Principe de moindre action et relativité restreinte
En relativité restreinte, le principe de moindre action pour un point matériel donne des équations d'Euler-Lagrange très semblables à celles de la mécanique classique, mais le lagrangien n'est plus égal à la différence entre l'énergie cinétique et l'énergie potentielle. En fait, le principe de moindre action se base dans ce cas seulement sur l'existence d'une trajectoire continue, paramétrée par le temps, qui minimise une fonction ou la différence entre des fonctions du système étudié (on peut généraliser à un système de points), déterminées à partir de principes généraux, tels que par exemple :
- Comme la trajectoire dans l'espace-temps ne dépend pas du référentiel par rapport auquel on l'observe, l'action qui la détermine, ainsi que les fonctions qui composent l'action, sont invariantes par changement de référentiel.
- L'indépendance de plusieurs corps implique l'additivité de leurs actions et de leurs lagrangiens, pour que les trajectoires puissent être déterminées séparément en appliquant la méthode variationnelle.
Il se trouve qu'en physique classique, ces fonctions du système sont les énergies cinétiques et potentielles, ce n'est plus le cas en relativité.
En physique relativiste, et en l'absence de champ électromagnétique, on montre que la fonction du corps qui est minimisée dans le principe est particulièrement simple : il s'agit de où est « temps propre » du trajet (temps s'écoulant dans le référentiel du corps au cours du trajet).
Minimiser l'action revient à maximiser le « temps propre », du fait du signe , que la masse est positive et constante, et de la constance de la vitesse de la lumière .
Cela est aussi lié à la « longueur généralisée » de la trajectoire, mesurée par la métrique de l'espace-temps de Minkowski.
Un champ électromagnétique amène des différences de parcours entre les corps, suivant leurs charges et leurs répartitions.
Et comme en physique classique, toutes les équations peuvent être obtenues sans le principe de moindre action.
Étude d'un point matériel
Point matériel isolé (corps libre)
- En relativité restreinte, les corps évoluent dans l'espace-temps de Minkowski où chaque référentiel galiléen a ses coordonnées d'espace (repère généralement supposé cartésien orthonormé) et sa coordonnée de temps , subissant toutes une modification en cas de changement de référentiel galiléen.
- Les coordonnées d'espace d'un point matériel sont ici souvent notées (où ), mais la comparaison avec la quadri-écriture nécessite une attention particulière car cette dernière utilise des indices écrits en haut (à ne pas confondre avec des exposants) puisque ce sont des quantités contravariantes.
- On étudie ici le principe de moindre action sous la forme « classique » : , avec (où ).
- De même qu'en mécanique non relativiste, l'homogénéité et l'isotropie de l'espace imposent que le lagrangien ne dépende que de la norme de la vitesse (ou son carré) : .
- L'invariance par changement de référentiel galiléen impose que l'action soit un scalaire vis-à-vis de la transformation de Lorentz ; ceci suggère une expression de la forme : avec l'élément d'espace-temps , c'est-à-dire : avec .
- ♦ remarque : le minimum de l'action correspond ainsi à un mouvement dont la durée propre ( telle que ) pour le point étudié est extrémale.
- Pour les faibles vitesses : devrait logiquement redonner la limite non relativiste : . Or, les lois qui s'en déduisent (équations d'Euler-Lagrange) sont inchangées si on ajoute au lagrangien la dérivée totale d'une fonction ne dépendant que de la position et du temps, donc en particulier pour une constante.
- On peut donc considérer :
correspondant au lagrangien :
- ♦ remarque : par construction, ceci peut décrire une particule matérielle, mais la description d'un photon nécessite une étude plus approfondie.
Impulsion et énergie
- Par définition l'impulsion relativiste correspond à : (où ) ; ainsi :
- De même qu'en mécanique non relativiste, le hamiltonien peut être défini par : (il doit être exprimé en fonction de l'impulsion).
- Il correspond à une énergie, constante pour tout système dont le hamiltonien (le lagrangien) ne dépend pas explicitement du temps :
- En particulier, pour , l'énergie au repos est .
- ♦ remarque : par différence, l'énergie cinétique correspond à : ; à l'approximation des faibles vitesses ; mais le lagrangien relativiste d'un point matériel isolé en diffère d'une constante.
Interaction avec un champ électromagnétique
- L'expérience montre que les effets d'un champ électromagnétique peuvent être exprimés à l'aide d'un potentiel scalaire et d'un potentiel vecteur .
- Ceci correspond à un quadri-potentiel utilisé ici uniquement pour expliquer la forme du terme d'interaction dans le lagrangien. Ce terme doit dépendre de la vitesse (les effets magnétiques en dépendent) et être invariant de Lorentz.
- Pour généraliser un déplacement de coordonnées (avec ) on peut utiliser le quadri-déplacement .
- On peut alors proposer de décrire l'interaction d'une particule de charge par un terme d'interaction proportionnel à : .
- Afin de retrouver dans la limite des faibles vitesses et sans effet magnétique : avec , on considère ici le lagrangien :
- On en déduit une impulsion généralisée : , soit en conservant la notation .
- ♦ remarque : on prendra donc soin de distinguer et .
- De même que pour un corps libre, le hamiltonien peut être défini par : (il doit être exprimé en fonction de l'impulsion généralisée).
- Il correspond à une énergie, constante pour tout système dont le hamiltonien (le lagrangien) ne dépend pas explicitement du temps :
- Toutes les approximations aux petites vitesses devant redonnent les résultats classiques.
Équations du mouvement
- Le mouvement est décrit par les équations d'Euler-Lagrange : .
- Avec la notation gradient, ceci peut s'écrire sous la forme : , avec par ailleurs (puisque et sont des variables indépendantes) : avec la notation rotationnel.
- En outre, puisque la particule se déplace, la variation de en un point fixe donné est : ; ceci donne finalement :
- ♦ remarque : certains calculs sont plus pratiques en fonction de mais d'autres sont plus simples en fonction de .
- ♦ remarque : attention à ne pas confondre l'énergie et le champ électrique .
Relation entre l'action et l'énergie impulsion
- De façon générale : (où ).
Notations
- Avec les notations quadri-vectorielles, un point a des coordonnées d'espace-temps contravariantes avec . On note les indices quadri-vectoriels par des symboles grecs ; on utilise des indices latins pour désigner la partie spatiale des quadrivecteurs.
- Nous adopterons la convention de sommation d'Einstein : sommation sous-entendue pour tout indice répété en haut et en bas : .
- On note la matrice de la métrique permettant d'abaisser les indices (les termes non diagonaux sont nuls) : . Ainsi pour un quadri-vecteur on obtient : c'est-à-dire : et . On note la matrice inverse permettant d'élever les indices (les termes non diagonaux sont nuls) : .
- En particulier pour deux quadri-vecteurs et , on définit le produit scalaire et la (pseudo)-norme : .
- De manière similaire, on écrira : et .
- Pour décrire le mouvement d'un point matériel, on peut continuer à paramétrer la quadri-position en fonction du temps : (dans ce cas est « inutile ») ; mais on peut aussi utiliser un autre paramètre, en particulier si on souhaite une formulation invariante de Lorentz.
- On peut choisir de paramétrer par le temps propre ou selon l'élément d'espace temps tel que . Certains calculs formels sont toutefois moins évidents dans ce cas : il est alors possible de choisir un paramètre « quelconque », quitte à imposer ensuite ou .
- Il existe toutefois, entre les notations non relativistes et les notations quadri-vectorielles, des différences de conventions de notations pouvant causer des confusions de signes. Il semble ne pas exister de consensus dans la communauté scientifique pour privilégier un choix particulier de notations (principalement parce que cela n'a pas d'influence sur les lois physiques qui s'en déduisent). Les différentes approches sont précisées dans ce qui suit.
Méthode se cantonnant aux propriétés de base
- De nombreux physiciens définissent l'énergie-impulsion indépendamment du principe de moindre action et se limitent à utiliser les propriétés de base de ce dernier pour montrer comment les deux sont liés (par exemple S. Weinberg ; Gravitation and cosmology : « Il apparaît ... que les obéissent à ces équations du mouvement et nous concluons donc que cela qualifie l'expression utilisée pour l'action comme appropriée pour ce système » ).
- ♦ remarque : le principe de moindre action n'est en rien indispensable à l'établissement des lois physiques (il n'est qu'une façon, parfois pratique, de les décrire).
- Compte tenu des détails indiqués dans les autres parties, on traite ici directement le cas avec champ électromagnétique (considéré comme imposé par l'extérieur).
- Avec , l'action peut s'écrire : .
- On peut utiliser : .
- L'intégration par parties donne : .
- Pour des nuls aux extrémités du mouvement : .
- Pour des quelconques durant le mouvement, la condition d'extremum impose les équations du mouvement : .
- On obtient en particulier une quadri-vitesse constante pour un point matériel isolé : .
- ♦ remarque : on paramètre généralement par mais on peut ici en principe utiliser un paramètre « quelconque ».
- ♦ remarque : ici encore, la description d'un photon nécessite d'utiliser un autre paramètre car donc n'est pas défini ; en outre, la méthode doit être adaptée pour éviter qu'un terme (quel qu'il soit) proportionnel à apparaisse au dénominateur.
Formulation la plus simplement ressemblante à celle sans quadri-écriture pour un corps libre
- Ce qui précède suggère qu'on peut raisonner en paramétrant par (ou par qui lui est proportionnel) et que le principe de Hamilton peut s'écrire à l'aide d'un lagrangien avec .
- De nombreux physiciens utilisent alors : . Avec , l'action minimisée entre deux points de l'espace-temps montre que le chemin suivi par la particule pour aller du point A au point B est celui qui maximise le temps propre (le terme négatif transforme la minimisation de en maximisation de ).
- Cette écriture peut sembler formelle dans la mesure où semble indiquer qu'on cherche l'extrémum d'une « constante » (fonction indépendante de la position et de la vitesse). En fait il faut distinguer la quadri-distance et le paramètre (ou ) utilisé.
- Les quantités candidates pour définir la quadri-impulsion « conjuguée » semblent alors être (mais cela reste à préciser) : .
- L'utilisation d'un autre paramètre aboutit au même résultat.
- Pour contourner l'ambiguïté de l'écriture formelle avec (qui n'est qu'apparente), on peut choisir un paramètre « arbitraire », en notant avec , quitte à considérer ensuite la limite par continuité.
- Les quantités candidates pour définir la quadri-impulsion « conjuguée » semblent alors être (mais cela reste à préciser) : . Le fait de passer par l'intermédiaire de ne change rien (on peut paramétrer directement par ).
- Or la comparaison avec la mécanique non relativiste (étayée par la description sans quadri-écriture) indique une énergie-impulsion ; le signe ne correspond pas. Raisonner avec une impulsion généralisée (ou l'analogue pour les composantes covariantes ; la métrique n'influence pas les équations) semble au moins contre-intuitif.
- Cette étrangeté de signe provient de la façon un peu trop simple avec laquelle l'impulsion est définie en mécanique classique, puis généralisée à la mécanique relativiste quand on n'utilise pas les notations quadrivectorielles. Quand on écrit dans ce cadre (sans indices co/contravariants) : “=” (avec ), on l'interprète (en précisant les indices) comme : “=” .
- Or ceci devient ici incohérent, puisque dans un changement de coordonnées (ici l'exemple typique est la transformation de Lorentz), la grandeur contrevariante subit la transformation inverse de celle à appliquer à la quantité covariante .
- On devrait donc maintenant définir ces "impulsions conjuguées" par , afin que cela corresponde à (sans sommation sur les indices, avec ).
- Puisque , pour justifier que ce signe s'applique aussi à (quantité qui était décrite à l'aide du hamiltonien dans la formulation non quadrivectorielle), on peut considérer la relation entre l'action et l'énergie-impulsion, avec l'écriture quadrivectorielle : .
- Ceci montre que de façon symétrique (alors que la notation non quadrivectorielle distinguait les signes : et ).
- ♦ remarque : ceci montre aussi que le changement de signe de (signature {-+++} au lieu de {+---}) ne ferait que déplacer l'étrangeté de signe sur la coordonnée temporelle au lieu des coordonnées spatiales.
- L'effet de la métrique peut aussi apparaitre en relativité restreinte avec des coordonnées non cartésiennes. Ainsi une transformation de Lorentz associée à un mouvement d'axe (Ox) peut par exemple s'exprimer avec des coordonnées cylindriques . On utilise dans ce cas et la métrique est remplacée par avec . La composante angulaire donne et l'impulsion conjuguée est un moment cinétique (en géométrie riemannienne la méthode de Lagrange donne l'impulsion généralisée associée à la coordonnée choisie).
- Ceci montre qu'à partir d'un certain niveau de généralisation, les expressions des "impulsions" généralisées ne correspondent pas forcément à ce qui pourrait être simplement attendu. Les signes contre-intuitifs constatés ici n'ont donc rien de rédhibitoire.
- ♦ remarque : la relativité générale utilise d'ailleurs la métrique pour décrire la gravitation. Il est donc judicieux de commencer par préciser l'écriture quadrivectorielle correspondante en relativité restreinte avant de généraliser davantage.
- ♦ remarque : pour diminuer l'impact des ambiguïtés de signe liées à la métrique, une autre méthode (L. Landau et E. Lifchitz) peut consister à utiliser une première coordonnée imaginaire au lieu des notations co/contra-variantes (comme en notations non relativistes, il n'y a alors pas d'indices en haut) et de même pour tous les quadrivecteurs, mais ceci ne s'adapte pas à la relativité générale (ni même aux coordonnées non cartésiennes).
- Rien toutefois n'interdit de raisonner avec les quantités , même s'il peut devenir ambigu de continuer à les nommer "impulsions" (mais cette habitude est ancrée depuis longtemps).
- C'est d'ailleurs le choix de certains physiciens comme Cornelius Lanczos (The Variational Principles of Mechanics).
- Puisque le lagrangien d'un point matériel isolé est indépendant de la position, les équations d'Euler-Lagrange donnent alors pour lois du mouvement : (constantes du mouvement).
- Le carré de la "norme" de cette quadri-impulsion est en outre : , donc conforme à la relation usuelle : .
- Le hamiltonien correspondant (à ne pas confondre avec celui de la formulation non quadrivectorielle) peut être défini par : . Écrit ainsi il ne décrit pas une énergie, mais il est vrai que ce rôle est ici dédié à .
- D'un premier point de vue, on peut utiliser le fait que pour écrire formellement : (il doit être exprimé en fonction de l'impulsion).
- On obtient alors : ; ceci n'est pas conforme à la description de Hamilton.
- ♦ remarque : on obtient ici de façon un peu inattendue une expression sans radical.
- Mais pour contourner l'ambiguïté de l'écriture formelle, on peut choisir un paramètre « arbitraire », en notant avec , puis considérer ensuite la limite par continuité.
- Le hamiltonien peut alors s'écrire : .
- En choisissant maintenant une paramétrisation par et en utilisant le fait qu'alors on peut écrire formellement : (il doit être exprimé en fonction de l'impulsion).
- On obtient alors : ; ceci est conforme à la description de Hamilton.
- ♦ remarque : on obtient ici de façon un peu plus attendue une expression avec radical.
- Tout ceci ressemble toutefois surtout à du bricolage formel, pouvant difficilement servir de base de raisonnement convaincante.
Formulation la plus simplement ressemblante à celle sans quadri-écriture dans un champ électromagnétique
- Le champ électromagnétique peut être décrit à l'aide d'un quadri-vecteur, appelé quadri-potentiel électromagnétique, dont l'interaction avec la particule de charge se manifeste sous forme lagrangienne par un terme .
- En paramétrant par le lagrangien relativiste peut donc s'écrire :
- En posant tenseur champ électromagnétique (et ), les équations d'Euler-Lagrange donnent les équations du mouvement de la particule :
- Avec le lagrangien relativiste : , les équations d'Euler-Lagrange : donnent :
- Sachant que ne dépend pas explicitement du paramètre (le temps fait partie des et n'est pas le paramètre), on peut écrire :
- .
- En posant tenseur champ électromagnétique, on obtient ainsi l'équation du mouvement :
- .
- On retrouve la quadri-écriture plus usuelle en élevant l'indice avec .
- Le tenseur champ électromagnétique comporte 16 composantes ; puisqu'il est antisymétrique par construction, les composantes diagonales sont nulles et seules six des autres sont indépendantes.
- On les note généralement par deux « pseudo-notations vectorielles tridimensionnelles » :
- • Champ électrique : ; par exemple : .
- • Champ magnétique : ; par exemple : .
- En décomposant la relation précédente pour l'exprimer avec ces notations, on retrouve la force de Lorentz sous son écriture habituelle : .
- ♦ remarque : vis-à-vis des transformations spatiales dans , se comporte comme un vecteur et se comporte comme un pseudovecteur ; vis-à-vis des transformations spatio-temporelles galiléennes dans il faut appliquer la transformation de Lorentz sur l'objet global .
- ♦ remarque : attention à ne pas confondre l'énergie et le champ électrique .
- On obtient donc les équations du mouvement correctes, mais avec la quadri-impulsion « contre intuitive » : , c'est-à-dire : .
- Le carré de la « norme » de la quadri-impulsion permet d'écrire : , donc « vaguement » conforme à la relation usuelle, mais avec la convention de signe inversée : .
- Le hamiltonien correspondant peut être défini par : . Écrit ainsi il ne décrit pas une énergie, mais il est vrai que ce rôle est ici dédié à .
Formulation en changeant la convention de signe de l'impulsion
- Pour contourner ce problème de signe, certains physiciens (par exemple J.M. Raimond ; Électromagnétisme et Relativité ; cours à l'E.N.S.) suggèrent d'adapter la méthode de Hamilton en changeant la convention de signe de l'impulsion :
- Bien sûr cela nécessite d'adapter les signes dans d'autres équations, entre autres celles d'Euler-Lagrange : .
- Par la même méthode que celle utilisée dans la partie précédente, on obtient dans ce cas : , donc conforme à la relation usuelle : .
- En modifiant de façon concordante l'expression du hamiltonien, on obtient de même : .
Formulation en changeant la convention de signe de l'action
- Pour contourner le problème de signe, d'autres physiciens (par exemple B. Houchmandzadeh ; Théorie de la Relativité ; cours à l'université de Grenoble) suggèrent de changer le signe de l'action, dont en fait seule la condition d'extremum est utilisée (contrairement à ce que suggère le « principe de moindre action », qu'il faudrait peut être plutôt nommer « principe d'action stationnaire »).
- ♦ remarque : cet effet ne peut pas être obtenu en utilisant la métrique en notation anglo-saxonne () car elle est associée à plusieurs modifications de signes qui se compensent (ce qui semble assez logique pour des notations « covariantes »).
- ♦ remarque : il faut dans ce cas changer le signe de tous les termes de l'action (y compris le terme du champ électromagnétique étudié dans la suite pour obtenir les équations de Maxwell).
- On obtient dans ce cas naturellement :
- Il peut sembler « incorrect » d'utiliser pour l'action relativiste une expression dont la limite aux faibles vitesses ne redonne pas (ici uniquement pour le signe) l'expression non relativiste. Toutefois, l'expression du lagrangien n'est a priori pas unique : l'important est que ce dernier prédise des lois physiques dont la limite redonne les lois non relativistes, ce qui est le cas ici.
Formulation quadratique (lagrangien géodésique)
- Si on paramètre par , on peut multiplier le lagrangien par . On obtient ainsi pour un point matériel isolé le lagrangien quadratique .
- Par construction, pour les faibles vitesses, l'action ainsi obtenue tend (au signe près) vers l'expression non relativiste. Par contre cela correspondrait à une impulsion inadaptée : .
- On convient alors généralement (par exemple : R. K. Nesbet ; Variational Principles and Methods ; P. Tourrenc ; Relativité et Gravitation) de multiplier le lagrangien par , ce qui donne une expression de forme analogue à celle du cas non relativiste (généralement nommée lagrangien géodésique) :
- ♦ remarque : un avantage important de cette expression, quadratique mais sans radical, est de simplifier un certain nombre de calculs de mouvements.
- ♦ remarque : On peut reprocher à l'action ainsi définie de ne pas tendre vers l'expression non relativiste dans la limite des faibles vitesses (non seulement pour le signe, mais aussi pour le facteur ). Toutefois, le résultat tend vers la limite non relativiste d'une autre façon : sa forme est analogue, vis-à-vis du paramètre , à celle du cas non relativiste vis-à-vis du paramètre . Or tend vers pour les faibles vitesses. De ce fait, les équations du mouvement qui s'en déduisent tendent alors vers les lois non relativistes.
- Pour contourner l'ambiguïté de l'écriture formelle avec (qui n'est qu'apparente), on peut choisir un paramètre « arbitraire », en notant avec , quitte à considérer ensuite la limite par continuité.
- Il faut toutefois prendre garde que dans ce cas le paramètre n'est pas « muet ». Dès lors qu'on choisit un paramètre « quelconque » (non affine en fonction de ), il faut respecter la condition : . Ceci impose : .
- On peut alors utiliser pour obtenir : .
- Ceci correspond à une quadri-impulsion : . Le résultat pour ne correspond pas à la limite pour .
- ♦ remarque : cela était prévisible puisque le passage au lagrangien quadratique utilise une multiplication opportuniste par , inadéquate pour .
- ♦ remarque : la paramétrisation directement par est possible sans le coefficient mais elle ne donne pas un lagrangien quadratique.
- On peut traiter ainsi le cas plus général d'une particule en interaction avec un champ électromagnétique (sans oublier qu'il faut changer le signe de tous les termes) :
- Ceci correspond à l'impulsion (donnant correctement les équations du mouvement vues précédemment, ce qui en suivant sur ce point le raisonnement de S. Weinberg « qualifie l'expression utilisée pour l'action comme appropriée pour ce système ») :
- On peut en outre dans ce cas considérer le hamiltonien (exprimé en fonction le l'impulsion généralisée) :
- Conformément à la méthode de Hamilton, ceci redonne : . En outre, dans la mesure où le hamiltonien ne dépend pas explicitement de , il correspond à une constante du mouvement : .
- Les équations du mouvement peuvent s'écrire : .
- Par ailleurs : ; or ne dépend pas explicitement donc : .
- Ainsi : .
Description d'un photon
- La description corpusculaire d'un photon peut être étudiée à partir de celle d'une particule massive, en passant à la limite pour . Ceci n'est possible qu'avec un lagrangien quadratique, sinon il apparait forcément au dénominateur.
- Avec une notation quadratique, l'action d'une particule massive peut s'écrire : avec l'impulsion .
- Le point délicat pour un photon est l'indétermination de due à la limite quand . Puisque la relation donne la limite pour l'énergie-impulsion d'un photon, la limite cherchée pour peut être obtenue en substituant : .
- Ceci donne : avec donc un lagrangien quadratique paramétré par :
- ♦ remarque : la méthode peut s'adapter à la relativité générale, mais avec un paramètre (là encore imposé) différent de .
- On peut se demander si la démarche utilisée ici peut être applicable au lagrangien avec radical, quitte à utiliser un autre paramètre .
- On considère alors l'action : avec .
- La limite peut être obtenue en substituant : .
- Finalement, ceci correspond forcément à un lagrangien quadratique : .
- Dans la mesure ou ce lagrangien quadratique donne les bonnes équations du mouvement, mais des impulsions incorrectes d'un facteur 2, on le multiplie par un coefficient .
- Puisque ceci donne pour un photon l'impulsion constante : .
- On obtient par ailleurs le hamiltonien (exprimé en fonction de l'impulsion) : .
- Ceci donne, conformément aux relations de Hamilton : .
Étude d'un « champ de force »
- En physique classique, l'influence d'un corps sur un autre se transmet instantanément ; avec l'arrivée de l'électromagnétisme de Maxwell et plus encore avec celle de la relativité restreinte, l'influence se transmet au maximum à la vitesse de la lumière (dans le vide).
- Ainsi, entre le corps influent et le corps influencé, il se propage quelque chose dans l'espace, en général à la vitesse de la lumière, dont l'effet est un changement de trajectoire du corps influencé.
- Suivant quelles propriétés ce champ (appelé ainsi car il décrit une grandeur physique définie en chaque point de l'espace) est-il créé, se propage-t-il, est-il influencé par son environnement, etc ?
- On peut répondre à ces questions à l'aide du principe de moindre action.
- À partir du potentiel électromagnétique, le premier groupe des équations de Maxwell se démontre sans difficulté : l'équation de Maxwell-Faraday et l'équation de conservation du flux magnétique.
- ♦ remarque : dans cette partie, puisqu'on ne se préoccupe pas de l'énergie-impulsion des particules chargées, on utilise la convention de signe négatif du lagrangien (il se trouve que tous les termes sont négatifs).
Invariance de jauge du potentiel et du tenseur électromagnétiques
- Si on remplace le quadri-potentiel électromagnétique par le quadri-potentiel où est une fonction quelconque des coordonnées, alors le terme d'interaction du lagrangien devient et l'action .
- ♦ remarque : ne pas confondre avec le potentiel « scalaire » .
- En appliquant la méthode variationnelle qui compare les chemins en gardant les extrémités fixes, le terme est éliminé.
- Ainsi les deux potentiels et donnent les mêmes équations du mouvement : cette propriété caractérise ce qu'on nomme « invariance de jauge ».
- On constate d'ailleurs que dans les équations du mouvement, le tenseur champ électromagnétique est invariant de jauge : puisque selon le théorème de Schwarz : .
- ♦ remarque : la grandeur généralement nommée « champ électromagnétique » est le tenseur champ électromagnétique ; il peut se déduire du potentiel et la description des phénomènes électromagnétiques peut se faire à l'aide de l'un ou l'autre (le principe de moindre action utilise le potentiel, mais il n'est pas indispensable à la description des lois physiques) ; au sens général, rien n'interdit de considérer le potentiel comme un « champ vectoriel » mais ce n'est pas l'usage.
- ♦ remarque : cette équivalence des descriptions par le champ tensoriel ou le potentiel vectoriel a été discutée à propos de l'effet Aharonov-Bohm.
Densité lagrangienne et équations d'Euler-Lagrange associées
- Un champ correspond à une grandeur physique ayant une valeur en chaque point de l'espace, on ne peut donc pas le repérer comme un point matériel et le décrire par des coordonnées et leurs dérivées .
- Le potentiel quadri-vectoriel peut être décrit par ses coordonnées pour chaque point de l'espace : .
- Les quantités jouant un rôle analogue à celui de la vitesse sont les dérivées des coordonnées : .
- Ainsi les coordonnées du point où on décrit le potentiel jouent le rôle de paramètres (analogues du paramètre de la position du point matériel sur sa trajectoire).
- ♦ remarque : on peut en principe aussi utiliser les coordonnées contra-variantes mais cela complique inutilement certains calculs.
- L'action d'un champ peut alors s'écrire sous la forme : , où est le quadri-volume dans lequel on applique la méthode variationnelle et où est l'élément infinitésimal de quadri-volume.
- La fonction est appelée « densité lagrangienne » (si on applique totalement l'analogie formelle, elle pourrait en principe aussi dépendre explicitement des paramètres ).
- ♦ remarque : le coefficient dans l'expression de l'action sert à définir comme une densité volumique d'énergie (on intègre sur ).
- Par une démonstration semblable à celle déjà vue dans le cas d'un corps localisable, et en utilisant la convention de sommation d'Einstein, on obtient les équations d'Euler-Lagrange pour la densité lagrangienne :
- On considère ici la variation de l'action correspondant à des variations du potentiel , supposées nulles aux limites du quadri-volume d'intégration .
- Cette variation de l'action peut s'écrire : .
- Le second terme peut s'exprimer : .
- Or le quadrivecteur : a un flux nul à travers l'hypersurface « bordant » le quadri-volume d'intégration , puisque s'y annule.
- D'après le théorème d'Ostrogradski, l'intégrale de sa divergence est nulle : .
- Ainsi en simplifiant : .
- La variation de l'action est donc nulle, quelles que soient les variations au voisinage de l'extremum, si et seulement si est vérifiée la condition : .
Tenseur impulsion-énergie d'un champ
• La densité lagrangienne associée au champ électromagnétique étant donnée, on peut (de manière analogue à la construction du hamiltonien associé à l'énergie d'une particule) définir un « tenseur énergie-impulsion » associé au champ :
- De même que le hamiltonien décrit une énergie constante s'il ne dépend pas explicitement du paramètre , le tenseur énergie-impulsion décrit une grandeur « conservée » s'il ne dépend pas explicitement des paramètres :
- On peut considérer : .
- Puis en utilisant les équations d'Euler-Lagrange : et le lemme de Schwarz : on obtient :
- .
- L'égalité permet finalement d'écrire :
- .
- La quantité : décrit une « densité d'énergie » et les quantités décrivent les composantes d'un vecteur « densité de courant d'énergie » .
- L'équation est une « équation de conservation de l'énergie » : localement, la variation dans le temps de la densité d'énergie dans un volume infinitésimal est égale au flux entrant de la densité de courant d'énergie à travers la surface entourant ce volume (d'après le théorème d'Ostrogradski).
- ♦ remarque : les composantes ne définissent par contre pas un quadri-vecteur (c'est pour cela qu'on utilise la grandeur tensorielle ).
Densité lagrangienne d'un champ électromagnétique libre
- La densité lagrangienne décrivant le champ électromagnétique est :
- On cherche la densité lagrangienne du champ électromagnétique qui est composé du ou des nombres construits à partir du potentiel électromagnétique qui sont invariants par changement de référentiel dans l'espace de Minkowski.
- La manifestation de ce potentiel correspond au champ électrique et le champ magnétique .
- On cherche donc les nombres invariants construits à partir de la matrice 4×4 associée : .
- Les coefficients du polynôme caractéristique sont invariants par la transformation d'endomorphismes , où est la matrice de Lorentz du changement de base dans l'espace de Minkowski, c'est-à-dire de référentiel galiléen en relativité restreinte.
- Les invariants de cette matrice par les changements de base sont les coefficients de son polynôme caractéristique .
- On sait, par la définition de ses coefficients, que cette matrice est anti-symétrique : (en notant la matrice transposée).
- On en déduit que est un polynôme pair. Soit : .
- Par quelques calculs, on montre que et que .
- Pour une raison de dimension , le nombre ne convient pas (la densité lagrangienne doit avoir la dimension d'une densité d'énergie), il faudrait essayer avec .
- Mais par ailleurs on peut montrer que est la 4-divergence d'une 4-fonction, donc son ajout à la densité lagrangienne ne changerait en rien les équations d'Euler-Lagrange. Le nombre peut donc aussi être écarté.
- ♦ remarque : pour une particule ponctuelle, l'ajout au lagrangien de la dérivée d'une fonction ne change pas les équations car cela ajoute à l'action la variation qui est constante lorsqu'on fait varier l'action ; de même pour une densité lagrangienne, l'ajout de la 4-divergence d'un 4-vecteur ne fait qu'ajouter à l'action le flux du 4-vecteur à travers l'hypersurface limitant le domaine d'intégration, or cette quantité reste constante lorsqu'on fait varier l'action (les variations aux limites sont nulles).
- De ce fait, est l'unique candidat à être la densité lagrangienne.
- En choisissant un coefficient multiplicateur qui détermine les unités de mesure du champ électromagnétique, on prend :
- ♦ remarque : le signe correspond au choix lié à la minimisation de l'action, ainsi qu'aux choix des signes des autres termes de l'action (commentés dans les parties précédentes).
Les équations du champ électromagnétique
- L'hypothèse de ce paragraphe est qu'il y a un courant de particules chargées (même s'il n'y en a éventuellement qu'une seule) ; on n'étudie donc pas le champ « libre » mais directement le champ en interaction avec des charges.
- On suppose le courant « non influencé » par le champ électromagnétique. Avec cette condition, on étudie les variations de l'action associées aux variations du champ (décrit par le potentiel).
- ♦ remarque : ceci signifie que, pour nettement simplifier les calculs, on étudie les variations de l'action associées aux variations du 4-potentiel (sans faire varier les mouvements des particules chargées) ; de façon analogue, l'étude de particules chargées subissant un champ électromagnétique se fait en supposant le champ fixé (sans faire varier le 4-potentiel, qui pourtant peut être modifié par les courants associés aux mouvements des charges) ; cette séparation est possible car les termes associés aux deux types de variations se factorisent séparément.
- Dans la densité lagrangienne, le terme d'interaction peut ici s'écrire : . La densité lagrangienne à utiliser est ainsi :
- Pour décrire les mouvements des particules chargées, l'interaction entre une particule et le champ se modélise dans l'action par : .
- L'utilisation d'une densité lagrangienne nécessite par contre ici de raisonner avec une densité de charge (quitte à utiliser pour chaque particule ponctuelle une distribution de Dirac) : avec .
- Le terme d'interaction de l'action peut donc s'écrire :
- .
- ♦ remarque : les intégrations sur et ne peuvent pas être simplement séparées car et doivent être calculés au même point que ; si on intègre d'abord sur on peut utiliser (pour chaque particule) où correspond à la position à l'instant considéré ; on peut obtenir une écriture plus symétrique sur avec où (puisqu'ici on paramètre par ).
- On peut alors définir un quadrivecteur densité de courant : .
- Ainsi le terme d'interaction peut s'écrire : .
- ♦ remarque : il est important de noter que, par rapport à la transformation de Lorentz, la densité de charge n'est pas un scalaire (la charge est un scalaire, mais la contraction des volumes modifie ) ; par ailleurs, le 4-objet n'est pas un 4-vecteur à cause de la dilatation des durées ; il se trouve que les deux effets se compensent et que le produit des deux est un quadrivecteur.
- On obtient ainsi au total : .
- Les équations d'Euler-Lagrange donnent :
- On obtient :
- ;
- .
- Par ailleurs : donc .
- Pour on obtient : .
- Mais puisque il reste : .
- Avec ceci donne l'équation de Maxwell-Gauss : .
- Pour on obtient : .
- Par ailleurs pour (par exemple ; de même pour les autres indices) : .
- Au total ceci donne l'équation de Maxwell-Ampère : .
- En outre puisque est antisymétrique et que le théorème de Schwarz implique la symétrie.
- On en déduit en corollaire l'équation de conservation de la charge :
Tenseur énergie-impulsion du champ électromagnétique
- De façon générale, on peut considérer : avec dans ce cas : .
- On obtient : ; ainsi : .
- Ainsi déterminée, l'expression du tenseur énergie-impulsion est généralement dissymétrique ; on peut toutefois montrer qu'elle peut être symétrisée en lui ajoutant la dérivée d'un tenseur antisymétrique par rapport à .
- Cela ne change rien à la propriété puisque (à la fois symétrique et antisymétrique). On peut en outre montrer que cela ne modifie pas les énergies et impulsions qui s'en déduisent par intégration (les contributions de sont de même nulles).
- Compte tenu de (on raisonne pour le champ électromagnétique seul) on peut ajouter .
- Ceci done une formulation symétrique : .
- ♦ remarque : ici encore on rencontre divers choix de conventions de signe ; par exemple les notations anglo-saxonnes changent le signe de la définition de ; il faut adapter les signes dans l'expression précédente (et de même si on change le signe de l'action).
- Ceci peut s'exprimer en considérant : avec :
- (avec les symboles de Levi-Civita et de Kronecker : ; ; ; ).
- AInsi .
- ♦ remarque : on peut utiliser des indices covariants et contravariants, mais les symboles de Levi-Civita ne se comportent pas tout à fait comme des tenseurs : .
- On en déduit la densité d'énergie : .
- De même la densité de « courant d'énergie » (associée au vecteur de poynting) : .
Annexes
Bibliographie
- Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique [détail des éditions]
- Richard P. Feynman, Robert B. Leighton et Matthew Sands (en), Le Cours de physique de Feynman [détail de l’édition] - Électromagnétisme (I), chap. 19, InterEditions, 1979 (ISBN 2-7296-0028-0). Rééd. Dunod, 2000 (ISBN 2-1000-4861-9)
- Jean-Claude Boudenot, Électromagnétisme et gravitation relativistes, Ellipses, 1989 (ISBN 2729889361)
- Jean-Louis Basdevant, Principes variationnels & dynamique, Vuibert, 2005 (ISBN 2711771725)
- Florence Martin-Robine, Histoire du principe de moindre action, Vuibert, 2006 (ISBN 2711771512)
- Edgard Elbaz, Relativité générale et gravitation, Ellipses, 1986
Articles connexes
- Principe de moindre action
- Mécanique analytique
- Lagrangien
- Mécanique hamiltonienne
- Espace de Minkowski
- Relativité restreinte
- Principe de Fermat, intéressant parallèle avec l'optique