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Pierre Henri Sevaistre

Pierre Henri Sevaistre est un fabricant de draps et homme politique français, né le à Elbeuf (Seine-Maritime) et décédé le à Elbeuf.

Pierre Henri Sevaistre
Fonctions
Député
–
Maire d'Elbeuf
–
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Elbeuf
Date de décès
Lieu de décès Elbeuf
Nature du décès Noyade dans la Seine
Nationalité Française
Fratrie Louis Paul Sevaistre

Un grand notable

Fils de Louis Jean-Baptiste Mathieu Sevaistre (1772-1835) et de Henriette Julie Bourdon (1781-1816)[1], Pierre Henri Sevaistre Ă©tait le frère de François Mathieu Sevaistre[2], colonel de la Garde nationale d’Elbeuf et maire du Bec Thomas, et de Louis Paul Sevaistre, reprĂ©sentant de l’Eure Ă  l’AssemblĂ©e LĂ©gislative de 1849 Ă  1851 (demeurant Ă©galement Ă  Elbeuf). Il fut aussi l’oncle de LĂ©on Mathieu Sevaistre, dĂ©putĂ© de l’Eure de 1885 Ă  1889. RestĂ© cĂ©libataire, il n’eut pas de postĂ©ritĂ©. Descendant d’une vieille et puissante famille de fabricants de l’industrie textile elbeuvienne, il devint Ă  son tour l’un des grands manufacturiers de la ville. Il possĂ©dait Ă©galement, en association avec un membre de sa famille, une filature Ă  Bernay. En tant que notable, il assuma d’abord diverses fonctions locales. Ainsi, en , il fut nommĂ© brièvement, par intĂ©rim, commandant de la Garde nationale. En 1837, il fait partie d’une commission qui rend un mĂ©moire dĂ©taillĂ© sur le travail des enfants, en rĂ©ponse Ă  un questionnaire du ministre du Commerce[3]. Il est Ă©lu membre de la Chambre consultative des Arts et Manufactures d’Elbeuf (ancĂŞtre de la Chambre de Commerce) le , mais semble ne plus en faire partie dès 1850. EntrĂ© au Tribunal de commerce d’Elbeuf en , il en fut nommĂ© prĂ©sident au mois de et resta en fonction jusqu’à la fin de l’annĂ©e 1850[4].

Une brève carrière de député

Henri Sevaistre fut dĂ©putĂ© de la Seine-InfĂ©rieure, du au (IVe lĂ©gislature), durant la Monarchie de Juillet. SuccĂ©dant Ă  son oncle Georges-Paul Petou, dont il partageait la mĂŞme ligne politique, il est Ă©lu, le , dĂ©putĂ© du 4e collège de Rouen (4e circonscription extra muros), par 402 voix sur 707 votants et 908 inscrits. Ă€ la Chambre des dĂ©putĂ©s, il siège dans l'opposition. On peut le ranger dans la « gauche dynastique », mais « surtout dans le marais des dĂ©putĂ©s les plus discrets »[5]. Il fait en effet fort peu d’interventions Ă  l’AssemblĂ©e, mĂŞme s’il a pris un appartement Ă  Paris[6]. Il participe surtout au dĂ©bat sur la conversion des rentes. Lors de la discussion du budget de 1838, il rĂ©clame des Ă©conomies draconiennes. Mais son amendement demandant de soumettre davantage la gestion du budget aux dĂ©putĂ©s est rejetĂ©. Membre de l’opposition, il se prononce en 1839 contre l'Adresse que la Chambre des dĂ©putĂ©s devait voter en rĂ©ponse au discours du TrĂ´ne et rĂ©clame l’honneur d’avoir votĂ© avec les quelque 200 opposants. Il s’affirme Ă  cet Ă©gard comme « le seul dĂ©putĂ© indĂ©pendant de la ville [plutĂ´t de la circonscription] de Rouen » [7]. C’est l’époque des « Chambres ingouvernables » : les conservateurs sont divisĂ©s en plusieurs clans et l’opposition partagĂ©e entre la gauche dynastique et la gauche radicale. Le prĂ©sident du Conseil des ministres, Louis-Mathieu MolĂ© estime qu’il ne dispose plus d’une majoritĂ© suffisante pour gouverner et prĂ©sente sa dĂ©mission. Louis-Philippe dissout l’AssemblĂ©e en (comme il l’avait fait dĂ©jĂ  en et le refera en ). ObligĂ© de se reprĂ©senter devant les Ă©lecteurs, Henri Sevaistre Ă©choue de peu au scrutin du , en n’obtenant que 466 voix contre 477 qui choisissent un autre manufacturier elbeuvien, Victor Grandin. Sans doute très déçu de son nouvel Ă©chec, Henri Sevaistre n’assiste pas au grand banquet offert par la Ville de Rouen Ă  Jacques Laffitte et François Arago, le , et s’en excuse en ces termes : « dĂ©solĂ© qu’un voyage indispensable et depuis longtemps arrĂŞtĂ© me prive de l’honneur d’accepter l’invitation (…) j’aurais Ă©tĂ© heureux de me trouver au milieu d’une rĂ©union de patriotes (…) »[8] Il n’est pas plus heureux au scrutin du , recueillant seulement 344 voix contre 593 au dĂ©putĂ© sortant, le mĂŞme V. Grandin, rĂ©Ă©lu cette fois avec une avance beaucoup plus notable. Il reprend dès lors ses activitĂ©s de manufacturier : en 1839, il est dit dans un acte notariĂ© ancien dĂ©putĂ© et fabricant de draps, demeurant rue Saint-Étienne. Mais il se retire par la suite des affaires ; il est « propriĂ©taire » en 1848 et « ancien manufacturier » lors de son dĂ©cès. En , après avoir acceptĂ© la candidature Ă  la Chambre des reprĂ©sentants du peuple, il se dĂ©siste finalement en faveur de Camille Randoing[9].

Maire d’Elbeuf

Qualifié déjà de « propriétaire », il est nommé maire provisoire d’Elbeuf le , par une ordonnance du Commissaire du Gouvernement dans la Seine-Inférieure, Frédéric Deschamps, qui installe une commission municipale provisoire, mêlant fabricants, rentiers, ouvriers et employés. Dans une brève allocution, il déclare alors : « Respect des personnes, respect des propriétés : comptez sur nous pour assurer ces deux bases (…) de tout gouvernement. Et puis attendons avec confiance les institutions que nous donnera cette Assemblée nationale qui sera nommée par le Pays tout entier. » [10] Il s’occupe notamment des chantiers ouverts à l’intention des ouvriers ayant perdu leur travail et de la création d’un Comptoir d’escompte. Mais il ne reste en fonction que très brièvement. Très choqué par la violence de la grave émeute populaire des 28 et qui secoue Elbeuf, consécutivement à l’insurrection rouennaise, il démissionne dès le lendemain. Par arrêté du même Commissaire général de la République pour la Seine-Inférieure, en date du , sa démission ainsi que celle de ses adjoints est acceptée[11] et il est remplacé par Louis Buée. Resté simple conseiller (et élu à nouveau conseiller municipal en ), il démissionne du Conseil municipal en , en même temps que la fraction républicaine de cette assemblée. Il faut noter qu’il tente de se faire élire au Conseil général, mais est battu par le républicain Frédéric Deschamps le .

AdossĂ© Ă  un puissant lignage, hĂ©ritier d’une importante usine, fortunĂ©, bĂ©nĂ©ficiant d’un important rĂ©seau de relations, il a donc parcouru l’ensemble du cursus habituel d’un grand notable (Mairie, Tribunal de commerce, AssemblĂ©e nationale). Mais il fut un maire Ă©phĂ©mère et sa carrière parlementaire s’avĂ©ra brève et effacĂ©e. Enfin, un scandale, dont les causes exactes sont tues par les contemporains, le conduisit Ă  dĂ©missionner de ses fonctions de PrĂ©sident du Tribunal de commerce, avant de mettre fin Ă  ses jours. Son corps est en effet retirĂ© de la Seine (en face de l’actuelle rue Victor Grandin), le , vers 8 heures du matin[12]. Il s’agit apparemment d’un suicide par noyade. Il n’avait que 50 ans. Le Journal d’Elbeuf[13] annonce seulement les jours et heures de ses obsèques en l’église Saint-Jean, sans faire aucun commentaire ni donner aucune explication dans ses numĂ©ros ultĂ©rieurs du mois de mars. (Ses Ă©ditions de et janvier- ne contiennent par ailleurs aucune information susceptible de permettre de comprendre son geste). Dans un discours du , son successeur Ă  la tĂŞte du Tribunal de commerce, Charles Hyacinthe LizĂ©, Ă©voque seulement de façon sibylline « la retraite prĂ©maturĂ©e de notre dernier prĂ©sident, retraite dĂ©plorable dans sa cause, suivie d’effets plus dĂ©plorables encore »[14]. Triste destinĂ©e donc ; cependant la mĂ©moire de cet homme survĂ©cut longtemps Ă  travers ses legs[15].

Un généreux philanthrope

Célibataire et sans héritier direct, il effectua dans son testament daté du de nombreux legs, tous frais de mutation payés :

  • 1 500 F de rente Ă  l’hospice d’Elbeuf
  • 1 500 F au Bureau de bienfaisance
  • 1 500 F Ă  l’Asile des jeunes enfants
  • 1 500 F Ă  la Maison de la Providence des orphelines
  • 1 500 F pour la crĂ©ation d’une crèche

Soit au total 7 500 F ; ces donations s’avèrent parmi les plus importantes enregistrĂ©es par la ville au XIXe siècle[16]. Grâce Ă  lui, la première crèche d’Elbeuf, dite crèche Saint-Henri en l’honneur de son fondateur, put ĂŞtre ouverte. Elle accueillait chaque jour 35 enfants de 6 h du matin Ă  20 h ou 21 h (les mères pouvant venir les allaiter durant la journĂ©e)[17]. Elle Ă©tait gĂ©rĂ©e par des sĹ“urs de Saint-Vincent-de-Paul et des dames patronnesses. Elle disparut Ă  la fin du XIXe siècle du fait de la politique municipale et nationale de laĂŻcisation. Il donna aussi 10 000 F aux pauvres de la ville de Bernay et 150 000 F au dĂ©partement de l’Eure (somme vraiment très importante pour l’époque, un travailleur du textile non qualifiĂ© recevant alors environ 500 F de salaire annuel), laissant au Conseil gĂ©nĂ©ral « le soin de fixer les conditions nĂ©cessaires pour avoir droit Ă  cette distribution », en exprimant le dĂ©sir que des ouvriers en aient toujours la plus large part[18]. Un dĂ©cret du autorisa le prĂ©fet Ă  accepter ce legs au nom du DĂ©partement. Il fut placĂ© en rente de 5% sur l’État. Dès lors, le nom de la fondation Henri Sevaistre apparaĂ®t quasiment chaque annĂ©e dans toutes les dĂ©libĂ©rations du Conseil gĂ©nĂ©ral de l’Eure. Cependant, au fil des ans, le produit du legs fut simplement inscrit dans le sous-chapitre de l’assistance publique. En 1863, un conseiller gĂ©nĂ©ral, le marquis de Blosseville, protesta contre la tendance Ă  anonymer cette donation en la noyant dans le budget de l’assistance[19]. En , le prĂ©fet revendiqua le droit exclusif, en sa qualitĂ© de reprĂ©sentant du pouvoir exĂ©cutif, de choisir lui-mĂŞme les bĂ©nĂ©ficiaires de ces secours. Mais les membres du Conseil gĂ©nĂ©ral dĂ©libĂ©rèrent le que les arrĂ©rages du legs Henri Sevaistre seraient distribuĂ©s sur proposition du prĂ©fet ou sur les demandes directes des municipalitĂ©s, aux ouvriers industriels ou agricoles victimes d’accidents, de maladie ou de chĂ´mage involontaire, conformĂ©ment aux vĹ“ux du fondateur. Le prĂ©fet formula un recours devant le Conseil d’État, qui annula finalement la dĂ©libĂ©ration par dĂ©cret du . Cette dĂ©cision fit jurisprudence[20]. Cependant, de nouvelles discussions sur le droit du prĂ©fet Ă  distribuer le produit de ce legs agitèrent Ă  nouveau le Conseil gĂ©nĂ©ral en 1887[21]. En 1882, les revenus de son legs permirent, par exemple, de soulager 105 familles ouvrières dans 61 communes du dĂ©partement.

Notes et références

  1. Site généalogique d’Alain Garric : https://gw.geneanet.org/garric?lang=en&p=pierre+henri&n=sevaistre
  2. La rue « Sevaistre aîné » d’Elbeuf semble faire référence à ce personnage, Pierre Henri Sevaistre étant son cadet et n’ayant lui-même jamais eu d’enfant.
  3. Concato (Francis), Largesse (Pierre), Éléments pour une histoire de la Chambre consultative des Arts et Manufactures d’Elbeuf, p. 104-106 et p. 146.
  4. L’Elbeuvien, 10 décembre 1911 (Centre d’archives patrimoniales, dossier Personnalités, 250 Z 17).
  5. Girard (Louis), Serman (William), Cadet (Édouard), Gossez (Rémi), La Chambre des députes en 1837-1839. Composition, activité, vocabulaire, p. 154.
  6. Il semble avoir logé notamment 3 rue de Sèze (VIIIe et IXe arrondissements actuels).
  7. Journal Le Constitutionnel, 13 février 1839, p. 3.
  8. Souvenir du séjour à Rouen de MM. Laffitte et Arago en 1839, extraits du Journal de Rouen, Rouen, Impr. D. Brière, 1839, p. 41.
  9. Saint-Denis (Henri), Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 122.
  10. Saint-Denis (Henri), Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 90-92.
  11. Saint-Denis (Henri), Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 127 et 146.
  12. Saint-Denis (Henri), Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 259 ; Elbeuf, Centre d’Archives Patrimoniales, registre des décès, 1851.
  13. Journal d’Elbeuf, 27 février 1851, p. 3.
  14. Journal d’Elbeuf Saint-Denis (Henri), Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 260.
  15. Legs signalés dans certains journaux nationaux, tels Le Siècle du 20 mars 1851 (p. 3) et Le Constitutionnel du 21 mars (p. 3 également).
  16. Petit (L.), Histoire de la ville d’Elbeuf, de Caudebec, d’Orival, de Saint-Aubin et des autres communes du canton, p. 216-217 et p. 279.
  17. Largesse (Pierre), « La Goutte de lait d’Elbeuf. Étude sur son efficacité », Annales de Démographie Historique, 1990, p. 43.
  18. Journal Le Siècle, 20 mars 1851, p. 3. Session extraordinaire du Conseil général du département de l’Eure tenue en mars 1851, Rapport et publication, Évreux, Canu Impr., 1851, p. 41-43.
  19. Rapports et délibérations du Conseil général de l’Eure, session de 1863, Évreux, A. Hérissey, p. 6-10.
  20. Ministère de l’Intérieur, Revue générale d’administration, tome III, Paris, Berger-Levrault et Cie, septembre 1886, p. 422-424. Revue des établissements de bienfaisance, 3ème année, Paris, Librairie administrative Berger-Levrault et Cie, 1887, p. 8-10.
  21. Département de l’Eure. Rapport du préfet au Conseil général, session d’août 1887, Évreux, Impr. E. Quettier, 1887, p. 318, 381-383 et 415.

Publications

  • Élection du 4e collège de Rouen (extra muros), texte du , signĂ© : Henri Sevaistre, Rouen, impr. de F. Baudry, (s. d.), pièce (FRBNF32628181 et FRBNF36363015)
  • Chambre des dĂ©putĂ©s. Opinion de M. Henri Sevaistre, dĂ©putĂ© de la Seine-InfĂ©rieure, dans la discussion de l'adresse de 1838..., sĂ©ance du , Rouen, Impr. de F. Baudry, (s. d.), in-4°, 1 p. Extrait du Moniteur du (FRBNF36365038 et FRBNF31357691).


Sources

  • Becchia (Alain), La draperie d’Elbeuf (des origines Ă  1870), Mont-Saint-Aignan, Publications de l’UniversitĂ© de Rouen, 2000.
  • Concato (Francis), Largesse (Pierre), ÉlĂ©ments pour une histoire de la Chambre consultative des Arts et Manufactures d’Elbeuf, 1801-1861, Elbeuf, CCI, 1992.
  • Maunoury (ManuĂ©la), « Étude de gĂ©nĂ©alogie sociale : les familles Bourdon, Petou et Sevaistre Ă  Elbeuf-sur-Seine de la fin du XVIIIe siècle au milieu du XIXe siècle », mĂ©moire de maĂ®trise sous la direction de A. Becchia, UniversitĂ© de Rouen, 1996.
  • Largesse (Pierre), « La Goutte de lait d’Elbeuf. Étude sur son efficacitĂ© », Annales de DĂ©mographie Historique, 1990, p. 43-52.
  • Girard (Louis), Serman (William), Cadet (Édouard), Gossez (RĂ©mi), La Chambre des dĂ©putes en 1837-1839. Composition, activitĂ©, vocabulaire, Paris, Publications de la Sorbonne, 1976.
  • Saint-Denis (Henri), Histoire d’Elbeuf, Elbeuf, Impr. H. Saint-Denis, t. X, 1903.
  • « Pierre Henri Sevaistre », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891 [dĂ©tail de l’édition]
  • Petit (Louis), Histoire de la ville d’Elbeuf, de Caudebec, d’Orival, de Saint-Aubin et des autres communes du canton, Elbeuf, Impr. Levasseur, 1856.

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