RĂ©ginald Outhier
Regnaud ou Renaud Outhier - pour l'Ă©tat-civil - dit aussi l'abbĂ© Outhier et qui signera certaines de ses Ćuvres RĂ©ginald Outhier, nĂ© Ă Lamarre-Jousserand le et mort Ă Bayeux le , est un ecclĂ©siastique et un scientifique français du siĂšcle des LumiĂšres.
Nom de naissance | Renaud Outhier, dit aussi Réginald Outhier ou l'abbé Outhier |
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Naissance |
Lamarre-Jousserand (Jura) |
DĂ©cĂšs |
(Ă 79 ans) Bayeux (Calvados) |
Nationalité | Française |
Domaines | Astronomie, géodésie |
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Institutions | Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen, Académie royale des sciences de Prusse, correspondant de l'Académie des sciences (France) |
Renommé pour | ouvrage : Journal d'un voyage au Nord |
C'est un savant polymathe. Il s'intéresse à l'astronomie, à l'horlogerie et à la mécanique. Plus tard, il participe à des travaux géodésiques, réalise cartes et dessins et s'intéresse aux mathématiques. Il doit sa renommée à son ouvrage Journal d'un voyage au Nord qui relate, jour aprÚs jour, son implication et ce qu'il a vu dans l'expédition en Laponie de Maupertuis à laquelle il prend part.
Biographie
RĂ©ginald Outhier est nĂ© le Ă La Marre (-Jousserand), village du bailliage de Poligny anciennement en Franche-ComtĂ©. Lâacte de naissance de RĂ©ginald Outhier n'a pas Ă©tĂ© retrouvĂ©[N 1], l'identitĂ© de ses parents ainsi que la profession de son pĂšre ne sont donc pas certaines. D'aprĂšs une enquĂȘte aux archives du Jura, Mario Morisi, Ă©crivain jurassien, propose que Pierre Joseph, son gĂ©niteur, ait Ă©tĂ© « procureur d'office de Mirebel ». La famille Outhier Ă©tait domiciliĂ©e au centre de La Marre, le quartier le plus important dit encore aujourd'hui « le quartier des Outhier », face Ă une croix trĂšs ancienne dĂ©diĂ©e à « Sainte-Anne et Marie enfant » et Ă la chapelle Saint-Sauveur oĂč priaient ses concitoyens[1] - [2] - [3].
Formation et début de carriÚre ecclésiastique
Les localitĂ©s franc-comtoises les plus importantes dans la vie de RĂ©ginald Outhier ont Ă©tĂ© La Marre, Poligny, Dole et Besançon ; on le sait puisquâil les a tracĂ©es lui-mĂȘme sur sa carte dâune partie de lâEurope contenu dans son « Journal ». Il fait ses premiĂšres classes sans doute dans ce qui allait devenir le CollĂšge de Poligny, puis Ă Dole, probablement chez les jĂ©suites du CollĂšge de lâArc. Admis au sĂ©minaire de Besançon en 1714 Ă l'Ăąge de vingt ans il y sera ordonnĂ© prĂȘtre probablement avant la fin de 1717.
AprĂšs une pĂ©riode de trois annĂ©es oĂč on le voit apparaĂźtre en tant qu'« ecclĂ©siastique » sur les registres de La Marre, oĂč il aide le curĂ© en charge, il est nommĂ© vicaire Ă Montain, une paroisse Ă©loignĂ©e dâune vingtaine de kilomĂštres de La Marre, comprenant, outre Montain, les villages de Lavigny, du Pin et du Louverot. Dans les anciens registres paroissiaux dĂ©posĂ©s aux archives dĂ©partementales, câest le quâun acte porte pour la premiĂšre fois la signature du vicaire Outhier. Le , il rĂ©dige et signe seul un de ces actes, et le 20 du mĂȘme mois, lâacte de dĂ©cĂšs de son curĂ©, le pĂšre Claude Chevillard (en office entre 1700 et 1730). Câest Ă cette date quâil devient administrateur de fait de la paroisse. Le dernier acte signĂ© de sa main est en date du ; le suivant, datĂ© du , lâest par le nouveau curĂ© Jacquemet seul, et Ă partir dâ apparaĂźt le nom dâun nouveau vicaire[4] - [5].
J. Richard, dans son mĂ©moire de 1926, Ă©crira[6] : « Sa signature est trĂšs lisible, dâune Ă©criture nette et rĂ©guliĂšre, sans autres ornements quâun trait sĂ©parĂ©, vigoureusement tracĂ©, la prolongeant ou la soulignant ; si lâon en croit la graphologie elle dĂ©noterait un esprit rĂ©flĂ©chi, mĂ©thodique, trĂšs pondĂ©rĂ©, bien que non dĂ©pourvu dâimagination, et aussi un caractĂšre prudent et loyal. »
Une lettre dâOuthier signĂ©e Ă La Marre le est Ă©galement connue (collection privĂ©e)[7].
PremiÚres années scientifiques, 1726-1736
Câest en assumant sa charge de prĂȘtre de campagne quâOuthier entame ses importants travaux en astronomie et en horlogerie, discipline qui, depuis la fin du XVIe siĂšcle, est une des fiertĂ©s de cette portion de la Franche-ComtĂ©.
RemarquĂ© dans ses Ă©crits par Jacques Cassini, membre de lâAcadĂ©mie royale des Sciences[8], il en deviendra un de ses correspondants scientifiques quelques annĂ©es plus tard[9].
En 1726, il imagine un « globe mouvant » oĂč les mouvements du Soleil et de la Lune se trouvaient figurĂ©s, permettant de visualiser ainsi les moments oĂč pouvaient avoir lieu des Ă©clipses. Le globe, exĂ©cutĂ© par son ami horloger Jean-Baptiste Cattin, est prĂ©sentĂ© par son concepteur Ă lâAcadĂ©mie royale des Sciences en 1727 et 1731 (version perfectionnĂ©e)[10]. Lâobjet est alors reçu avec lâĂ©loge suivante : « Quoiquâil y ait dĂ©jĂ plusieurs ouvrages dans ce goĂ»t-lĂ , on a trouvĂ© que celui-ci Ă©tait trĂšs ingĂ©nieusement imaginĂ©, que quelques dispositions nouvelles, celle, par exemple qui regarde les phases de la lune et ses latitudes, le rendaient simple, et donnaient une idĂ©e avantageuse de lâintelligence et de lâhabilitĂ© de lâinventeur. » ; Monnier[11] ajoute lâanecdote suivante : « LâabbĂ© Outhier ayant portĂ© ce globe Ă Paris, fut admis en 1732 Ă le prĂ©senter au Prince qui lui tĂ©moigna le dĂ©sir de lâacquĂ©rir, et qui le pressa de lui dire quel prix il y mettait. Notre abbĂ© qui ne savait pas que lâon ne vend rien au Roi, au lieu de lui faire hommage de son travail, eut la maladresse dâen fixer la valeur Ă quelques louis. La somme lui fut comptĂ©e ; et, par cette vente irrĂ©flĂ©chie, le mĂ©rite de lâinventeur disparut sous le salaire de lâartisan. »
Le [N 2], RĂ©gnaud ou Renaud Outhier est invitĂ© Ă lâAcadĂ©mie des Sciences. Ce jour-lĂ , il devient correspondant scientifique[12] de Jacques Cassini et on essaye de le retenir en le chargeant de rĂ©aliser calculs et plans de triangulation gĂ©odĂ©sique pour la future Grande Carte de France, mais il se soustraira assez vite Ă cette tĂąche fastidieuse.
Ă partir de 1732, sur les conseils de Cassini, il devient secrĂ©taire [scientifique] prĂšs du jeune Ă©vĂȘque de Bayeux, Mgr Paul dâAlbert de Luynes nommĂ© Ă ce poste en 1729 Ă l'Ăąge de 26 ans et astronome et physicien Ă©minent. Leur entente est si bonne qu'il rĂ©sidera Ă l'Ă©vĂ©chĂ©.
- Jacques Cassini pensionnaire de l'Académie.
- Paul d'Albert de Luynes, Ă©vĂȘque de Bayeux.
En 1733, il contribue, en tant que géomÚtre, au calcul de la perpendiculaire[N 3] - [13] à la méridienne de Paris pour la partie comprise entre Caen et Saint-Malo. C'est là qu'il approfondira ses connaissances pratiques en géodésie et cartographie. Cette expérience sera une sérieuse référence dans le choix de sa personne pour participer au « Voyage au Nord », dans les années suivantes.
Au service de Paul d'Albert de Luynes, une de ses tùches essentielles sera la réalisation de la carte du diocÚse parue en 1736[14].
Le Voyage au Nord, 1736-1737
En 1736â1737, sur la demande du comte de Maurepas, alors secrĂ©taire d'Ă©tat Ă la marine, et avec le consentement de son Ă©vĂȘque, Outhier s'engage Ă participer Ă lâexpĂ©dition de Maupertuis en Laponie, « quoique prĂ©venu contre le climat des pays du Nord ».
Cette expédition géodésique, qui consiste à mesurer un degré de latitude au Nord, a pour finalité de savoir si la Terre est sphérique, aplatie aux pÎles ou à l'équateur. Les principaux membres de cette mission sont quatre titulaires de l'Académie royale des sciences de Paris, à savoir : le géomÚtre et chef de l'expédition Maupertuis, le géomÚtre Clairaut, le mécanicien Camus, l'astronome Le Monnier ainsi qu'Outhier, correspondant de Cassini (accessoirement aumÎnier du groupe). Celsius, alors professeur d'astronomie à Uppsala, agrée par le roi et aujourd'hui célÚbre savant suédois[N 4], fera partie de l'équipe et jouera le rÎle de facilitateur dans le pays.
Il est à remarquer qu'Outhier est le seul membre de la mission ayant une connaissance approfondie de la géodésie de terrain[N 5].
« Câest dans cette circonstance que la personnalitĂ© dâOuthier sâaffirme avec Ă©clat. Observateur prĂ©cis et rigoureux, il travaille aux cĂŽtĂ©s de Maupertuis dans des conditions parfois extrĂȘmes et il fait preuve de qualitĂ©s physiques remarquables. Supportant avec la mĂȘme sĂ©rĂ©nitĂ© la chaleur de lâĂ©tĂ© et le froid polaire, il contribue trĂšs largement Ă la rĂ©ussite de lâexpĂ©dition.[15] »
Au retour en France, le Roi gratifie plusieurs membres de lâexpĂ©dition, y compris Celsius, dâune pension ; Maupertuis sâindigne en entendant quâOuthier est dĂ©pourvu de cette faveur. « Il alla trouver le cardinal Fleuri [alors Premier ministre de Louis XV] : lui tĂ©moigna sa surprise de ce qu'on n'avait point donnĂ© de pension Ă M. Outhier qui avait travaillĂ© plus que les autres dans ce voyage ; excellent observateur, trĂšs industrieux pour les instruments et pour leur graduation : dĂ©clara qu'il aimait mieux renoncer Ă sa pension que de voir M. Outhier sans rĂ©compense. Le cardinal fit donner Ă M. Outhier une pension de 1 200 livres sur une abbaye dont l'abbĂ© lui Ă©crivit trĂšs honnĂȘtement, avec promesse de lui faire remettre la somme tous les ans exactement, et sans frais[16]. »
Au retour du Voyage au Nord, 1738-1748
De retour du Voyage au Nord, Outhier reprend ses fonctions de secrĂ©taire scientifique auprĂšs de Paul d'Albert de Luynes. Personnellement ou avec son Ă©vĂȘque, il mĂšne Ă bien diffĂ©rents travaux scientifiques citĂ©s simplement ici et dĂ©veloppĂ©s plus loin.
Il trace à Bayeux et à Caen différentes méridiennes ébauchées par l'équipe de Jacques Cassini lors de leur passage en 1733. à cette époque les méridiennes sont fort utiles pour connaitre l'heure « exacte », notamment en astronomie.
Dans le domaine astronomique donc, il effectue diffĂ©rentes observations avec son protecteur, dans l'Ă©vĂȘchĂ© de Bayeux, ou Ă Sommervieu, la rĂ©sidence d'Ă©tĂ© situĂ©e Ă quelques kilomĂštres de Bayeux.
- Cour de l'ancien palais Ă©piscopal.
- L'ancienne rĂ©sidence d'Ă©tĂ© des Ă©vĂȘques.
Sur commande, fort de son expĂ©rience en cartographie, il rĂ©alise plusieurs cartes topographiques oĂč sont soulignĂ©s les repĂ©rages gĂ©odĂ©siques de l'AcadĂ©mie, dont les siens propres et, pour faciliter la mesure des distances sur le terrain, il met au point un odomĂštre assez original.
Dans le domaine de la géodésie pure, pour le compte de Cassini de Thury et pour la carte de France, il reprend du service et effectue la triangulation entre Saint-Malo et Nantes.
Accessoirement, il s'essaiera, en mathématique, à résoudre à sa façon la quadrature du cercle ; il produira aussi quelques almanachs pour le méridien de Bayeux.
Mais sa renommée viendra surtout de son ouvrage Journal d'un voyage au Nord qu'il publiera en 1744[17] en France et en 1746 à Amsterdam.
Outhier et les académies
Au début des années 1730, comme vu précédemment, Outhier devient correspondant de Jacques Cassini, membre de l'Académie royale des sciences de Paris. En tant que tel, il participe à divers travaux géodésiques et présente différentes études parues dans les Mémoires de l'Académie (voir infra).
Le , lâabbĂ© Outhier est candidat, en mĂȘme temps que Le Monnier, au poste dâadjoint gĂ©omĂštre de lâAcadĂ©mie. Câest par une lettre de Maurepas, le SecrĂ©taire dâĂtat Ă la Marine et Ă la Maison du Roi, datĂ©e du que lâAcadĂ©mie apprend que le roi a choisi Le Monnier, premier sur la liste. AprĂšs cet Ă©chec, Outhier ne se reprĂ©sente plus[18].
- Proposition de nomination de Lemonnier et Outhier.
- Choix du roi d'aprÚs une lettre de Maurepas transmise à l'Académie.
En 1756, à la mort de Jacques Cassini, son fils César François dit Cassini de Thury le reconduit dans cette fonction en raison des travaux effectués pour les levés de la carte de France[12] - [19]. Dans ses remerciements à ses collaborateurs sur le terrain, Cassini de Thury citera en premier Outhier, soulignant par là sa reconnaissance et le respect pour son engagement, son sérieux et l'exactitude de ses relevés[20].
En 1733, Outhier est Ă©lu membre de lâAcadĂ©mie royale des Belles-Lettres de Caen (fondĂ©e par Moisant de Brieux en 1652).
Un des objectifs de Paul d'Albert de Luynes, en arrivant dans son Ă©vĂȘchĂ©, Ă©tait de rĂ©veiller cette vieille assemblĂ©e qui somnolait depuis plusieurs dĂ©cennies ; il l'installe alors dans son palais Ă©piscopal de Caen et y prĂ©sente Outhier - qui Ă©tait attachĂ© Ă sa personne. Le fait que ce dernier soit correspondant de l'AcadĂ©mie des sciences, ainsi que ses travaux du moment ont assurĂ©ment jouĂ© en faveur de son Ă©lection. En 1754, ĂągĂ© alors de soixante ans, il donne sa dĂ©mission et est nommĂ© acadĂ©micien vĂ©tĂ©ran.
En 1746, invitĂ© par Maupertuis Ă le rejoindre Ă l'AcadĂ©mie de Berlin - ce qui montre l'estime que ce dernier lui portait -, Outhier, aprĂšs de probables hĂ©sitations[N 6], en deviendra membre en 1747 au mĂȘme titre que Diderot, Lalande, Voltaire et quelques autres Français, mais il ne se rendra jamais Ă Berlin[21].
Il a Ă©tĂ© associĂ© de quelque maniĂšre aux travaux de lâ AcadĂ©mie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon (fondĂ©e en 1752) mais rien nâindique une nomination formelle. Câest par la relation de lâabbĂ© Outhier que le marquis de Montrichard, de lâAcadĂ©mie de Besançon, prend connaissance de lâorge de Laponie qui est trĂšs rĂ©sistant au froid[22].
Ă noter quâOuthier est jusquâĂ la fin identifiĂ© comme « prĂȘtre du diocĂšse de Besançon » et qu'il a maintenu des liens intellectuels avec cette ville puisquâil offre un exemplaire de son Journal Ă la bibliothĂšque du Grand sĂ©minaire de Besançon avec le dĂ©dicace « Seminarii bisuntini dono autoris »[23].
- Le palais Ă©piscopal de Caen.
- L'entrée de l'Académie à Berlin.
- L'entrée du grand séminaire de Besançon.
Une fin de vie paisible et studieuse, 1748-1774
En 1748, il devient chanoine ; il reçoit de son Ă©vĂȘque « collation du canonicat et de la prĂ©bende du Locheur en sa cathĂ©drale de Bayeux⊠L'abbĂ© Outhier est portĂ© prĂ©sent Ă toutes les rĂ©unions, de fĂ©vrier 1749 inclus Ă juillet 1764 inclus [24]».
En 1753, Paul d'Albert de Luynes est nommĂ© Ă lâarchevĂȘchĂ© de Sens. Outhier ne le suivra pas et restera sur Bayeux : le successeur de l'Ă©vĂȘque de Bayeux, Pierre-Jules-CĂ©sar de Rochechouart s'Ă©tonne, lors de son installation, de la rĂ©sidence de l'abbĂ© dans les locaux de l'Ă©vĂȘchĂ©. Ce dernier est priĂ© de quitter les lieux et se cherchera une habitation Ă proximitĂ©.
Le , lâabbĂ© Outhier « infirme de corps Ă cause de son Ăąge avancĂ© et toutefois sain dâesprit et dâentendement[25] » avait donnĂ© procuration pour rĂ©signer « entre les mains de Notre Saint PĂšre le Pape, Mgr le Chancelier ou tout autre » ses canonicat et prĂ©bende en faveur du Sieur RenĂ© dâEtreham, sous la rĂ©serve dâune pension et rente viagĂšre de 700 livres, Ă prendre sur le plus clair des revenus du bĂ©nĂ©fice. Or, Rome nâaccepta pas cet arrangement car il manquait au dossier un certificat de bonne vie et mĆurs, saine doctrine, et dâidonĂ©itĂ© et capacitĂ© Ă possĂ©der les bĂ©nĂ©fices ecclĂ©siastiques. Un litige tortueux qui opposa Outhier et dâEtreham sâensuivit ; câest seulement le que le transfert eut dĂ©finitivement lieu[26]».
LâabbĂ© Outhier « se retira dans une petite maison quâil avait acquise prĂšs du couvent de la CharitĂ© »[27]. Il y partagea son temps « entre lâĂ©tude et la priĂšre » pendant dix ans et sâĂ©teignit le Ă lâĂąge de 79 ans dans un ancien manoir[28] encore visible aujourd'hui, situĂ© au 13 rue Montfiquet[29] et appelĂ© le « Manoir GuĂ©rin de la Houssaye ». Comme membre de la paroisse Saint-Patrice, l'abbĂ© est inhumĂ© le lendemain[30] dans la chapelle de lâImmaculĂ©e Conception de la Sainte Vierge de lâ Ă©glise de ladite paroisse. Aucun portrait d'Outhier ne nous est connu.
- Une vue de l'Ă©glise Saint-Patrice.
- Le chĆur ; Ă droite vers la chapelle de la Vierge.
Travaux publiés
Les domaines prĂ©sentĂ©s suivent Ă peu prĂšs l'ordre chronologique des travaux de l'abbĂ© ; son ouvrage Journal dâun voyage au Nord fait l'objet d'une section particuliĂšre.
Globe mouvant
Le globe mouvant inventé par l'abbé Outhier se conjugue suivant deux versions trÚs proches dans leur conception.
Cette premiÚre « invention » est un globe céleste « qui, quoiqu'il y ait déjà plusieurs ouvrages dans ce goût là , donne une idée avantageuse de l'intelligence et de l'habileté de l'inventeur[31]. »
Description[32] :
Monté sur un pied comme une sphÚre armillaire, avec son horizon et son méridien, il comprend essentiellement :
- le globe cĂ©leste mouvant, en cuivre [ou laiton], dont l'axe des pĂŽles est inclinĂ© sur l'horizon de 49°, sensiblement la latitude de Paris. Il tourne autour de son axe en un jour sidĂ©ral, soit 23 h 56 min 04 s. « Sur ce globe sont gravĂ©es la plupart des Ă©toiles fixes avec les constellations et tous les cercles de la sphĂšre. » La Terre est supposĂ©e ĂȘtre au centre du globe ;
- au pĂŽle nord, on trouve un cadran horaire muni d'une seule aiguille, celle des heures ;
- au zénith, un timbre sonne les heures en passant ;
- vers le pÎle sud, du pÎle méridional de l'écliptique partent deux bras portant respectivement le Soleil et la Lune ;
- le Soleil, noté en K sur la figure, est animé de son mouvement diurne (autour du globe) et de son mouvement annuel (par déplacement sur l'écliptique) ;
- la Lune, elle notée en M, est animée de son mouvement journalier et de son déplacement angulaire mensuel par rapport à l'écliptique. Un dispositif ingénieux permet de visualiser ses différents phases.
Parmi les fonctions de ce globe, on peut souligner la visualisation du lever, passage au méridien et coucher des deux astres. La fonction la plus intéressante est sans conteste d'indiquer une possibilité d'éclipse lorsque Soleil et Lune sont en conjonction (éclipse de Soleil) ou opposition (éclipse de Lune).
MĂ©canisme :
La figure montre la division interne initiale du mécanisme. Dans la partie supérieure, vers le pÎle arctique, se trouvent les rouages horaires : un mouvement classique avec échappement et pendule et la complication pour donner la rotation au globe suivant le jour sidéral ; un rouage pour la sonnerie complÚte ce mécanisme.
Dans la partie basse, vers le pÎle septentrional H et le pÎle de l'écliptique Z, se trouvent les mécanismes assurant les mouvements diurnes des deux astres et le mouvement mensuel pour la Lune et annuel pour le Soleil.
Dans cette version[33], l'abbé Outhier, sur le conseil de plusieurs personnes de l'Académie, va supprimer la sonnerie et adjoindre au cadran horaire une aiguille des minutes.
L'inventeur propose aussi un moyen pour agir sur la longueur du pendule sans entrer dans le mécanisme qui se trouve à l'intérieur du globe ; ce réglage permet d'ajuster l'avance ou le retard de temps affiché sur le cadran en fonction des variations de la température ambiante.
La prĂ©sentation Ă l'AcadĂ©mie de la premiĂšre version du globe a lieu le samedi devant l'AssemblĂ©e oĂč on trouve, entre autres : Pajot d'Ons-en-Bray, membre honoraire ; Jacques Cassini, Maraldi, Chevallier, pensionnaires ; Maupertuis, Duffay, associĂ©s. Ces personnalitĂ©s se retrouveront Ă plusieurs reprises dans la description des travaux de l'abbĂ©.
Ce jour, « M. Outhier, curé en Franche-Comté a fait voir une machine qui représente les mouvements du Soleil et de la Lune, pour laquelle on a nommé Messieurs Cassini et Duffay[34]. »
Le , Cassini et Duffay, aprÚs avoir examiné le globe céleste d'Outhier, le présentent devant l'Assemblée ; Fontenelle, le secrétaire perpétuel en fera le compte-rendu[35].
Il subsiste quelques exemplaires du globe mouvant de l'abbé Outhier :
- le premier identique à la premiÚre version, avec une sphÚre en métal doré, a été mis en vente chez Jonathan Snellenburg en 2001-2008 (le site « Jonathan Snellenburg » est résilié.) ;
- deux autres globes identiques à la seconde version se trouvent au musée maritime national de Greenwich[36] ; d'autre part, Jonathan Snellenburg en mis un autre à la vente en 2001-2008 ;
- un dernier, du mĂȘme type, fait partie des collections du MusĂ©e des Arts et mĂ©tiers. Seul le mĂ©canisme subsiste[37]. Il provient des cabinets de Pajot d'Ons-en-Bray pour qui Outhier rĂ©alisera une carte de son comtĂ© d' Ons-en-Bray.
- Le mécanisme de la seconde version, Musée des Arts et métiers.
Mémoire sur la régulation des pendules à ressort
Le , « M. Outhier est entré [dans la salle de l'Académie] et a lu un mémoire sur la maniÚre de perfectionner le mouvement des pendules à ressort[38]. ».
Ce mémoire, trÚs technique, comprend six page de description accompagnées d'une illustration faite de quatre figures[39].
- MĂ©canisme.
Il ne semble pas que ce perfectionnement soit passé à la postérité ; il ne sera pas décrit ici.
Géodésie, triangulation
FormĂ© Ă la triangulation thĂ©orique par Jacques Cassini dĂšs 1731, secrĂ©taire scientifique de Paul d'Albert de Luynes en 1732, l'abbĂ© Outhier va s'investir dans des relevĂ©s gĂ©odĂ©siques en Bretagne et en Normandie, que ce soit pour l'AcadĂ©mie et la future Carte de France ou pour son Ă©vĂȘque qui lui rĂ©clame une carte topographique de son diocĂšse levĂ©e gĂ©omĂ©triquement.
De Caen Ă Saint-Malo
En 1733, « M. l'abbé Outhier travaille avec nous [l'équipe de Cassini] à la description de la perpendiculaire à la méridienne de Paris, depuis Caen jusqu'à Saint-Malo »[40].
Sur le terrain, il va cÎtoyer les principaux membres de l'équipe : Maraldi II, Jacques Cassini et ses fils, et d'autres géographes : Jean Delagrive et François Chevallier[41].
à leur contact, il approfondit ses connaissances pratiques. D'une part dans l'établissement des triangles (mesures sur le terrain à l'aide d'un quart de cercle mobile), dans la détermination d'une base prÚs de Granville et le tracé d'une méridienne à Caen et à Bayeux - toutes ces notions étant nécessaires pour réaliser une bonne triangulation. D'autre part, au contact de Delagrive et de Chevallier, il s'initie à la cartographie. Ses compétences le rendent alors autonome et il pourra mener seul d'autres triangulations et réaliser aussi quelques cartes particuliÚres, de diocÚses notamment.
Sur la cĂŽte normande
En 1736, Outhier va publier « une carte topographique du diocÚse de Bayeux levée géométriquement et assujettie aux observations de Messieurs de l'Académie[N 7] » ; sur cette carte sont soulignés tous les points objets de triangulation.
Ă l'origine, en 1733, l'Ă©quipe de Cassini s'arrĂȘte Ă Bayeux, chez l'Ă©vĂȘque. Ils tracent au sol dans la bibliothĂšque de l'Ă©vĂȘchĂ© une mĂ©ridienne et « observent sur la tour de la cathĂ©drale les angles entre divers objets aux environs pour dĂ©terminer leur situation par rapport Ă ceux qui Ă©taient dĂ©jĂ connus[42] » ; c'est Ă partir de ces points que l'abbĂ© va trianguler le diocĂšse et Ă©baucher le contour des cĂŽtes jusqu'Ă Cherbourg.
Comme instrument il emploie un quart-de-cercle un peu déréglé, mais qu'il saura compenser. Ses observations, d'aprÚs Cassini de Thury sont trÚs exactes. Dans ses investigations, il repÚre une plage assez grande qui sera utilisée pour l'établissement de l'une des dix-huit bases géodésiques du canevas de la carte de France, la base dite de l'ßle « Saint-Marcou »[43] (plus 11 km).
AprÚs 1739, « il achÚve ce qui reste des cÎtes de la Normandie du cÎté de Cherbourg »[N 8] - [44].
De Saint-Malo Ă Nantes
En 1737[45], Cassini de Thury confie à l'abbé Outhier, au retour du Voyage au Nord, la triangulation pour joindre Saint-Malo à Nantes en suivant la direction du méridien de Rennes.
Cette triangulation comporte 16 triangles dont le premier cÎté du premier triangle, au nord, joint Saint-Meloir au mont Saint-Michel et dont l'extrémité sud est à Marzan, au-dessus de Guérande, prÚs de la base de Savenay qui servira de vérification[46]. Les triangles sont présentés dans le détail dans l'ouvrage de Cassini de Thury.
Ce travail, menĂ© avec une prĂ©cision extrĂȘme, sera vĂ©rifiĂ© par Cassini lui-mĂȘme et revĂ©rifiĂ© par MĂ©chain quelque quarante ans plus tard : les rĂ©sultats « ont donnĂ© confirmation de l'exactitude des opĂ©rations de M. Outhier »[47].
Autres triangulations
L'abbĂ© Outhier, dans les cartes qu'il publie, souligne toujours les points dĂ©terminĂ©s gĂ©omĂ©triquement. Ce sera le cas, outre la carte du diocĂšse de Bayeux dĂ©jĂ Ă©voquĂ©e, des cartes du comtĂ© d'Ons-en-Bray et de l'archevĂȘchĂ© de Sens (voir infra).
La triangulation effectuée en Laponie par l'équipe de Maupertuis sera reprise dans l'ouvrage de l'abbé ; elle sera présentée dans la section correspondante.
Cartographie
« Les méthodes géométriques mises au point par l'Académie des sciences et les travaux qu'elle exécute ont une influence sur la cartographie non officielle dÚs la fin du XVIIe siÚcle et principalement dans la premiÚre partie du XVIIIe siÚcle ».
Les cartes de diocĂšses en sont le plus bel exemple et les deux principales cartes de l'abbĂ© RĂ©ginald Outhier (Bayeux et Sens) s'inscrivent dans cette catĂ©gorie. On peut y ajouter sa carte du comtĂ© d'Ons-en-Bray qui suit les mĂȘmes exigences : ces cartes trĂšs ornĂ©es comme le veut l'Ă©poque se doivent d'ĂȘtre contrĂŽlĂ©es par les membres de l'AcadĂ©mie et notamment par Cassini de Thury[48].
Carte du diocĂšse de Bayeux, 1736
Cette carte topographique[50] est dĂ©diĂ©e Ă Paul d'Albert de Luynes, Ă©vĂȘque de Bayeux qui est le protecteur d'Outhier. GravĂ©e au 1 : 130 000, « elle est levĂ©e gĂ©omĂ©triquement, selon ses ordres, par Monsieur Outhier, prĂȘtre ; assujettie aux observations de Messieurs de l'AcadĂ©mie et aux opĂ©rations de Monsieur de Cassini⊠»
Elle comporte la carte proprement dite oĂč sont soulignĂ©s les points dĂ©terminĂ©s de façon gĂ©omĂ©trique - plus de 100 points, en y incluant les signaux de M. Cassini - ; sur son pourtour on y voit son cartouche ornĂ©, la division du diocĂšse en paroisses, et un renvoi (lĂ©gende) avec son Ă©chelle, plus de quarante signes distinctifs, et mĂȘme les jours de marchĂ©.
Dans les coins inférieurs sont placés les plans de Bayeux et de Caen avec leurs remarques (légende), leur échelle et leur localisation suivant le méridien et le parallÚle du lieu.
- Plan de Bayeux.
- Plan de Caen.
Carte du comté d'Ons-en-Bray, 1740
Pajot d'Ons-en-Bray et Outhier se connaissent depuis 1727, date Ă laquelle Outhier prĂ©sente un globe mouvant Ă l'AcadĂ©mie ; au retour de Laponie, Louis-LĂ©on Pajot commande Ă l'abbĂ© une carte de son comtĂ© situĂ© tout prĂšs de Thury-sous-Clermont oĂč les Cassini ont demeure.
Cette carte[51] au 1 : 25 000, quoique plus simple que celle de Bayeux, est exĂ©cutĂ©e avec le mĂȘme soin et avec les mĂȘmes contraintes : elle est « levĂ©e gĂ©omĂ©triquement par M. l'abbĂ© Outhier correspondant de l'AcadĂ©mie des sciences, assujettie aux observations de Messieurs de la dite acadĂ©mie et aux opĂ©rations de M. de Cassini ».
On y trouve, en plus d'un cartouche ornĂ©, un cadre oĂč sont indiquĂ©es les distances des principaux endroits par rapport Ă la mĂ©ridienne de Paris et Ă sa perpendiculaire ainsi que quelques latitudes et longitudes de lieux particuliers.
Carte du diocĂšse de Sens, 1741
Son commanditaire est Jean-Joseph Languet de Gergy archevĂȘque de Sens et membre de l'AcadĂ©mie française ; nul doute que Joseph Languet et Paul d'Albert de Luynes se connaissent et se frĂ©quentent, notamment Ă cause de leur prĂ©sence Ă la Cour et Ă leurs positions respectives sur le jansĂ©nisme[N 9].
La carte topographique[52] au 1 : 180 000 est calquée dans ses grandes lignes sur celle de Bayeux.
Dans son cartouche ornĂ©, l'abbĂ© se qualifie comme « prĂȘtre du diocĂšse de Besançon, correspondant de l'AcadĂ©mie des sciences ».
Sur la carte proprement dite sont soulignés 131 points géodésiques dont 24 à 27 sont dus à M. Cassini.
Sur son pourtour on y voit son cartouche ornĂ©, la division du diocĂšse en archidiaconĂ©s et doyennĂ©s, un cadre oĂč sont donnĂ©es les explications des renvois avec plus trente-huit signes distinctifs et, en bas l'Ă©chelle.
Dans le coin supĂ©rieur gauche est placĂ© un plan de Sens et de ses faubourgs, avec son Ă©chelle et ses renvois ; dans le coin infĂ©rieur droit, suivant le mĂȘme principe, on trouve un plan du chĂąteau de Fontainebleau oĂč sont repĂ©rĂ©s une vingtaine de lieux particuliers.
- Plan de Sens.
- Plan du chĂąteau de Fontainebleau
Carte de l'Ă©vĂȘchĂ© de Meaux
Selon certaines publications biographiques du XIXe siĂšcle, il aurait Ă©tĂ© publiĂ© une carte de l'Ă©vĂȘchĂ© de Meaux, attribuĂ©e Ă Outhier, en 1717. Cette rĂ©fĂ©rence semble douteuse : Ă cette date, l'abbĂ© n'a que 23 ans d'une part et, d'autre part, cette carte d'Outhier n'existe pas dans les archives nationales ni dans celles de l'Ă©vĂȘchĂ© de Meaux qui ont Ă©tĂ© victimes d'incendie. D'aprĂšs d'autres sources (Danville notamment), il faudrait plutĂŽt attribuer cette carte Ă Chevallier qui l'aurait publiĂ©e dĂšs 1698 ; une Ă©dition de 1717, dĂ©diĂ©e Ă l'origine Ă Bossuet, existe bien Ă la BnF[53].
MĂ©canique
Fort de ses connaissances en horlogerie, l'abbé va perfectionner un instrument de mesure de distances dont il a fait usage dans la topographie de ses cartes : l'odomÚtre.
OdomĂštre
Sur le terrain, L'abbé Outhier emploie deux types d'instruments pour mesurer des distances nécessaires à sa cartographie :
- le premier est un quart de cercle mobile qui va lui permettre de mesurer des angles et par lĂ de calculer de grandes distances par triangulation ;
- le second est un odomÚtre, instrument employé pour mesurer des distances secondaires liées au canevas des triangles définis géométriquement.
L'odomĂštre employĂ© par l'abbĂ© et fixĂ© sur sa voiture, est Ă l'origine un instrument de M. Meynier, prĂ©sentĂ© Ă l'AcadĂ©mie en 1724[54]. Ă l'usage cet instrument s'est rĂ©vĂ©lĂ© prĂ©senter un dĂ©faut majeur : lors de reculs, parfois nĂ©cessaires dans les mesurages, l'aiguille de l'odomĂštre s'arrĂȘte et ne dĂ©compte pas ces phases de recul, faussant les rĂ©sultats finaux attendus.
Ainsi, par exemple, soit à mesurer une distance de 120 unités : on mesure, depuis une origine, 100 u (affichage 100) puis on recule de 20 u (affichage 100) ; on est alors à 80 u de l'origine ; on repart jusqu'au but, la distance restant à parcourir est de 120 - 80 = 40. Est affiché finalement : 100 + 40 ; le résultat est faussé du recul non décompté.
L'abbé perfectionne cet instrument, supprime son défaut rédhibitoire et l'utilise dans ses levés cartographiques. Il le présente à l'Académie en 1742[55].
Son mécanisme est décrit dans le Recueil des machines approuvées par l'Académie, une illustration accompagne le propos[56].
Dans ses conclusions, l'AcadĂ©mie recommande « d'en faire usage pour perfectionner la description topographique du royaume » ; dans celles du Recueil des machines, est Ă©voquĂ© un autre type d'odomĂštre dont M. d'Ons-en-Bray a discutĂ© avec M. l'abbĂ© Outhier. Plus tard, dans l' EncyclopĂ©die mĂ©thodique de 1785, l'odomĂštre d'Outhier est citĂ© : « dans l'odomĂštre de l'abbĂ© l'aiguille recule quand le voyageur recule ; en sorte que l'odomĂštre dĂ©compte de lui-mĂȘme tous les pas (sic) de trop que l'on a fait en arriĂšre »[57].
Astronomie
L'abbé Outhier et son protecteur, Paul d'Albert de Luynes, ont observé le ciel conjointement au début des années 1740 puis, Luynes étant le plus souvent à Versailles, l'abbé observe seul jusqu'en 1762, date de sa derniÚre publication à l'Académie ; il a alors 68 ans. à cette époque, l'astronomie d'observation est surtout centrée sur les éclipses de Lune qui permettent la détermination des longitudes ; cette détermination implique la mesure du temps et nécessite l'usage de méridiennes qui soient les plus précises possible pour éviter les erreurs de localisation.
MĂ©ridiennes
1 - La méridienne de Caen
En 1733, dans sa marche vers Saint-Malo, Jacques Cassini va s'arrĂȘter Ă Caen sur les terres de lâĂ©vĂȘque qui y possĂšde un « palais ». Ce dernier accueille toute lâĂ©quipe dâastronomes-gĂ©odĂ©siens et, Ă lâ abbaye aux Dames oĂč une des parentes de Luynes est abbesse, lâĂ©quipe de Cassini trace une mĂ©ridienne horizontale â par besoin gĂ©odĂ©sique et aussi peut-ĂȘtre suivant les dĂ©sirs de leur hĂŽte. l'abbĂ© Outhier affinera plus tard son tracĂ©, en tant que secrĂ©taire scientifique de l'Ă©vĂȘque et, en tant que membre de lâAcadĂ©mie des sciences, arts et belles-lettres de Caen.
M. Outhier lâacheva.
De cette mĂ©ridienne, il ne reste rien aujourdâhui, ni au sol, ni dans les archives.
2 - La méridienne de Bayeux
Toujours en 1733, au retour de St Malo, Cassini et son Ă©quipe passent par Bayeux, rĂ©sidence principale de lâĂ©vĂȘque qui les a probablement invitĂ©s. Ils y restent quelques jours, effectuant des relevĂ©s gĂ©odĂ©siques localisant la ville et dĂ©terminant la latitude astronomique du lieu. Pendant leur sĂ©jour, ils tracent une mĂ©ridienne dans la bibliothĂšque de lâĂ©vĂȘchĂ©, Ă©vĂšnement relatĂ© dans les MĂ©moires de lâAcadĂ©mie des Sciences par Jacques Cassini :
« Nous fĂźmes diverses observations de hauteur du Soleil, dâĂ©toiles fixes, & principalement de lâĂtoile polaire, dans le Palais Ă©piscopal qui joint Ă la CathĂ©drale, & oĂč M. lâEvĂȘque de Bayeux a fait tracer dans sa bibliothĂšque une grande MĂ©ridienne, avec des lignes qui marquent les heures avant & aprĂšs midi, de cinq en cinq minutes, par M. lâAbbĂ© Outhier⊠» [59].
- Localisation de la méridienne de Bayeux.
- Tracé théorique de la méridienne horizontale.
Comme pour la mĂ©ridienne de Caen, cette derniĂšre, horizontale, a Ă©tĂ© mise en place pour besoins gĂ©odĂ©siques. Elle a vraisemblablement servi par la suite Ă lâĂ©vĂȘque et Ă Outhier pour leurs observations personnelles.
3 - La méridienne de Sommervieu
On rappelle que Sommervieu est la maison de campagne de lâĂ©vĂȘque ; elle est situĂ©e Ă 3 km au N-E de Bayeux.
Jacques Cassini rapporte, dans les MĂ©moires de lâAcadĂ©mie, des observations effectuĂ©es par lâĂ©vĂȘque et Outhier dâune Ă©clipse (occultation) de Jupiter par la Lune :
« Le , M. lâĂ©vĂȘque avait rĂ©glĂ© depuis longtemps sa pendule par le passage de plusieurs Ă©toiles fixes dans la lunette dâun arc de cercle scellĂ© trĂšs solidement dans le mur depuis trois ans, & vĂ©rifiĂ© souvent ; ainsi il en connaissait exactement la marche, & il a pris avant et aprĂšs lâobservation, le passage du Soleil par le mĂ©ridien Ă une mĂ©ridienne fort juste & fort solide quâil avait vĂ©rifiĂ©e depuis quinze jours par des hauteurs correspondantes prises avec tout le soin possible[60]. »
La localisation de la mĂ©ridienne et de lâarc de cercle Ă lunette utilisĂ© pour rĂ©gler la pendule n'est pas prĂ©cisĂ©e : LâĂ©vĂȘque entretient un laboratoire jouxtant sa chambre, ce lieu ne semble pas judicieux pour installer une mĂ©ridienne, lâaile occidentale du bĂątiment bouchant la vue du sud vers lâouest. Le local serait plutĂŽt Ă lâĂ©tage oĂč lâhorizon est plus dĂ©gagĂ©[N 10] - [61].
Observations
Une dizaine d'observations sont inscrites dans les publications de l'Académie.
Année | Observation | Lieu | Instrument |
---|---|---|---|
1743 | Ăclipse de Lune[62] | Bayeux | Lunette type ? |
1744 | Ăclipse de Jupiter par la Lune[63] | Sommervieu | Lunette de 8 pieds (2,6 m) |
1748 | Ăclipse de Soleil[64] | Bayeux | Lunette de 2 pieds (0,65 m) et de 13 pieds (4,2 m) |
1748 | Ăclipse de Lune[65] | Bayeux | Lunette de 2 pieds (0,65 m) |
1749 | Ăclipse de Lune[66] | Bayeux | d° |
1750 | Ăclipse de Soleil[67] | Bayeux | d° |
1750 | Carte des Pléiades[68] | Bayeux ? | Lunette de 15 pieds (4,9 m) |
1761 | Ăclipse de Lune[69] | Bayeux | Lunette de 34 pouces (0,92 m) |
1761 | Passage de Vénus sur le Soleil[70] | Bayeux | d° |
1762 | Ăclipse de Lune[71] | Bayeux | d° |
On constate que cinq observations d'Ă©clipses de Lune ont Ă©tĂ© publiĂ©es. Dans celle de 1749, Outhier donne un Ă©cart de 12 min 15 s entre ses observations et celles effectuĂ©es Ă Paris, ce qui revient Ă une diffĂ©rence de longitude de 3° 3âČ 45âł entre Paris et Bayeux[N 11]. En comparant la longitude trouvĂ©e Ă celle d'aujourd'hui (3° 2âČ 23âł), on trouve une diffĂ©rence de 1 675 m.
Dans la carte des Ă©toiles des PlĂ©iades, Ă©tablie en 1750 et publiĂ©e en 1755, Outhier donne un complĂ©ment aux 35 Ă©toiles observĂ©es par Le Monnier - Pierre Charles Lemonnier est d'origine normande par son pĂšre Pierre Lemonnier nĂ© Ă Saint-Sever (Calvados). Charles possĂšde, Ă l'Ă©poque de l'observation des PlĂ©iades entre 1744 et 1748, une rĂ©sidence situĂ©e Ă 5 km de Bayeux, Ă HĂ©rils (commune de Maisons) oĂč il mourra en 1799[72].
« La carte des PlĂ©iades, [Ă©tablie] par M. Outhier, dont trente-cinq des Ă©toiles qui y sont contenues ont Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©es par les observations de M Lemonnier ; M. l'abbĂ© Outhier a placĂ© les autres par estime et par des alignements pris avec tout le soin possible et plusieurs fois rĂ©pĂ©tĂ©s avec les premiĂšres. Cet ouvrage est d'autant plus utile que dans de certaines situations des nĆuds de la Lune et de ceux des autres planĂštes, ces Ă©toiles sont souvent Ă©clipsĂ©es ou traversĂ©es par les unes ou par les autres[73]. »
Mathématiques
En 1755, l'Académie publie un mémoire, en géométrie, sur la quadrature du cercle par approximation, par l'abbé Outhier. Dans la préface des Mémoires de mathématiques et de physique, t. II, on peut lire :
« Tous ceux qui ont la plus mĂ©diocre teinture de GĂ©omĂ©trie savent qu'on peut toujours, en augmentant les rayons, rendre un secteur d'un moindre nombre de degrĂ©s Ă©gal Ă un secteur donnĂ© d'un cercle plus petit ; c'est par ce moyen que M. l'abbĂ© Outhier rĂ©duit tout cercle et tout secteur donnĂ© Ă un autre secteur dans lequel l'arc peut ĂȘtre aussi petit que l'on voudra. Cette idĂ©e a paru simple et ingĂ©nieuse. »
Le sujet est développé sur une page avec une figure explicative[74].
Ce problÚme mathématique est celui qui a résisté le plus longtemps aux mathématiciens. Ils ont mis plus de trois millénaires à étudier le problÚme, reconnu insoluble par Ferdinand von Lindemann en 1882.
Météorologie et almanach
- En 1756, l'abbé Outhier, « suivant la mode de l'époque[N 12] » relÚve ses observations météorologiques faites à Bayeux. Elles ont été publiées en 1763[75].
- De 1749 Ă 1755, il publie, chez Gabriel Briard Ă Bayeux, un almanach calculĂ© pour le mĂ©ridien de Bayeux, augmentĂ© de l'Ă©tat prĂ©sent de la ville et du diocĂšse. « Il y calcule l'heure du lever et du coucher du Soleil, du lever et du coucher de la Lune et des planĂštes, etc., etc. En s'en tenant Ă peu prĂšs aux phĂ©nomĂšnes cĂ©lestes, il n'a fait qu'un almanach aujourd'hui sans intĂ©rĂȘt[76]. »
Le Journal d'un voyage au Nord
Lors de lâexpĂ©dition de Maupertuis en Laponie, l'abbĂ© Outhier, membre participant[N 13], va rĂ©diger son journal qui relate, jour aprĂšs jour, son implication et ce qu'il a vu de curieux dans ce monde aux confins du cercle polaire[17].
Dédicace et préface
Dans sa dĂ©dicace Ă Monseigneur d'Albert de Luynes, Ă©vĂȘque de Bayeux, comme dans la prĂ©face de son Journal, Outhier indique qu'il n'a fait ce Journal que pour sa propre satisfaction.
Le style en est extrĂȘmement sec et simple ; assujetti Ă l'ordre des Ă©vĂšnements, Outhier les raconte tels qu'ils sont. « La vĂ©ritĂ©, la sincĂ©ritĂ© du rĂ©cit, la nature des choses que je raconte et qui sont par elles-mĂȘmes quelquefois intĂ©ressantes, pourront dĂ©dommager le public de ce qui manque Ă mon style. »
Ayant communiqué son manuscrit à quelques amis, ces derniers l'encouragent, malgré ses réticences et sa modestie, à le publier.
L'ouvrage sera présenté à l'Académie et examiné par Maupertuis et Clairaut. Le , la Compagnie, par la voix de Grandjean de Fouchy secrétaire perpétuel de l'académie royale des sciences, a jugé que l'ouvrage qui relate fidÚlement le Voyage des académiciens au Nord était digne d'impression[77].
Vers la Laponie
En 1735, la décision royale de mesurer un arc de méridien vers l'équateur et vers le cercle polaire est prise. M. le comte de Maurepas, secrétaire d'état à la marine « apporte à l'Académie tout le soutien nécessaire pour faire des observations dont le résultat était important pour perfectionner les sciences et pour rendre la navigation encore plus sûre ». M. de Maupertuis s'offrit pour faire le voyage au Cercle Polaire et demanda, entre autres, à Outhier de l'accompagner.
L'abbĂ© se rend Ă Paris en pour participer Ă la prĂ©paration des instruments et pourvoir Ă tout le nĂ©cessaire pour l'expĂ©dition dont le dĂ©part est prĂ©vu en . Durant cette pĂ©riode, les acadĂ©miciens du futur voyage, Maupertuis et Clairaut, peu formĂ©s aux mesures gĂ©odĂ©siques, vont se familiariser avec les instruments et s'exercer Ă leur usage chez M. Cassini Ă Thury-sous-Clermont[78] ; peut-ĂȘtre l'abbĂ© s'est-il joint Ă eux, Ă©tant le seul praticien gĂ©odĂ©sien expĂ©rimentĂ© ?
Le dĂ©part de Paris a lieu le , direction Dunkerque oĂč ils embarquent Ă bord d'un petit vaisseau, Le Prudent, le , pour rejoindre Stockholm. Le voyage par mer a lieu sans grandes difficultĂ©s - exceptĂ© le mal de mer. L'abbĂ©, outre ses impressions personnelles de nouveau navigant et des relevĂ©s astronomiques de latitude de l'Ă©quipe, joint Ă son journal des extraits du journal du pilote. L'arrivĂ©e Ă Stockholm, saluĂ©e par des tirs de canons, a lieu le . Ils y restent quelques jours et l'abbĂ© en profite pour dĂ©crire la ville et en dresser un plan qui sera joint Ă son ouvrage.
Ayant peu apprĂ©ciĂ© le voyage par mer, l'Ă©quipe poursuit son chemin vers le Nord, par terre, dans deux carrosses achetĂ©s pour l'occasion. L'itinĂ©raire passant par diffĂ©rentes bourgades les mĂšne jusqu'Ă Tornea par des chemins difficiles, tracĂ©s Ă travers la forĂȘt, traversant de nombreux fleuves cĂŽtiers sur des bacs plus ou moins improvisĂ©s. Ils arrivent Ă destination le oĂč ils auraient pu voir le soleil de minuit tangent Ă l'horizon, la ville n'Ă©tant qu'Ă dix-sept lieues environ du cercle polaire. Malheureusement le ciel Ă©tait brumeux, ils ne virent rien de ce spectacle particulier.
La recherche du théùtre des opérations géodésiques s'avÚre difficile. AprÚs exploration des environs, le choix se porte sur les « montagnes » entourant le fleuve de Tornea qui suit à peu prÚs le méridien de la ville éponyme.
Le départ pour mener à bien la triangulation a lieu le ; la campagne de repérage et de mesure des triangles durera prÚs de quatre mois.
Campagne d'été : triangulation
Au nord de Tornea la seule voie de communication est le fleuve. La mission comprenant en tout quinze personnes est accompagnĂ©e d'un dĂ©tachement d'une vingtaine de soldats de l'armĂ©e suĂ©doise ; ils embarquent tous, ainsi que le matĂ©riel sur sept bateaux Ă fond plat nĂ©cessaires pour passer les nombreux rapides ou cataractes qui jalonnent le parcours. L'accĂšs aux sommets des « montagnes » allant servir de signaux gĂ©odĂ©siques s'effectue Ă pieds, Ă travers l'enfer d'une forĂȘt primaire et de multiples marais infestĂ©s de cousins (moustiques) et moucherons qui dĂ©vorent littĂ©ralement les voyageurs.
La triangulation va comporter finalement neuf triangles dont les signaux sont constituĂ©s de cĂŽnes constituĂ©s de troncs de sapins Ă©corcĂ©s pour ĂȘtre visibles Ă dix ou douze lieues de leurs points d'Ă©lĂ©vation. La base, repĂ©rĂ©e sur le fleuve sera mesurĂ©e pendant la campagne d'hiver. La chaĂźne s'Ă©tend sur cent kilomĂštres environ du sud (Tornea) au nord (Kittis).
Les mesures angulaires sont effectuĂ©es Ă l'aide d'un quart de cercle de deux pieds muni d'un micromĂštre ; la direction de la mĂ©ridienne est obtenue en usant d'un « petit instrument anglais » [une lunette mĂ©ridienne] ; les premiĂšres observations stellaires sont rĂ©alisĂ©es au secteur de Graham sur le site septentrional de Kittis prĂšs de Pello. Le la triangulation est terminĂ©e, l'Ă©quipe, qui a dĂ©jĂ constatĂ© le « gel Ă glace » le et subi les premiĂšres neiges, redescend par le fleuve vers Tornea oĂč ils arriveront le .
Malgré les énormes difficultés sur le terrain pour effectuer les levés géométriques, l'abbé consacre une partie de son temps à noter ses observations sur la vie au Nord[N 14] ; il ébauche aussi dessins, cartes et plans des lieux visités qui agrémenteront plus tard son Journal.
- Montagne de Niemi et son signal.
- Plan de la montagne de Kittis et de Pello.
- DĂ©tail des observatoires de Kittis.
Campagne d'hiver : finalisation
RĂ©sidant chez l'habitant Ă Tornea, l'Ă©quipe va se consacrer Ă ses derniĂšres tĂąches gĂ©odĂ©siques. Elles vont s'Ă©taler jusqu'au mois de mai de l'annĂ©e 1737 et seront entrecoupĂ©es par de longs moments de repos compensatoires dus aux conditions climatiques. En effet, sur le terrain, la mission va ĂȘtre confrontĂ©e au froid polaire avec des tempĂ©ratures extrĂȘmes descendant jusqu'Ă -40 °C. DĂšs le dĂ©but du mois de novembre, les derniĂšres mesures astronomiques sont entreprises mettant en Ćuvre lunette mĂ©ridienne (l'« instrument anglais ») et secteur. Ce dernier est mis en place prĂšs de l'Ă©glise de Tornea dont la flĂšche est le point mĂ©ridional de la triangulation. Il permet alors de dĂ©terminer rapidement la diffĂ©rence de latitude, entre Kittis et Tornea, nĂ©cessaire Ă la dĂ©termination d'un degrĂ© de latitude.
- L'église de Tornea, repÚre géodésique méridional de la triangulation[N 15].
- Extrait du plan de Tornea, avec l'église et une base de vérification du secteur.
Ces travaux sont terminĂ©s mi-novembre dans un pays couvert d'une neige qui persistera jusqu'Ă fin mai et oĂč le fleuve est pris en glace dĂšs le . Les traineaux, le seul moyen de dĂ©placement du moment, prennent alors possession du lit du cours d'eau. Des routes y sont tracĂ©es entre deux rangĂ©es de sapins plantĂ©s pour l'occasion et qui visualisent les voies de circulation sous l'uniformitĂ© du manteau neigeux.
Il reste alors à vérifier l'exactitude du secteur et à mesurer, sur le fleuve, la base reconnue au cours de la campagne d'été. Le début du mois de décembre est alors employé au contrÎle du secteur et à la fabrication des perches nécessaires à la mesure de la base. AprÚs hésitations et concertation sur les dates des futures opérations à réaliser sur le fleuve, le , la décision est prise d'agir immédiatement.
Le commence le mesurage de la base. Deux équipes travaillent en parallÚle. Le froid est intense ; pour l'anecdote Lemonnier se colle la langue en buvant de l'eau-de-vie à un gobelet d'argent et le jour du , Maupertuis a des orteils gelés - sans plus de commentaires de la part d'Outhier. Le 28, les mesures sont terminées : la différence de longueur constatée entre les deux équipes est de quatre pouces sur une distance de 7 406 toises et 5 pieds, résultat donné par l'une des deux équipes.
En janvier les calculs des triangles sont entrepris par tous et de multiples tùches de vérification s'étaleront jusqu'à la mi-mai.
Parmi ces derniĂšres on retiendra : un dĂ©placement Ă©pique en traineau vers le signal d'Avasaxa[N 16] oĂč on avait oubliĂ© d'effectuer une mesure secondaire, un retour Ă Pello et Kittis sur le fleuve gelĂ© pour rĂ©itĂ©rer des observations stellaires au secteur, de multiples mesures concernant le pendule simple et encore d'autres vĂ©rifications sur le secteur et la direction de la mĂ©ridienne.
Les rĂ©sultats finaux concernant la mesure de l'arc de mĂ©ridien ne sont pas Ă©voquĂ©s, la primeur de ces informations revenant Ă Maupertuis qui entretiendra le suspens jusqu'aprĂšs son retour en France oĂč il dira devant l'AcadĂ©mie que « La terre est aplatie aux pĂŽles ».
Entre ces diffĂ©rentes activitĂ©s gĂ©odĂ©siques hivernales, Outhier travaille Ă la mise au net de ses cartes et note ses observations du moment : description de Tornea et des environs avec ses habitations, ses cultures, ses arbres, ses fruits, ses plantes ; description aussi des mĆurs des Lapons (traineaux, skisâŠ) et de leurs lieux de vie ; Ă©tude des rennes, ressource fondamentale de la population, etc.
Il est Ă noter aussi qu'Outhier souligne l'interdiction qui lui a Ă©tĂ© signifiĂ©e par M. de Maurepas et M. l'ambassadeur de France de ne « point du tout dire la messe » pour Ă©viter de choquer des habitants de religion luthĂ©rienne. Il dĂ©crit nĂ©anmoins leurs façons particuliĂšres de cĂ©lĂ©brer les fĂȘtes religieuses, auxquelles il a parfois assistĂ© et qui sont les mĂȘmes que celles de la religion catholique.
Au milieu du mois de mai, le dĂ©gel s'annonce, les travaux sont terminĂ©s, l'Ă©quipe s'apprĂȘte alors au dĂ©part qui aura lieu le .
Retour en France
La mission française va se diviser en deux groupes. Le , une équipe comprenant Maupertuis et Clairaut accompagne le matériel - instruments et bagages - qui est embarqué sur un vaisseau à destination de Stockholm. L'autre équipe est composée de Camus, Celsius, Lemonnier et l'abbé Outhier ; répugnant à prendre la mer, ils partiront le lendemain en carrosse.
Le 13, aprĂšs un dĂ©but de voyage mouvementĂ© Ă cause de mauvais chevaux, la deuxiĂšme Ă©quipe est surprise de rencontrer Ă terre Maupertuis et ses compagnons tout prĂšs de Pitea. Pris dans une tempĂȘte, ils ont fait naufrage et se sont Ă©chouĂ©s, heureusement sans dommages. AprĂšs rĂ©parations, tout le monde repart le .
Entre le et le , ils s'arrĂȘtent vers Falun oĂč ils visitent des mines de cuivre, une manufacture de laiton et des mines d'argent. Ils arrivent Ă Stockholm le . Ils y sont reçus par le roi qui les invite Ă une grande fĂȘte, donnĂ©e le 15, Ă l'occasion de la cĂ©lĂ©bration de la sainte Ulrique patronne de la reine.
Le , Maupertuis et quelques personnes de l'Ă©quipe s'embarquent pour Amsterdam. Camus, Clairaut, Lemonnier et l'abbĂ© continuent leur voyage en carrosse, laissant Celsius dans son pays. Ils passent le Sund et arrivent Ă Copenhague le 25 oĂč ils restent cinq jours. Puis, aprĂšs avoir traversĂ© le grand Belt et le petit Belt, ils passent par Hambourg pour retrouver Maupertuis Ă Amsterdam.
- Plan de la ville de Pitea en 1736.
- Vue de la ville de Falun ou Coppenberg (1737).
- Tour astronomique de Copenhague en 1737.
Ils prendront alors la direction de Paris en passant par Rotterdam, Anvers et Bruxelles.
Le lendemain de leur arrivée, ils sont reçus à Versailles par le comte de Maurepas. Il les présente au cardinal Fleury puis au Roi. Le premier ministre les félicitera « de la parfaite union qui avait régné entre eux pendant le voyage ».
Le , Maupertuis « rend compte à l'Académie des opérations trigonométriques et fait voir sur de grandes figures la suite de nos triangles ».
Le vendredi , aprĂšs une absence de vingt-et-un mois, comme le dira modestement l'abbĂ©, « il retourne auprĂšs de Monseigneur l'ĂvĂȘque de Bayeux reprendre son premier train de vie ».
Observations personnelles
L'abbé Outhier, à la suite de son Journal, joint ses observations propres, « avec un calcul trÚs simple de ses triangles ».
On y trouve sommairement sur une trentaine de pages : l'observation des triangles, leurs calculs, les observations astronomiques effectuées à l'aide du secteur et pour finir la longueur du méridien au cercle polaire.
Notes et références
Notes
- Il a sans doute disparu avec le pÚre Rousselot, le curé de La Marre décédé en 1710.
- Pour mémoire, on rappelle qu'entre le 16 juillet et le 7 août 1731, le nom du curé de Montain est changé dans les registres de la paroisse.
- Cette perpendiculaire, menée de Strasbourg à Saint-Malo est une chaßne de triangles géodésiques qui fera partie de l'ossature de la carte de Cassini.
- Celsius est aujourd'hui connu pour l'échelle thermométrique qui porte son nom.
- Maupertuis dit simplement de lui dans la préface de La figure de la Terre « M. l'abbé Outhier, dont la capacité dans l'ouvrage que nous allions faire était connue⊠»
- Quand Maupertuis se rend Ă Berlin, sous l'impulsion de Maurepas, il est exclu de l'AcadĂ©mie des sciences de Paris et son image française est trĂšs mauvaise ; Outhier, correspondant de Cassini et attachĂ© Ă son Ă©vĂȘque proche de la Cour, a dĂ» faire un choix difficile.
- Voir infra la carte du diocĂšse de Bayeux.
- C'est-Ă -dire la pointe du Cotentin.
- L'Ă©vĂȘque de Bayeux deviendra archevĂȘque de Sens, en 1753, Ă la mort de ce dernier.
- Ă Sens, oĂč Luynes sera nommĂ© archevĂȘque en 1753, il sera tracĂ© par le prĂ©lat deux mĂ©ridiennes horizontales, toujours situĂ©es dans les Ă©tages de ses rĂ©sidences.
- 15° de longitude correspondent à un décalage de 1 h.
- Les premiers relevĂ©s officiels de mĂ©tĂ©orologie semblent ĂȘtre le fait de Maraldi ; ils ont Ă©tĂ© publiĂ©s dans les MĂ©moires de l'AcadĂ©mie.
- Voir la section Le Voyage au Nord, 1736-1737 pour les participants.
- On peut citer comme descriptions, en vrac : un arc-en-ciel triple, différents types de moulins, un moyen de chauffage particulier, la maniÚre de faucher les foins, la maniÚre de vivre des chevaux, la description de villages, les bains finnois (sauna).
- Voir une vue de l'Ă©glise actuelle.
- Maupertuis décrira aussi ce périple d'une façon mémorable et jubilatoire dans son ouvrage La Figure de la Terre.
Références
- J. Richard 1926, p. 113.
- Osmo Pekonen 2010, p. 5.
- Mario Morisi 2010, p. 7-17.
- Osmo Pekonen 2010, p. 5-6,20-21.
- Mario Morisi 2010, p. 16-17.
- J. Richard 1926, p. 113-114..
- Osmo Pekonen 2010, p. 6, 21.
- Voir sommairement son histoire : accĂšs en ligne
- Pour ces « premiÚres années scientifiques » voir principalement J. Richard 1926, p. 114 ; Osmo Pekonen 2010, p. 6-8.
- Académie des sciences (France) 1699-1786, p. année 1735.
- D. Monnier, Les Jurassiens recommandables, Lons-le-Saunier, (lire en ligne), p. 288.
- Académie des sciences, membres, in memoriam⊠lire en ligne
- Voir les détails dans la page « Carte de Cassini »
- accĂšs en ligne.
- Osmo Pekonen 2010, p. 8.
- Charma & Mancel, Le pÚre André, t. II, Paris, Hachette, (lire en ligne), p. 21-22.
- M. Outhier 1744.
- Ălisabeth Badinter 1999, p. 95.
- Académie des sciences (France), ProcÚs-verbaux, Paris, (lire en ligne), p. 571 ; en clair, voir une page de la Connaissance des temps de 1758 : accÚs en ligne
- Cassini de Thury, Description géométrique de la France, Paris, (lire en ligne), p. 9.
- Osmo Pekonen 2010, p. 9 qui cite la correspondance de Maupertuis ; Ălisabeth Badinter 1999, p. 325 Ă 364 pour Maupertuis et Berlin.
- Jean Cousin, L'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, deux cents ans de vie comtoise, 1752-1952, essai de synthÚse, Besançon, J. Ledoux, , 253 p. (BNF 31976518), p. 89.
- Osmo Pekonen 2010, p. 11.
- J. Richard 1926, p. 137-138..
- BibliothĂšque du Chapitre de Bayeux, ms. 278, fo 224
- J. Richard 1926, p. 138-141..
- Laffetay, Histoire du diocĂšse de Bayeux. XVIIIe et XIXe siĂšcles, Imprimerie H. Grobon et O. Payan, (lire en ligne), p. 39-40.
- Bulletin de la société des antiquaires de Normandie, t. XXII, Caen, (lire en ligne), p. 142-144.
- 13 rue Montfiquet, accĂšs en ligne
- Société des sciences, arts et belles-lettres de Bayeux, vol. 11, (lire en ligne).
- Histoire de l'Académie royale des sciences, 1727, lire en ligne.
- M. Gallon 1735, p. 15-18.
- M. Gallon 1735, p. 19-23.
- voir le P.V. du 26 juillet 1727
- voir le P.V. du 2 août 1727
- le premier : accĂšs en ligne. ; le second : accĂšs en ligne.
- Voir le globe parmi d'autres images d'horlogerie : accĂšs en ligne.
- Voir le P.V. de 1732 : accĂšs en ligne.
- MĂ©moire : accĂšs en ligne.
- Jacques Cassini 1735, p. 405, lire en ligne
- Jacques Cassini 1735, lire en ligne
- Jacques Cassini 1735, p. 405.
- Cassini de Thury 1783, p. 157 et 31.
- Cassini de Thury 1741, p. 134.
- Cassini de Thury 1741, p. 120
- Voir la base dans : Cassini de Thury 1783, p. 33 ; voir sa localisation sur la carte de France de 1744, accĂšs en ligne.
- Pour cette triangulation, voir : Cassini de Thury 1783, p. 159-163.
- Monique Pelletier, Les cartes des Cassini, la science au service de l'Ă©tat et des provinces, Paris, CTHS, (ISBN 978-2-7355-0786-3), p. 115
- lire en ligne
- Carte de Bayeux, accĂšs en ligne
- Carte d'Ons-en-Bray, accĂšs en ligne.
- Carte de Sens , accĂšs en ligne.
- Carte septentrionnale de l'Ă©vĂȘchĂ© de Meaux
- M. Meynier, OdomÚtre ou compte-pas, t. IV, Paris, coll. « Machines et inventions approuvées par l'Académie royale des sciences », 1720-1726 (lire en ligne), p. 93-106.
- Machines et inventions approuvées par l'Académie en 1742, Paris, coll. « Histoire de l'Académie royale des sciences », (lire en ligne), p. 143-146.
- Abbé Outhier, OdomÚtre, t. VII, Paris, coll. « Recueil des machines approuvées par l'Académie », (lire en ligne), p. 175-183.
- d'AlembertâŠ, EncyclopĂ©die mĂ©thodique : MathĂ©matiques, t. II, Paris, Panckoucke, (lire en ligne), p. 483-484.
- Charma & Mancel, Le pÚre André, t. II, Paris, Hachette, (lire en ligne), p. 22.
- Jacques Cassini 1735, p. 404.
- Jacques Cassini, Observations de lâĂ©clipse de Jupiter, Paris, coll. « Histoire de lâAcadĂ©mie royale des Sciences », (lire en ligne), p. 415-416.
- Sur les trois méridiennes citées, voir : Gérard Aubry, Les méridiennes du cardinal de Luynes, vol. 33, Paris, SAF, coll. « Cadran-Info », .
- Académie des sciences (France), Histoire de l'Académie royale des sciences, Paris, (lire en ligne), p. 511.
- Académie des sciences (France), Histoire de l'Académie royale des sciences, Paris, (lire en ligne), p. 415.
- Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. II, (lire en ligne), p. 307.
- Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. II, (lire en ligne), p. 309.
- Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. II, (lire en ligne), p. 311.
- Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. II, (lire en ligne), p. 313.
- Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. II, (lire en ligne), p. 607-608 et vue 684.
- Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. VI, (lire en ligne), p. 134.
- Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. VI, (lire en ligne), p. 133.
- Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. VI, (lire en ligne), p. 176.
- Jean-Baptiste Delambre, Histoire de l'astronomie au XVIIIe siĂšcle, Paris, (lire en ligne), p. 237.
- Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. II, (lire en ligne), p. XVIII.
- Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. II, (lire en ligne), p. XV et 332-333.
- Académie des sciences (France), Mémoires de mathématiques et de physique, t. IV, (lire en ligne), p. 612
- Bulletin de la société des antiquaires de Normandie, t. XXII, Caen, (lire en ligne), p. 144 et Association normande, Annuaire des cinq départements de l'ancienne Normandie, Caen, (lire en ligne), p. 547-548.
- Voir la page du 25/04/1744 du registre des P.V. de l'Académie : lire en ligne
- Jean-Pierre Martin, Une histoire de la Méridienne : Textes, enjeux, débats et passions autour du Méridien de Paris, 1666-1827, Cherbourg, IsoÚte, , p. 42.
Annexes
Bibliographie
- M. Outhier, Journal d'un voyage au Nord, Paris, (lire en ligne).
- J. Richard, L'abbé Outhier : un franc-comtois au cercle poaire arctique en 1736-1737, Académie des sciences, belles-lettres & arts de Besançon, coll. « Séances publiques », , chapitre du 3e trimestre. .
- Osmo Pekonen, La rencontre des religions autour du voyage de l'abbé Réginald Outhier en SuÚde en 1736-1737 : ThÚse doctorale de l'Université de Laponie, Rovaniemi: Lapland University Press, (ISBN 978-952-484-390-4), chapitre 4. .
- Mario Morisi, La boue et les Ă©toiles : L'abbĂ© Renaud Outhier un prĂȘtre Sçavans au SiĂšcle des LumiĂšres, Besançon, Sekoya, , 197 p. (ISBN 978-2-84751-076-8). , roman dĂ©rivĂ© des informations contenues dans la thĂšse doctorale d'Osmo Pekonen et trĂšs proche de la biographie d'Outhier, avec des informations non publiĂ©es Ă la date de parution de l'ouvrage.
- Jean-Jacques Levallois, Mesurer la Terre : 300 ans de géodésie française, Paris, A.F.T., , 389 p. (ISBN 2-907586-00-9).
- Ălisabeth Badinter, DĂ©sirs de gloire, 1735-1751 : Les passions intellectuelles, Paris, Fayard, , 663 p. (ISBN 978-2-253-08467-9). .
- Cassini de Thury, Description géométrique de la France, Paris, (lire en ligne).
Références de l'Académie des sciences :
- Académie des sciences (France), Histoire de l'Académie royale des sciences, Paris, 1699-1786 (lire en ligne).
- Jacques Cassini, De la carte de France et de la perpendiculaire à la méridienne de Paris : année 1733, Paris, coll. « Histoire de l'Académie royale des sciences », (lire en ligne). .
- Cassini de Thury, Sur les opérations géométriques faites en France dans les années 1737 et 1738 : année 1739, Paris, coll. « Histoire de l'Académie royale des sciences », (lire en ligne). .
- M. Gallon, Machines et inventions approuvées par l'Académie : depuis 1727 jusqu'à 1731, t. V, Paris, (lire en ligne), p. 15-23. .
Articles connexes
Liens externes
- André Balland, La terre mandarine : Journal d'un voyage au Nord pour déterminer la figure de la Terre par M. l'abbé Réginald Outhier, Seuil, (ISBN 2-02-022478-X, BNF 35736632). Il s'agit du texte intégral d'Outhier, à l'orthographe modernisée. Il est complété par une mise en situation dans le contexte scientifique de l'époque, que ce soit avant ou aprÚs Le voyage au Nord ;
- C. Fournerat, Recherches sur les personnes qui dans le département de l'Yonne se sont occupées d'astronomie, vol. 16, Auxerre, coll. « Bulletin de la société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne », (lire en ligne), p. 47-51.