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Priscillien

Priscillien, mort Ă  TrĂšves en 385, est un Ă©vĂȘque d'Ávila et le premier chrĂ©tien condamnĂ© Ă  mort et exĂ©cutĂ© par une autoritĂ© chrĂ©tienne pour hĂ©rĂ©sie. Sa doctrine, le priscillianisme, est une des hĂ©rĂ©sies condamnĂ©es par l'Église officielle primitive. Certains la rapprochent de celle des pauliciens.

Priscillien
Fonction
ÉvĂȘque d'Ávila
jusqu'en
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
Nom dans la langue maternelle
Priscilianus
Époque
Activités
Autres informations
Condamné pour

Enseignement

Suivant ses détracteurs, son enseignement aurait été influencé par les théories gnostiques. Il aurait ainsi professé que :

  • l’ñme est crĂ©Ă©e par Dieu, le corps et la matiĂšre par le principe du Mal ;
  • les Ă©toiles et le Zodiaque dĂ©terminent la destinĂ©e de l’ñme ;
  • les trois noms de la Sainte TrinitĂ© dĂ©signent une seule personne.

Ces croyances l'auraient poussĂ© Ă  des pratiques jugĂ©es suspectes : jeĂ»ne le dimanche et surtout abandon de l’église pour des retraites en campagne. Le mouvement autorise des femmes Ă  enseigner en son sein.

Condamnation et persécution

Priscillien est condamnĂ© une premiĂšre fois au concile de Saragosse, le [1]. Deux Ă©vĂȘques, Ithace, Ă©vĂȘque d’Ossonuba (diocĂšse de Faro), et Hydace (es), Ă©vĂȘque de MĂ©rida alors Augusta Emerita (aujourd'hui dans l'archidiocĂšse de MĂ©rida-Badajoz) - en Ă©mettant une suite d'accusations au caractĂšre sans doute en partie calomnieux (magie noire, dĂ©bauches...) - demandent Ă  l’empereur Gratien de sĂ©vir, ce qui constitue une premiĂšre intervention du pouvoir sĂ©culier dans les affaires de l’Église[1] - [2]. Priscillien et ses disciples sont exilĂ©s ; ils se rendent Ă  Rome pour obtenir une grĂące du pape Damase Ier, qui la refuse. Un fonctionnaire impĂ©rial les dispense de leur exil par un rescrit. Priscillien revient triomphalement en Espagne fin 382[1].

Hydace fuit l’Espagne pour trouver le nouvel empereur Maxime, usurpateur, d’origine espagnole, Ă  TrĂšves[3]. Celui-ci convoque Priscillien devant un concile Ă  Bordeaux, mais l’évĂȘque prĂ©fĂšre ĂȘtre jugĂ© par un tribunal sĂ©culier Ă  TrĂšves. Il est nĂ©anmoins condamnĂ© avec ses disciples (sept peines capitales et plusieurs condamnations Ă  l’exil sont prononcĂ©es) ainsi qu'EuchrĂ©tia, une femme qui l’aurait accueilli avec trop d’empressement Ă  Bordeaux.

Saint Ambroise de Milan refuse d’aider la secte en 382, lorsque Priscillien passe Ă  Milan, en route pour Rome. Saint Martin de Tours est prĂ©sent Ă  TrĂšves lorsque Hydace et Ithace demandent Ă  Maxime la condamnation de Priscillien[3]. Celui-ci est condamnĂ© (pour motifs civils) du chef de magie[2].

Rejoint par Ambroise de Milan (dĂ©lĂ©guĂ© par le jeune empereur Valentinien II), saint Martin de Tours demande la grĂące de vie pour Priscillien. Ambroise renonce, menacĂ© de mort par l’empereur. Priscillien est exĂ©cutĂ© en 385[4] - [5].

Cette exĂ©cution suscite le schisme de FĂ©licien[6], qui divise l'Ă©piscopat gaulois et provençal (les Ă©vĂȘques d'Aix-en-Provence soutiennent l'Ă©vĂȘque de TrĂšves, et s'opposent Ă  ceux de Marseille et de Vienne).

Martin obtient que les disciples de Priscillien ne soient pas poursuivis. Le pape Sirice s’éleva contre les procĂ©dĂ©s de Maxime[1]. Par la suite, Martin de Tours refusa toujours de participer aux assemblĂ©es Ă©piscopales, ce qui, avec ses efforts pour sauver de la mort Priscillien, le fit suspecter d’hĂ©rĂ©sie. L’empereur ThĂ©odose Ier dĂ©clara nulles les dĂ©cisions de Maxime dans cette affaire ; Ithace est dĂ©posĂ© quelques annĂ©es plus tard, et Hydace dĂ©missionne de sa charge de lui-mĂȘme.

Un certain nombre d'Ă©vĂȘques priscillianistes font leur soumission au Ier concile de TolĂšde (400) ; la doctrine est une nouvelle fois condamnĂ©e en 563 au Ier concile de Braga. Son dĂ©terminisme astrologique est encore Ă©voquĂ© dans une homĂ©lie du pape GrĂ©goire le Grand, aprĂšs 600.

Prolongements

Paul Orose dans ses Ă©crits revient sur cette hĂ©rĂ©sie, qu’il condamne Ă©galement. Saint Augustin d'Hippone, Ă  la fin de sa vie, la condamne fermement, ainsi que saint JĂ©rĂŽme de Stridon, prĂ©sent Ă  Rome en 382 (mais en Terre Sainte les annĂ©es suivantes).

L’hĂ©rĂ©sie continue Ă  s’étendre aussi bien en Gaule qu’en Espagne, malgrĂ© les mesures prises contre elle. En 412, Lazare d'Aix, Ă©vĂȘque d’Aix-en-Provence, et HĂ©ros d'Arles, l’évĂȘque d’Arles, sont rĂ©voquĂ©s de leur siĂšge sur accusation de manichĂ©isme. Proculus, l'Ă©vĂȘque de Marseille et les mĂ©tropolitains de Vienne et de Narbonne Ă©taient aussi proches de la doctrine rigoureuse pour laquelle Priscillien Ă©tait mort.

Turibius, l’évĂȘque d’Astorga, agit pour faire rĂ©primer cette hĂ©rĂ©sie, en faisant convoquer un nouveau concile Ă  TolĂšde en 447 ; la profession de foi priscillianiste est une nouvelle fois condamnĂ©e Ă  Braga, preuve de l’enracinement de la doctrine. L’Église officielle, selon Conybeare, a dĂ» intĂ©grer les tendances ascĂ©tiques en imposant le cĂ©libat aux prĂȘtres. Mais l'enseignement officiel de Rome ne permettait pas d’imposer cet ascĂ©tisme comme idĂ©al et comme devoir Ă  chaque chrĂ©tien. Priscillien a pĂ©ri pour avoir insistĂ© sur cet idĂ©al.

Il est difficile aujourd’hui de sĂ©parer les propres assertions de Priscillien de celles que lui ont attribuĂ©es ses ennemis (ainsi celle de manichĂ©isme, qui repose peut-ĂȘtre sur une mauvaise interprĂ©tation d’une de ses lettres, citĂ©e par Orose) et des sectes qui plus tard ont Ă©tĂ© qualifiĂ©es de priscillianistes. L’enseignement ascĂ©tique de Priscillien a laissĂ© une empreinte profonde dans le Nord de l’Espagne et le Sud de la Gaule, oĂč l’ascĂ©tisme mystique a ensuite souvent Ă©tĂ© portĂ© Ă  des extrĂȘmes sous diffĂ©rentes formes (voir Cathares), tous courants condamnĂ©s par le pouvoir politique comme hĂ©rĂ©tiques.

Priscillien a longtemps Ă©tĂ© honorĂ© comme martyr, notamment en Galice, et dans le Nord du Portugal, oĂč l’on prĂ©tend que son corps serait revenu. Certains historiens comme Philippe Martin considĂšrent que le corps retrouvĂ© au IXe siĂšcle et identifiĂ© comme celui de saint Jacques-de-Compostelle Ă©tait en fait celui de Priscillien[7], affirmation qui remonte Ă  la fin du XIXe siĂšcle mais ne repose sur aucune base sĂ©rieuse. Compostelle n'existait pas en 385 et Priscillien avait Ă©tĂ© Ă©vĂȘque d'Ávila en Carthaginoise.Si donc son corps fut "rapatriĂ©", ce ne peut ĂȘtre qu'Ă  Ávila[8].

Prénom

Aujourd'hui, le prénom Priscillien reste un prénom masculin trÚs rare, seulement 31 personnes nées sous ce prénom résident actuellement en France[9].

Écrits

Quelques Ă©crits de Priscillien reconnus orthodoxes n’ont pas Ă©tĂ© brĂ»lĂ©s. Par exemple, il divise les Ă©pĂźtres pauliniennes (y compris l’ÉpĂźtre aux HĂ©breux) dans une sĂ©rie de textes selon leur point de vue thĂ©ologique, en ajoutant une introduction Ă  chaque sĂ©rie. Ces canons ont Ă©tĂ© Ă©ditĂ©s par Peregrinus. Ils contiennent une forte incitation Ă  la piĂ©tĂ© personnelle et Ă  l’ascĂ©tisme, notamment au cĂ©libat, et Ă  la privation de viande et de vin. Il affirme aussi que l’esclavage est aboli entre chrĂ©tiens, et que les diffĂ©rences fondĂ©es sur le sexe n’ont pas lieu d’ĂȘtre, ce qui n’allait pas de soi dans la ChrĂ©tientĂ© d’alors. Il affirme aussi que la GrĂące divine se rĂ©pand sur tous les croyants, et que l’étude des Écritures prime. Comme beaucoup de chrĂ©tiens du IVe siĂšcle, Priscillien a beaucoup travaillĂ© sur des Ă©crits plus tard considĂ©rĂ©s comme apocryphes.

Tous les Ă©crits hĂ©rĂ©tiques de Priscillien auraient Ă©tĂ© dĂ©truits ; mais en 1885, Georg Schepss a dĂ©couvert Ă  l’universitĂ© de Wurtzbourg onze originaux, publiĂ©s dans le Corpus de Vienne en 1886. Bien qu’ils soient tous signĂ©s du nom de Priscillien, quatre d’entre eux, qui dĂ©crivent les Ă©preuves de Priscillien, sont probablement de la main d’un de ses disciples.

Inspiration

Le destin des priscillianistes a inspiré le réalisateur Luis Buñuel, dans le film La Voie lactée en 1969.

Notes et références

  1. Aline Rousselle, « Quelques aspects politiques de l'affaire priscillianiste. », Revue des Études Anciennes, vol. Tome 83, nos 1 et 2,‎ , pages 85 Ă  87 (DOI 10.3406/rea.1981.4105, lire en ligne, consultĂ© le ).
  2. (en) Hubert Jedin et John Patrick Dolan, « The Priscillianist movement », dans Hubert Jedin et John Patrick Dolan, History of the Church : The imperial church from Constantine to the Early Middle Ages, Burns & Oates, , 822 p. (lire en ligne), pages 132 à 134.
  3. Sulpice SévÚre et Ghislaine de Senneville-Grave (trad. oui), « L'hérésie priscillienne dénouements », dans Sulpice SévÚre, Ghislaine de Senneville-Grave (pour la traduction, l'introduction et le texte critique), Chronica (Severus, Sulpicius), Editions du Cerf, , 538 p. (lire en ligne), pages 485 à 489.
  4. « Priscillien (0340?-0385) - Auteur - Ressources de la BibliothÚque nationale de France », sur data.bnf.fr (consulté le ).
  5. Monceaux, Paul, « La question du priscillianisme. (deuxiĂšme et dernier article) », Journal des Savants, PersĂ©e - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 9, no 3,‎ , p. 104–113 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  6. Palanque, Jean-RĂ©my, « Les dissensions des Églises des Gaules Ă  la fin du IVe siĂšcle et la date du concile de Turin », Revue d'histoire de l'Église de France, PersĂ©e - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 21, no 93,‎ , p. 481–501 (DOI 10.3406/rhef.1935.2709, lire en ligne, consultĂ© le ).
  7. Philippe Martin, Les Secrets de Saint-Jacques-de-Compostelle, La Librairie Vuibert, , p. 58.
  8. Diego Piay Augusto, « Le lieu d’enterrement de Priscillien », Dialogues d'histoire ancienne, nÂș 42/2,‎ , p. 191-210 (e-ISSN 1955-270X, lire en ligne)
  9. « Popularité du prénom Priscillien », sur Magicmaman.com (consulté le )

Voir aussi

ƒuvres

  • The complete works. Priscillian of Avila, edited and translated by Marco Conti, Oxford University Press, 2010, XII-344 p. Texte latin et trad. an. (Genuine Works : The WĂŒrzburg Tractates, Canons on the Letters of the Apostle Paul, Fragment Quoted by Orosius ; Spurious Works : On the Trinity of Catholic Faith, Prologues of the Monarchians).
  • Tractatus Wirceburgenses (Priscilliani quae supersunt maximam partem nuper detexit adiectisque commentariis criticis et indicibus primus edidit Georgius Schepss, Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, Ă©di. par Georg Schepss, Vienne, 1889, 3-106, 109-47, 153.

Études sur Priscillien

  • Sylvain Jean-Gabriel Sanchez. "Priscillien, un chrĂ©tien non conformiste. Doctrine et pratique du priscillianisme du IVe au VIe siĂšcle". Paris : Beauchesne, 2009.
  • Sylvain Jean Gabriel SĂĄnchez, "Étude des diffĂ©rentes rĂ©dactions du 'Liber apologeticus' du Codex de Wurtzbourg attribuĂ© Ă  Priscillien", Facultat de Teologia de Catalunya, 2013.
  • Ernest-Charles Babut, Priscillien et le priscillianisme, Champion, 1909, XII-316 p.
  • AdhĂ©mar d'AlĂšs. Priscillien et l'Espagne chrĂ©tienne Ă  la fin du IVe siĂšcle. Paris : Beauchesne, 1936, le principal ouvrage historique en français sur le sujet
  • H. Chadwick, Priscillian of Avila. The Occult and the Charismatic in the Early Church, Oxford, Clarendon Press, 1976.
  • RĂ©gine Pernoud, Les Saints au Moyen Âge - La saintetĂ© d’hier est-elle pour aujourd’hui ?, Paris, Plon, , 367 p. (ISBN 2-259-01186-1), p. 192-195.
  • Michel Grandjean, "L'Ăšre de Priscillien ou la grande faute du christianisme ?", Revue de thĂ©ologie et de philosophie, 2000, vol. 132, p. 361-376.
  • AndrĂ©s Olivares Guillem, Prisciliano a travĂ©s del tiempo. Historia de los estudios sobre el priscilianismo, Santiago de Compostela, FundaciĂłn BarriĂ© de La Maza, 2004.
  • Alberto Ferreiro, « Martin, Ithace et Maxime, aprĂšs l'exĂ©cution de Priscillien » dans, sous la direction de Bruno Judic, Robert Beck, Christine Bousquet-LabouĂ©rie et Élisabeth Lorans, Un nouveau Martin - Essor et renouveaux de la figure de Saint Martin, IVe-XXIe siĂšcle, collection « Perspectives historiques », Presses universitaires François-Rabelais, Tours, 2019, pp. 217-247.

Article connexe

Liens externes

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