paris), 1778, in-8°, sont de tous les ouvrages de Bettinelli celui qui a fait le plus de bruit. Les admirateurs des deux anciens poètes qui font le plus d’honneur Ă  l’Italie ne les lui pardonnent pas encore. Elles sont suivies, dans ce volume, des Lettere d’un Inglese ad un Veneziano, qui roulent un peu vaguement sur divers sujets de littĂ©rature.
  • Lettres italiennes d’une dame Ă  son amie sur les beaux-arts, et Lettres d’une amie, tirĂ©es de l’original et Ă©crites au courant de la plume, 3 vol. dont les Lettres sur les beaux-arts ne remplissent que le premier.
  • Poesie, 3 vol., conteriant sept petits poèmes, ou poemetti ; seize Ă©pitres en vers libres (versi sciolti), des sonetti, canzoni, etc. Sans s’y montrer jamais grand poète, l’auteur y est toujours poète Ă©lĂ©gant et ingĂ©nieux. Ces trois volumes sont prĂ©cĂ©dĂ©s d’un très bon discours sur la poĂ©sie italienne. Plusieurs des Ă©pitres et des poemetti sont assaisonnĂ©s du sel de la satire : tel est le poème en quatre chants intitulĂ© le Raccolte (les Recueils), dans lequel Bettinelli tourne spirituellement en ridicule ces insipides recueils de vers que l’on voyait de son temps paraitre Ă  tout propos en Italie.
  • Tragedie, 2 vol. ; ces tragĂ©dies sont : Xercès, Jonathas, DĂ©mĂ©trius Poliorcètes, et Rome sauvĂ©e, traduite de Voltaire ; elles sont prĂ©cĂ©dĂ©es de quelques lettres Ă©crites en français et d’un discours en italien sur la tragĂ©die italienne. Quelques lettres sur la tragĂ©die, une entre autres sur les tragĂ©dies d’AlfiĂ©ri, viennent ensuite ; et le second de ces deux volumes est terminĂ© par un Ă©loge du Père Granelli, jĂ©suite, prĂ©dicateur et poète, auteur de quatre tragĂ©dies estimĂ©es, et qui le sont surtout pour l’élĂ©gance et la beautĂ© du style: Sedecia, Manasse, Dione et Seila ; celles de Bettinelli leur sont fort infĂ©rieures.
  • Lettere a Lesbia Cidonia sopra gli epigrammi, 2 vol. : ce sont vingt-cinq lettres mĂŞlĂ©es d’épigrammes, de madrigaux, et autres petites pièces, les unes traduites, les autres originales.
  • Enfin, un Essai sur l’éloquence, suivi de quelques lettres, discours et autres mĂ©langes, 2 vol. Il y aurait de la tĂ©mĂ©ritĂ© Ă  porter un jugement sur une si grande diversitĂ© d’ouvrages, dont l’auteur a cessĂ© depuis si peu de temps d’écrire et de vivre. Il semble, en gĂ©nĂ©ral, qu’il y brille plus d’esprit et de talent que de chaleur et de gĂ©nie ; que l’on y trouve des opinions littĂ©raires dictĂ©es par un goĂ»t qui n’était pas toujours sĂ»r, et qui, Ă©noncĂ©es publiquement de trop bonne heure, ont souvent mis l’auteur dans l’embarras, ou de se rĂ©tracter, ou de persister, avec un jugement plus formĂ©, dans ce qu’il sentait bien ĂŞtre des erreurs de jeunesse ; que sa philosophie, dont la partie morale est très pure, n’a, lorsqu’il veut s’élever Ă  des questions mĂ©taphysiques, ni des principes assez dĂ©finis, ni des dĂ©ductions assez prĂ©cises, et qu’elle est souvent verbeuse et dĂ©clamatoire ; mais que, si ses idĂ©es ne sont pas toujours dignes d’éloge, son style l’est presque toujours ; qu’après avoir eu aux yeux des philologues italiens le tort de respecter trop peu les grands Ă©crivains du 14e siècle, il doit avoir auprès d’eux le mĂ©rite d’être reste constamment attachĂ© Ă  ceux du 16e siècle, et aux auteurs ses contemporains, qui les ont pris pour guides ; enfin d’avoir dĂ©fendu jusqu’à la fin, par ses opinions par son exemple, la plus belle des langues vivantes, la corruption qui la menace, ou plutĂ´t l’envahit de toutes parts[4].

Notes et références

  1. L’auteur de l’Enfer est comparé, dans ces lettres, au vieil Ennius.
  2. L’auteur de ces articles Ă©tait Suard, qui les avait dĂ©jĂ  insĂ©rĂ©s dans ses MĂ©langes de littĂ©rature, t. Ier. Barbier, dans son Dictionnaire des anonymes, reproduit l’erreur de Suard, qui avait fait Bettinelli un religieux servite.
  3. L’auteur y traite de l’état où la musique s’était trouvée depuis l’an 1000 jusqu’en l’an 1500, et de la manière dont elle s’était relevée depuis ces temps d’ignorance, ce qui a engagé MM. Choron et Fayolle à comprendre Bettinelli dans leur Dictionnaire des Musiciens.
  4. On peut conférer cette notice avec celle qui se trouve insérée dans le Zeitgnossen, 3e série, 1er volume.

Voir aussi

Bibliographie

  • « Bettinelli (Xavier) », dans Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabĂ©tique de la vie publique et privĂ©e de tous les hommes avec la collaboration de plus de 300 savants et littĂ©rateurs français ou Ă©trangers, 2e Ă©dition, 1843-1865 [dĂ©tail de l’édition]

Articles connexes

Liens externes

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