Roswitha Scholz
Roswitha Scholz, nĂ©e en 1959 en Allemagne, se dĂ©finit comme une thĂ©oricienne sociale de gauche. Elle Ćuvre comme Ă©ditrice indĂ©pendante pour la revue EXIT! qu'elle a cofondĂ©e en 2004, aprĂšs avoir participĂ© au groupe et revue Krisis (fondĂ©s en 1986 Ă Nuremberg par Robert Kurz, Ernst Lohoff, Klaus Braunwarth et Udo Winkel).
Naissance |
Allemagne |
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Activité principale |
Théoricienne sociale de gauche |
Langue dâĂ©criture | Allemande |
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Mouvement | Critique de la valeur-dissociation (Wert-Abspaltungskritik) |
Genres |
Théorie critique radicale du patriarcat producteur de marchandises |
Ćuvres principales
- Le Sexe du capitalisme. « Masculinité » et « féminité » comme piliers du patriarcat producteur de marchandises (Crise et Critique, 2019)
- Simone de Beauvoir aujourd'hui. Quelques annotations critiques à propos d'une auteure classique du féminisme (Le Bord de l'eau, 2014)
- Das Geschlecht des Kapitalismus. Feministische Theorie und die postmoderne Metamorphose des Patriarchats (Horlemann, 2000)
- Differenzen der Krise - Krise der Differenzen. Die neue Gesellschaftskritik im globalen Zeitalter und der Zusammenhang von "Rasse, Klasse, Geschlecht und postmoderner Individualisierung" (Horlemann, 2005)
Inspirée par la théorie sociale de Theodor W. Adorno, elle a révolutionné le courant théorique de la critique de la valeur en 1992 avec son article « La valeur, c'est le mùle. ThÚses sur la socialisation par la valeur et la relation entre les sexes » initiant le courant théorique de la critique de la valeur-dissociation (Wert-Abspaltungskritik) qui non seulement enrichit la critique de la valeur (premiÚre maniÚre) de la question féministe, mais la transforme de fond en comble, tant au niveau du contenu que de la méthode.
Roswitha Scholz est, avec Robert Kurz et des membres de la revue EXIT!, lâune des principales thĂ©oriciennes du courant de la critique de la valeur-dissociation. Elle sâattache Ă thĂ©oriser une question qui demeure, selon elle, « un problĂšme non rĂ©solu » dans le fĂ©minisme, le lien interne entre capitalisme et patriarcat moderne ainsi que ses mĂ©tamorphoses, et Ă dĂ©passer les fĂ©minismes de lâĂ©galitĂ© et de la diffĂ©rence, les fĂ©minismes dĂ©constructionnistes, matĂ©rialistes, Ă©cofĂ©ministes et de la « lutte des classes ».
Ses axes théoriques sont le féminisme, le capitalisme, la « race », la classe, le genre et le sujet.
Ses écrits portent sur le racisme, l'anti-tziganisme, la critique de l'idéologie, l'épistémologie, la théorie critique, les marxismes et les rapports entre les sexes dans le capitalisme.
Biographie
Roswitha Scholz est nĂ©e le 28 septembre 1959 en Allemagne, dans un milieu populaire. Adolescente, elle suit un apprentissage dâassistante en pharmacie et travaille quelques annĂ©es chez un grossiste en produits pharmaceutiques. Puis, elle fait lâĂ©cole de la 2e chance et reprend des Ă©tudes en Ă©ducation spĂ©cialisĂ©e Ă lâUniversitĂ©, oĂč elle assiste Ă des sĂ©minaires de sociologie, philosophie, phĂ©nomĂ©nologie et sur lâĂcole de Francfort.
Dans les annĂ©es 1970, elle lit de la littĂ©rature existentialiste (Sartre, Beauvoir, Camus), psychanalytique (Freud, Adler, Jung et Reich), des essais fĂ©ministes (Alice Schwarzer, Carla Lonzi, Shulamith Firestone, Klaus Theweleit) et de lâantipsychiatrie (Basaglia, Szasz, Laing, etc). Elle se situe du cĂŽtĂ© de la gauche anti-autoritaire.
« Au dĂ©but raconte-t-elle, jâai identifiĂ© Marx au marxisme des pays de lâEst et aux K-Gruppen, et tout cela me semblait extrĂȘmement suspect. Ma position mâa placĂ© sans aucun doute au sein de la gauche anti-autoritaire »[1]. Mais au printemps 1984 elle rencontre Udo Winkel, un proche du cercle de Robert Kurz, et comme elle avait assistĂ© Ă un sĂ©minaire sur lâĂcole de Francfort qui exigeait des connaissances de base sur Marx et Le Capital, elle sâest donc inscrite Ă un cours dâintroduction proposĂ© par lâInitiative Marxistische Kritik fondĂ©e en 1984 et qui fut l'embryon du groupe Krisis. Ă partir des annĂ©es 1984-1986, elle participe alors Ă ce qui va devenir le groupe Krisis (Robert Kurz, Peter Klein, Klaus Braunwarth, Achim Bellgart, Ernst Lohoff, Franz Schandl, Norbert Trenkle, Udo Winkel, Petra Harmann, Karl-Heinz Wedel, et dâautres) qui va renouveler la critique marxienne de lâĂ©conomie politique et Ă©laborer une nouvelle « critique de la valeur ».
à cette époque, entre 1984 et 1992, la critique de la valeur ne s'ouvre, ni ne s'intéresse aux questions féministes (les membres du groupe Krisis sont dans leur grande majorité des hommes). Robert Kurz finit, à la suite de longs débats, par intégrer de plein droit le concept de dissociation dans celui de la valeur.
« Ă cause des conflits sur le fĂ©minisme, mais aussi sur les questions du sujet et de lâidĂ©ologie, jâĂ©tais partie prenante de la crĂ©ation du groupe Krisis en tant que marginale. On allait ensemble au bistro, mais au contraire des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, je nâavais plus de rapport de travail Ă lâintĂ©rieur du groupe Krisis. Jâavais formĂ© un groupe dâoutsiders avec dâautres personnes, qui toutefois nâĂ©tait pas encore arrivĂ© Ă la critique de la valeur-dissociation, mais qui Ă©voluait dans un cosmos dualiste : la critique du patriarcat-capitalisme. Dans ce groupe, nous avons Ă©tudiĂ© lâhistoire des mouvements fĂ©ministes et des textes de thĂ©orie fĂ©ministe[2].» Roswitha Scholz
Dans les annĂ©es 1990, Roswitha Scholz se dĂ©die de maniĂšre plus intense Ă lâĂ©laboration de la thĂ©orie de la valeur-dissociation, sans le soutien des hommes du groupe Krisis, voire en rencontrant leur hostilitĂ© :
« Je me sens souvent incomprise â mĂȘme par les amateurs de critique de valeur. Ils reçoivent mes Ă©crits sur la critique de l'Ă©conomie, et bien sĂ»r aussi ceux de Robert Kurz, mais ignorent les passages sur la critique de la valeur-dissociation. (...) On me dĂ©finit souvent sur la base de Robert Kurz. Krisis a toujours Ă©tĂ© une bande d'hommes. J'ai Ă©galement dĂ» travailler avec persĂ©vĂ©rance sur l'androcentrisme de Robert Kurz, jusqu'Ă ce qu'il rejoigne finalement ma thĂ©orie de la valeur-dissociation. Ce fut une bataille difficile pour introduire le fĂ©minisme dans le groupe des hommes. Je ne me sentais pas prise au sĂ©rieux en tant que femme, mais sans combat, on n'arrive Ă rien. Je me suis battu sur deux fronts : contre le dĂ©constructionnisme et contre les hommes de Krisis[3].» Roswitha Scholz
Sur un fond principal de conflits personnels existants de longue date entre Robert Kurz et Ernst Lohoff, les dissensions thĂ©oriques-politiques sont telles sur des sujets qui ne sont pas toujours discutĂ©s collectivement alors que l'Ă©laboration thĂ©orique de Kurz est particuliĂšrement vivace, que la scission du groupe Krisis devient inĂ©vitable et intervient en 2004. Roswitha Scholz participe alors, avec Robert Kurz et dâautres, Ă la fondation du groupe EXIT! et de sa revue, qui embrasse totalement la ligne thĂ©orique de la critique de la valeur-dissociation. Ă partir des annĂ©es 2000, les membres de l'actuel groupe Krisis finiront par reprendre le concept de dissociation, mais dans une acception beaucoup plus gĂ©nĂ©rale qui ne sera pas reconnue par Roswitha Scholz.
« Toute lâatmosphĂšre de Krisis Ă©tait imprĂ©gnĂ©e de comportements sexistes â comme dans beaucoup de groupes de gauche. Cela est allĂ© tellement loin quâaprĂšs un diffĂ©rend, un homme de Krisis mâa giflĂ©e. Ăa mâa complĂštement abasourdie ; je nâavais jamais imaginĂ© que ce genre de chose soit possible. Cependant, jâai choisi de considĂ©rer cet Ă©pisode comme un Ă©cart. Je nâai pas rĂ©sistĂ© davantage Ă lâĂ©poque parce que jâavais peur que tout le groupe se disloque, et alors, oĂč aurais-je publiĂ© ? Au dĂ©but des annĂ©es 2000, une femme (qui avec moi Ă©tait la seule encore prĂ©sente dans le noyau de Krisis, moins en tant que thĂ©oricienne comme moi que comme membre de la rĂ©daction) avait Ă©tĂ© exclue de la rĂ©daction parce quâelle avait repoussĂ© les avances dâun homme de Krisis. AprĂšs avoir Ă©tĂ© envoyĂ© sur les roses, il ne pouvait Ă©videmment plus la tolĂ©rer dans le groupe, parce quâil ne se sentait pas reconnu. Cet Ă©pisode fut le dernier motif qui entraĂźna la scission du groupe[2].» Roswitha Scholz
Roswitha Scholz a été mariée avec Robert Kurz (1943-2012).
Elle vit Ă Nuremberg en Allemagne.
Apports théoriques
Avec la thĂ©orie de la valeur-dissociation, Roswitha Scholz propose une critique fĂ©ministe du patriarcat-capitalisme au-delĂ du marxisme traditionnel et de tous les dĂ©veloppements postmoderne et post-structuraliste. Elle effectue une critique radicale de la modernitĂ© comprise comme patriarcat producteur de marchandises, ce qui la conduit Ă refuser de se laisser enfermer tant dans la croyance en un progrĂšs immanent de la modernitĂ©, que dans les « contradictions secondaires », lâessentialisme naturalisant, le diffĂ©rentialisme ou l'ontologie des relations de pouvoir de Michel Foucault.
Roswitha Scholz continue son Ă©laboration thĂ©orique en s'inspirant en partie d'Adorno, de la premiĂšre « critique de la valeur » encore androcentrique, tout en lâadossant Ă une critique dâautres courants fĂ©ministes comme le fĂ©minisme matĂ©rialiste, le marxisme-fĂ©ministe, lâĂ©cofĂ©minisme, le fĂ©minisme queer ou le fĂ©minisme dĂ©constructionniste (reprĂ©sentĂ© par Judith Butler, par exemple). Pour construire sa propre position, câest donc une thĂ©orisation qui sans cesse va amener des objections Ă des auteures comme Simone de Beauvoir [4], Nancy Fraser, Judith Butler, Maria Mies, Silvia Federici, Mariarosa Dalla Costa, Leopoldina Fortunati, Lise Vogel, Irene Dölling, Gudrun-Alexi Knapp, Tove Soiland, Frigga Haug, etc.
Plus quâun Ă©largissement de la critique marxienne de lâĂ©conomie politique, il sâagit dâune rĂ©volution thĂ©orique Ă lâintĂ©rieur dâune premiĂšre rĂ©volution thĂ©orique. Car la critique de lâĂ©conomie politique â reformulĂ©e par le courant de la critique de la valeur - nâest pas seulement enrichie par la question fĂ©ministe, elle en est complĂštement transformĂ©e tout autant au niveau du contenu que de la mĂ©thode.
« La critique de la valeur-dissociation ne part donc pas simplement du principe quâune critique de la valeur est insuffisante, mais elle porte cette critique Ă un niveau qualitatif inĂ©dit[2].» Roswitha Scholz
Critique du féminisme marxiste ou matérialiste
Elle va reprocher au fĂ©minisme marxiste traditionnel ou au fĂ©minisme matĂ©rialiste de mouler leurs comprĂ©hensions du patriarcat spĂ©cifiquement moderne dans la vision transhistorique et ontologique du matĂ©rialisme historique, câest-Ă -dire dans lâidĂ©e dâun primat de lâinfrastructure matĂ©rielle au sein des sociĂ©tĂ©s humaines, primat qui sera contestĂ© par lâanthropologie contemporaine. Ces fĂ©minismes pour saisir le rapport asymĂ©trique de genre moderne vont ainsi rester prisonniers de lâanalyse marxiste traditionnelle quâils vont simplement transposer par analogie sur ce qui assignĂ© au « fĂ©minin ». On pourrait parler de fĂ©minisme de recouvrement, dans ce sens oĂč loin de saisir le « dissociĂ© » fĂ©minin dans sa spĂ©cificitĂ© en Ă©vitant tout type de dĂ©rivation simple depuis le rapport-capital (rapport-valeur), on ne comprend le rapport asymĂ©trique entre les genres que par lâextension positive de la conceptualitĂ© marxiste traditionnelle telle quâelle se trouve utilisĂ©e pour saisir la sphĂšre masculine du travail abstrait (la sphĂšre « mĂąle » de lâĂ©conomie dâentreprise). Afin de prouver sa valeur (Ă©conomique et morale), on recouvre ainsi le « fĂ©minin dissociĂ© » et tout particuliĂšrement lâactivitĂ© domestique assignĂ©e aux femmes, sous le concept transhistorique de « travail » et de « mode de production » (un « mode de production domestique » dira Christine Delphy). Ce que montre Scholz, câest que ce fĂ©minisme en charriant le concept positif et transhistorique du travail du marxisme traditionnel, conduit paradoxalement Ă rĂ©ifier ces activitĂ©s dissociĂ©es, car toutes ces activitĂ©s assignĂ©es au « fĂ©minin » sont contraintes de se concevoir Ă travers les catĂ©gories patriarcales façonnĂ©es pour la production de marchandise, le monde mĂąle de lâĂ©conomie d'entreprise. Ce fut-lĂ , selon Scholz, toutes les limites du « dĂ©bat sur le travail domestique » dans les annĂ©es 1970, qui fut au travers dâune inflation du concept de « travail » qui nâĂ©tait pas bien dĂ©limitĂ© thĂ©oriquement et de ses accents parfois ouvertement « pro-travail », une tentative inconsciente et malheureuse de coupler le cadre androcentrique du capitalisme aux problĂ©matiques de genre. Les activitĂ©s assignĂ©es aux femmes furent ainsi conçues comme « travail reproductif » ou « travail domestique » sur le modĂšle du « travail productif » socialement valorisĂ© dans le marxisme traditionnel androcentrique, et par extension se trouvent ĂȘtre dĂšs lors recouvertes par les catĂ©gories et formes sociales en usage dans la sphĂšre du travail abstrait assignĂ©e au masculin.
La critique du rapport de valeur-dissociation
DĂšs sa rencontre avec le groupe Krisis, Roswitha Scholz soulĂšve un problĂšme : bien que la valeur - et le capital comme rapport social - y soient critiquĂ©s, le rapport asymĂ©trique de genre nâest pas du tout thĂ©matisĂ©. La logique capitaliste Ă©tait dĂ©crite comme un processus sexuellement neutre. Et Ă lâinstar du marxisme fĂ©ministe ou du fĂ©minisme matĂ©rialiste, quand la question patriarcale Ă©tait timidement thĂ©matisĂ©e, elle Ă©tait toujours dĂ©rivĂ©e du principe premier que reprĂ©sentait la logique capitaliste et relevait dâune simple « contradiction secondaire ». Câest ce que Roswitha Scholz va contester et critiquer en refusant Ă©galement de subsumer les tĂąches reproductives sous la catĂ©gorie de « travail » ou de « travail reproductif ».
Ce que Roswitha Scholz va thĂ©oriser comme la critique de la valeur-dissociation se formule sous une premiĂšre mouture dans son article programmatique « La valeur, câest le mĂąle. ThĂšses sur la socialisation par la valeur et la relation entre les sexes » (dans Krisis, no 12, 1992) et dont la traduction française a Ă©tĂ© publiĂ©e dans le recueil Le Sexe du capitalisme. « MasculinitĂ© » et « fĂ©minitĂ© » comme piliers du patriarcat producteur de marchandises (Ă©ditions Crise et Critique, 2019).
« Je pars du principe que ce nâest pas simplement la valeur comme sujet automate qui est une totalitĂ© constituante, mais quâil faut tout autant tenir compte des « circonstances » qui font que, dans le capitalisme, il y a aussi des activitĂ©s de reproduction qui sont rĂ©alisĂ©es, et quâelles sont accomplies avant tout par des femmes. Ce faisant, la « valeur-dissociation » signifie que les activitĂ©s de reproduction dĂ©terminĂ©es comme essentiellement fĂ©minines, mais aussi les sentiments, les qualitĂ©s et les attitudes (la sensualitĂ©, lâĂ©motivitĂ©, la sollicitude entre autres) qui y sont attachĂ©s sont prĂ©cisĂ©ment dissociĂ©s de la valeur/survaleur. DĂšs lors, les activitĂ©s fĂ©minines de reproduction dans le capitalisme ont un caractĂšre diffĂ©rent de celui du travail abstrait, câest pourquoi elles ne peuvent pas ĂȘtre facilement subsumĂ©es sous ce concept ; il sâagit dâun aspect de la sociĂ©tĂ© capitaliste qui ne peut pas ĂȘtre compris grĂące Ă lâappareil conceptuel marxien. Cet aspect, conjoint Ă la valeur/survaleur, se rattache nĂ©cessairement Ă elle, dâun autre cĂŽtĂ© il se trouve pourtant au dehors, et câest pourquoi il en est la condition prĂ©alable. La (sur)valeur et la dissociation se trouvent ainsi dans un rapport dialectique lâune Ă lâautre. Lâune ne peut pas ĂȘtre dĂ©duite de lâautre, mais les deux sont issues lâune de lâautre[2].» Roswitha Scholz
La thĂ©orie de la critique de la valeur-dissociation consiste Ă reposer la question du lien interne entre capitalisme et patriarcat moderne. La thĂšse est que dans la modernitĂ©, le patriarcat est le capitalisme, et le capitalisme est le patriarcat, ces dimensions sont indissociables. On ne peut penser la sociĂ©tĂ© moderne que sous les traits d'un « patriarcat producteur de marchandises ». Selon Roswitha Scholz, la sociĂ©tĂ© moderne constitue une totalitĂ© sociale brisĂ©e, fragmentĂ©e dâune façon nĂ©gative-dialectique, en deux pĂŽles : la « valeur » et la « dissociation ». La production de valeur est structurellement masculine et prĂ©suppose lâexistence d'une dissociation, Ă laquelle les femmes sont assignĂ©es, et qui est toujours subordonnĂ©e Ă la logique globale de la valeur.
MĂȘme si les femmes dans la modernitĂ© productrice de marchandises ne sont pas complĂštement libres de moments de la rationalitĂ© utilitariste et de normes protestantes, la dissociation de la valeur signifie en substance que certaines activitĂ©s de reproduction (dâĂ©ducation des enfants, de soin, de tĂąches domestiques, etc.), mais aussi les sentiments, qualitĂ©s et attitudes qui y sont liĂ©s (lâĂ©motivitĂ©, la sensibilitĂ©, lâassistance et le soutien, le soin, la prĂ©tendue faiblesse intellectuelle et de caractĂšre, jusquâĂ lâĂ©rotisme, la sexualitĂ©, « lâamour », etc.) sont dissociĂ©s du rapport de valeur, du systĂšme du travail abstrait capitaliste (fondĂ©e sur une rationalitĂ© de lâĂ©conomie dâentreprise attribuĂ©e au « mĂąle » et au masculin), et transformĂ©s en « contexte de vie fĂ©minin ». Ce « dissociĂ© fĂ©minin » est tout aussi essentiel Ă la reproduction et au fonctionnement de la sociĂ©tĂ© capitaliste, mais ne correspond pas Ă la logique de lâunivers de la valeur (capital), de la politique, de lâĂtat et de la science, qui va ĂȘtre connotĂ© comme « masculin ». Le sexe du capitalisme, valorisĂ© et hiĂ©rarchiquement supĂ©rieur, est alors celui du « mĂąle » et du masculin.
Ces activitĂ©s de reproduction dĂ©valorisĂ©es et infĂ©riorisĂ©es, ces sentiments, qualitĂ©s et attitudes assignĂ©s au « fĂ©minin » ont ainsi un autre caractĂšre que le travail abstrait et ne peuvent donc pas ĂȘtre simplement subsumĂ©es sous le concept de travail. Ils sont en quelque sorte l'« ombre portĂ©e de la valeur », et de par cette nature diffĂ©rente, ils ne peuvent pas ĂȘtre saisis par les instruments conceptuels de Karl Marx et sa critique de l'Ă©conomie politique (mĂȘme reformulĂ©e par la critique de la valeur). Ils sont nĂ©cessairement posĂ©s avec la valeur, ils lui appartiennent nĂ©cessairement, mais d'un autre cĂŽtĂ©, ils se trouvent en dehors d'elle et sont sa condition. Dans ce contexte, Scholz reconnaĂźt qu'il existe dans le capitalisme, d'une part, une logique abstraite d'« Ă©conomie de temps » qui relĂšve en principe de la sphĂšre de la production capitaliste (correspondant Ă la logique de rationalisation de l'entreprise) et, d'autre part, une logique de « dĂ©pense de temps » qui correspond Ă la sphĂšre de la reproduction « fĂ©minine ». Contrairement au fĂ©minisme marxiste, Scholz y voit une inadĂ©quation du concept marxiste positif de travail, qui ne peut justement pas ĂȘtre invoquĂ© pour la logique dissociĂ©e de la « dĂ©pense de temps ».
La dissociation constitue le « revers obscur de la valeur elle-mĂȘme », et non une positivitĂ© Ă affirmer. Il faut souligner que la sensualitĂ© apparemment immĂ©diate, l'attention aux autres, etc. dans le domaine de la reproduction, la mĂ©diation de la consommation et les activitĂ©s qui y sont liĂ©es, tout comme les besoins qui y sont satisfaits, sont eux-mĂȘmes des moments devenus historiques. Ils ne doivent pas ĂȘtre mal interprĂ©tĂ©s comme Ă©tant directement naturels, mĂȘme si manger, boire, aimer, etc. ne se rĂ©sument pas Ă des symbolisations, comme le prĂ©tendent les constructivismes vulgaires. Le « fĂ©minin dissociĂ© » ne constitue donc nullement un quelconque « mieux » (Ă la diffĂ©rence par exemple des courants Ă©cofĂ©ministes ou diffĂ©rentialistes).
La valeur-dissociation, un rapport dialectique
Roswitha Scholz insiste : ce nâest pas le capitalisme qui crĂ©e cette forme de patriarcat spĂ©cifique de la forme-valeur, les deux sont consubstantiels. La dissociation est le prĂ©supposĂ© de la valorisation, et inversement.
« Ma thÚse est que les tùches ménagÚres et de reproduction sociale ne sont pas seulement dissociées de la valeur économique et du travail abstrait, mais en représentent en outre la condition préalable tacite. Cette structure fondamentale, que je schématise ici à grands traits, imprÚgne la culture et la société dans leur totalité (...)[5].» Roswitha Scholz
La valeur et la dissociation en tant que rapports sociaux y entretiennent une « relation dialectique » et non une relation de dĂ©rivation ou de subsomption : « il nây a pas de hiĂ©rarchie de dĂ©rivation, les deux moments sâengendrent mutuellement, lâun est contenu dans lâautre ». « On ne peut pas simplement reprendre la critique originelle de la valeur [dĂ©veloppĂ©e par Krisis avant 1992] et considĂ©rer la ââvaleurââ pour le tout de la totalitĂ© », car « ce nâest pas seulement la valeur, et ce que lâon entend habituellement par lĂ , lâĂ©conomie, qui sont constitutives de la ââtotalitĂ©ââ » [6]. En rĂ©alitĂ©, « la dissociation du fĂ©minin est la condition fondamentale des rapports(-valeur) abstraits eux-mĂȘmes » [7] : La valeur possĂšde ses propres prĂ©supposĂ©s dans la dissociation, et inversement. La forme-valeur et le dissociĂ© constituent dĂšs lors une « unitĂ© nĂ©gative »[8], ils sont dans une relation de « co-constitution ». En ce sens, la dissociation constitue le « revers obscur de la valeur elle-mĂȘme », et non une positivitĂ© Ă affirmer, une non-identitĂ©, le fĂ©minin dissociĂ© ne constituant nullement un quelconque « mieux »
« Dâun point de vue historico-logique, le travail abstrait et la dissociation sont donc fondamentalement co-originaires ; on ne peut dire que lâun a engendrĂ© lâautre. Chacun est la condition prĂ©alable Ă la constitution de lâautre. En ce sens, le rapport dissociatif reprĂ©sente dâune certaine maniĂšre une mĂ©tastructure, contrairement Ă lâhypothĂšse rĂ©ductionniste selon laquelle la valeur est le seul principe de constitution, la nature mĂȘme des sociĂ©tĂ©s fondĂ©es sur la production marchande[9].» Roswitha Scholz
La « dissociation » est Ă la base de l'existence de la valeur comme forme sociale fĂ©tichiste : l'univers masculin de la marchandise, du travail abstrait, de la valeur, de la politique, de l'Ătat, des sciences, ne peut exister que parce qu'a Ă©tĂ© « dissociĂ© » et assignĂ© aux femmes un ensemble d'activitĂ©s, de sentiments, de caractĂšres et d'attitudes de nature diffĂ©rentes, tout aussi essentielles Ă la reproduction et au fonctionnement de la sociĂ©tĂ© marchande, mais qui ne correspondent pas Ă la logique de l'univers de la valeur.
« Le dissociĂ© fĂ©minin se trouve ainsi ĂȘtre lâAutre de la forme-marchandise comme un Ă©tant Ă part entiĂšre ; mais, dâun autre cĂŽtĂ©, il reste asservi et sous-valorisĂ© prĂ©cisĂ©ment parce quâil sâagit du moment qui est dissociĂ© au sein de la production sociale gĂ©nĂ©rale[10].» Roswitha Scholz
Les dimensions matérielle, socio-psychologique et culturelle-symbolique
Certaines qualitĂ©s moins valorisĂ©es (sensualitĂ©, Ă©motivitĂ©, faiblesse d'esprit et de caractĂšre, etc.) sont attribuĂ©es « Ă la femme » et dissociĂ©es de la subjectivitĂ© masculine moderne. De telles attributions spĂ©cifiques au sexe caractĂ©risent essentiellement l'ordre symbolique du patriarcat producteur de marchandises. Inversement, il n'est pas rare que les femmes s'identifient elles-mĂȘmes Ă ces attributions, et que les hommes s'identifient Ă des attributions inverses, la dissociation est alors pensĂ©e chez Scholz comme constitutive de la dimension socio-psychique du sujet « mĂąle » comme du non-sujet infĂ©riorisĂ© « femme ». Il convient donc de prendre en compte, au-delĂ du contexte socio-Ă©conomique, aussi bien la dimension socio-psychologique qui construit et façonne de lâintĂ©rieur la subjectivitĂ© des individus masculins comme fĂ©minins, que la dimension culturelle et symbolique. C'est prĂ©cisĂ©ment Ă ces niveaux que la valeur-dissociation s'avĂšre ĂȘtre le principe formel du patriarcat producteur de marchandises. La valeur-dissociation nâest donc pas seulement un rapport structurel, ou matĂ©riel (Ă la diffĂ©rence du fĂ©minisme matĂ©rialiste et marxiste), elle est aussi un « rapport socio-psychique spĂ©cifique » dans lâinstauration des individualitĂ©s (fĂ©minines comme masculines) et constitue Ă©galement une « dimension culturelle-symbolique » dĂ©terminante de la sociĂ©tĂ©, un « modĂšle de civilisation ».
Par consĂ©quent, selon Scholz, on ne peut pas non plus partir du principe, conformĂ©ment au schĂ©ma de base traditionnel, que le niveau matĂ©riel de la division du travail entre les sexes a la primautĂ©. Au contraire, le moment matĂ©riel, le moment culturel-symbolique et le moment socio-psychologique doivent ĂȘtre placĂ©s au mĂȘme niveau de pertinence. La dimension culturelle et symbolique, la maniĂšre dont se forment les reprĂ©sentations collectives de ce que sont les hommes et les femmes, est accessible par exemple par le biais d'analyses de discours Ă la suite de Michel Foucault (au-delĂ de son ontologie du pouvoir et des relations de pouvoir). L'aspect (socio)psychologique de l'ĂȘtre-homme, de l'ĂȘtre-femme et du devenir des individus capitalistes-patriarcaux peut ĂȘtre saisi Ă l'aide d'un instrument psychanalytique.
« Mais les catĂ©gories de lâĂ©conomie politique sont insuffisantes dâun autre point de vue encore ; la valeur-dissociation doit aussi ĂȘtre saisie comme un comportement socio-psychique spĂ©cifique. Certaines propriĂ©tĂ©s dĂ©considĂ©rĂ©es (la sensualitĂ©, lâĂ©motivitĂ©, la faiblesse de caractĂšre entre autres) sont dissociĂ©es du sujet masculin et projetĂ©es sur la femme. Ces attributions genrĂ©es caractĂ©risent essentiellement lâordre symbolique du capitalisme patriarcal. En ce qui concerne le rapport capitaliste entre les sexes, il convient par consĂ©quent de prendre en compte la dimension aussi bien socio-psychologique que culturelle-symbolique, au-delĂ du moment de la reproduction matĂ©rielle. Câest prĂ©cisĂ©ment aussi Ă ces niveaux que le patriarcat capitaliste apparaĂźt comme totalitĂ© sociale. Mais en ce qui concerne la valeur-dissociation comprise comme rapport social fondamental, il faut souligner quâil ne sâagit pas dâune structure figĂ©e, comme dans certains modĂšles structurels sociologiques, mais dâun processus[1].» Roswitha Scholz
L'ordre symbolique du patriarcat producteur de marchandises se caractĂ©rise donc par les hypothĂšses suivantes : La politique et l'Ă©conomie sont attribuĂ©es Ă l'homme ; la sexualitĂ© masculine est supposĂ©e ĂȘtre subjective, agressive, violente, etc. ; les femmes, en revanche, sont considĂ©rĂ©es comme des objets, des corps purs. L'homme est considĂ©rĂ© comme un ĂȘtre humain/un homme d'esprit/un vainqueur de corps, alors que la femme est considĂ©rĂ©e comme un non-homme, un corps. La guerre a une connotation masculine, tandis que les femmes sont considĂ©rĂ©es comme pacifiques, passives, sans volontĂ©, sans esprit. Les hommes doivent aspirer Ă la gloire, Ă la bravoure, Ă des Ćuvres immortelles. Les femmes sont chargĂ©es de s'occuper des individus et de l'humanitĂ©. Ce faisant, leurs actions sont socialement dĂ©valorisĂ©es et oubliĂ©es dans la thĂ©orisation, la sexualisation de la femme Ă©tant Ă©dictĂ©e depuis sa subordination Ă l'homme et sa marginalisation sociale Ă©tant inscrite dans cet ordre symbolique. L'homme est considĂ©rĂ© comme un hĂ©ros et comme un travailleur. La nature, auquel le fĂ©minin est assignĂ©, doit ĂȘtre soumise et dominĂ©e de maniĂšre productive. L'homme est constamment en compĂ©tition avec les autres, etc. Cette conception dĂ©termine Ă©galement les reprĂ©sentations de la sociĂ©tĂ© moderne dans son ensemble. La capacitĂ© et la volontĂ© de rendement, la dĂ©pense rationnelle, « Ă©conomique » et efficace de temps dĂ©terminent le modĂšle de civilisation Ă©galement dans ses structures objectives en tant que contexte global, dans ses mĂ©canismes, son histoire, ainsi que dans les modĂšles d'action des individus. Dans cette mesure : La valeur, c'est l'homme. Le modĂšle de civilisation produisant des marchandises a donc pour condition prĂ©alable l'oppression des femmes, la marginalisation des femmes ainsi que la nĂ©gligence du social et de la nature. Ainsi, sujet-objet, esprit-nature, domination-soumission, homme-femme sont des dichotomies typiques, des oppositions antagonistes du patriarcat producteur de marchandises.
Historicité et dynamique du patriarcat producteur de marchandises
Roswitha Scholz nâenvisage pas le patriarcat comme un concept transhistorique. Lâexistence du patriarcat, tel quâil existe dans la sociĂ©tĂ© contemporaine, ne doit pas ĂȘtre dĂ©rivĂ©e depuis un patriarcat prĂ©moderne, qui aurait existĂ© depuis la nuit des temps. Le rapport asymĂ©trique de genre contemporain nâest pas un reste prĂ©capitaliste, il doit ĂȘtre examinĂ© dans les limites de la modernitĂ©-postmodernitĂ©. Scholz va donc prendre le tournant de la spĂ©cification historique du patriarcat moderne, en parlant dâun «patriarcat spĂ©cifique de la forme-valeur » ou du « patriarcat producteur de marchandises ». Cela ne veut pas dire que ce rapport n'a pas d'histoire, mais qu'il prend une toute nouvelle qualitĂ© avec la gĂ©nĂ©ralisation de la production de marchandises.
« Selon la thĂ©orie de la dissociation-valeur, il faut donc partir du fait que le rapport moderne entre les sexes doit ĂȘtre analysĂ© dans le contexte du patriarcat producteur de marchandises (tout comme la valeur elle-mĂȘme) et, en consĂ©quence, non pas comme une donnĂ©e transhistorique, « parallĂšlement » aux diffĂ©rentes formations sociales. Cela ne signifie pas quâil est sans prĂ©histoire. Il nâen reste pas moins que le rapport entre les sexes atteint dans la modernitĂ© marchande une qualitĂ© tout Ă fait nouvelle, dont il faut tenir compte Ă la fois au niveau thĂ©orique et analytique[10].» Roswitha Scholz
Ce rapport bicĂ©phale dialectique de valeur-dissociation en tant que structure sociale de base liĂ© au surgissement de la modernitĂ© n'est pas stable ou figĂ©e, il est de plus un processus historique et dynamique, une « forme fondamentale modifiĂ©e » dont les formes (travail, structure de la famille, reprĂ©sentations, rĂŽles sociaux, classes, modĂšles pratiques, etc.) ne sont pas toujours les mĂȘmes depuis les XVIIeâââXIXe siĂšcles, mais se modifient au cours de lâhistoire de la modernitĂ© productrice de marchandises. Câest-Ă -dire que Scholz soutient la nĂ©cessitĂ© de prendre en compte « une essence quâil faut nommer sans justement laisser de cĂŽtĂ© pour autant les manifestations actuelles de la valeur-dissociation » [11]. Scholz va donc faire lâhistoire du rapport valeur-dissociation : depuis la « dissociation primitive », la chasse aux sorciĂšres et la « haine des femmes originelle », en passant par la domestication de la femme mĂšre/Ă©pouse/fille dâabord dans la bourgeoisie et par la suite dans toute la sociĂ©tĂ© en suivant l'intĂ©gration du prolĂ©tariat, puis la pseudo-Ă©mancipation de la pĂ©riode fordiste, et enfin la brutalisation du patriarcat depuis les annĂ©es 1970/1980 et la vague nĂ©o-rĂ©actionnaire viriliste (retour fantasmĂ© Ă la famille, au travail, Ă la nation, etc.) qui va de pair avec lâhyperindividualisation.
« (...) il faut toutefois prendre en compte Ă©galement des rapports patriarcaux construits autrement, auxquels sâest superposĂ© le patriarcat moderne-occidental rĂ©ifiĂ© dans le cadre du dĂ©veloppement du marchĂ© mondial, sans quâils aient totalement perdu leur particularitĂ©[12].» Roswitha Scholz
Roswitha Scholz distingue trois grandes périodes[13] :
- Un patriarcat correspondant Ă la pĂ©riode de lâaccumulation primitive qui au cours des premiĂšre puis seconde mondialisations (XVeâââXIXe siĂšcles), sâest structurĂ© en fonction des aires gĂ©ographiques Ă partir de matĂ©riaux culturels-symboliques et de modĂšles dâaction spĂ©cifiques hĂ©ritĂ©s de patriarcats prĂ©modernes.
- Un patriarcat moderne classique reposant sur « ses propres bases » Ă lâĂ©poque de la phase dâascension du capitalisme. Il se caractĂ©rise par un « modĂšle dualiste de genre » (femme au foyer et homme soutien de famille) ; et des mĂ©ga-identitĂ©s collectives fixes nationales et culturelles constitutives du sujet moderne dans cette phase (et des inclusions et exclusions correspondantes), etc. Les femmes sont dĂ©sormais responsables en premier lieu de la sphĂšre de la reproduction, moins valorisĂ©e, et les hommes de la sphĂšre de la production, de la sphĂšre publique (Ă©conomie, politique, science). Ainsi, la famille nuclĂ©aire telle que nous la connaissons n'est apparue qu'au XVIIIe siĂšcle ; de mĂȘme, la division de la sociĂ©tĂ© en une sphĂšre publique et une sphĂšre privĂ©e, au sens oĂč nous l'entendons, ne s'est formĂ©e qu'Ă l'Ă©poque moderne.
- Un patriarcat prĂ©tendument « postmoderne » composĂ© de diffĂ©rentes caractĂ©ristiques propres exprimant autrement le rapport essentiel de valeur-dissociation : dĂ©passement du « modĂšle dualiste de genre »; double socialisation des femmes par leur intĂ©gration au marchĂ© du travail (fin du modĂšle duel classique des rĂŽles de genre); discrimination persistante dans la sphĂšre professionnelle et secteurs dâactivitĂ© assignĂ©s « fĂ©minins » Ă lâendroit oĂč les femmes sont intĂ©grĂ©es dans lâĂ©conomie; effritement des identitĂ©s fixes nationales et culturelles au profit dâidentitĂ©s hybrides (dont des sous-identitĂ©s « ethniques »), câest-Ă -dire des « identitĂ©s mĂ©dianes, ayant des origines dans plusieurs cultures », formes de « barbarisation du patriarcat » dans le contexte de crise, femmes des pĂ©riphĂ©ries et des centres comme gestionnaires de crise, etc. Ces formes rĂ©pondent Ă la fois aux exigences de flexibilitĂ© du capitalisme globalisĂ© et sont des moments dâun capitalisme en effondrement. Scholz fait remarquer que ces « identitĂ©s hybrides exigĂ©es et produites par le capitalisme de crise globalisĂ© ne dissolvent en aucun cas les discriminations sexistes, racistes et antisĂ©mites ; elles sont plutĂŽt au contraire constitutives de leurs formes postmodernes nouvelles ».
Les différents niveaux macro, méso et micro-logiques
Roswitha Scholz va proposer, sous lâinfluence dâAdorno, un nouveau concept dâessence de la sociĂ©tĂ©. « Elle juge que les thĂ©ories postmodernes ont raison de dire quâil y a dâautres dimensions, dâautres discriminations qui sont Ă prendre en compte mais en mĂȘme temps, que ces mĂȘmes thĂ©ories ont tort dâabandonner ce niveau de lâessence, de la totalitĂ©[14]», explique ClĂ©ment Homs, membre cofondateur du collectif Ă©ditorial Crise et Critique. Cette thĂ©orie des niveaux a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e par Scholz et Robert Kurz Ă partir des annĂ©es 2000, Ă partir de la premiĂšre thĂ©orie de la diffĂ©renciation des moments et sphĂšres sociales de ce dernier et dans une confrontation avec l'anti-essentialisme des thĂ©ories postmoderne et post-structuraliste. Kurz et Scholz reprochant au post-structuralisme, et Ă Michel Foucault en particulier, une « dissolution de lâââessenceââ socio-historique dans une relationnalitĂ© phĂ©nomĂ©nologique de relations de pouvoir et leur construction (ou plutĂŽt leur deconstruction) »[15]. Câest-Ă -dire quâĂ lâopposĂ© dâune pensĂ©e postmoderne relativiste et anti-essentialiste qui ne fait aucune distinction essentielle entre les formes sociales historiquement diffĂ©rentes et en consĂ©quence ne s'Ă©tant pas forgĂ©e de concept spĂ©cifique du systĂšme du patriarcat producteur de marchandises et de ses catĂ©gories formelles de base, la thĂ©orie critique de la valeur-dissociation doit avoir pour ambition dâĂȘtre une « grande thĂ©orie » (Big Theory), « mais justement pas au sens traditionnel des grandes thĂ©ories androcentriques et universalistes de la modernitĂ© »[16]. Dans cette nouvelle conception relative de la totalitĂ©, il sâagit donc bien de garder la diffĂ©rence entre essence et phĂ©nomĂšne â dans la rĂ©fĂ©rence toujours ici Ă Adorno â sans que cela entre dans « un schĂ©ma parfait dans lequel Ă la fin, tous les comptes seraient justes ».
Roswitha Scholz et Robert Kurz mettent ainsi en place une théorie identifiant plusieurs niveaux dans la société moderne productrice de marchandise[17]:
- Le niveau macrologique (ou dit mĂ©ta-niveau) : correspond Ă lâessence catĂ©gorielle de la sociĂ©tĂ©, sa substantialitĂ© rĂ©elle (au sens dâune mĂ©ta-structure constante), elle est identifiĂ©e au rapport dialectique de la valeur-dissociation, constituĂ© par la projection-fĂ©tiche de la valeur rĂ©alisĂ©e concrĂštement au travers du bouclage rĂ©troactif de lâargent-capital sur lui-mĂȘme et le rapport asymĂ©trique de genre correspondant, situĂ©s dâun mĂȘme tenant au mĂ©ta-niveau de la formation sociale moderne. Cette substantialitĂ© rĂ©elle, brutale et nĂ©gative caractĂ©rise ce qui a la prĂ©tention à « lâabsoluitĂ© Ă usage interne » (R. Kurz) : le rapport-capital et la dissociation sexuellement spĂ©cifique correspondante. Ce rapport de valeur-dissociation traverse lâensemble de la sociĂ©tĂ© mais ne suffit pas Ă expliquer lâensemble des rĂ©alitĂ©s sociales prĂ©sentes dans la sociĂ©tĂ© productrice de marchandises. Le concept de la mĂ©ta-logique gĂ©nĂ©rale (le macro-niveau) visant Ă expliquer le fonctionnement dâensemble de la sociĂ©tĂ© contemporaine, doit ainsi ĂȘtre pensĂ© comme « un concept non-universaliste de totalitĂ© qui [doit] fait place aux diffĂ©rences » [18].
- Le niveau mésologique (dit aussi niveau socio-structurel ou socio-institutionnel) : on retrouve les institutions sociologiques, politiques, économiques, parentales, enfance, éducation, etc., les inégalités économiques et matérielles, les classes, les positions économiques, les racismes, les antisémitismes, les sexismes, l'antitziganisme, l'antivalidisme, l'ùgisme ; les différences entre les pays et les cultures ; les identités sociales ; les sphÚres différenciées, etc.
- Le niveau micrologique : le niveau individuel, au sens de la prise en compte l'individu. Les Individus correspondent au rapport structurel de la valeur-dissociation dans sa reproduction permanente mais ne sây rĂ©duisent pas. Scholz tient Ă conserver le principe de l'« unicitĂ© de lâindividu » et la nĂ©cessitĂ© de saisir toujours sa « participation » particuliĂšre (on trouve ici la nĂ©cessitĂ© dâune dialectique sujet-objet sur le plan individuel)
Scholz indique qu'il ne faut pas penser de hiĂ©rarchisation entre les niveaux, ils sâinterpĂ©nĂštrent et comprennent des dimensions autonomes et spĂ©cifiques par rapport aux autres niveaux. La perspective complexe que cherche Ă dĂ©velopper Scholz pour saisir lâensemble des phĂ©nomĂšnes de la formation sociale moderne, est « de saisir le problĂšme des diffĂ©rences Ă des niveaux distincts : la dimension socio-structurelle en ce qui concerne les distinctions entre des disparitĂ©s Ă©conomiques, le racisme, lâantisĂ©mitisme, le sexisme ; les diffĂ©rences selon les pays et les cultures ; le niveau individuel oĂč chacun reprĂ©sente un individu unique et incomparable qui ne se rĂ©duit pas aux structures, sans pour autant pouvoir sây dĂ©rober ; enfin, le niveau fondamental de la valeur-dissociation en tant que principe formel social qui, Ă lâopposĂ© dâune logique de dĂ©rivation classique et universaliste, fait exister de lâintĂ©rieur le particulier et les diffĂ©rences ». Câest dans ce cadre rĂ©flexif que Scholz en vient Ă poser les principes gĂ©nĂ©raux de sa saisie du « problĂšme des diffĂ©rences » dans sa relation Ă une nouvelle conception de la totalitĂ© de la sociĂ©tĂ©. Pour ce faire, elle va immĂ©diatement relativiser le « niveau gĂ©nĂ©ral » de lâuniversel rĂ©el de la valeur-dissociation et penser dâune maniĂšre particuliĂšre la relation entre les diffĂ©rents niveaux macro-, mĂ©so- et micrologique de la sociĂ©tĂ©. La principale source dâinspiration de Scholz pour penser de maniĂšre complexe cette architecture au moins sur un plan gĂ©nĂ©ral entre les niveaux, vient de la notion de « constellation » chez Adorno (le terme est utilisĂ© Ă plusieurs reprises, Scholz parlant de la nĂ©cessitĂ© dâune « pensĂ©e en constellation ») plutĂŽt que celle de « lâintersection » Ă laquelle elle sâoppose en rĂ©fĂ©rence aux thĂ©ories de lâintersectionnalitĂ© interprĂ©tĂ©es comme la continuation des travers de la pensĂ©e postmoderne/poststructuraliste. Elle pense ces niveaux sous le prisme de la sĂ©paration, de lâautonomie relative de chacun dâeux, de la non-hiĂ©rarchisation et de la traversĂ©e de chacun dâeux par le macro-niveau de la valeur-dissociation toujours Ă relativiser : « les diffĂ©rents moments [de la sociĂ©tĂ©] doivent ĂȘtre dĂšs le dĂ©part ââessentiellementââ mis en rapport au sens de la valeur-dissociation en tant que totalitĂ©. En mĂȘme temps, la catĂ©gorie de la valeur-dissociation connaĂźt dâavance ses propres bornes. Elle ne se place donc pas en tant quâabsolu, mĂȘme au nom du niveau gĂ©nĂ©ral, et sait en consĂ©quence reconnaĂźtre la vĂ©ritĂ© propre des niveaux ââparticuliersââ »[19] « Ainsi, une thĂ©orie globale ne peut donc jamais sâen remettre simplement Ă la totalitĂ© sociale existante »[20], il sâagit toujours de « maintenir la tension entre le gĂ©nĂ©ral, le particulier et le singulier, entre ce qui est commun et ce qui est diffĂ©rent »[21].
Autonomie et radicalité théorique
Lâautonomie de la thĂ©orie critique
« Au sein dâExit ! nous nâavons aucune ambiguĂŻtĂ© Ă ce sujet : nous sommes un groupe thĂ©orique, et nous considĂ©rons la thĂ©orie comme un domaine de pratique sociale Ă part entiĂšre qui ne peut pas ĂȘtre rĂ©duite au niveau du combat politique. En aucun cas nous ne sommes opposĂ©s Ă un engagement critique concret â au contraire â par exemple contre des tendances nĂ©ofascistes. Mais ce type dâengagement ne peut pas ĂȘtre opposĂ© Ă une Ă©laboration thĂ©orique nĂ©cessaire, et qui opĂšre Ă un niveau diffĂ©rent[2].» Roswitha Sholz
La radicalité théorique en dehors des institutions
« Je considĂšre quâune Ă©laboration thĂ©orique extra-institutionnelle est trĂšs importante. ParticuliĂšrement aujourdâhui, alors quâil devient Ă©vident quâil faut chercher des alternatives au capitalisme, la distance thĂ©orique et le classement des positions et des situations respectives sont indispensables afin de ne pas tomber dans des pseudo-concepts, qui ne font pas rĂ©ellement avancer la transformation sociale mais au contraire la freinent[1].» Roswitha Scholz
« En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, vous nâavez aucune influence rĂ©elle ni la possibilitĂ© de changer quoi que ce soit Ă lâuniversitĂ©, vous y ĂȘtes plutĂŽt formatĂ© et transformĂ© en « amphibien » (Horkheimer/Adorno) par souci de conservation. Cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas ou ne devez pas accepter des fonds tiers ni participer Ă des Ă©vĂ©nements de lâestablishment de gauche, mais pas Ă nâimporte quel prix. On trouve aussi des niches Ă lâuniversitĂ© qui permettent lâexistence de quelque chose de diffĂ©rent ; mais ce nâest pas la rĂšgle. Depuis ces niches, il faudrait ensuite porter ce contenu dans lâuniversitĂ© et y semer le trouble[1].» Roswitha Scholz
Pour lâabolition de la valeur et de la dissociation
« (...) la critique de la dissociation-valeur oppose lâobjectif dâune abolition de la valeur, de la forme-marchandise, de lâĂ©conomie de marchĂ©, du travail abstrait et de la dissociation â une perspective qui vise donc lâabolition du rapport gĂ©nĂ©ral rĂ©gissant la sociĂ©tĂ© marchande et qui doit opĂ©rer Ă la fois au niveau matĂ©riel, idĂ©el et socio-psychologique. Dans ce sens radical, ce sont, de façon gĂ©nĂ©rale, tous les niveaux et toutes les sphĂšres qui sont mis en question, ce qui inclut la critique de la famille nuclĂ©aire aujourdâhui en pleine dĂ©composition. Par consĂ©quent, il sâagit de dĂ©passer la « masculinitĂ© » et la « fĂ©minitĂ© » au sens connu, et avec elles les sexualitĂ©s prĂ©formĂ©es qui leur correspondent[10].» Roswitha Scholz
Ouvrages en français
- Roswitha Scholz, Le Sexe du capitalisme. « Masculinité » et « féminité » comme piliers du patriarcat producteur de marchandises, éditions Crise et Critique, 2019.
- Roswitha Scholz, Simone de Beauvoir aujourd'hui. Quelques annotations critiques à propos d'une auteure classique du féminisme, éditions Le Bord de l'eau, 2014.
- Roswitha Scholz, Forme sociale et totalité concrÚte. Sur l'urgence d'un réalisme dialectique aujourd'hui, éditions Crise & Critique, 2023.
Ouvrages en allemand
- Das Geschlecht des Kapitalismus. Feministische Theorie und die postmoderne Metamorphose des Patriarchats, Horlemann, B, Unkel 2000,
- Differenzen der Krise - Krise der Differenzen. Die neue Gesellschaftskritik im globalen Zeitalter und der Zusammenhang von "Rasse", Klasse, Geschlecht und postmoderner Individualisierung, Horlemann, B., Unkel 2005.
- Der Alptraum der Freiheit. Perspektiven radikaler Gesellschaftskritik. Essays, Kritiken, Polemiken (mit Robert Kurz und Jörg Ulrich), Ulmer Manuskripte, Blaubeuren 2005.
Articles en français
- Roswitha Scholz, « La valeur, câest le mĂąle. ThĂšses sur la socialisation par la valeur et la relation entre les sexes », article de 1992, traduction française publiĂ©e aux Ă©ditions Crise et Critique, 2019, dans âLe Sexe du capitalisme. « MasculinitĂ© » et « fĂ©minitĂ© » comme piliers du patriarcat producteur de marchandises" â.
- Roswitha Scholz, « Remarques sur les notions de âvaleurâ et de âdissociation-valeurâ », revue EXIT! (traduction française 2009) : https://www.exit-online.org/textanz1.php?tabelle=transnationales&index=6&posnr=151&backtext1=text1.php Palim-psao.fr (2017) : http://www.palim-psao.fr/2017/03/remarques-sur-les-notions-de-valeur-et-de-dissociation-valeur-par-roswitha-scholz.html.
- Roswitha Scholz, « Théorie de la dissociation sexuelle et théorie critique d'Adorno », symposium Roberto Schwarz de SaÔ Paulo, 2004 (traduction française Palim-psao.fr (2016).
- Roswitha Scholz, « La nouvelle critique sociale et le problÚme des différences : disparités économiques, racisme et individualisation postmoderne. Quelques thÚses au sujet de la valeur-dissociation à l'Úre de la mondialisation » (2004), paru dans Le Sexe du capitalisme, Albi, Crise & Critique, 2019.
- Dossier « Critique de la valeur, genre et dominations : Roswitha Scholz et la " dissociation-valeur" », revue Illusio, 2010 http://sd-1.archive-host.com/membres/up/4519779941507678/DossierCritiq_valeurIllusio.pdf.
- Roswitha Scholz, « Towards a big theory, but not in a usual way ! Remarques au sujet du gender, du queer, du néo-féminisme, de la crise fondamentale et de l'actualité de Marx du point de vue de la critique de la valeur-dissociation » (2011), paru dans Le Sexe du capitalisme, Albi, Crise & Critique, 2019.
- Roswitha Scholz, « Le tabou de l'abstraction dans le féminisme. Comment on oublie l'universel du patriarcat producteur de marchandises » (2011), paru dans Le Sexe du capitalisme, Albi, Crise & Critique, 2019.
- Roswitha Scholz, « Le queer a fait son temps. Entretien avec Roswitha Scholz », Palim-psao.fr (2013), paru sur dieStandard.at (2011).
- Roswitha Scholz, « L'importance d'Adorno pour le féminisme d'aujourd'hui. Bilan et perspectives d'une réception contradictoire » (2012), paru dans Le Sexe du capitalisme, Albi, Crise & Critique, 2019.
- Roswitha Scholz, « Marie, Ă©tends ton manteau Production et reproduction Ă lâheure du capitalisme en crise », revue EXIT!, (traduction française 2012).
- Roswitha Scholz, « DĂ©chets entre les dĂ©chets : les Roms et ânousâ », revue EXIT!, (traduction française 2012)
- Roswitha Scholz, « FĂ©minisme - Capitalisme - Ăconomie - Crise. Objections de la critique de la valeur-dissociation Ă l'encontre d'un certain nombre d'approches que propose la critique fĂ©ministe contemporaine de l'Ă©conomie » (2013), paru dans Le Sexe du capitalisme, Albi, Crise & Critique, 2019.
- Roswitha Scholz, « Le patriarcat producteur de marchandises. ThÚses sur capitalisme et rapport de genre », revue Jaggernaut no 1, éditions Crise et Critique, 2019.
- Roswitha Scholz, « Christophe Colomb forever ? Pour une critique des thĂ©ories actuelles de lâaccaparement des terres dans le contexte de lâeffondrement de la modernisation » (revue EXIT!, 2016), chapitre 4 âSilvia Federici : accumulation initiale, reproduction et mondialisationâ, publiĂ© sur Palim Psao (2022), article entier publiĂ© dans âLe Sexe du capitalisme. « MasculinitĂ© » et « fĂ©minitĂ© » comme piliers du patriarcat producteur de marchandises", Ă©ditions Crise et Critique, 2019.
- Clara Navarro Ruiz, « Valeur-dissociation, sexe et crise du capitalisme, Entretien avec Roswitha Scholz », Palim-psao.fr (2019), Exit-online.org (2017), revue Constelaciones. Revista de TeorĂa CrĂtica, Nr. 8-9 (2017).
- Roswitha Scholz, « Le problĂšme de la culturalisation du social Ă partir des annĂ©es 1980 », dans Katia Genel, Jean-Baptiste Vuillerod et Lucie Wezel (dir.), Retour vers la natureâ? Questions fĂ©ministes, Lormont, Le Bord de lâeau, 2020.
Articles en allemand (non-traduits)
- Die Maske des Roten Todes. Kasinokapitalismus, Frauenbewegung und Dekonstruktion (dans Krisis, no 15).
- Die Metamorphosen des teutonischen Yuppie. Wohlstandschauvinismus, 90er-Jahre-Linke und kasinokapitalistischer Antisemitismus (dans Krisis, no 15, 1995).
- Wert und GeschlechterverhĂ€ltnis (dans StreifzĂŒge 2/1999).
- IdentitĂ€tslogik und Kapitalismuskritik. Anmerkungen zu den Reaktionen der Linken auf die TerroranschlĂ€ge von New York und Washington (StreifzĂŒge no 3/2001, 2001).
- Der Mai ist gekommen. Ideologische Verarbeitungsmuster in der Krise in wertkritischen Kontexten (dans Exit !, no 2, 2005)
- Die RĂŒckkehr des Jorge. Anmerkungen zur "Christianisierung" des postmodernen Zeitgeistes und dessen dezisionistisch-autoritĂ€rer Wende (dans Exit! no 3, janvier 2006).
- Don't treat every "thing" alike ! Einige vorlÀufige Bemerkungen zu den Papieren von J. Ulrich, C-P. Ortlieb und Blaha/Wallner.
- Homo Sacer und die Zigeuner. Antiziganismus â Ăberlegungen zu einer wesentlichen und deshalb âvergessenenâ Variante des modernen Rassismus (dans Exit! no 4, juin 2007).
- ĂberflĂŒssigsein und Mittelschichtsangst (dans Exit ! no 5, 2008).
- Ohne meinen Alltours sag ich Nichts. Postmodern(-mÀnnliche) IdentitÀt zwischen Differenzierungswahn und vulgÀrmarxistischer !-Versicherung. Eine Replik auf Kritiken der Wert-Abspaltungstheorie (dans Exit !, no 7, 2010).
- Nach Postone. Zur Notwendigkeit einer Transformation der fundamentalen Wertkritik. Moishe Postone und Robert Kurz im Vergleich â und die Wert-Abspaltungskritik (dans Exit !, no 12, 11/2014).
- Fetish Alaaf ! Zur Dialektik der Fetischismuskritik im heutigen Prozess des âKollaps der Modernisierungâ. Oder: Wieviel Establishment kann radikale Gesellschaftskritik ertragen? (dans Exit !, no 12).
- Wert-abspaltungs-kritik und kritische Theorie, (dans Exit !, no 14, 2017).
- Das Ende der Postmoderne und der Aufstieg neuer (Pseudo-)Realismen (dans Exit !, no 15, 2018).
- It`s the class, stupid? Deklassierung, Degradierung und die Renaissance des Klassenbegriffs (Exit!-Seminar, 2018)
- Die Demokratie frisst immer noch ihre Kinder - heute erst recht ! (dans Exit !, no 16, 2019).
- Der Kapitalismus, die Krise ... die Couch â und der Verfall des kapitalistischen Patriarchats. Einige kritische Bemerkungen zum Lacan-Marxismus von Slavoj Zizek und Tove Soiland (dans Exit !, no 17, 2020).
- Frauenkampf = Klassenkampf als Antwort auf die fundamentale Krise? Geschlecht wieder einmal als Nebenwiderspruch!? Eine Kritik des Manifests »Feminismus fĂŒr die 99%« (dans Exit !, no 18, 2021).
- Marxismus â Feminismus â Kritische Theorie heute ... und die Wert-Abspaltungs-Kritik. Zur problematischen Insistenz auf Erfahrung, Praxis, Empirie, Subjekt, Klasse und die âgelebten RealitĂ€tenâ von Frauen im Verfall des kapitalistischen Patriarchats (2021).
Autres ressources
- Richard Sobel, « Marxisme et fĂ©minisme rĂ©conciliĂ©s ? Aux sources de la thĂ©orie de la valeur-dissociation de Roswitha Scholz », Ćconomia, 12-4 | 2022, 763-798.
- Christophe Gueugneau, « Robert Kurz et Roswitha Scholz : relire Marx contre les marxistes » (Médiapart, 16 août 2022, série Des idées oubliées pour rénover la gauche).
- Enregistrement audio de la rencontre présentation et discussion du livre Le Sexe du capitalisme. "Masculinité" et "Féminité" comme piliers du patriarcat producteur de marchandises de Roswitha Scholz, par Clément Homs et Benoßt Bohy-Bunel, membres du collectif éditorial Crise et Critique, Librairie Terra Nova, Toulouse, janvier 2020 https://www.canalsud.net/spip.php?page=article&id_article=3869
- Enregistrement audio de la prĂ©sentation de lâarticle « La valeur, câest le mĂąle. ThĂšses sur la socialisation par la valeur et la relation entre les sexes », de Roswitha Scholz, par BenoĂźt Bohy-Bunel, philosophe et membre du collectif Ă©ditorial Crise et Critique, La Maison du savoir, avril 2021 https://www.soundcloud.com/user-339671041/la-valeur-cest-le-male-de-roswitha-scholz-par-benoit-bohy-bunel
Ătudes
- Fabio Pitta, Le Brésil dans la crise du capital au XXIe siÚcle. Bulle des matiÚres premiÚres, capital fictif et critique de la valeur-dissociation (préface de Roswitha Scholz), Albi, Crise & Critique, 2021.
- Taylisi Leite, CrĂtica ao Feminismo Liberal: Valor-clivagem e Marxismo Feminista, Editora Contracorrente, 2020.
- Clotilde NouĂ«t, Lâanti-naturalisme face Ă la diffĂ©rence sexuelle. Trois perspectives matĂ©rialistes dans le champ du fĂ©minisme, dans Katia Genel, Jean-Baptiste Vuillerod et Lucie Wezel (dir.), Retour vers la nature ? Questions fĂ©ministes, Ă©ditions Le Bord de l'eau, 2020.
- Alvaro Briales, Pour une critique de toutes les formes de Travail. La théorie de la valeur-dissociation et les critiques féministes du capitalisme, Jaggernaut no 3, éditions Crise et Critique, 2020.
- Ernst Schmitter, Sackgasse Wirtschaft: Eine EinfĂŒhrung in die Wertkritik, Edition 8, 2019.
- Johannes Vogele, « Le cĂŽtĂ© obscur du capital âMasculinitĂ©â et âFĂ©minitĂ©â comme piliers de la modernitĂ©, revue EXIT!, 2007.
- Anselm Jappe, « Le "cÎté obscur" de la valeur et le don », Revue du MAUSS, 2009/2 (no 34).
- Richard Sobel, « Marxisme et fĂ©minisme rĂ©conciliĂ©s ? Aux sources de la thĂ©orie de la valeur-dissociation de Roswitha Scholz », Ćconomia, 12-4 | 2022, 763-798.
Adaptations théùtrales
- « Dans le dĂ©sert, lâespoir », par la cie Nageurs de nuit, crĂ©ation 2021. « Une performance-philosophique, Ă travers les pensĂ©es radicales, avec un groupe dâacteurs, chanteurs, danseurs ». Mise en jeu Roxane Borgna, dramaturgie BenoĂźt Bohy-Bunel, mise en corps Mitia Fedotenko, mise en voix Anna Andreotti. Avec Anna Andreotti, Roxane Borgna, Jean-Claude Fall, Mitia Fedotenko et Fanny Travaglino http://nageursdenuit.com/index.php/creations/dans-le-desert-l-espoir.
Notes et références
- Roswitha Scholz, « Valeur-dissociation, sexe et crise du capitalisme : Interview de Roswitha Scholz par Clara Navarro Ruiz » , sur Palim-psao.fr (2019), Exit-online.org (2017), revue Constelaciones. Revista de TeorĂa CrĂtica, Nr. 8-9 (2017) (consultĂ© le )
- Roswitha Scholz, « Valeur-dissociation, sexe et crise du capitalisme : Interview de Roswitha Scholz par Clara Navarro Ruiz » , sur Palim-psao.fr (2019), Exit-online.org (2017), revue Constelaciones. Revista de TeorĂa CrĂtica, Nr. 8-9 (2017) (consultĂ© le )
- (de) Roswitha Scholz, « âOhne Kampf geht es nichtâ. Roswitha Scholz im GesprĂ€ch mit Fabian Henning ĂŒber Wert-Abspaltung und Patriarchat. », Jungle World nÂș 44,â
- Elle lui consacrera un essai critique, Simone de Beauvoir aujourd'hui. Quelques annotations critiques à propos d'un auteur classique du féminisme (Le Bord de l'eau, 2014).
- Roswitha Scholz, « Le queer a fait son temps. Entretien avec Roswitha Scholz » , sur Palim-psao.fr (2013), dieStandard.at (2011) (consulté le )
- Roswitha Scholz, « Forme sociale et totalitĂ© concrĂšte. Sur l'urgence d'un rĂ©alisme dialectique pour aujourd'hui », dans Jaggernaut,â n°5, crise & critique, 2023.
- Roswitha Scholz, « Forme-sociale et totalitĂ© concrĂšte », op. cit.,â
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