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Qingke jiu

La désignation chinoise qingke jiu (chinois : 青课 ; pinyin : qīngkè jiǔ ; litt. « alcool d'orge nue ») recouvre un ensemble de boissons alcoolisées principalement à base d'orge nue, allant de la boisson fermentée connue en français sous son nom tibétain chang (ce dernier pouvant être fait à base d'autres céréales), à la boisson spiritueuse obtenue par distillation d'orge nue[1] - [2] et produite en Chine, dans la région autonome du Tibet, ainsi que dans les provinces du Qinghai et du Sichuan, principalement par les minorités tibétaines et mongoles tu.

Deux bouteilles de qingke jiu produites dans la province du Qinghai, celle de droite est plus douce et contient des plantes médicinales.
Alignement de bouteilles de qingke jiu dans une boutique de Jiuzhaigou, province du Sichuan.

Le qingke jiu fabriqué à base d'orge nue est offert avec l'écharpe de félicité ou khata aux visiteurs venus de loin, lors d'un mariage, d'une naissance, du nouvel an (Losar)[3] - [4].

Types d'alcool d'orge nue

Il existe différentes variétés de qingke jiu chez les Tibétains zang[1] :

  • une variété faible en alcool, à la couleur légèrement jaune vert, aigre-douce légèrement sucrée, dont le premier tirage titre 15 à 20 pour cent d'alcool, le second à environ 10 pour cent et le troisième à seulement 5 à 6 pour cent, certains l'appellent bière d'orge du Tibet (青稞啤酒, gīngkē píjiǔ)[5], comparable au chang. Ce dernier peut cependant également être fait d'avoine nue[6] ou de millet[7] - [8] ;
  • l'alcool d'orge à degré élevé, qui utilise une technique locale distillation et qui peut atteindre 60 % d'alcool, il est alors appelé eau-de-vie (baijiu) d'orge du Tibet (青稞白酒, gīngkē báijiǔ)[9].

Les paysans mongols tu (ou Monguor) du Qinghai boivent et brassent également un alcool d'orge du Tibet ; le leur est du type mingxi (酩醯, mǐngxī, « aigre-saoul »), qu'ils appellent « sibai doulasi » (斯拜·都拉斯, sībài dōulāsī). Cette méthode de brassage est assez différente de celle des Tibétains zang[10].

Le chang à base d'orge nue (connu sous le nom de qingke jiu en chinois) est la principale boisson alcoolique du Tibet[11] - [12]. Il ressemble au vin de riz aigre-doux[13].

La renommée du qingke jiu de distillation du Qinghai s'étend à toute la Chine[14].

Le qingke jiu de fermentation ou chang

Le chang, tchang, chhang[15] - [16] ou chhaang (du tibétain : ཆང་, Wylie : chang[17] ; chinois : 青稞酒 ; litt. « qingke jiu »[18]), est une boisson fermentée, de type bière traditionnelle, très prisée des Tibétains. Cette bière, au goût de cidre fermier et au titre d'alcool de 4.2 à 4.7%, est brassée à partir d'orge nu mais aussi parfois d'autres céréales[19]. Traditionnellement fabriqué à la maison, le chang est désormais fabriqué également en usine[20].

Extension géographique

Le chang se rencontre en Chine (région autonome du Tibet, Qinghai, Sichuan), en Inde (Ladakh, Sikkim), au Népal et au Bhoutan.

Dans la préfecture de Shigatsé, connue pour être le « grenier du Tibet » et où la moisson de l'orge a lieu en septembre[21] et octobre[22], le mois d'août est la saison où l'on prépare le chang[23] - [24].

Dans les rites sociaux et la culture populaire

En marque d'hospitalité, les Tibétains honorent leurs invités par un traditionnel échange de khata puis leur offrent du chang ou du thé au beurre[25].

Le premier jour des festivités du Losar, la célébration du Nouvel An tibétain comporte la consommation de chang[26].

Le chanteur tibétain Yungdrung Gyal (tibétain : གཡུང་དྲུང་རྒྱལ་, Wylie : g.yung drung rgyal, THL : yungdrung gyal, 容中尔甲 interprète sur son album Gaoyuan Hong (《高原红》) « Je vous offre un bol de chang » (敬你一碗青稞酒) en mandarin[27].

La série d'émissions sur la gastronomie chinoise, A Bite of China (en) (舌尖上的中国, shéjiān shàng de Zhōngguó, « La Chine sur le bout de la langue »), consacre un documentaire au chang dans l'épisode 7 de la saison 1 intitulé « Our Farm (我们的田野) »[23].

Le qingke jiu de distillation

Lieux de production

Dans l'espace culturel tibétain, l'alcool distillé obtenu à partir d'orge ou d'autres céréales est généralement connu sous le nom de ara, arag ou arak (Tibétain et Dzongkha: ཨ་རག་; Wylie: a-rag, terme dérivé de l'arabe عرق,ʿaraq). Ce terme est également utilisé chez les Mongols, avec l'aïrag (koumis chez les peuples turcs), pour désigner l'alcool de lait de jument.

Le qingke jiu de distillation est produit principalement dans la province du Qinghai (Amdo)[14]. Il existe également une distillerie au Sichuan (Kham), dans le district de Litang.

Fabrication

Les méthodes de fabrication utilisant la distillation peuvent faire monter le degré d'alcool de cette boisson jusqu'à 60°, elle s'appelle alors également qingke baijiu (青课白酒, qīngkè báijiǔ, « eau-de-vie d'orge du Tibet »)[28].

Dans la province du Sichuan, les Tibétains fabriquant à la maison leur qingke jiu, faisant griller d'abord les grains d'orge en les remuant avec une pomme de terre afin de ne pas les briser. L'orge une fois cuite à 30% est alors à moitié bouillie, puis mise dans un pot sur le toit, au milieu d'herbes pour la faire fermenter pendant trois jours. Cela permet d'obtenir une liqueur appelée suanjiu (chinois : 酸酒 ; pinyin : suānjiǔ ; litt. « vin aigre ») qui titre moins de 20 %, ce n'est pas encore le qingke jiu. Le suanjiu est ensuite mis au fond d'une jarre en métal, un pot y est placé, puis le couvercle est refermé à l'aide d'une pâte à pain pour bien le sceller. De l'eau froide est alors ajoutée par-dessus, avec le froid la vapeur d'alcool dégagée par le suanjiu chauffé se condense et tombe dans le pot placé à l'intérieur de la jarre, donnant le qinke jiu[29].

La distillerie de Litang produit une eau-de-vie faite à partir d'orge local et dans laquelle baignent des champignons parasites de chenilles (ophiocordyceps sinensis, tibétain : དབྱར་རྩྭ་དགུན་འབུ་, Wylie : dbyar rtswa dgun 'bul, littéralement : « ver l'hiver, herbe l'été », parfois également translittéré en yarchagumba ou yartsa gunbou, chinois : 冬虫夏草 ; pinyin : dōngchóng xiàcǎo, hindi यार्चा गुम्बा, népali यार्सा गुम्बा) et des pousses de fritillaires[30]. Cette dernière s'appelle en chinois dongchong xiacao jiu 冬虫夏草酒, dōngchóng xiàcǎo jiǔ[31]. Elle titre dans les 30°[32]

Annexes

Notes et références

  1. (Li 2007, p. 349)
  2. « Cuisine, gastronomie et boissons Tibet », sur routard.com
  3. (zh) « 青稞酒和献哈达是哪个民族 », sur wxrw123.com (微信热文),
  4. (zh) « 我不要「不明真相」——你所不知道的青稞酒! », sur kknews.cc, .
  5. (Li 2007, p. 349) « 低度酒色黄绿清淡,酒味甘酸微甜,头道酒15~20度,二道10度左右,三道仅5~6度。有人称之青稞啤酒。 »
  6. Yiu H. Hui, Handbook of Food Science, Technology, and Engineering, Volume 4, 2006, chapitre « Jiu from the minority groups in China » : « Qingke, a kind of wheat in Tibet, (Avena nuda L.) jiu in the Tibet and Qinghai Minority ethnic groups ».
  7. Chapitre « Conditions de vie », pp. 349-376, in Anne-Marie Blondeau, Katia Buffetrille (dir.), Le Tibet est-il chinois ?, Albin Michel, 2002, 480 p., p. 367 : « L'alcool traditionnel est le chang (que les Chinois traduisent toujours « bière de Qingke »), sorte de bière confectionnée à partir de la fermentation de l'orge ou d'autres grains comme le millet ».
  8. Le nom chinois parle de vin (, dans son sens général de boisson alcoolisée) et non bière (啤酒) .
  9. (Li 2007, p. 349) : « 高度青稞酒为土法蒸馏,度数可达60度,称为青稞白酒。 ».
  10. (Li 2007, p. 349) : « 青海的土族農民也酿制和饮用青稞酒;他们一般把青稞酒称味“酩醯”,土族语叫“斯拜·都拉斯”。其酿制方法藏族青稞酒有所不同 ».
  11. (en) Jianming Yang et al., Barley breeding and production in China, in Cereals in China, CIMMYT, s. d., pp. 69-79, page 71 : « Alcohol made from naked barley (qingke jiu in Chinese) is the major alcoholic beverage in Tibet » ; traduction : « l'alcool d'orge nue (qingke jiu en chinois) est la principale boisson alcoolisé du Tibet ».
  12. Guoping Zhang, Chengdao Li, Xu Liu, Advance in Barley Sciences, in Proceedings of the 11th International Barley Genetics Symposium, Springer & Zhejiang University Press, (ISBN 978-94-007-4681-7), 2013, page 156 : « Chang, known as Qingke Jiu in Chinese, is the major alcoholic beverage in Tibet » ; traduction : « Le Chang, connu sous le terme Qingke Jiu en chinois, est la principale boisson alcoolique du Tibet ».
  13. Cai Dan An, Guide touristique du Tibet, 五洲传播出版社, , 203 p. (ISBN 978-7-5085-0391-2, lire en ligne), p. 99.
  14. Cahiers d'Extrême-Asie : revue de l'École française d'Extrême-orient, Section de Kyōto, Volume 11, 2000, p. 179 : « Signalons qu'à l'heure actuelle l'alcool distillé fabriqué dans la province voisine de Qinghai est à base d'orge nue, et que la réputation de ce « qingke jiu » du Qinghai s'étend à toute la Chine ».
  15. (en) A focus on the cultural aspects of Sikkim, Jagatpati Sarkar, Bulletin of Tibetology, 1995, page 70, sur le site de The Tibetan and Himalayan Library.
  16. (en) Nanda R. Shrestha, Historical Dictionary of Nepal, pp. 107-108.
  17. (en) Gautam Biswas, Review of Forensic Medicine and Toxicology,
  18. (en) Kamila Hladíková, The Exotic Other and Negotiation of Tibetan Self: Representation of Tibet in Chinese and Tibetan fiction of the 1980s, Ediční řada Monografie, Éditeur Univerzita Palackého v Olomouci, 2013, (ISBN 8024439085 et 9788024439082), p. 233 : « Chang (Ch. qingke jiu 青稞酒, Tib. chang, barley beer), which is an important part of the romantic image of Tibet, often associated with intoxication and love for beautifiul Tibetan women [...] »
  19. (en) Michael Buckley, Tibet, Bradt Travel Guides, 2012, 336 p., p. 24 : « Another barley derivative is chang, a milky fermented beer that is brewed on special occasions and is frequently offered to guests. Chang can also be made from rice, wheat, corn, oats or millet. Since chang is home-brewed, the alcohol strength varies wildly. »
  20. (en) N. Tashi et al., Food Preparation from Hulless Barley in Tibet, in Guoping Zhang, Chengdao Li, Xu Liu (eds.), Advance in Barley Sciences: Proceedings of 11th International Barley Genetics Symposium, Zhejiang University Press and Springer Science & Business Media, 2012, 462 pages, pp. 151-158, en particulier p. 156 : « Despite many local Tibetans still home brewing their chang, with the increasing demand for chang, the process of chang is now completely industrialized by some factories. At present, there are brands of chang such as Jintian, Shi-Dse, Amachangma, etc. They are now found in supermarkets in many cities of China ».
  21. (en) China Tibet Online, « Tibet's grain industry maintains sustainable development », sur China Daily, : « Tibet has embraced the harvest since September and its grain industry maintains a sustainable development and ensures safety in production. The Shigatse prefecture, renowned as the "granary of Tibet", has celebrated its highland barley harvest by the side of Nyangchu River in the fall of 2013. »
  22. (en) François Malaisse et Françoise Mathieu, Big bone disease, Gembloux, Les Presses agronomiques de Gembloux, cop., , 148 p. (ISBN 978-2-87016-093-0, OCLC 778331689, lire en ligne), p. 41
  23. (zh) CCTV, « 舌尖上的中国 07 我们的田野(超清版) », sur Chaine youtube de CCTV (voir à partir de la 33e minute).
  24. « 8月...今天是个重要的日子家人还在熟睡。桑吉是家里最能干的女人。两天以后正在翻动的青稞谷粒将变成甘甜的美酒。 » à partir de 33 minutes 18 secondes, puis à partir de 37 minutes 42 secondes : « commentateur:桑吉的青稞酒终于酿好了。femme:在望果节村里每家的妇女都要酿青稞酒。希望我酿的酒大家都爱喝。Commentateur:桑吉酿的青稞酒甘甜清冽赢得赞许。 »
  25. Marc Moniez, Christian Deweirdt, Monique Masse, Le Tibet, Éditions de l'Adret, Paris, 1999, (ISBN 2-907629-46-8), p. 302.
  26. Marc Moniez, op. cit., p. 278.
  27. (zh) « 敬你一碗青稞酒 », sur Xiami.com
  28. (Li 2007, p. 349) : « 高度青稞酒为土法蒸馏,度数柯达60度,称青稞白酒 ».
  29. (en) « 15.Story of Sichuan--Qingke Jiu », sur chaîne de l'office du tourisme du Sichuan sur Youtube, .
  30. (en) R. Gupta, P. Neg, « Cordyceps sinensis (Yarsa Gamboo): A high value medicinal mushroom », pp. 107-128 de R. Saravanamuthu, Industrial Exploitation of Microorganisms, IK International Pvt Ltd, 2010, 436 p. : « In Lithang, there is already a distillery that produces liquor (qingke jiu) from regionally grown barley with a few caterpillar fungi or fritillary bulbs (Fritillaria spp., beimu) floating in the bottle ».
  31. (zh) « 冬虫夏草泡酒方法大全 / 雪城高原特产 », « 组成:冬虫夏草、人参、肉苁蓉、枸杞子等,由青稞酒精制而成。 »
  32. Fichier:Qingke jiu.jpg : étiquette de la bouteille 冬虫夏草泡酒, à droite, celle-ci titre 35°

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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