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Racisme au Zimbabwe

Le racisme au Zimbabwe se remarque aux multiples discriminations[1] principalement contre les Blancs[2] - [3] (appelés « Rhodésiens »), mais aussi, dans une moindre mesure, contre les Noirs[4].

Après la dissolution de la RhodĂ©sie et l'indĂ©pendance du Zimbabwe qui met fin Ă  la domination britannique en 1980, le parti de l'Union nationale africaine du Zimbabwe - Front patriotique (ZANU-PF) arrive au pouvoir. Ă€ cette Ă©poque, la plupart des terres agricoles appartiennent aux Blancs. Le parti, dirigĂ© par Robert Mugabe, applique une politique raciste en menant une rĂ©forme agraire, confisque les terres aux Blancs et les expulse de leurs fermes. Depuis, la population blanche zimbabwĂ©enne n'a cessĂ© de diminuer, passant de 260 000 en 1975 Ă  environ 30 000 personnes en 2014.

La réforme agraire

Contexte

En 1979, Robert Mugabe, futur Premier ministre en 1980 et prĂ©sident du Zimbabwe Ă  partir de 1987, s'adresse Ă  ses futurs compatriotes blancs « S'il vous plaĂ®t, restez avec nous dans ce pays pour former une nation fondĂ©e sur l'unitĂ© nationale ». En 1980, au moment de l'indĂ©pendance, quelque 5 000 fermiers blancs dĂ©tenaient la moitiĂ© des terres arables, soit 15 millions d’hectares[5]. En vertu des accords de Lancaster House[6] - [5], les intĂ©rĂŞts fonciers de la population blanche resteraient protĂ©gĂ©s pour les dix ans suivant l'indĂ©pendance, excluant toute expropriation et nationalisation gĂ©nĂ©ralisĂ©e. Dans un premier temps, Robert Mugabe la rassure contre toute expropriation forcĂ©e et quelques milliers d'hectares sont redistribuĂ©s pacifiquement, souvent Ă  des partisans du rĂ©gime. Comme il l'a fait prĂ©cĂ©demment au Kenya, le Royaume-Uni prĂ©voit alors de financer le rachat progressif des terres en vue de leur redistribution[7]. Ă€ l’expiration des accords de Lancaster House, une première rĂ©forme agraire fut rĂ©digĂ©e, permettant Ă  l’État d’acquĂ©rir des terres tout en indemnisant les propriĂ©taires[5]. Elle fut suivie de plusieurs autres textes lĂ©gislatifs intensifiant le programme de redistribution. Ainsi, en 1997, 3,5 millions d’hectares ont Ă©tĂ© redistribuĂ©s au bĂ©nĂ©fice de 71 000 familles. Mais ces diffĂ©rentes rĂ©formes ne bĂ©nĂ©ficient qu'Ă  une petite Ă©lite noire qui investit dans l’agriculture commerciale tandis que la majoritĂ© de la population rurale continue Ă  vivre sur des terres peu productives quand ils ne sont pas en manque de terres Ă  cultiver[5]. Ă€ partir des annĂ©es 1990, alors que le Zimbabwe voit sa situation Ă©conomique se dĂ©grader. Plusieurs sĂ©cheresses, les sanctions diplomatiques des Britanniques Ă  la suite du mauvais usage des fonds publics pour le rachat des terres aux Blancs et une Ă©lection perdue font changer Robert Mugabe d'attitude. Abandonnant toute rĂ©fĂ©rence Ă  l'unitĂ© nationale, il dĂ©nonce un complot « blanc » qui viserait Ă  se dĂ©barrasser de lui[7] - [8] - [9], et s'en prend continuellement aux Occidentaux, plus particulièrement au premier ministre britannique Tony Blair, qu'il accuse de nĂ©o-colonialisme. Selon Teldah Mawarire, rĂ©dactrice en chef de l'hebdomadaire sud-africain Mail & Guardian, « Les choses allaient très mal pour lui. Il s'est trouvĂ© un bouc Ă©missaire et les Blancs Ă©taient une cible facile [...] je crois qu'il s'est convaincu que, malgrĂ© ses efforts, les Blancs n'avaient pas changĂ© depuis la colonisation et qu'ils ne changeraient jamais »[7].

Expropriations des fermiers blancs

En 2000, soit 20 ans après l'indĂ©pendance du Zimbabwe, 4 400 fermiers blancs dĂ©tiennent encore un tiers des terres du Zimbabwe, souvent les plus fertiles, tandis qu'un million de fermiers noirs possède la mĂŞme superficie[10]. Celle-ci vise essentiellement les grands fermiers blancs qui avaient Ă©tĂ© maintenus sur leurs terres[10]. Les squatteurs ne sont plus sanctionnĂ©s et la rĂ©forme devient un vĂ©ritable pillage[7]. Cette mĂŞme annĂ©e, Mugabe soumet Ă  rĂ©fĂ©rendum une nouvelle constitution incorporant notamment une rĂ©forme agraire avec des expropriations sans compensation et une amnistie permanente aux militaires et aux membres du gouvernement. Le , ce projet de nouvelle constitution est rejetĂ© par 54,7 % des votants, ce qui constitue le premier sĂ©rieux revers pour Robert Mugabe. Le , le prĂ©sident passe outre ce vote pour imposer sa rĂ©forme agraire en recourant Ă  la violence des milices de pseudo anciens combattants, conduits par Chenjerai Hunzvi. La plupart des fermiers blancs sont expropriĂ©s et plusieurs sont assassinĂ©s[11]. Robert Mugabe est rĂ©gulièrement accusĂ© de nourrir les hostilitĂ©s envers les fermiers blancs du Zimbabwe et de les rendre responsables de l'Ă©chec de sa rĂ©forme agraire pour sauver son pouvoir[12] - [9]. Une idĂ©ologie raciste est dĂ©veloppĂ©e, le ZANU et le ZAPU mettant en avant les « fils et filles de la terre » comme citoyens authentiques par opposition aux Blancs Ă©trangers par nature (amabhunu)[13].

À plusieurs reprises, il tient des déclarations jugées racistes envers les Blancs[7]:

  • « L'homme blanc est ici comme le second citoyen : vous ĂŞtes en numĂ©ro un. Il est numĂ©ro deux ou trois. C’est ce qui doit ĂŞtre enseignĂ© Ă  nos enfants »;
  • « Notre parti doit continuer de faire entrer la peur dans le cĹ“ur de l'homme blanc, notre vĂ©ritable ennemi »;
  • « Nous disons non aux Blancs qui possèdent nos terres. Ils doivent partir. Il n’y a pas de place pour eux ici »;
  • « Le seul homme blanc que vous pouvez croire est l'homme blanc mort ».

En 2008, il ne restait plus qu'une poignĂ©e de fermiers blancs dont les fermes n'ont pas Ă©tĂ© saisies[10] et le Zimbabwe connaĂ®t un exode massif des Blancs vers l'Ă©tranger : leur nombre passe ainsi de 250 000 en 1980 Ă  40 000 en 2015, avec moins de 200 propriĂ©taires terriens[7] - [14]. Alors que les Blancs assuraient 80 % du revenu national, cette politique agraire favorise la famine dans l'ancien grenier Ă  maĂŻs de l'Afrique. D'exportateur, le pays devient importateur[9]. En 2016, constatant la rĂ©percussion nĂ©faste de ses mesures sur la production agricole, Robert Mugabe appelle au retour au pays des fermiers blancs contraints Ă  l'exil[14].

En , Mugabe et le ZANU-PF proposent au parlement de voter une loi qui interdira toute fusion, restructuration ou acquisition d'une entreprise si 51 % de son capital n'est pas en possession de Zimbabwéens indigènes ayant souffert de la politique raciste contre les Noirs d'avant 1980[15]. En , un accord conclu avec l'opposition du MDC fait quelque peu marche arrière sur la confiscation des fermes aux Blancs même si le ministre de la Justice affirme le contraire[16]. L'accord souligne le caractère raciste et colonialiste de la répartition des terres lors de la colonisation, et qu'aucune restitution ne se sera effectuée[17]. Un tribunal régional pour l'Afrique australe siégeant en Namibie a confirmé en que 70 fermiers blancs qui avaient porté plainte devaient être autorisés à revenir sur leurs terres et a considéré cette politique comme discriminatoire[10]. Le gouvernement a refusé d'appliquer cette décision de justice et de revenir en arrière sur la réforme[10].

En 2011, 237 858 foyers zimbabwĂ©ens avaient eu accès Ă  des terres Ă  travers le programme de redistribution de terres. Un total de 10 816 886 hectares avait Ă©tĂ© acquis depuis 2000, contre 3,498,444 hectares achetĂ©s dans des ventes volontaires entre 1980 et 1998[18]. De 250 000 Blancs en 1980 il n'en reste plus 40 000 en 2015, dont seulement 200 Ă  300 fermiers. En 2013, toutes les fermes possĂ©dĂ©es par des Blancs avaient Ă©tĂ© soit expropriĂ©es, soit dĂ©signĂ©es pour une redistribution future[19]. En 2015, Mugabe dĂ©clare « Nous disons non aux Blancs qui possèdent nos terres. Ils doivent partir. Il n'y a pas de place pour eux ici ». Selon le magazine Jeune Afrique, « les abus et les erreurs commises par Londres, les colons britanniques et leurs descendants, pour beaucoup restĂ©s fidèles Ă  Ian Smith, ont Ă©tĂ© nombreuses. Mais en rĂ©pliquant avec une politique aussi aveugle qu'inconsĂ©quente, Mugabe aura surtout ajoutĂ© de la souffrance Ă  l'injustice »[7]. En 2015 toujours, en Afrique du Sud, Mugabe refuse de parler Ă  un journaliste parce qu'il est blanc[20]. Selon la BBC cette politique a dĂ©truit l'Ă©conomie du Zimbabwe basĂ©e sur l'agriculture, qui est dans une situation catastrophique avec une hyperinflation et une rĂ©apparition du cholĂ©ra[10].

Aménagements de la politique et compensations

En 2016, face à l'insécurité alimentaire, le gouvernement Mugabe annonce étudier la réouverture de la gestion de terres à des fermiers blancs[21]. Après l'arrivée au pouvoir d'Emmerson Mnangagwa en 2017, l'expropriation de terres agricoles prend fin[22]. L'administration Mnangagwa met également fin aux discriminations des Blancs dans l'assignation de terres (toutes les terres sont propriété de l'Etat, qui les loue à des agriculteurs), ceux-ci obtiennent notamment le droit de louer des terres pour un bail de 99 ans comme les Noirs, contre cinq ans seulement sous Mugabe[23]. En 2019, l'union des paysans commerciaux (Commercial Farmers Union) affirme que les paysans blancs donc les terres avaient été expropriées dans le cadre du programme accéléré avait accepté une offre provisoire de compensation du gouvernement de RTGS$53 million, soit 17 millions de dollars américains $, dans le contexte d'un effort du gouvernement pour compenser les paysans dépossédés[24] - [25].

En , Chris Mutsvangwa, président de la Zimbabwe National Liberation War Veterans Association (ZNLWVA), organisation groupant des Noirs qui avaient combattu militairement le régime rhodésien, demande le retour des Blancs expatriés et leur offre de prendre part au prochain gouvernement, le G40 (Generation 40) ayant, selon lui, fait du pays une terre brûlée[26].

Notes et références

  1. (en) « Beauty queen tells of racist abuse », NewZimbabwe.com, (voir archive).
  2. (en) Simon Heffer, « We will not tolerate racism, except in Zimbabwe », Telegraph, (consulté le ).
  3. (en) Jeff Koinange, « Tale of two farms in Zimbabwe », CNN, (consulté le ).
  4. (en) Ricky Marima, « Zimbabwe has its racists too: iLIVE », The Sunday Times, (consulté le ).
  5. Yves Thébaut, Zimbabwe : une réforme agraire post coloniale : Les obstacles à une réappropriation équitable de la terre par l’Etat et sa population, 2007
  6. Daniel Compagnon, La prétendue « réforme agraire » au Zimbabwe : A qui profite le crime ?, Cairn, Études 2003/3 (Tome 398), pages 297 à 307
  7. Zimbabwe : Robert Mugabe, l'homme qui n'aimait pas les Blancs (et inversement) - Jeune Afrique, 16 mars 2015.
  8. (en) Robert Mugabe refuses to give up - The Economist, 10 avril 2008.
  9. Jean-Louis Tremblais, « Zimbabwe, le naufrage d'Ubu roi », Le Figaro Magazine, semaine du 24 novembre 2017, page 26.
  10. (en) Zimbabwe vows to defy land ruling - BBC News, 1er décembre 2008.
  11. Axel Gyldén, « Le saigneur du Zimbabwe », L'Express, 2 mai 2007.
  12. « Robert Mugabe refuses to give up », article de The Economist du 10 avril 2008.
  13. (en) Dr Sabelo J. Ndlovu-Gatsheni, « Africa for Africans or Africa for “Natives” Only? “New Nationalism” and Nativism in Zimbabwe and South Africa: », Africa Spectrum,‎ (DOI 10.1177/000203970904400105, lire en ligne, consulté le )
  14. « Au Zimbabwe, les fermiers blancs prennent leur revanche sur Mugabe : Chassés par Robert Mugabe dans les années 1990, ils sont rappelés par le président lui-même », Slate Afrique,‎ (lire en ligne)
  15. (en) Mugabe vows to save sick economy - BBC News, 24 juillet 2007.
  16. (en) What's the lie of Zimbabwe's land? - Lucy Fleming, BBC News, 18 septembre 2008.
  17. (en) Zimbabwe Deal: Key Points - BBC News, 15 septembre 2008.
  18. Zimbabwe Country Analysis
  19. (en) (en) « Country Reports on Human Rights Practices - 2013 », U.S. Department of State (consulté le )
  20. Robert Mugabe refuse de parler Ă  un journaliste blanc en Afrique du Sud - RTL, 11 avril 2015.
  21. Malick Diawara, « Zimbabwe : la revanche des fermiers blancs », sur Le Point, (consulté le )
  22. « Mugabe's land reform costs Zimbabwe $17 billion: economists », News 24, Cape Town,‎ (lire en ligne, consulté le )
  23. (en-US) Tonderayi Mukeredzi, « Zimbabwe’s New Land Reforms Don’t Go Far Enough », sur Foreign Policy, (consulté le )
  24. (en) (en) Crecey Kuyedzwa, « White Zim farmers accept R238m interim payment for land compensation », sur Fin24, (consulté le )
  25. « Zimbabwe  : la rĂ©forme agraire de Mugabe est bel et bien enterrĂ©e », sur Le Point, (consultĂ© le ).
  26. (en) Zimbabwe so ravaged it needs Rhodesian expertise and the West to recover, say war veterans - NewZimbabwe.com, 29 octobre 2017 (voir archive).

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