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Radiopistage

Le radiopistage (ou radio-tracking, ou radiotracking ou radiotélémesure) est le nom donné aux systèmes de suivi ou de repérage à distance d'un animal ou objet mobile équipé d'un émetteur radio. C'est un des moyens les plus utiles d'acquisition de données dans le domaine de la biologie de la conservation, avec le suivi par satellite, le baguage et les marques de couleur.

Le Monarque est l'un des plus petits animaux à avoir été suivi dans ses migrations par radiotracking.
La télémesure a aussi permis le suivi des déplacements au sol d'Abax parallelepipedus et de montrer qu'il exploitait des corridors biologiques nécessitant un maillage bocager de bonne qualité.

Usages

La télémesure permet notamment le suivi d'animaux discrets ou très sensibles au dérangement, d'animaux de l'environnement nocturne, d'animaux se déplaçant uniquement dans la canopée tropicale et quasiment invisibles du sol. Depuis les années 2000, grâce à des émetteurs de plus en plus miniaturisés et légers, les scientifiques peuvent suivre des animaux de plus en plus petits tels que des insectes (coléoptères, papillons dont le monarque migrateur fameux en Amérique du Nord. Ce dernier a été suivi par avion pour étudier ses routes de migrations).

Le radiotracking permet de retrouver des animaux vivants, mais aussi leurs cadavres, ce qui est très utile pour étudier les causes de leurs morts. On a ainsi pu montrer que le roadkill décimait des animaux tels que les loutres ou d'autres mammifères menacés, avoir une meilleure idée du nombre d'oiseaux qui meurent lors de la migration et s'ils mouraient d'épuisement ou victimes des chasseurs et dans ce dernier cas combien mouraient à distance des suites de leurs blessures.

Les grands déplacements d'animaux migrateurs au long cours sont plutôt suivi par des moyens satellitaires (balise Argos, moins précise).

Le radiotracking est idéal pour suivre de petits déplacements d'animaux sédentaires dans leur environnement proche ou de migrateurs hors période de migration.

Le radiotracking est très utile pour le suivi d'animaux en cours de réintroduction. Pour les gros animaux (ours, loup) on peut utiliser des émetteurs plus gros permettant positionnement GPS et un suivi par satellite.

Cette technologie est aussi utilisée pour suivre les déplacements des poissons dans des rivières contraintes par de nombreux obstacles physiques (seuil, barrages, buses souterraines…). En équipant les poissons, il est par exemple possible d’identifier les obstacles limitant leur déplacement[1] ou d’évaluer l’efficacité des ouvrages de correction mis en œuvre (comme des passes à poisson ou des buses aménagées[2]) pour rétablir la libre circulation des organismes aquatiques.

Exemple d'analyse de signaux émis par des truites équipées de puces RFID (pics verticaux) en amont d'une buse canalisant la rivière et chroniques des températures (en bleu) et des débits (en jaune) pendant la période d’étude[2] (@Scimabio)

Au Canada, la télémesure a par exemple permis de mesurer[3] ;

- la distance de chasse et de vol du faucon des prairies Ă  partir du nid atteignait 25 km (cette espèce niche au sud de l'Alberta et se nourrit notamment de l'Ă©cureuil fouisseur).
- la difficulté des migrations : près de 50 % des chouettes des terriers (espèce en voie d'extinction) meurent entre le moment où elles quittent leur nid et migrent vers le sud.
- que l'alque marbrée (seul oiseau de mer à pondre dans de vieux arbres ou arbres morts) niche dans les forêts primaires de Colombie-Britannique, dans des zones qui font actuellement l’objet d’une intense exploitation forestière.

Principe de fonctionnement

Radiogoniométrie de balises VHF de suivi d’animaux

Le système implique trois éléments principaux :

  • Un Ă©metteur attachĂ© Ă  l'animal par un moyen adaptĂ© Ă  sa conformation, son milieu et son mode de dĂ©placement (cheville, cou, aile ou aileron, etc.), qui envoie un signal sous forme d'onde radio[4], comme le ferait une station de radio.
  • Une pile ou batterie qui alimente l'Ă©metteur
  • Un rĂ©cepteur qui capte le signal, tout comme une radio le capte (pour les animaux se dĂ©plaçant loin ou vite, le rĂ©cepteur (antenne directionnelle + traducteur de signal) est habituellement placĂ© dans un vĂ©hicule terrestre ou un avion. le repĂ©rage peut ĂŞtre plus rapide et plus prĂ©cis, sans nĂ©cessitĂ© de contact visuel par triangulation par radiogoniomĂ©trie.


Certains émetteurs se détachent naturellement de l'animal au moment de la mue par exemple.

Histoire de la télémesure par radio

Les premiers matériels de repérage et suivi d'animaux (dits radiotélémètres) datent des années 1960. Ils étaient lourds et volumineux et modifiaient probablement le comportement ou la résistance des animaux qui les portaient.
Des émetteurs de plus en plus petits ont été conçus, de manière à ne jamais dépasser 6 % du poids de l'animal qui le porte et 3 % s'il s'agit d'un oiseau. Ces émetteurs pèsent environ un gramme et peuvent équiper des chauves-souris, de petits oiseaux, des reptiles, des amphibiens.
Les derniers modèles, encore plus petits et légers peuvent être collés sur le dos d'un gros papillon ou d'un coléoptère.
Les antennes peuvent être connectées à un système informatique automatique d'enregistrement de données.

Les émetteurs ont bénéficié des progrès de la miniaturisation électronique, et des techniques chirurgicales (pompes à médicaments, stimulateurs cardiaques, transpondeurs, piles et autres implants biocompatibles, etc.).

Avantages, limites et inconvénients

Le radiotracking est bien moins coûteux que le suivi satellital ce qui explique que les scientifiques et les conservateurs utilisent de plus en plus de balises radio pour étudier les animaux in situ dans la nature ou à distance (balise argos, etc.), mais le radiotracking présente quelques limites, dont :

  • la puissance limitĂ©e de l'Ă©metteur (les grosses batteries durent 3 Ă  4 ans, mais les petites peuvent s'Ă©puiser en une semaine, notamment en milieux froid). La portĂ©e de l'Ă©metteur n'est "que" d'une dizaine de km au sol sur sol plat et peu enforestĂ©, et d'environ 30 km au maximum pour un suivi en avion. outre la distance de dĂ©tection propre Ă  l'Ă©metteur, des facteurs externes (densitĂ© du couvert vĂ©gĂ©tal, la topographie, la proximitĂ© d’objets mĂ©talliques (clĂ´tures, hangars, vĂ©hicules, tĂ´les, etc.), et les conditions mĂ©tĂ©orologiques peuvent dĂ©grader la prĂ©cision de la localisation[5]
  • La durĂ©e de vie de la batterie dĂ©pend souvent de son poids. Il doit ĂŞtre minimal pour les petits animaux.
  • Le scientifique doit ne pas trop s'Ă©loigner de la source sous peine de ne plus la capter (le positionnement n'est prĂ©cis que jusqu'Ă  une centaine de mètres de l'animal). L'Ă©metteur est peu adaptĂ© au suivi d'animaux cavernicoles ou essentiellement fouisseurs.
  • Le collier ou système de pose de l'Ă©metteur peut perturber le comportement normal de l'animal. Des questions Ă©thiques ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© posĂ©es quant aux effets des balises posĂ©es sur les animaux Ă©tudiĂ©s par ce moyen (stress de la capture, de la pose de la balise, adaptation Ă  gĂŞne causĂ©e par la balise…) Wilson & McMahon ; Cooke et al.). Dans quelques cas, il est arrivĂ© qu'un collier s'accroche dans une branche et que l'animal meure Ă©tranglĂ© (chez un singe par exemple). Il est aussi arrivĂ© que des parasites (puces, poux, tiques, bactĂ©ries...)se dĂ©veloppent d'une manière anormale sous un collier ou harnais chez certains animaux. S'il s'agit de suivre des animaux très grĂ©gaires, une alternative est d'utiliser une chèvre de Judas.
  • investissement en temps parfois important et fastidieux (en zone froide, aride ou dans une jungle dense par exemple)
  • coĂ»ts parfois Ă©levĂ©s (si nĂ©cessitĂ© d'utiliser un avion par exemple pour le suivi d'insectes (avec les contraintes mĂ©tĂ©o, d'autorisation et plan de vol, etc.).
  • risques de dĂ©tournements ou de malveillance ; Un article de 2017 dĂ©nonce un effet collatĂ©ral inattendu[6] : RĂ©cemment dans des milieux terrestres, marins et d’eau douce des signaux envoyĂ©s par des balises ont Ă©tĂ© dĂ©tournĂ©s et utilisĂ©s par des personnes « qui n'ont pas les intĂ©rĂŞts des animaux Ă  cĹ“ur » (chasseurs, pĂŞcheurs, braconniers, groupes « antiprĂ©dateurs » voire des touristes ou photographes de la nature) pour tracer et repĂ©rer des animaux marquĂ©s pour les besoins de la science (ex : requins, loups, poissons)[6]. Ce comportement « peut mettre ces animaux en danger » commente BBC News. Ainsi en Inde des braconniers ont tentĂ© de pirater des informations Ă©mises par les colliers GPS posĂ©s sur des tigres du Bengale menacĂ©s[7] ; cette tentative a Ă©chouĂ© mais a alertĂ© les autoritĂ©s et les scientifiques engagĂ©s dans le programme[6]. Aux Etats-Unis, une forte proportion des loups tuĂ©s en 2013 dans le parc national de Yellowstone portaient un collier Ă©metteur ; Les mĂ©dias et rĂ©seaux sociaux ont Ă©mis l’hypothèse que des chasseurs aient pu cibler les loups marquĂ©s du parc pour interfĂ©rer avec la recherche[8], crainte renforcĂ©e par le fait que bien que les codes des Ă©metteurs soient classifiĂ©s, des sites Web exploitĂ©s par certains groupes persĂ©cutant le loup fournissent des stratĂ©gies pour accĂ©der Ă  ces donnĂ©es confidentielles.
    Les auteurs de l'article demandent aux autres chercheurs de « jouer un rôle de leadership » en proposant des solutions et en impliquant proactivement les parties prenantes (fabricants, bailleurs de fonds, chercheurs et comités de soins des animaux). Ne pas répondre à ce problème risquerait de compromettre les usages futurs du radiotracking (si la réglementation et la perception publique du suivi électronique devait évoluer négativement)[6].

Notes et références

  1. Céline Le Pichon, « Note méthodologique - Évaluer la fonctionnalité de la Trame bleue pour les poissons », Sciences Eaux & Territoires,‎ , p. 4 pages (DOI 10.14758/SET-REVUE.2018.25.13, lire en ligne)
  2. Arnaud Caudron, « La technologie RFID pour évaluer le franchissement piscicole d’une buse aménagée de grande dimension », Sciences Eaux & Territoires,‎ , p. 7 pages (lire en ligne)
  3. Radiobalises VHF de suivi d’animaux (par radiogoniomĂ©trie); d'une puissance jusqu'Ă  0,5 mW avec 20 Ă  120 pulses/minute. ApprouvĂ©e No 11575. Specification: MPT 1328 Émetteurs et rĂ©cepteurs pour utilisation dans la bande VHF allouĂ©e Ă  faible puissance de tĂ©lĂ©mesure et de tĂ©lĂ©commande. Et ApprouvĂ©e No 11522 Specification: Pr NF EN 300 683. TĂ©lĂ©communications. - CEM et spectre radioĂ©lectrique (ERM). - Norme de compatibilitĂ© Ă©lectromagnĂ©tique (CEM) pour appareils Ă  courte portĂ©e fonctionnant sur les frĂ©quences situĂ©es entre kHz et 25 GHz (indice de classement : Z84683). Et Specifications: PR ETS RES 0908 compatibilitĂ© Ă©lectromagnĂ©tique (CEM)
  4. Thèse de Maryline Pellerin (doctorat en Physiologie, Biologie des organismes, Populations, Interactions, Université de Poitiers), Utilisation et sélection de l'Habitat chez le chevreuil à différentes échelles spatio-temporelles, 2005-12-09 (voir p 43/190).
  5. Cooke S-J & al. (2017) Troubling issues at the frontier of animal tracking for conservation and management, 20 FĂ©vrier 2017 ; DOI: 10.1111/cobi.12895
  6. http://www.computerworld.com/article/2475200/cybercrime-hacking/cyber-poaching-hacking-gps- Collier-données-à-track-and-kill-endangered-tigers.html
  7. Out of Bounds: The Death of 832F, Yellowstone's Most Famous Wolf

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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