AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Politique publique du bien-ĂȘtre

Une politique publique du bien-ĂȘtre est une politique publique conçue et Ă©valuĂ©e en fonction de leur capacitĂ© Ă  amĂ©liorer le bien-ĂȘtre des personnes concernĂ©es de maniĂšre mesurable.

FondĂ©e sur les travaux de l'Ă©conomie du bien-ĂȘtre subjectif, cette approche a Ă©tĂ© recommandĂ©e par la Commission Stiglitz, et adoptĂ©e dans plusieurs pays, comme la Nouvelle-ZĂ©lande. Tant les fondements thĂ©oriques que l'efficacitĂ© pratique de cette dĂ©marche restent controversĂ©es, tant dans le domaine scientifique que sur le plan politique.

Historique

Pour Richard Layard et ses co-auteurs[1] l'idĂ©e que le bien-ĂȘtre de la population constitue un objectif essentiel de la puissance publique s'est imposĂ©e de facto au cours des 300 derniĂšres annĂ©es dans les pays occidentaux. Pour ces auteurs, la question a plutĂŽt Ă©tĂ© de savoir s'il Ă©tait possible de mesurer le bien-ĂȘtre, ou s'il fallait plutĂŽt recourir Ă  des approximations plus facile Ă  mesurer, comme la croissance Ă©conomique ou l'espĂ©rance de vie.

Intellectuellement, Frijters et al. 2020 relient cette idĂ©e au courant utilitariste, en particulier Jeremy Bentham, John Stuart Mill et Francis Ysidro Edgeworth, et Ă  John Locke, aboutissant Ă  la formule de la DĂ©claration d'indĂ©pendance des États-Unis (1776), qui Ă©rige la recherche du bonheur en un droit inaliĂ©nable, au mĂȘme titre que la vie ou la libertĂ©. L'absence de mesure du bien-ĂȘtre limite la portĂ©e pratique de ces intentions, et la pensĂ©e Ă©conomique des politiques publiques se dĂ©veloppe Ă  la fin du dix-neuviĂšme et au dĂ©but du vingtiĂšme siĂšcle autour de la croissance Ă©conomique et de la notion d'utilitĂ©. Plus facile Ă  inclure dans le cadre formalisme mathĂ©matique recherchĂ© par l'approche marginaliste, l'utilitĂ© a Ă©tĂ© employĂ©e en pratique comme approximation suffisante du bien-ĂȘtre ou du bonheur.

Ce n'est que dans les annĂ©es 1990 que l'idĂ©e d'utiliser le bien-ĂȘtre subjectif comme mesure de l'utilitĂ© revint la littĂ©rature Ă©conomique. Si plusieurs psychologues et sociologues avaient remis en cause l'idĂ©e d'un lien fort entre richesse et bonheur (par exemple Hadley Cantril en 1965[2]), c'est le constat par Richard Easterlin en 1974 d'une stagnation de la satisfaction de vie moyenne aux États-Unis entre 1956 et 1970, en dĂ©pit d'une croissnce cumulĂ©e de 50 % du PIB (paradoxe d'Easterlin) qui fut Ă  l'origine de ce retour. Ce constat (nuancĂ© depuis par l'observation d'un plus grand nombre de pays) avait pour consĂ©quence directe que les politiques ne visant que la croissance Ă©conomique ne conduisaient pas nĂ©cessairement Ă  une amĂ©lioration du bien-ĂȘtre de la population.

Depuis, un vaste ensemble d'Ă©tudes ont mis en Ă©vidence des corrĂ©lations importantes entre le bien-ĂȘtre dĂ©clarĂ© et des facteurs externes, comme l'exposition Ă  la pollution, le chĂŽmage ou l'arrivĂ©e d'un enfant, l'Ă©tat de santĂ© de la personne, ainsi que des rĂ©ponses neurophysiologiques[1], lĂ©gitimant la mesure. ParallĂšlement, la Crise financiĂšre mondiale de 2007-2008 a mis en Ă©vidence les limites de la croissance Ă©conomique comme objectif de politiques publique, conduisant Ă  la recherche d'autres indicateurs. En France, la Commission Stiglitz a ainsi recommandĂ© un pilotage de la politique publique sur la base d'un tableau de bord, dont la satisfaction dans la vie est un indicateur-clef aux cĂŽtĂ©s du PIB et d'indicateurs de soutenabilitĂ©[3].

Mesurer le bien-ĂȘtre

Choisir un ou plusieurs indicateurs

Pour mesurer le bien-ĂȘtre subjectif, la mĂ©thode la plus frĂ©quente est de poser dans des enquĂȘtes des questions auxquelles on rĂ©pond par une Échelle de Likert :

Dans l’ensemble, dans quelle mesure ĂȘtes-vous satisfait de la vie que vous menez actuellement ? Positionnez-vous sur une Ă©chelle de 0 (pas du tout satisfait) Ă  10 (complĂštement satisfait)

Des enquĂȘtes nationales (le recensement britannique, par exemple), europĂ©ennes (EnquĂȘte sociale europĂ©enne) ou mondiales (Gallup World Poll) comprennent rĂ©guliĂšrement cette question. Souvent, des questions similaires portent sur d'autres dimensions du bien-ĂȘtre subjectif : « Avez-vous Ă©tĂ© heureux hier ? », « Avez-vous le sentiment que ce que vous faites dans votre vie a du sens, de la valeur ? », « Au cours de la journĂ©e d’hier, vous-ĂȘtes vous senti dĂ©primĂ© ? », dont certaines peuvent ĂȘtre prospectives, comme « Quand vous pensez Ă  ce que vous allez vivre dans les annĂ©es Ă  venir, ĂȘtes-vous satisfait de cette perspective ? ». L'annexe trimestrielle de l'enquĂȘte de conjoncture auprĂšs des mĂ©nages de l'Insee comprend ainsi vingt questions sur ce thĂšme. La multiplicitĂ© de ces dimensions, qui ne se recouvrent que partiellement, conduit Ă  trois approches possibles :

  1. Utiliser une seule dimension, typiquement la satisfaction dans la vie, comme indicateur de rĂ©fĂ©rence. C'est l'approche dĂ©fendue en particulier par Richard Layard avec le concept de WELLBY (Wellbeing-adjusted life-years, annĂ©e de vie pondĂ©rĂ©e par le bien-ĂȘtre), en rĂ©fĂ©rence au QALY (annĂ©es de vie pondĂ©rĂ©es par la qualitĂ©) utilisĂ© dans le domaine de la santĂ© publique.
  2. Recourir Ă  un tableau de bord regroupant un ensemble de dimensions sĂ©lectionnĂ©es pour leur pertinence au regard du domaine et de l'objectif de politique publique, Ă  l'image de l'Indicateur du vivre mieux de l'OCDE. Martine Durand, directrice du dĂ©partement des statistiques et des donnĂ©es Ă  l'OCDE, souligne ainsi que les diffĂ©rents aspects du bien-ĂȘtre prĂ©sents dans cet indicateur ne sont qu'imparfaitement reliĂ©es entre elles, et donc que la focalisation sur une seule peut avoir des consĂ©quences nĂ©gatives sur les autres[4].
  3. Construire un indicateur synthétique regroupant en un seul nombre un ensemble de dimensions sélectionnées. Le rapport de la Commission Stiglitz en propose une sélection[3]. Ce rapport conseille de choisir l'index le plus approprié à chaque situation, et recommande la satisfaction dans la vie comme mesure générale par défaut.

De maniÚre schématique, l'usage d'une seule dimension ou d'un indice synthétique permet de n'utiliser qu'une seule grandeur, à l'image du résumé qu'est le produit intérieur brut pour la production de biens et services, ce qui facilite l'appropriation par un personnel politique et des administrations habitués à ce type d'indicateurs. L'approche en tableau de bord permet de percevoir des évolutions différenciées des dimensions qui y figurent, au prix d'une représentation d'ensemble plus difficile à construire.

Des chercheurs favorables Ă  la construction d'un index soulignent que l'usage d'une seule dimension conduit Ă  nĂ©gliger des aspects importants du bien-ĂȘtre. Ainsi, Bejamin et al. montrent que dans des expĂ©rimentations thĂ©oriques (choix fictifs) ou pratiques (choix des lieux d'internat pour de jeunes mĂ©decins), il est frĂ©quent d'observer que des personnes retiennent des options diffĂ©rentes de celles qui leur apporteraient le plus de bien-ĂȘtre[5]. Ces auteurs recommandent ainsi la construction d'un index composite afin de mieux reflĂ©ter l'ensemble des dimensions perçues comme essentielles.

Un argument central dans l'utilisation de mĂ©triques de bien-ĂȘtre plutĂŽt que de se cantonner aux impacts en termes monĂ©taires est que les gains monĂ©taires ont des effets trĂšs diffĂ©rents selon la richesse de la personne : un complĂ©ment de revenu de 100 € est trĂšs important pour une personne pauvre, et nĂ©gligeable pour une personne riche. Raisonner en termes de bien-ĂȘtre oblige Ă  prendre ces diffĂ©rences en compte, ainsi que celles pouvant exister entre personnes de mĂȘme niveau de richesse mais ayant un rapport Ă  l'argent diffĂ©rent[6].

Risque pour un indicateur de devenir un objectif de politique publique

La loi de Goodhart remarque que tout indicateur risque, lorsqu'il devient un objectif de politique publique, de perdre sa qualitĂ© de mesure, dĂšs lors qu'il sera plus facile de manipuler la mesure elle-mĂȘme que ce qu'elle doit mesurer. Les mĂ©triques de bien-ĂȘtre subjectif ne sont pas exemptes de ce risque. La mesure du bonheur national brut au Bouthan en est une illustration : en imposant de fait la religion bouddhiste, cette mesure contribuait Ă  l'oppression de la minoritĂ© hindoue du pays. Dans le contexte de pays dĂ©veloppĂ©s, plusieurs analyses montrent que des indicateurs comme le taux de chĂŽmage ont Ă©tĂ© manipulĂ©s par les gouvernements pour faire apparaĂźtre un bilan positif. Dans le cas d'une mesure subjective obtenue par sondage, le problĂšme se pose aussi au niveau des individus. Si ceux-ci savent que les politiques publiques ciblent en prioritĂ© les personnes et les publics qui dĂ©clarent de faibles niveaux de bien-ĂȘtre, ils auront intĂ©rĂȘt Ă  se dĂ©clarer malheureux ou insatisfaits afin d'obtenir une part plus importante des ressources publiques[7].

De l'action politique au bien-ĂȘtre subjectif

Pour Frijters et al., il existe aujourd'hui un corpus suffisant d'Ă©tudes montrant de maniĂšre robuste (par des essais randomisĂ©s contrĂŽlĂ©s par exemple) quels gains en termes de bien-ĂȘtre subjectif peuvent ĂȘtre attendus d'un ensemble de politiques publiques. Ces auteurs prĂ©conisent d'une part une extension de ces Ă©tudes afin de couvrir le champ le plus vaste possible et d'affiner les estimations disponibles, et d'autre part de calculer partout oĂč c'est possible le gain en bien-ĂȘtre par unitĂ© d'argent public dĂ©pensĂ©. Ce rapport coĂ»t-bĂ©nĂ©fices permet d'allouer en prioritĂ© les moyens aux dispositifs les plus efficaces pour amĂ©liorer le bien-ĂȘtre. Cette littĂ©rature va de dispositifs trĂšs vastes, comme l'assurance chĂŽmage, Ă  des interventions trĂšs ciblĂ©es comme des programmes de pleine conscience. Cet ensemble n'est toutefois que parcellaire, et ils appellent Ă  la conduite d'expĂ©rimentations dans tous les domaines de l'action publique, avec une Ă©valuation systĂ©matique en termes de bien-ĂȘtre[1].

D'autres auteurs nuancent toutefois cette confiance. Pour A. Kapteyn, les dispositifs ciblĂ©s, plus Ă  mĂȘme d'ĂȘtre rigoureusement Ă©valuĂ©s, peuvent ne pas conduire aux mĂȘmes rĂ©sultats s'ils sont dĂ©ployĂ©s Ă  large Ă©chelle[8]. Cette critique sur la validitĂ© externe des Ă©valuations randomisĂ©es contrĂŽlĂ©es reprend d'ailleurs les termes du dĂ©bat qui existe au sujet des politiques de dĂ©veloppement entre par exemple Angus Deaton et Esther Duflo. A. Kapteyn propose ainsi de s'appuyer plus fortement sur les comparaisons internationales, qui permettent de mettre en regard les effets de dispositifs institutionnels Ă  grande Ă©chelle. Inversement, des auteurs comme A. Stutzer soulignent que les comparaisons internationales ne peuvent mettre en Ă©vidence que des corrĂ©lations entre une politique et le bien-ĂȘtre, pas un effet causal. Seules les expĂ©riences contrĂŽlĂ©es sont Ă  mĂȘme de dĂ©terminer rigoureusement un tel lien[7]. Dans la mĂȘme veine, R. Singh et A. Alexandrovna soulignent que la transposition de rĂ©sultats d'un pays ou d'un groupe social Ă  l'autre requiert une comprĂ©hension fine du cadre social et institutionnel, y compris par des mĂ©thodes qualitatives, ce qui limite la portĂ©e des rĂ©sultats existants[9].

Définir des priorités à l'action publique

Pour plusieurs auteurs, fixer le bien-ĂȘtre subjectif comme objectif de l'action publique conduit Ă  une rĂ©orientation de celle-ci vers des dispositifs Ă  mĂȘme de produire des effets importants sur la vie des personnes plutĂŽt que sur la seule production de richesse agrĂ©gĂ©e[1] - [10] - [4] - [6]. Les exemples les plus frĂ©quemment utilisĂ©s sont la lutte contre la souffrance et les maladies mentales[1] - [11], le soutien et la promotion de relations sociales de qualitĂ©[6] et la lutte contre les inĂ©galitĂ©s de bien-ĂȘtre, ces derniĂšres ne se limitant pas aux inĂ©galitĂ©s de revenu ou de patrimoine[10].

Les positions des scientifiques divergent toutefois sur le rĂŽle Ă  donner Ă  cet outil. Pour le courant reprĂ©sentĂ© par Frijters et al., la maximisation du bien-ĂȘtre subjectif agrĂ©gĂ© devrait ĂȘtre le principe essentiel d'allocation des ressources et de l'action publique[1]. D'autres scientifiques du domaine expriment des rĂ©serves par rapport Ă  cette approche. A. Stutzer, par exemple, souligne le danger d'une fixation technocratique des prioritĂ©s de l'action publique, alors que le bon fonctionnement des sociĂ©tĂ©s dĂ©mocratiques exige que ces dĂ©cisions fassent l'objet d'un dĂ©bat public. Une telle approche procĂ©durale a la vertu de pouvoir mettre en lumiĂšre les limites et angles morts de la mesure du bien-ĂȘtre pour les politiques en dĂ©bat. La recherche sur le bien-ĂȘtre subjectif appuie Ă©galement cette position, en soulignant l'importance pour le bien-ĂȘtre subjectif du sentiment d'avoir un pouvoir d'action sur sa propre vie et sur les dĂ©cisions qui nous concernent[7].

De nouvelles priorités : santé mentale, relations sociales, lutte contre les inégalités

IndĂ©pendamment de la discussion mĂ©thodologique, certains domaines de l'action publique sont rĂ©guliĂšrement mentionnĂ©s comme gĂ©nĂ©rant des gains importants de bien-ĂȘtre, gains sous-estimĂ©s par les mĂ©thodes d'Ă©valuation reposant sur des indicateurs de revenu ou de richesse produite. Ainsi, A. Clark et ses co-auteurs soulignent l'importance de la lutte contre les souffrances psychologiques[11] et M. Rojas celle des politiques favorisant la frĂ©quence et la qualitĂ© des relations sociales[6] (un rĂ©sultat ancien dans le domaine[12]). De maniĂšre similaire, Abhijit Banerjee et Esther Duflo soulignent ainsi dans leur ouvrage Économie utile pour des temps difficiles que la perte des liens sociaux constitue un coĂ»t Ă  la mobilitĂ© de la main-d'Ɠuvre mal pris en compte dans l'analyse macroĂ©conomique[13].

Les travaux sur le bien-ĂȘtre subjectif soulignent Ă©galement l'importance de la lutte contre les inĂ©galitĂ©s. Le World Happiness Report 2020[14] souligne ainsi que le niveau d'inĂ©galitĂ© de bien-ĂȘtre au sein d'un pays constitue un dĂ©terminant statistique de la satisfaction de vie moyenne dans ce pays. Le poids de cette dimension est plus importante que celui des inĂ©galitĂ©s de revenu. ConsĂ©quence de ce constat, les politiques qui amĂ©liorent le bien-ĂȘtre des plus malheureux bĂ©nĂ©ficient non seulement Ă  ces derniers, mais aussi Ă  tous les autres membres de la sociĂ©tĂ© qui bĂ©nĂ©ficient de vivre dans un environnement moins inĂ©galitaire[10]. Sur des comparaisons internationales, plusieurs auteurs relĂšvent que parmi les pays riches, plus un pays un a systĂšme fiscal fortement progressif, plus la satisfaction de vie moyenne y est Ă©levĂ©e, le mĂȘme constat valant pour plusieurs dispositions caractĂ©risant un systĂšme social protecteur (assurance chĂŽmage, systĂšme de sĂ©curitĂ© sociale universel, etc.)[8].

Dans d'autres domaines de l'action publique, une Ă©valuation en termes de bien-ĂȘtre peut venir modifier l'apprĂ©ciation qui est faite de l'efficacitĂ© ou la dĂ©sirabilitĂ© des diffĂ©rents outils de politique publique. Dans le cas de la lutte contre le tabagisme par exemple, plusieurs expĂ©riences en Europe montrent que des interdictions, comme celle de fumer dans les lieux publics, ont un impact plus important que des taxes sur le bien-ĂȘtre des fumeurs qui dĂ©sirent arrĂȘter de fumer. Contrairement aux taxes, ces politiques rĂ©duisent en effet la tentation de fumer liĂ©e au fait d'ĂȘtre en prĂ©sence d'autres fumeurs, conduisant Ă  une satisfaction de vie plus Ă©levĂ©e chez les personnes dĂ©sirant arrĂȘter[15] - [16].

Croissance Ă©conomique et revenu

Les analyses des dĂ©terminants du bien-ĂȘtre subjectif indiquent que la satisfaction de vie n'augmente pas toujours avec les revenus. À la suite du constat d'Easterlin (paradoxe d'Easterlin), de nombreuses Ă©tudes ont montrĂ© qu'une fois atteint un niveau de consommation couvrant des besoins essentiels (nourriture, logement, accĂšs Ă  une certaine vie sociale), deux phĂ©nomĂšnes viennent limiter les gains d'un supplĂ©ment de revenu sur la satisfaction de vie.

En premier lieu, les personnes s'habituent assez rapidement Ă  l'amĂ©lioration de leur niveau de vie, de sorte que l'effet d'une augmentation de revenu s'amenuise dans le temps[17] - [18]. En second lieu, l'Ă©valuation qu'une personne fait de sa satisfaction de vie est trĂšs sensible au groupe auquel il se compare (son groupe de rĂ©fĂ©rence) : elle va augmenter quand sa situation relativement Ă  son groupe de rĂ©fĂ©rence s'amĂ©liore, et inversement[17] - [18]. Ainsi, une croissance Ă©conomique qui augmente le revenu de tous les habitants d'un pays va produire une augmentation du bien-ĂȘtre moyen essentiellement grĂące Ă  l'amĂ©lioration des conditions de vie des plus pauvres, le bien-ĂȘtre Ă  moyen terme de toutes les personnes ayant dĂ©jĂ  au dĂ©part un niveau de vie dĂ©cent restant pratiquement inchangĂ©[8]. Ces phĂ©nomĂšnes entraĂźnent une rĂ©Ă©valuation des politiques fondĂ©es sur la croissance Ă©conomique dans les pays riches. Du point de vue du bien-ĂȘtre subjectif, des politiques de croissance Ă©conomique gĂ©nĂ©rale peuvent ĂȘtre moins efficaces que des politiques conduisant Ă  la croissance ciblĂ©e des revenus des plus pauvres (en prĂȘtant attention que les couches sociales immĂ©diatement au-dessus vont voir leur bien-ĂȘtre diminuer Ă  cause d'un effet de comparaison qui leur devient moins favorable), ainsi que des politiques publiques dĂ©veloppant spĂ©cifiquement des secteurs (santĂ©, environnement) dont l'impact sur le bien-ĂȘtre est documentĂ©.

Utilisation pratique

Plusieurs États et collectivitĂ©s territoriales se sont engagĂ©es Ă  utiliser le bien-ĂȘtre subjectif comme mĂ©trique centrale de leur action publique. En 2020, on peut citer la Nouvelle-ZĂ©lande[19], l'Islande ou l'Écosse[20] - [21]. Au Royaume-Uni, les mĂ©triques de bien-ĂȘtre subjectif sont prĂ©sentĂ©es comme une des mĂ©thodes de rĂ©fĂ©rence pour Ă©valuer les consĂ©quences non-monĂ©taires des politiques publiques[22].

En pratique, les services du gouvernement nĂ©o-zĂ©landais doivent Ă©valuer leur action selon une sĂ©lection (tableau de bord) d'indicateurs, dont des indicateurs de bien-ĂȘtre. Ainsi, une proposition de politique publique doit fournir une estimation de ses effets dans chacune de ces dimensions, et prĂ©voir un dispositif de mesure de ces effets[4].

Références

  1. (en) Paul Frijters, Andrew E. Clark, Christian Krekel et Richard Layard, « A happy choice: wellbeing as the goal of government », Behavioural Public Policy, vol. 4, no 2,‎ , p. 126–165 (ISSN 2398-063X et 2398-0648, DOI 10.1017/bpp.2019.39, lire en ligne, consultĂ© le )
  2. Cantril, Hadley. Inter-university Consortium for Political and Social Research., Pattern of Human Concerns Data, 1957-1963, Inter-university Consortium for Political and Social Research distributor, (OCLC 747315770, lire en ligne)
  3. Joseph Stiglitz, Armartya Sen et Jean-Paul Fitoussi, Mesure des performances économiques et progrÚs social, Paris, Présidence de la République française, (lire en ligne)
  4. (en) Martine Durand, « What should be the goal of public policies? », Behavioural Public Policy, vol. 4, no 2,‎ , p. 226-235 (lire en ligne)
  5. (en) Dan Benjamin, Kristen Cooper, Ori Heffetz et Miles Kimball, « Self-reported wellbeing indicators are a valuable complement to traditional economic indicators but are not yet ready to compete with them », Behavioural Public Policy, vol. 4, no 2,‎ , p. 198–209 (ISSN 2398-063X et 2398-0648, DOI 10.1017/bpp.2019.43, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. (en) Mariano Rojas, « Happiness, public policy and the notion of development », Behavioural Public Policy,‎ , p. 166-176 (lire en ligne)
  7. (en) Alois Stutzer, « Happiness and public policy: a procedural perspective », Behavioural Public Policy, vol. 4, no 2,‎ , p. 210–225 (ISSN 2398-063X et 2398-0648, DOI 10.1017/bpp.2019.44, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. (en) Arie Kapteyn, « Income growth is unlikely to help, but we can learn from international comparisons », Behavioural Public Policy, vol. 4, no 2,‎ , p. 188–197 (ISSN 2398-063X et 2398-0648, DOI 10.1017/bpp.2019.42, lire en ligne, consultĂ© le )
  9. (en) Ramandeep Singh et Anna Alexandrova, « Happiness economics as technocracy », Behavioural Public Policy, vol. 4, no 2,‎ , p. 236–244 (ISSN 2398-063X et 2398-0648, DOI 10.1017/bpp.2019.46, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. (en) John F. Helliwell, « Three questions about happiness », Behavioural Public Policy, vol. 4, no 2,‎ , p. 177–187 (ISSN 2398-063X et 2398-0648, DOI 10.1017/bpp.2019.41, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. Clarke, Andrew E., author., The Origins of Happiness : The Science of Well-Being over the Life Course, , 336 p. (ISBN 978-0-691-19695-4 et 0-691-19695-8, OCLC 1155499887, lire en ligne)
  12. Ed Diener et Martin E. P. Seligman, « Very happy people », Psychological Science, vol. 13, no 1,‎ , p. 81–84 (ISSN 0956-7976, PMID 11894851, DOI 10.1111/1467-9280.00415, lire en ligne, consultĂ© le )
  13. Banerjee, Abhijit V., 1961- (trad. de l'anglais), Économie utile pour des temps difficiles, Paris, Éditions du Seuil, 522 p. (ISBN 978-2-02-136656-3 et 2-02-136656-1, OCLC 1150789046, lire en ligne)
  14. (en) John Helliwell, Richard Layard, Jeffrey Sachs et Jan-Emmanuel De Neve, « World Happiness Report 2020 », New York, Sustainable Development Solutions Network, (ISBN 978-1-7348080-0-1, consulté le )
  15. Reto Odermatt et Alois Stutzer, « Smoking bans, cigarette prices and life satisfaction », Journal of Health Economics, vol. 44,‎ , p. 176–194 (ISSN 1879-1646, PMID 26513435, DOI 10.1016/j.jhealeco.2015.09.010, lire en ligne, consultĂ© le )
  16. Frank, Robert H., 1945- auteur., Under the influence : putting peer pressure to work, , 312 p. (ISBN 978-0-691-19308-3 et 0-691-19308-8, OCLC 1153749432, lire en ligne)
  17. Senik, Claudia., L'économie du bonheur, Seuil, dl 2014, ©2014, 120 p. (ISBN 978-2-02-118623-9 et 2-02-118623-7, OCLC 893660907, lire en ligne)
  18. Davoine, Lucie (1978-....)., Économie du bonheur, Paris, la DĂ©couverte, 127 p. (ISBN 978-2-348-05464-8 et 2-348-05464-7, OCLC 1159439593, lire en ligne)
  19. « Avec son « budget bien-ĂȘtre », la Nouvelle-ZĂ©lande « fait les choses diffĂ©remment » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  20. (en-GB) « Iceland puts well-being ahead of GDP in budget », BBC News,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  21. (en-GB) « WEGo », sur Wellbeing Economy Alliance (consulté le )
  22. (en) HM Treasury, The Green Book : Central Government Guidance on Policy Appraisal and Evaluation, Londres, , 132 p. (ISBN 978-1-912225-57-6, lire en ligne), p. 42
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.