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Ross Mark III

Créé par un Écossais, le baron Charles Ross, 9e du nom (en), le carabine à verrou Ross Mark III fut réglementaire dans les forces armées du Canada avant et pendant la Première Guerre mondiale. Il fut adopté officiellement par l'armée canadienne en mars 1903 et par la Gendarmerie royale du Canada en 1905, dans sa version Mark I. Doté d'un verrou à armement rectiligne, il tirait une munition spécifique et était très précis au tir. Souffrant de graves défauts, il fut modernisé et modifié pour devenir le Mark II, puis le Mark III en 1914. Il s'avéra bien vite impropre au combat dans la boue et dangereux pour ses utilisateurs, et fut remplacé par le Lee-Enfield Mark III sur le front après avril 1915, puis fut officiellement retiré en septembre 1916.

Ross Mark III
Image illustrative de l'article Ross Mark III
Le Ross Mk III
Présentation
Pays Drapeau du Canada Canada
Type carabine Ă  verrou
Munitions .303 british
Production 1905-1917
Poids et dimensions
Masse (non chargé) 3,9 kg
Longueur(s) 1 320 mm
Longueur du canon 711 mm
Caractéristiques techniques
Architecture MĂ©canisme Ă  verrou
Capacité 5 cartouches
Variantes Mark I, II, III

Historique

Conception et premiers déboires

Un Ross Mark IIIB avec une baĂŻonnette datant de 1910.
Vue de la fabrique au Québec du fusil Ross.
Soldats remettant les cibles atteintes avec un fusil Ross en 1915 au Camp Barriefield.

Le fait que le Royaume-Uni refusa au Canada l'autorisation de fabriquer des Lee-Enfield durant la guerre des Boers (1899-1902) offrit à son concepteur Charles Ross, un baron écossais soutenu par le ministre de la Milice et de la Défense Sir Frederick William Borden, l'occasion de présenter cette arme comme alternative pour l'équipement de la milice canadienne au gouvernement du Premier ministre du Canada Wilfrid Laurier.

L'annonce de la construction d'une usine pour ce fusil est faite à la mi-avril 1902. La Ross Rifle Company s'établit dans la ville de Québec dans le site construit dans les Plaines d'Abraham en 1903.

La commande initiale porte sur 12 000 exemplaires qui doivent ĂŞtre livrĂ©s en 1903 mais seulement 1 361 sont fabriquĂ©s en 1905. L'acier du canon vient de Pittsburgh. Le bois de la crosse est europĂ©en. Les pièces forgĂ©es comme le percuteur ou la gâchette sont fabriquĂ©es Ă  Hartford (Connecticut). Le cadre de mĂ©tal est confectionnĂ© Ă  Attleboro, dans le Massachusetts.

Sur les 1 000 premiers exemplaires expĂ©diĂ©s Ă  la Police montĂ©e du Nord-Ouest, on recense 113 dĂ©fauts et incidents plus ou moins graves en 1906 dont une blessure Ă  l’œil due Ă  un retour de culasse. Ils sont rappelĂ©s par le fabricant la mĂŞme annĂ©e[1]. Pour chaque fusil produit, on calcule que le gouvernement a dĂ©boursĂ© 440 dollars canadiens, soit plus que le salaire moyen annuel au QuĂ©bec Ă  la mĂŞme Ă©poque[2].

Culasse d'un fusil à verrou canadien Ross Mark III, version entrée en service en 1914.

Ross surmonte cette crise avec le soutien de nombreux politiciens, affichant sa volonté de répondre à la demande de modification de la version d'origine. Le Mark II remplace entièrement la première version en 1911.

Au 30 juillet 1914, 12 200 Ross ont Ă©tĂ© livrĂ©s sur les 30 000 commandĂ©s[3]. En aoĂ»t 1914, la quasi-totalitĂ© des troupes canadiennes est Ă©quipĂ©e de la version Mark III mise en service cette annĂ©e-la. Plus lourde, elle comprend un magasin plus grand et une hausse montĂ©e derrière le coupleur de chargeur.

Le 10 aoĂ»t, le ministre de la dĂ©fense Sam Hughes, ami de Charles Ross, commande 30 000 armes supplĂ©mentaires pour Ă©quiper le corps expĂ©ditionnaire canadien.

L'Ă©preuve du feu

Le déploiement massif de l'arme sur le front de l'Ouest début 1915 montre rapidement les faiblesses de ce fusil[4] :

  • son poids de 4,5 kg est considĂ©rĂ© comme trop Ă©levĂ© pour les manĹ“uvres rapides sur le champ de bataille ;
  • sa longueur de 1,50 m est jugĂ©e trop grande pour les espaces confinĂ©s de la tranchĂ©e (la taille moyenne du soldat canadien en 1914 est de 1,60 m[2]) ;
  • en raison de sa conception complexe, les utilisateurs remontent souvent mal sa culasse fonctionnant par un mouvement de traction rectiligne, conduisant Ă  ce que le fusil s'enraye ;
  • la baĂŻonnette tombe souvent lors du tir ;
  • le magasin est mal conçu ;
  • un mauvais mĂ©canisme d'alimentation en munitions rend le tir rapide difficile ;
  • le cran de sĂ»retĂ© coupe souvent le pouce du soldat l'utilisant ;
  • son filetage ne supporte pas la saletĂ© qui bloque souvent la culasse, tant en position ouverte que fermĂ©e ;
  • les munitions britanniques ne correspondent pas aux normes canadiennes plus pointues. La munition canadienne D.A. 1914 Mark VII est en effet d'un calibre lĂ©gèrement plus petit que le .303 British standard[3].

Les problèmes ont culminĂ© avec la seconde bataille d'Ypres, de nombreux soldats canadiens aux abois se dĂ©barrassent de leur arme pour rĂ©cupĂ©rer des Lee-Enfield de leurs camarades britanniques tuĂ©s et blessĂ©s ou des armes prises Ă  l'ennemi. Sur les 5 000 survivants de cette bataille, plus de 1 400 se sont dĂ©barrassĂ©s de leur fusil Ross[2].

Sir Edwin Alfred Hervey Alderson, commandant le corps expĂ©ditionnaire canadien, prĂ©sente un document indiquant les dix carences de l'arme et que 85 % des troupes canadiennes ne souhaitent plus s'en servir. Hughes est furieux, il envoie Ă  281 hauts gradĂ©s un courrier qui prend la dĂ©fense du fusil Ross et qui met en cause Alderson. Ce dernier demande alors Ă  ses subordonnĂ©s de rĂ©diger des rapports sur l'efficacitĂ© du fusil Ross. Richard Turner envoie une copie de cet ordre Ă  Hughes et tente de ralentir l'envoi des rapports[5].

Malgré le refus de Hughes d'autoriser le remplacement de ce fusil, le Field-marshall Sir John French commandant le corps expéditionnaire britannique ordonne le 13 juin 1915 que la 1re Division canadienne soit équipée de fusils britanniques Lee-Enfield. En juillet 1916, son successeur, le général Sir Douglas Haig en consultation avec Hervey Alderson ordonne le remplacement des Ross dans l'ensemble des forces canadiennes en France[4].

Il est officiellement remplacé en septembre 1916 mais reste en service chez les tireurs d'élite[6].

En novembre 1916, le ministre Sam Hughes qui continuait à défendre le Ross est écarté du Cabinet du Canada.

La production descend Ă  quelques fusils par jour, avant de cesser complètement, le 19 mars 1917. Le gouvernement canadien saisit les bâtiments de l'usine quelques jours plus tard, donne deux millions de dollars de dĂ©dommagement Ă  Ross, mais l'idĂ©e initiale de reconvertir l'usine pour la production de Lee-Enfield est abandonnĂ©e car cela nĂ©cessiterait deux annĂ©es de travaux. En 20 ans, le programme du fusil Ross a coĂ»tĂ© 12 millions de dollars canadiens Ă  l'administration canadienne, soit environ 250 millions de dollars valeur 2014. En septembre 1931, l'usine des Plaines est dĂ©molie, pour faire place Ă  une vaste citerne souterraine[2].

Autres utilisateurs

Un total de 419 310 fusils Ross ont Ă©tĂ© fabriquĂ©s[7], dont 342 040 ont Ă©tĂ© achetĂ©s par le gouvernement britannique. Une partie de ceux-ci seront livrĂ©s aux armĂ©es blanches, aux pays baltes et Ă  l'ArmĂ©nie durant la guerre civile russe[8].

Voici, selon le forum spécialisé Military Surplus Collectors, la destination des armes au fil du temps[9] :

  • Fusils Ross Mk111B (Mark IIIB) commandĂ©s par le gouvernement britannique, 100 000. Effectivement livrĂ©s: 66 591 ;
  • Repris par le Royaume-Uni en Ă©change de fusils Lee-Enfield Mark III : 95 674 ;
  • AchetĂ©s par l'AmirautĂ© britannique et fournis aux États-Unis en 1915 : 750 ;
  • Environ 2 000 fournis aux États-Unis pour l'entraĂ®nement des troupes après l'entrĂ©e en guerre en 1917 :
  • Environ 25 000 achetĂ©s par le Royaume-Uni, fournis Ă  la rĂ©publique d'ArmĂ©nie, tous rĂ©cupĂ©rĂ©s par l'URSS ;
  • Environ 20 000 achetĂ©s par le Royaume-Uni, fournis aux Pays Baltes durant les guerres d'indĂ©pendance lettone et estonienne, tous rĂ©cupĂ©rĂ©s par l'URSS ;
  • 200 000 fusils, dont des Ross, sont fournis aux armĂ©es blanches en Ukraine durant la guerre civile russe ;
  • Quelques milliers de fusils Ross provenant d'URSS sont livrĂ©s Ă  l'armĂ©e populaire de la RĂ©publique espagnole durant la guerre civile espagnole.
  • En 1920-1921, la milice canadienne a en stock 90 000 fusils Ross ;
  • AchetĂ©s sur ce stock canadien en 1940 pour une utilisation dans la Home Guard : 75 000 ;
  • Ce qu'il reste du stock canadien est dĂ©truit dans les annĂ©es 1950 ou vendu Ă  des particuliers.

Dans les annĂ©es 1920, environ 67 100 exemplaires sont utilisĂ©s par l'armĂ©e britannique[7]. Durant la Deuxième Guerre mondiale, on distribue des fusils Mark 3 Ross Ă  la Marine royale canadienne, Ă  la Garde territoriale des anciens combattants, aux unitĂ©s de patrouille cĂ´tière, aux dĂ©pĂ´ts d'entraĂ®nement, Ă  la British Home Guard, aux SoviĂ©tiques et, en 1945, au Corps de la Garde Grand-Ducale[7].

Le mécanisme de l'arme fut néanmoins repris pour des armes de chasse et de tir sportif.

Bibliographie

  • Martin J. Dougherty, Armes Ă  feu : encyclopĂ©die visuelle, Elcy Ă©ditions, 304 p. (ISBN 9782753205215), p. 130-131.
  • Gary Sheffield, La première Guerre mondiale en 100 objets : Ces objets qui ont Ă©crit l'histoire de la grande guerre, Paris, Elcy Ă©ditions, , 256 p. (ISBN 978 2 753 20832 2), p. 34-35

Notes et références

  1. Glenn B. Foulds, « Fusil Ross », sur Historica Canada, (consulté le ).
  2. Jean-Simon Gagné, « De fierté nationale à fusil maudit », sur La Presse, (consulté le ).
  3. G. W. L. Nicholson, Histoire officielle de la participation de l'Armée canadienne à la première guerre mondiale : Le corps expéditionnaire canadien 1914-1919, Ministre de la Défense nationale, , 621 p., PDF (lire en ligne), p. 12.
  4. (en) « The Ross Rifle and the Equipping of Canadian Soldiers in World War One », sur Historica Canada (consulté le ).
  5. « ALDERSON, sir EDWIN ALFRED HERVEY », sur Dictionnaire biographique du Canada, (consulté le ).
  6. Gary Sheffield, La Première Guerre mondiale en 100 objets : Ces objets qui ont écrit l'histoire de la Grande Guerre, 256 p. (ISBN 978-2753208322).
  7. (en) « Ross Rifle Straight-Pull Bolt-Action Service Rifle (1905) », sur Military Factory, (consulté le )
  8. (en) « The Rifles of the Spanish Civil War », sur Carbines for Collectors History and Small Arms of a World at War (consulté le )
  9. (en) « Where are all the ross rifles? », sur Military Surplus Collectors, (consulté le )
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