Redistribution hydraulique
La redistribution hydraulique, appelée aussi redistribution hydrique ou ascenseur hydraulique, est une redistribution nocturne d'eau dans le profil de sol, par les racines des plantes vasculaires. Phénomène mis en évidence in situ, dans un contexte semi-désertique, en 1989 par deux chercheurs anglais Caldwell et Richards, il a fait depuis l'objet de nombreuses publications scientifiques, qui l'étudient dans tous les écosystèmes du monde entier (aussi bien chez les plantes herbacées que chez les plantes ligneuses[1] - [2]); mais son importance fonctionnelle reste contestée, de même que son influence sur la dynamique des populations voisines de la plante, et qui bénéficieraient de cette redistribution[3]. Il serait ainsi « nécessaire de mieux comprendre le rôle de la redistribution hydraulique dans la structuration des communautés de plantes et des écosystèmes, à travers des études portant sur l'accès aux nutriments et les interactions entre les espèces[4] ».
Historique
L'existence de ce phénomène est postulée dès 1929[5]; et il est mis en évidence expérimentalement en 1930 par l'agronome J.F. Breazeale qui appelle les systèmes racinaires des « égalisateurs » de l'humidité du sol[6]. Caldwell et Richards observent in situ une redistribution verticale de l'eau et appellent le processus ascenseur hydraulique[7]; mais après avoir mis en évidence une circulation de l'eau verticale et horizontale, les chercheurs privilégient le terme de redistribution hydrique ou hydraulique[8]. Les biologistes Liste et White parlent de bio-irrigation[9]
Processus de redistribution
Dans la journée, la circulation ascendante la sève brute, entre 1 et 6 m/h selon les espèces, est assurée par deux forces : principalement la transpiration à l'origine d'une pression négative (correspondant à une tension), et dans une moindre mesure la poussée racinaire à l'origine d'une pression positive[10]. Cette circulation unidirectionnelle se produit également la nuit, mais à une vitesse plus lente, en raison principalement de la poussée radiculaire[11]. Processus physique nocturne, la redistribution hydrique permet aux plantes de faire remonter de l'eau des horizons profonds humides vers les horizons de surface plus secs, grâce à leurs racines qui pompent l’eau, assurant la propulsion de la sève brute qui ré-alimente l’ensemble de l’arbre, y compris les racines situées dans les zones sèches. Ces dernières exsudent alors de l'eau qui vient ré-humecter le sol sec de la rhizosphère. La redistribution hydrique se passe en été surtout, et est surtout mise en évidence chez les arbres dont les racines pivotantes peuvent s'étendre verticalement sur plusieurs dizaines de mètres de profondeur et atteindre les niveaux de la nappe phréatique[12]. Cette redistribution s'applique peut-être aussi pour les plantes associées[13] (expérimentations sur le riz[14], sur le maïs[15]).
Phénomène complémentaire, les racines facilitent l'infiltration des eaux météoritiques dans le sol, jusqu'aux nappes phréatiques[16].
Les chercheurs ont pu observer la bidirectionnalité de ce processus. Ainsi, en présence de brumes, les Séquoias sempervirents sont capables d'inverser le flux hydrique de sève brute et « de réalimenter leurs racines en eau, en une sorte de "retour d'ascenseur"[17] ». De même, il existe une redistribution depuis des horizons de surface humides (par exemple après une pluie) vers des horizons de profondeur secs (cas typique en fin d’été). Ce phénomène est appelé « siphon hydraulique »[18].
Notes et références
- (en) J.F. Espeleta, J.B. West et L.A. Donovan, « Species specific patterns of hydraulic lift in co-occurring adult trees and grasses in a sandhill community », Oecologia, vol. 138, no 3,‎ , p. 341-349 (DOI 10.1007/s00442-003-1460-8).
- (en) T.E. Dawson, « Hydraulic lift and water use by plants: implications for water balance, performance and plant-plant interactions », Oecologia, vol. 95, no 4,‎ , p. 565-574 (DOI 10.1007/BF00317442).
- (en) Ronald J. Ryel, « Hydraulic redistribution », Progress in Botany, vol. 65,‎ , p. 413.
- James Aronson et Edouard Le Floc'h, Les arbres des déserts. Enjeux et promesses, Actes Sud, , p. 121.
- (en) O.C. Magistad, J.F. Breazeale, « Maintenance of moisture-equilibrium and nutrition of plants at and below the wilting percentage », Ariz Agric Exp Stn Tech Bull, vol. 25,‎ , p. 1-36.
- (en) J.F. Breazeale, « Maintenance of moisture-equilibrium and nutrition of plants at and below the wilting percentage », Ariz Agric Exp Stn Tech Bull, vol. 29,‎ , p. 137–177.
- (en) M. M. Caldwell, J. H. Richards, « Hydraulic lift: water efflux from upper roots improves effectiveness of water uptake by deep roots », Oecologia, vol. 79, no 1,‎ , p. 1–5 (DOI 10.1007/BF00378231).
- (en) Ronald J. Ryel, « Hydraulic redistribution », Progress in Botany, vol. 65,‎ , p. 414.
- (en) H.-H. Liste et J. White, « Plant hydraulic lift of soil water – implications for crop production and land restoration », Plant and Soil, vol. 313, no 1,‎ , p. 1-17 (DOI 10.1007/s11104-008-9696-z).
- Jean-François Morot-Gaudry, François Moreau, Roger Prat, Christophe Maurel, Hervé Sentenac, Biologie végétale. Nutrition et métabolisme, Dunod, , p. 13.
- Cette poussée se manifeste par le phénomène de guttation, d'augmentation de diamètre du tronc et l'expérience de couper près de la base un pied de vigne, qui permet d'observer un écoulement de sève brute par la section. Cf Pierre Peycru, Didier Grandperrin et Christiane Perrier, Biologie, Dunod, , p. 189.
- Christian Dupraz, « L’ascenseur hydraulique, on comment les arbres redistribueraient l'eau du sol », Agroforesterie. La revue française des arbres ruraux,‎ , p. 14-15 (lire en ligne).
- Christian Dupraz, op. cit., p. 17
- (en) I. Hirota, T. Sakuratani, T. Sato, H. Higuchi, E. Nawata, « A split-root apparatus for examining the effects of hydraulic lift by trees on the water status of neighbouring crops », Agroforestry Systems, vol. 60, no 2,‎ , p. 181–187 (DOI 10.1023/B:AGFO.000).
- (en) Nobuhito Sekiya, Katsuya Yano, « Do pigeon pea and sesbania supply groundwater to intercropped maize through hydraulic lift?—Hydrogen stable isotope investigation of xylem waters », Field Crops Research, vol. 86, nos 2-3,‎ , p. 167-173 (DOI 10.1016/j.fcr.2003.08.007).
- Guillaume Decocq, Bernard Kalaora et Chloé Vlassopoulos, La Forêt salvatrice. Reboisement, société et catastrophe au prisme de l'histoire, Champ Vallon, (lire en ligne), p. 193.
- Ernst ZĂĽrcher, Les arbres, entre visible et invisible, Actes Sud, p. 189.
- Christian Dupraz, op. cit., p. 15