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Roger de Salerne

Roger de Salerne est le fils de Richard de Salerne, rĂ©gent du comtĂ© d'Édesse et d'Altrude, supposĂ©e sƓur de TancrĂšde de Hauteville (rĂ©gent d'Antioche). Il est donc soit le cousin de TancrĂšde[1], soit son neveu. Il est mariĂ© Ă  Hodierne de Rethel, sƓur de Baudouin du Bourg, mais nous n’avons connaissance d’aucun enfant qui serait nĂ© de leur union.

Roger de Salerne
monnaie Ă  l'effigie de Roger de Salerne
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
Activité
Famille
PĂšre
MĂšre
Altrude de Hauteville (d)
Fratrie
Conjoint
Hodierne de Rethel (d)

Il est rĂ©gent de la PrincipautĂ© d'Antioche de 1112 Ă  1119 et meurt au combat lors de la bataille de l’ager sanguinis le .

Biographie

D'aprÚs René Grousset il aurait été un homme avare, avide, sûr de lui et courageux. Il fut un homme trÚs loyal envers la royauté hiérosolymitaine et acceptant la primauté de ce dernier sur les autres princes de l'Orient latin[2].

AprĂšs la bataille de Harran, le , le comte d’Edesse, Baudouin du Bourg, et Jocelin, seigneur de Turbessel, sont faits prisonniers. Il en rĂ©sulte un vide politique au sein du comtĂ©. BohĂ©mond prince d’Antioche dĂ©cide de retourner en Europe afin de lever des renforts. Avant son dĂ©part il dĂ©cide de nommer TancrĂšde rĂ©gent de la principautĂ© d’Antioche et d’Edesse[3]. Ce dernier nomme Richard de Salerne rĂ©gent du comtĂ© d’Edesse. Il existe Ă©galement une autre version selon laquelle ce serait Roger, qui serait rĂ©gent d’Antioche et non Richard. Cette deuxiĂšme version est soutenue par Jean Richard[4]. Jean Richard Ă©tant le seul Ă  soutenir que Roger fut rĂ©gent d’Édesse, il vaut certainement mieux lui prĂ©fĂ©rer la thĂšse de Steven Runciman, plus largement soutenue par les historiens ayant travaillĂ© sur le sujet. Ce dernier, qu’il soit Richard ou Roger, est placĂ© sous l’autoritĂ© de TancrĂšde. Sa rĂ©gence, ou son gouvernement dure de 1104 Ă  1108 c'est-Ă -dire jusqu’à la libĂ©ration de Baudouin du Bourg

Lorsque TancrĂšde meurt, probablement le , Roger de Salerne est nommĂ© rĂ©gent de la PrincipautĂ© d'Antioche en attendant la majoritĂ© du jeune prince BohĂ©mond II[5]. TancrĂšde fait d’ailleurs promettre Roger de rendre la principautĂ© au fils de BohĂ©mond si ce dernier venait la rĂ©clamer. C'est seulement Ă  la fin du mois de dĂ©cembre qu'il est intronisĂ© rĂ©gent, ou plus exactement bayle de la principautĂ© d'Antioche.

Il se marie avec Hodierne de Rethel[6], en 1113, mariage semble-t-il arrangĂ© par Baudouin du Bourg, roi de JĂ©rusalem, son frĂšre alors comte d’Edesse[7]. Le doute prĂ©sent entre Hodierne et Cecilie est dĂ» aux Ă©crits de Kohler Ch. qui met en avant la possibilitĂ© que la femme de Roger soit plutĂŽt nommĂ© Cecile qui serait, selon ses mots "une dame de Tarse" qui serait mentionnĂ©e dans une charte de l'abbaye de Josaphat en 1126. D'aprĂšs RenĂ© Grousset il n'aurait d'ailleurs pas Ă©tĂ© un mari fidĂšle comme cela semble avoir Ă©tĂ© l'habitude des seigneurs normands de Sicile[2].

En 1113, l’atabeg de Mossoul, MawdĆ«d, mĂšne une campagne en Syrie. Baudouin Ier, roi de JĂ©rusalem, dĂ©cide d’appeler Pons, comte de Tripoli et Roger de Salerne, rĂ©gent de la principautĂ© d’Antioche, pour l’aider face Ă  MawdĆ«d. Mais l’empressement de Baudouin Ier Ă  engager la bataille sans mĂȘme attendre les renforts mĂšne Ă  une lourde dĂ©faite lors de la bataille d’as-áčąinnabrah le . Durant cette bataille prĂšs de 1200 fantassins et 30 chevaliers sont tuĂ©s. Le lendemain Pons et Roger arrivent et sermonnent le roi. Roger dispose de prĂšs de 700 cavaliers et 500 piĂ©tons[8]. L'arrivĂ©e des renforts sauve certainement les forces du roi. Leurs troupes rĂ©unies se regroupent sur une colline prĂšs de TibĂ©riade et y restent un mois ou deux, les sources divergent sur ce point. MawdĆ«d ne se risque alors plus Ă  engager une bataille rangĂ©e. Pendant ce temps ses troupes pillent les possessions du royaume de JĂ©rusalem[9]. Enfin ce dernier se retire Ă  Damas ou il est assassinĂ© le de la mĂȘme annĂ©e.

Le un tremblement de terre endommage une partie des places fortes de Syrie du Nord. Roger comprenant le rÎle indispensable les fait réparer avec le plus grand soin[10].

En 1115, le seigneur de Hamadhan, Bursuq ibn Bursuq, lance une campagne en Syrie. ArrivĂ© devant Alep l’eunuque Lulu, gouverneur de la place, lui en refuse l’accĂšs. Il appelle Ă  l’aide l’atabeg de Damas, Tuğtekin, et le prince de Mardin, Il-Ghazi ibn Orotq. Le prince de Damas fait appel Ă  Roger de Salerne. L’armĂ©e de Roger de Salerne prend position Ă  ApamĂ©e face Ă  l’armĂ©e de Bursuq positionnĂ©e de l’autre cĂŽtĂ© de l’Oronte Ă  Shayzar. Roger dĂ©cide d’appeler les autres princes latins d’Orient Ă  son aide, Baudouin Ier de JĂ©rusalem, Baudouin du Bourg et Pons de Tripoli. En aoĂ»t les renforts chrĂ©tiens arrivent devant ApamĂ©e, il s’ensuit une inaction de huit jours aprĂšs laquelle Bursuq dĂ©cide de feindre une retraite vers le dĂ©sert. Les princes latins se sĂ©parent alors pour rentrer chez eux. Bursuq fait ensuite marche vers la place forte de Kafartab, appartenant Ă  la principautĂ© d’Antioche, pour s’en saisir. Il s'en empare le . Bursuq divise alors ses troupes. Roger appelle Baudouin du Bourg au secours. Ayant fait leur jonction, Roger, le , fait venir le patriarche d'Antioche, Bernard de Valence, pour motiver les troupes par un sermon[11]. Roger de Salerne rĂ©ussi Ă  surprendre l’armĂ©e de Bursuq en ordre de marche et Ă  la mettre en dĂ©route le lors de la bataille de Tell Danith, aussi appelĂ©e bataille de Sarmin. Durant cette bataille 3000 hommes, suivant l’armĂ©e de Bursuq, sont mis Ă  mort, les femmes sont rĂ©duites en esclavage, les enfants et les vieillards auraient Ă©tĂ© brĂ»lĂ©s. Le reste des prisonniers sont envoyĂ©s Ă  Tuğtekin, sauf ceux que Roger pense pouvoir rançonner. L’armĂ©e chrĂ©tienne reste deux ou trois jours sur le champ de bataille pour diviser les gains[12].

Cette bataille met fin Ă  la campagne de Bursuq ibn Bursuq et Ă©tabli la rĂ©putation de Roger de Salerne auprĂšs des musulmans qui le surnomme « siroja ». Cette rĂ©putation est parfois comparĂ©e Ă  celle de Richard CƓur de Lion, principale figure de la troisiĂšme croisade[12]. De 1115 Ă  1118 Roger envahit peu Ă  peu toutes les places qu'il peut prendre entre Antioche et Alep[13].La bataille a donc permis d’établir une forte mainmise sur la principautĂ© d’Alep dont les places fortes d’outre-Oronte sont sous le contrĂŽle de la principautĂ© d’Antioche. Alep devient tributaire d’Antioche et se trouve dans une situation proche de celui d’un protectorat. De plus le passage, trĂšs rentable, des pĂšlerins vers La Mecque sur le territoire est placĂ© sous le contrĂŽle de cette mĂȘme principautĂ©[14]. Marqab aurait aussi Ă©tĂ© conquise entre 1117 et 1118.

Les AlĂ©pins assassinent l’eunuque Lulu en . Roger de Salerne intrigue alors pour empĂȘcher la ville d’Alep d’appeler un prince trop puissant Ă  lui succĂ©der comme gouverneur au nom de Soltan Shah, seigneur encore mineur de la ville[15]. Alep dĂ©cide alors de ne plus payer de tribut Ă  la principautĂ© et de faire appel au puissant Il-Ghazi ibn Ortoq, prince de Mardin[16]. En rĂ©ponse Ă  cela, durant la fin de l’annĂ©e 1118, Roger prend la place de Azāz, aussi appelĂ©e Hasart, ainsi que Biza, avec l’aide de LĂ©on d’ArmĂ©nie. En 1118, il prend la place forte de Balatunus et donne cette place au seigneur du chĂąteau voisin de SaĂŽne, Robert Fulcoy[17].

Lorsqu’il arrive, Il-Ghazi parvient Ă  acheter auprĂšs de Roger une trĂȘve pour une somme trĂšs importante. Il s’allie ensuite Ă  Tuğtekin et mĂšne des prĂ©paratifs pour une vaste campagne. Il rĂ©ussit Ă  recruter de nombreux turcomans et arabes. Cette campagne est lancĂ©e en . Roger de Salerne quant Ă  lui dĂ©cide de ne pas attendre les troupes du roi de JĂ©rusalem et du comtĂ© de Tripoli pour rĂ©agir Ă  l'invasion et se lance Ă  la poursuite des forces musulmanes. Il refuse d'attendre malgrĂ© les injonctions du patriarche Bernard de Valence et commet donc la mĂȘme erreur que Baudouin Ier en 1113 alors qu'il avait alors rĂ©primandĂ© le roi pour cela[18]. Elle mĂšne Ă  la bataille de l’ager sanguinis, aussi appelĂ©e bataille de Dard Sarmadā, et parfois bataille du Champ du sang, le . Roger est encerclĂ© et meurt durant la bataille[15]. La plus grande partie de son armĂ©e tombe entre les mains d’Il-Ghazi qui les massacre le lendemain. Seuls 150 hommes Ă©chappent Ă  la bataille[14].

C’est une catastrophe pour la principautĂ© d’Antioche qui se retrouve sans chef et sans armĂ©e. Le patriarche d’Antioche, Bernard de Valence met nĂ©anmoins la ville en Ă©tat de rĂ©sister jusqu’à l’arrivĂ©e de l’armĂ©e royale, accompagnĂ©e du comte de Tripoli. Le la situation est stabilisĂ©e par la victoire chrĂ©tienne Ă  Tell Danith[14]. NĂ©anmoins la plupart des gains outre-Oronte de la principautĂ© sont perdus. La veuve de Roger de Salerne aide Ă  rĂ©organiser la principautĂ© avec Baudouin II[19]. C’est ce dernier qui devient alors rĂ©gent jusqu’à l’arrivĂ©e de BohĂ©mond II en 1126.

Il avait entamĂ© des nĂ©gociations avec Alexis Ier ComnĂšne pour rĂ©gler la question au sujet de l’exĂ©cution du traitĂ© de Devol, aussi appelĂ© traitĂ© de DĂ©abolis. Ces nĂ©gociations n’aboutissent pas avec la mort prĂ©maturĂ©e de Roger en 1119. On note d’ailleurs la prĂ©sence d’un envoyĂ© de l’empereur, Ravendinos, lors de cette campagne au sein de l’armĂ©e d’Antioche[20].

Un autre fait notable de la rĂ©gence de Roger porte sur les diffĂ©rentes juridictions ecclĂ©siastiques prĂ©sente Ă  Antioche. Le mĂ©tropolite jacobite d'Edesse, Bar Çabouni, fait appel Ă  la justice du patriarche latin d'Antioche, Bernard de Valence, pour se dĂ©fendre face au patriarche jacobite, Mar Athanasius VII. Bernard de Valence en profite pour saisir l'occasion d'usurper le droit de juger les jacobite, normalement rĂ©servĂ© au patriarche jacobite. Roger de Salerne est contraint d'intervenir et interdit Ă  la justice ecclĂ©siastique latine de juger ce qui relĂšve de la justice jacobite. Il rĂ©affirme donc les droits ecclĂ©siastiques jacobites face aux tentatives d'usurpations de l’autoritĂ© judiciaire par les patriarche latins[21].

Sa rĂ©gence est considĂ©rĂ©e par Claude Cahen comme la pĂ©riode la plus prestigieuse de la principautĂ© d’Antioche malgrĂ© sa fin tragique en 1119[22].

Notes et références

  1. Richard 2010, p. 94.
  2. Grousset 1981, p. 326.
  3. Setton 1969, p. 401.
  4. Richard 2010, p. 141.
  5. Runciman 1952, p. 125.
  6. Grousset 1981, p. 409.
  7. Asbridge 2000, p. 167.
  8. Grousset 1981, p. 327.
  9. Setton 1969, p. 402.
  10. Runciman 1952, p. 130.
  11. Grousset 1981, p. 350-353.
  12. Setton 1969, p. 404.
  13. Grousset 1981, p. 357-358.
  14. Richard 2010, p. 149.
  15. Setton 1969, p. 405.
  16. Setton 1969, p. 450.
  17. Grousset 1981, p. 358-359 et 362.
  18. Grousset 1981, p. 54.
  19. Setton 1969, p. 413.
  20. Richard 2010, p. 162.
  21. Grousset 1981, p. 362-364.
  22. Setton 1969, p. 416.

Bibliographie

  • (en) Thomas Asbridge, The creation of the principality of Antioch, 1098-1130, Boydell Press, , 245 p. (ISBN 978-0-85115-661-3, lire en ligne)
  • RenĂ© Grousset, Histoire des Croisades et du Royaume franc de JĂ©rusalem : Beaudouin Ier et la Formation des principautĂ©s, 1099-1119, t. 2, Paris, Tallandier, , 418 p. (ISBN 2-235-01144-6).
  • RenĂ© Grousset, Histoire des Croisades et du Royaume franc de JĂ©rusalem : Beaudouin II et Foulque d'Anjou, 1119-1143, t. 3, Paris, Tallandier, (ISBN 2-235-01160-8).
  • Jean Richard, Histoire des Croisades, Paris, Pluriel, , 544 p. (ISBN 978-2-8185-0240-2).
  • (en) Steven Runciman, A History of the Crusades, : The Kingdom of Jerusalem and the Frankish East, 1100–1187, vol. II, Cambridge University Press, .
  • (en) Keneth Setton, A history of The Crusades, vol. I, Madison, The University of Wisconsin Press, , 707 p..
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