Reconstitution historique
La reconstitution historique est une pratique qui consiste à recréer certains aspects d'un événement passé, d'une période historique ou d'un mode de vie précis, en s'appuyant sur des éléments matériels reproduisant celui de la période concernée (vêtement, mobilier, armement, etc.). Cette activité peut ressembler, par exemple, à la reconstitution d'une célèbre bataille, de la vie de camp des soldats d'époques historiques variées ou bien de la vie quotidienne d'une époque passée. Mais aussi des documents historique, que l'on retrouve dans les livres d'histoire.
Le « reconstituteur » se définit par son loisir, qui consiste à reconstituer une période concernée. Il se distingue du « marcheur » qui participe à des groupes de parade[1].
DĂ©finition
Une multitude de démarches pour un seul concept
La pratique qui fait le moins débat et que l'on retrouve de manière constante, est la production d'objets réalisés à partir de la documentation historique (costumes, objets fonctionnels ou d'apparat), puis leur usage (port du costume, emploi des outils, maniement des armes, etc). Quel que soit l'objectif, une personne ou un groupe (association, etc.) se réclamant de la reconstitution historique appuiera sa démarche sur la production ou l'usage d'objets reconstitués à partir de sources écrites (textes), iconographiques, archéologiques et muséographiques (plus rarement il fera usage d'objets originaux). On peut considérer qu'aujourd'hui c'est cette démarche qui définit le mieux le concept de reconstitution historique.
Si la démarche de production et d'utilisation d'objets est une constante, le terme de reconstitution historique est bien souvent employé pour de nombreux types d'activités pourtant bien distinctes, selon les objectifs recherchés :
- Médiation culturelle de l'Histoire vers un grand public. Ce loisir peut prendre alors la forme de manifestations à thème historique qui permettent au public de mieux connaitre certaines époques ou événements du passé, comme les animations des « fêtes médiévales » et les reconstitutions de batailles (par exemple : la bataille d'Hastings). On retrouve également la participation à la réalisation d'ouvrages de vulgarisation, la réalisation de documentaires et films à caractère historique.
- Construction ou reconstruction de l’identité nationale, voire supranationale.
- Spectacle vivant : certaines troupes artistiques (musiciens, escrimeurs, acteurs, etc) peuvent adopter une démarche de reconstitution historique pour leurs représentations.
- Compétition, à travers la reconstitution dite sportive : il s'agit de compétitions prenant la forme de joutes ou de tournois inspirés du Moyen Âge. Il existe également deux autres disciplines sportives: les arts martiaux historiques européens (AHME) qui reposent sur l'étude de traités de combats médiévaux ou de traités plus tardifs (jusqu'à la fin de la Belle Époque) afin de la pratiquer de la manière la plus proche possible, mais avec une tenue et des protections modernes, et le Béhourd (appelé également full contact) qui, s'il préconise le port d'une tenue approchant une certaine cohérence visuelle, reste une pratique extrêmement violente ne reposant sur aucune technique.
- Reconstitution immersive (appelé également OFF) : L'objectif est alors, pour les reconstituteurs d'une même époque, de se retrouver entre eux, sur un site plutôt privé, qui peut être lui-même historique, en l'absence de public. On retrouve parmi eux les adeptes du living history ou « histoire vivante », qui réunit un nombre important de pratiquants intéressés par une époque précise, et pour qui le but essentiel est de reconstituer le plus possible le quotidien d'une époque. Les pratiquants de ce type de reconstitution mettent parfois en avant une notion d'« histoire expérimentale ». C'est dans ce courant qu'on trouve le plus de groupes non militaires. Les camps privés permettent aussi aux troupes de reconstitution de s’entraîner et d’expérimenter des objets ou des techniques. Ce contexte préservé d'éléments modernes, sans anachronismes par rapport à l'époque reconstituée, est également le moyen pour certains de développer l'immersion dans l'époque et dans le rôle du personnage qu'il reconstituent.
- Jeu de rôle : certains organisateurs de jeux de rôle grandeur nature peuvent adopter les exigences de la reconstitution historique en matière de costumes et d'équipements.
À la frontière de l'archéologie expérimentale
Il existe une confusion entre archéologie expérimentale et reconstitution historique qui s'explique entre autres par la proximité de certaines pratiques inhérentes à ces deux démarches. L'archéologie expérimentale est un outil scientifique à disposition des chercheurs en archéologie. En s'appuyant sur un cadre de recherche précis, défini par la détermination des limites dues aux moyens mis en place, l'archéologie expérimentale consiste d'abord à poser des problématiques, puis à émettre des hypothèses et à les confronter à des expérimentations dont on pourra faire varier les facteurs. Les résultats obtenus lors des expérimentations sont à considérer comme de nouvelles sources qu'il faut croiser avec les données archéologiques de terrain. L'archéologie expérimentale pose le plus souvent des questions d'ordre technique (technique de taille de silex, fonctionnement d'un four de métallurgie, teinture d'un tissu naturel, construction d'une maison...)
Le fondement de la reconstitution historique, quant à lui, repose sur une seule problématique : Comment reproduire un objet donné, pour qu'il soit le plus possible à l'identique de l'objet source ? L'ensemble des pratiques actuelles de la reconstitution historique ne déroge pas à cette question. La mise en pratique des objets produits à destination d’événements à caractères sociaux, comme peut l'être une bataille reconstituée, ne peut en aucun cas être considéré comme de l'archéologie expérimentale. Le facteur humain en est la limite déterminante: on ne peut pas reconstituer un homme du passé, par là , on entend qu'il n'est pas possible de reconstituer son système de pensée et de représentation, sa pratique sociale, etc. Pour reprendre l'exemple de la bataille, on ne peut en aucun cas considérer que reconstituer une bataille est faire de l'archéologie expérimentale; la limite principale repose sur le fait que les participants, bien qu'ils disposent du matériel reconstitué le plus pointu possible, ne sont pas là pour s'entre-tuer.
Cependant, et c'est ce qui est en partie à l'origine de la confusion, l'interface entre ces deux démarches existe. C'est le cas lors des expériences de techniques de taille de silex qui sont croisées avec les données des sites du Paléolithique. Cet exemple explique bien la différence entre les deux démarches. Il est tout à fait possible de tenter de produire des outils en silex taillés, uniquement dans le but de reproduire ce type d'objet. Dans ce cas, on parle de reconstitution historique. Les objets ainsi obtenus peuvent alors être exploités dans divers projets: expositions, interventions pédagogiques, reconstitution de la vie d'un camp préhistorique, etc. À partir du moment où la production de ces outils est inscrite dans une grille de questionnement scientifique, qui va prendre en compte, non seulement la forme et la matière de l'objet, mais aussi la variation des angles de frappes, la forme des déchets de taille, les différents types de percuteurs employés, etc. Le tout ayant pour but d'obtenir une banque de donnée expérimentale. On parle alors d'archéologie expérimentale.
Pour le dire simplement, les objets obtenus dans une démarche de reconstitution historique peuvent servir à l'archéologie expérimentale.
Qui pratique la reconstitution historique ?
Différentes approches
Pour désigner les pratiquants de manifestations à caractère historique, on emploie divers termes :
- « Reconstitueurs » pour les pratiquants de reconstitution historique selon un travail de recherche de sources historiques, dans le but d'une approche la plus fidèle possible,
nota : le terme voire « reconstituant » est utilisé en chimie et ne peut donc, en aucun cas, être utilisé pour la reconstitution historique.
- « Évocateurs » (surtout dans la branche médiévale du hobby) pour les pratiquants s'inspirant d'une période historique pour réaliser des animations ou des spectacles en s'appuyant sur une recherche moins poussée et en utilisant des raccourcis issus de l'imagerie populaire.
Le partage
La reconstitution est le plus souvent un loisir de passionnés groupés au sein d'associations. Si elle favorise une approche renouvelée de l’Histoire, elle permet aussi d’en faire partager le goût au plus grand nombre, car elle est comme un livre d’images qui se présente aux yeux du public. Il est donc important que la reconstitution offre une image aussi proche que possible de la réalité, car elle va jouer un rôle de plus en plus considérable dans la formation d’une culture historique de base, dont l’importance n’est plus à démontrer. Ces expériences humaines sont aussi le creuset d'une certaine réflexion de la part de la communauté des reconstitueurs quant à notre société. L'esprit de convivialité prime dans ce milieu.
Il existe de grands débats entre les différents types de pratiquants. Les puristes reprochent souvent à des groupes moins pointus relevant souvent plus du folklore d'altérer l'image de l'époque, voire d'en donner une négative, de par leurs tentatives de justifications hasardeuses ou approximatives. Un débat existe aussi chez les historiens professionnels qui voient dans ce type de manifestation le risque de mener à de dangereuses distorsions dans le récit original de l’histoire et imposer une interprétation à un public mal renseigné[2].
Les groupes de reconstitutions
Principalement les reconstitueurs se définissent d'abord comme des passionnés d'histoire, histoire dont ils ont fait leur hobby.
Les périodes représentées
Tout dépend de la date, du lieu, de quelle vie on veut représenter.
Les périodes les plus représentées :
- la reconstitution préhistorique
- la reconstitution romaine, celte et grecque
- la reconstitution du Moyen Ă‚ge (3)
- la reconstitution se déroulant durant la Renaissance
- la reconstitution de la cour du Roi ou plus généralement du XVIIIe siècle
- la reconstitution de la guerre de Sept Ans
- la reconstitution de la guerre d'indépendance américaine
- la reconstitution de la Révolution française
- la reconstitution des guerres des Chouans et Vendéens
- la reconstitution du Premier Empire (1)
- la reconstitution du Second Empire
- la reconstitution de la guerre de SĂ©cession
- la reconstitution de la guerre de 1870
- la reconstitution de la Commune
- la reconstitution de la Première Guerre mondiale
- la reconstitution de la Guerre d'Espagne
- la reconstitution de la Seconde Guerre mondiale (2)
- la reconstitution de la Guerre d'Indochine
- la reconstitution de la Guerre de Corée
- la reconstitution de la guerre du ViĂŞtnam
(1), (2), (3) : Le top 3 des activités les plus représentées en France.
Certaines époques ne sont pas du tout représentées dans certaines régions, cela dépend de l'histoire de ces régions. L'exemple le plus frappant est le Moyen Âge avec une grosse représentation du XIVe et du XVe siècles au Nord de la Loire, alors que dans la région Provence-Alpes-Côtes-d'Azur et le Languedoc, c'est le XIIe et le XIIIe siècle qui est représentés. On observe le même phénomène à l'échelle des pays : on ne trouve pas beaucoup de groupes de reconstitution de la guerre de Sécession en France, par contre c'est une activité sur-représentée aux États-Unis.
Pour la période 1er Empire, le nord de la France et la Belgique sont particulièrement bien représentés ainsi que la Pologne.
La reconstitution de la guerre du Viêtnam n'est pas encore beaucoup représentée du fait de son histoire récente et sensible, surtout aux États-Unis. Autre thème du XXe siècle très peu représenté en France, la guerre de Corée (1950-1953). On constate aussi des groupements de reconstitueurs prenant en charge des périodes comme le XIXe siècle et s'attachant à reproduire l'évolution complète du siècle.
Les uniformes et le matériel
- Grâce aux facilités de communication, d'échange et aux techniques actuelles, les uniformes, les vêtements, les outils des époques reconstituées sont recopiés avec plus de pertinence grâce à de la documentation de plus en plus rigoureuse (pour les courants du hobby ayant accepté de s'appuyer au maximum sur la documentation).
- L'utilisation d'armes blanches ou d'armes à feu reconstituées peut être réglementée (usages limités, interdites) en fonction des pays.
Le jeu de rĂ´le
Certains reconstitueurs veulent s'immerger le plus possible dans l'univers qu'ils souhaitent représenter et essayent ainsi de parler, réagir dans le style de l'époque et parfois jouer le rôle de personnages célèbres de l'histoire. On parle de roleplay (jouer un rôle), dans certaines pratiques de reconstitution, on parle aussi de « first person ». C'est le fait de parler en essayant de se comporter comme un contemporain de l'époque représentée (langage, etc.). Ainsi, même si la majorité des jeux de rôle grandeur nature se situent dans des univers fictionnels, et éloignés de l'histoire[3], une approche de la reconstitution très immersive, dans laquelle les participants incarnent des personnages en pratiquant le roleplay peut se rapprocher significativement de certains jeux de rôles grandeur nature se déroulant dans un contexte historique précis, et avec une certaine exigence en matière d'historicité des costumes.
Le commerce
Les films historiques font généralement appel à des reconstitueurs pour les rôles de figuration et de conseillers spécialistes sur la période historique concernée. Un film britannique de 2006, Tournage dans un jardin anglais, met en scène de manière humoristique par un procédé de mise en abyme l'utilisation de ces équipes de passionnés au cours d'un tournage.
Les manifestations
La reconstitution historique permet de créer de véritables événements touristiques dans certaines régions : la reconstitution de la Bataille de Waterloo en Belgique (le 18 juin, chaque année, plusieurs milliers de reconstitueurs), la commémoration chaque année au mois de mars à Golfe Juan (06220) du débarquement de l'Empereur Napoléon (), la bataille de Hastings en Angleterre, la bataille de Tannenberg en Pologne ou bien encore Les Grands Jeux romains dans les Arènes de Nîmes. Ce type d'évènement s'inscrit de plus en plus dans le tourisme culturel et attire chaque année un public nombreux, désireux de connaître l'Histoire d'une manière ludique et pédagogique.
Activité par pays
Belgique
La période romaine est représentée avec un point central à l'Archéosite d'Aubechie. Plusieurs groupes de reconstitution belge de la Rome antique s'y retrouvent à l'occasion de fêtes estivales.
La reconstitution la plus importante et connue mondialement est la bataille de Waterloo de 1815. Cette évocation attire des centaines de milliers de visiteurs à chaque édition[4]. Pour de très nombreux groupes de reconstituteurs, Waterloo fait partie des incontournables de la reconstitution napoléonienne.
La période la plus largement représentée en Belgique est le Moyen Âge tardif. On en trouve l'une des premières traces les 22 et 23 août 1973 sur la commune de Theux sous la forme de la reconstitution d'une "franche-foire" comme celles autorisées par le prince évêque Erard de la Marck en 1512. Les métiers d'autrefois y étaient présentés et les participants étaient vêtus d'habits d'époque. Cette fête biennale est toujours active bien que l'aspect authentique des premières éditions se soit étiolé. Les Compagnons de la Verte Tente, à travers leur Rassemblement Médiéval, ont joué un rôle fédérateur dans le développement de la reconstitution immersive européenne.
- De Quaeye Werelt au château de Sterckshof à Deurne, reconstitue les dernières luttes entre les anversois et les bourguignons en 1477. C'est la plus grande concentration belge de groupes évoquants le Moyen Âge tardif. Elle attire de très nombreux groupes européens.
France
La reconstitution historique est un phénomène relativement nouveau en France où elle est apparue il y a environ une trentaine d'années, mais elle a connu une forte augmentation depuis 2006/2007[5]. Un certain nombre de manifestations ont progressivement vu le jour.
L'une des principales a lieu chaque année, au printemps, dans les arènes de Nîmes. Ces Grands Jeux Romains reprennent pour base historique la venue de l'empereur Hadrien dans la cité des Volques Arécomiques en 122 ap. J.-C., visite durant laquelle il aurait donné de grands jeux. Chaque année un nouveau thème (César et la guerre des Gaules, les guerres puniques, Cléopâtre, etc.) est présentée comme un tableau historique, comme cela se pratiquait lors des grands jeux dans l'antiquité romaine[6].
Les reconstitutions napoléoniennes ont également pris de l'importance ces 20 dernières années, principalement sous l'effet des bicentenaires des campagnes de l'Empereur Napoléon 1er. Nombre de commémorations eurent lieu en France, comme à l'étranger, sur cette période propice aux reconstitutions de bataille (comme celle de Waterloo en 2015 rassemblant plus de 6 000 participants. Des événements sont organisés ponctuellement un peu partout sur le territoire, tandis que d'autres s'installent dans la durée comme Les Journées Napoléoniennes du Château de Fontainebleau ou encore le Jubilé Impérial de Rueil-Malmaison.
Pays-Bas
- Le Slag om Grolle (Bataille de Grolle) reconstitue le siège de la ville de Groenlo (aussi connue comme Grolle), siège qui a eu lieu en 1627. La manifestation a lieu tous les deux ans.
Suisse
- La fête de L'Escalade est commémorée chaque année à Genève durant le week-end précédant le 12 décembre, date anniversaire de l'attaque surprise du Duc de Savoie, en 1602. La Compagnie de 1602 organise des reconstitutions de la vie quotidienne, de parades militaires ou équestres dans le périmètre de la vieille-ville de Genève.
- À Zurich, a lieu chaque année, le Sechseläuten. Reconstitution d'une très ancienne fête populaire célébrant la fin de l'hiver. Différentes corporations médiévales défilent à cette occasion.
Notes et références
- Bernard Cottret, Lauric Henneton (dir.), Du bon usage des commémorations. Histoire, mémoire et identité, XVIe-XXIe siècle, Presses universitaires de Rennes, , p. 163
- Claude Origet du Cluzeau, Le tourisme culturel, Presses universitaires de France, , p. 47
- Gil bBartholeyns, Daniel Bonvoisin, « Le Moyen Âge sinon rien. Statut et usage du Moyen Âge dans les jeux », dans Fantasmagories du Moyen Âge, dir. E. Burle-Errecade et V. Naudet, 2010, http://books.openedition.org/pup/2102?lang=fr, § 30-32; G. Bartholeyns, D. Bonvoisin, « La création ludique est-elle soluble dans le patrimoine ? Culture et communauté du jeu de rôles grandeur nature », dans Le Patrimoine culturel immatériel. Enjeux d’une nouvelle catégorie, dir. Ch. Bortolotto, Paris, Éditions de la MSH (collection « Ethnologie de la France »), 2011.
- Domaine de la bataille de Waterloo
- Annuaire français de la Reconstitution Historique
- « Nîmes : les clés du succès des Grands jeux romains », sur MidiLibre.fr (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- http://branno-teuta.net/index.php/fr/
- Du folklore médiéval à l’expérimentation archéologique, la révolution culturelle de la reconstitution du Moyen Âge en Europe. Article sur la reconstitution historique dans le cadre du colloque Le Moyen Âge en jeu
- Annuaire des associations françaises de reconstitution historique