Accueil🇫🇷Chercher

Camille Randoing

Yves Louis Randoing dit Camille (, Cusset - , Paris), est un industriel et un homme politique français.

Camille Randoing
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  56 ans)
Paris
Nationalité
Activités
Fratrie

Une réussite industrielle

La famille Randoing vivait au XVIIIe siècle à Cusset dans l’Allier. C’est là que naquit Yves Louis Randoing, dit plus tard Camille, le 8 août 1800 (21 thermidor an VIII), fils de Claude Randoing (1759-1823), un négociant, et de Pierrette Lemaire.

Pour des raisons non élucidées, mais sans doute liées à la volonté de développer leurs affaires, une partie des membres de ce lignage vinrent s’installer en Normandie, et plus particulièrement dans la cité lainière d’Elbeuf. Yves Louis Randoing, que se dit alors négociant[1], y épouse le 30 août 1828 Louise Emma Delaunay, fille de Parfait Amable Delaunay, (décédé le 23 novembre 1827), et sœur du peintre Amable Delaunay. Camille Randoing semble avoir repris aussitôt la direction de l’entreprise Delaunay, rue de la Bague.

Il s’intègre très vite, grâce à ce mariage, au milieu textile local. En 1828 il intègre la loge maçonnique elbeuvienne '"L'Unité". En sa qualité de filateur, puis de fabricant de drap, il devient membre de la Chambre consultative des arts et manufactures d’Elbeuf en 1832. Dès cette époque, son établissement est considéré comme l’un des meilleurs pour la qualité et le fini de ses produits.

  L’usine Randoing figure d’ailleurs parmi les cinq principaux Ă©tablissements de la ville visitĂ©s en novembre 1833 par Adolphe Thiers, alors ministre du Commerce[2].

Randoing fait forer en 1835-1836, dans la cour de sa manufacture, le 3ème puits artĂ©sien de la ville, Ă  plus de 154 m de profondeur, qui lui fournit 360 m3 d’eau par jour[3].

Mais son usine est la proie d’un très grave incendie (visible depuis Rouen) le 4 aoĂ»t 1838 Ă  3 heures du matin. Les Ă©glises de la ville sonnent le tocsin. Les pertes sont Ă©valuĂ©es Ă  300 000frs pour C. Randoing (heureusement assurĂ© Ă  concurrence de 281 000 frs par l’Elbeuvienne et 90 000 frs par la Royale) ; Ă  noter que son locataire, qui n’est autre que ThĂ©odore Chennevière, subit Ă©galement un dommage Ă©valuĂ© Ă  100 000 frs. Le duc et la duchesse d’OrlĂ©ans font parvenir 1 000 frs pour soulager les ouvriers en chĂ´mage technique, Louis-Philippe 600 frs et la reine 400 frs[4]. L’entreprise se remet rapidement de ce sinistre.

En 1842 il fait partie d’une dĂ©lĂ©gation des plus importants industriels de la ville dĂ©signĂ©s par la Chambre consultative pour aller prĂ©senter une adresse au roi contre le projet de traitĂ© de commerce avec la Belgique[5]. Son usine figure Ă  nouveau parmi les Ă©tablissements que le ministre de l’Agriculture et du Commerce Cunin-Gridaine, de passage Ă  Elbeuf, visite le 25 septembre 1843[6]. Il figure d’ailleurs, en 1845, parmi les 27 contribuables les plus imposĂ©s de la ville[7]. Ses produits lui valent plusieurs rĂ©compenses et notamment une mĂ©daille d'or Ă  l'exposition de 1844. Lorsque le PrĂ©sident de la RĂ©publique, le 25 novembre 1851, distribue des rĂ©compenses aux exposants s’étant distinguĂ©s lors de l’Exposition Universelle de Londres, Camille Randoing – ainsi que ThĂ©odore Chennevière – est Ă©levĂ© au grade d’officier de la LĂ©gion d’honneur[8]. En 1855, il fait partie des soumissionnaires aux 55 000 m de draps d’uniformes destinĂ©s Ă  la Garde ImpĂ©riale accordĂ©s par NapolĂ©on III aux manufacturiers elbeuviens. Il semble diriger dĂ©sormais son entreprise depuis Paris, oĂą il rĂ©side avec son Ă©pouse.

Il semble donc avoir rapidement rĂ©ussi et surtout s’être fait accepter par le patronat et les notabilitĂ©s locales. Comme il n’était pas Normand, on le surnomma – nĂ©anmoins – pour ses bonnes Ĺ“uvres « l'Ă©tranger bienfaisant Â».

Une rue d’Elbeuf porte son nom.

Une brève carrière politique

â—Ź Au Conseil municipal

Camille Randoing est Ă©lu conseiller municipal d’Elbeuf pour la première fois en octobre 1831. Il en dĂ©missionne, en mĂŞme temps que plusieurs autres membres, en aoĂ»t 1833 ; mais il est rĂ©Ă©lu Ă  la fin du mĂŞme mois[9], puis Ă  nouveau en novembre 1834. Il est en outre nommĂ© l’un des deux adjoints du maire par ordonnance royale en date du 22 octobre 1833.

En septembre 1837, il est également élu chef de bataillon de la Garde nationale locale (il démissionne de ce poste en septembre 1838), puis, en 1846, capitaine de la 2ème Cie de chasseurs[10]. En quelques années, bénéficiant sans doute de l’appui de sa très influente belle-famille, il s’est donc taillé une place parmi les notables de la ville. Dès mars 1848, il devient vice président d’un Comité cantonal républicain fondé à Elbeuf[11].

● Député du 23 avril 1848 au 26 mai 1849.

En 1848, il est l’un des nouveaux membres nommĂ©s par arrĂŞtĂ© du commissaire du gouvernement pour faire partie du Conseil municipal provisoire d’Elbeuf. Il revient donc en mairie et se lance en politique, un peu au dernier moment. Henri Sevaistre (autre manufacturier elbeuvien se dĂ©sistant en sa faveur)[12]. En fait, lors de ces Ă©lections lĂ©gislatives, six candidats elbeuviens se prĂ©sentent, alors que le dĂ©partement de Seine-InfĂ©rieure ne s’est vu attribuer que 19 sièges au total. « RĂ©publicain du lendemain Â», comme on le disait alors, il est Ă©lu, le 23 avril 1848, reprĂ©sentant de la Seine-InfĂ©rieure Ă  l’AssemblĂ©e nationale constituante de la Deuxième RĂ©publique, au scrutin de liste, en 19e et dernière position, avec 100 604 voix), en mĂŞme temps qu’un autre manufacturier elbeuvien, Victor Grandin et un ouvrier monteur, Hyacinthe Dombremel[13].

Camille Randoing fait partie du comité du commerce. Républicain modéré, il siège à l’Assemblée au Centre droit. Il vote pour les poursuites contre Louis Blanc (ancien membre du Gouvernement provisoire) et le révolutionnaire suisse Marc Caussidière, contre l'abolition de la peine de mort, l'impôt progressif, l'incompatibilité des fonctions, l'amendement Grévy[14], la ratification de la Constitution par le peuple. Il se prononce pour l'ensemble de la Constitution élaborée par l’Assemblée, pour la proposition de Jean-Pierre Rateau (qui prévoyait la dissolution de l’Assemblée constituante de 1848, ce qui fut effectivement voté en janvier 1849) et l'interdiction des clubs. Il se prononce enfin pour l'expédition de Rome et contre la demande de mise en accusation du président et des ministres[15].

Non rĂ©Ă©lu Ă  la LĂ©gislative, et hostile Ă  la politique du prince Louis-NapolĂ©on Bonaparte, il se prĂ©sente par la suite avec le soutien des libĂ©raux et des rĂ©publicains comme ancien candidat du ComitĂ© central rĂ©publicain en 1848 et candidat d'opposition, au Corps lĂ©gislatif, dans la 2e circonscription de la Seine-InfĂ©rieure (celle d’Elbeuf), le 29 fĂ©vrier 1852. Randoing y affronte d’autres manufacturiers elbeuviens : Mathieu Bourdon (dĂ©putĂ© sortant), ThĂ©odore Chennevière mais surtout Henri QuesnĂ©, candidat officiel. Ses adversaires le taxent « d’adversaire de l’ordre Â». Il l’emporte dans le canton d’Elbeuf, avec 2 663 suffrages contre 1 551 Ă  Henri QuesnĂ© ; mais le nouveau dĂ©coupage Ă©lectoral regroupant au total 6 cantons, il est finalement largement battu Henri QuesnĂ© (11 756 voix) – le Pays de Caux ayant massivement votĂ© en faveur du candidat officiel – et ne recueille que 4 075 voix (2 593 suffrages allant Ă  ThĂ©odore Chennevière et 1 524 voix Ă  Mathieu Bourdon)[16].

En aoĂ»t 1852, aux Ă©lections pour le conseil d’arrondissement, Camille Randoing l’emporte cette fois au 2ème tour avec 2 438 voix dans les dix communes du canton d’Elbeuf, face Ă  un autre industriel elbeuvien, Constant Grandin (1 808 voix) ; mais ayant refusĂ© de prĂŞter le serment obligatoire au nouveau rĂ©gime, il ne peut siĂ©ger et Grandin est finalement Ă©lu Ă  sa place en octobre 1852[17]. Il se prĂ©sente Ă©galement aux Ă©lections municipales (scrutin des 28-29 juillet et 4-5 aoĂ»t 1855), mais obtient trop peu de voix pour ĂŞtre Ă©lu conseiller.

DĂ©sormais il abandonne la vie politique et se consacre uniquement Ă  ses affaires de fabricant de drap. Il ne semble avoir publiĂ© aucun Ă©crit, de quelque nature que ce soit. Il meurt Ă  Paris, Ă  seulement 56 ans, le 22 juillet 1857, dans le Xe arrondissement ancien. Ses obsèques ont lieu le surlendemain Ă  Elbeuf, en prĂ©sence de son frère Jean-Baptiste, dĂ©putĂ© au Corps lĂ©gislatif et maire d’Abbeville ; y assistent « toutes les notabilitĂ©s de la rĂ©gion et une foule Ă©norme Â»[18]. Sa veuve fait le jour mĂŞme de l’inhumation une importante donation de 5 500 frs aux Ă©tablissements de bienfaisance de la ville[19]. Par ailleurs, la commission administrative de l’hospice d’Elbeuf accepta , le 27 aoĂ»t 1857 une donation de 8 500 frs pour la fondation d’un lit, faite par sa veuve, ainsi que son frère Jean et sa sĹ“ur, Ă©pouse GĂ©rin-Roze, en exĂ©cution des volontĂ©s du dĂ©funt[20].

Le couple n’ayant pas de descendant, la manufacture d’Elbeuf échut à Henry Auguste Gérin-Roze (1830-1885), un des fils de sa sœur aînée Étiennette Randoing (1795-1874)[21]. La veuve de Camille Randoing semble avoir continué à résider par la suite à Paris, où elle se fit construire un hôtel particulier au 122 boulevard Haussmann. Elle décéda à Paris à l'âge de 68 ans mais fut inhumée à Elbeuf le 14 novembre 1876. Elle laissa par testament 50 000 frs à la caisse de retraite des vieux ouvriers de la fabrique[22].

Il faut noter que Camille Randoing Ă©tait le frère cadet de Jean-Baptiste Randoing (28 avril 1798, Cusset - 9 juillet 1883, Paris), Ă©galement industriel et homme politique français, d’une envergure encore plus grande. Il devint en effet directeur, de la grande fabrique de draps fins, dite Van Robais, Ă  Abbeville (crĂ©Ă©e Ă  l’époque de Colbert et concurrente directe des entreprises textiles d’Elbeuf), puis fut membre du Conseil gĂ©nĂ©ral des manufactures et du commerce, et prĂŞta son nom et son influence Ă  la plupart des manifestations des partisans du système Ă©conomique de la « protection Â»[23]. Ă€ la diffĂ©rence de son frère, il se rallia Ă  NapolĂ©on III,ce qui lui permit d’occuper de nombreuses fonctions Ă©lectives dans la Somme et d’en devenir aussi le dĂ©putĂ©.Mais J.-B. Randoing fut mĂŞlĂ© plus tard avec Lefebvre-DuruflĂ© (un autre Elbeuvien), Collet-Meygret et autres, Ă  des entreprises financières qui le firent condamner en police correctionnelle Ă  6 000 francs d'amende.

Notes et références

  • A. Becchia, La draperie etc.: Christophe Rendu, "L'irrĂ©sistible ascension des parvenus. Le nouveau patronat de l'industrie textile Ă  Elbeuf (1830-1870)", mĂ©moire de maĂ®trise d'Histoire sous la dir. d'A. Becchia, UniversitĂ© de Rouen, 1997.
  1. Registre d’état civil d’Elbeuf, 1828, acte n° 603 (Archives dĂ©partementales de la Seine-Maritime, 3E 00999) ; contrat de mariage e, date du mĂŞme jour chez Me Lecerf (A.D.S.-M., 2E 44/37).
  2. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. IX, p. 151-152 ; Francis Concato, Pierre largesse, ÉlĂ©ments pour une histoire de la Chambre consultative des arts et manufactures d’Elbeuf, p. 88 et 89. En 1835, un Charles Randoing, d’Elbeuf, participe Ă©galement Ă  Paris Ă  une commission chargĂ©e d’étudier des Ă©chantillons de draps belges (ibidem, p. 94 et Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. IX, p. 185).
  3. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. IX, p. 166.
  4. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. IX, p. 280-281 . Description précise de cet incendie dans L. Petit, Histoire de la ville d’Elbeuf, de Caudebec, d’Orival, de Saint-Aubin et des autres communes du canton, 1856, p. 173-174.
  5. Francis Concato, Pierre largesse, Éléments pour une histoire de la Chambre consultative des arts et manufactures d’Elbeuf, p. 118.
  6. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. IX, p. 468-469.
  7. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. IX, p. 542.
  8. Renseignement fourni par Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 273. On ne retrouve cependant aucune trace du dossier de Camille Randoing dans la base Léonore. Il est possible que son dossier ait disparu, comme beaucoup d’autres, lors de l’incendie de 1871 durant les derniers jours de la Commune insurrectionnelle
  9. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. IX, p. 143.
  10. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 12.
  11. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 99.
  12. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 122.
  13. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 128-130.
  14. Cet amendement, présenté par Jules Grévy en octobre 1848, avait pour but de fusionner les fonctions de président et de président du Conseil des ministres, élu par l'Assemblée et responsable devant elle.
  15. Adolphe Robert et Gaston Cougny, dir., Dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889.
  16. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 293-294. Marcel Boivin, Le Mouvement ouvrier dans la région de Rouen 1851-1876, Mont-Saint-Aignan, Publications de l’Université de Rouen, 1989, p. 104 donne des chiffres de suffrages légèrement différents.
  17. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 308-310 et 320.
  18. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 430.
  19. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 430-431.
  20. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 433.
  21. Généanet, généalogie de Thierry Sorin.
  22. Henri Saint-Denis, Histoire d'Elbeuf, t. XI, p. 489.
  23. Les intĂ©rĂŞts de deux citĂ©s textiles Ă©tant en l’occurrence identiques, on examine par exemple en 1848  Ă  la Chambre consultative d’Elbeuf une lettre adressĂ©e par J.-B. Randoing au Gouvernement provisoire, afin d’obtenir des « encouragements Â» au travail des manufactures (Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X, p. 89).

Sources

  • Alain Becchia, La draperie d’Elbeuf (des origines Ă  1870), Mont-Saint-Aignan, Publications de l’UniversitĂ© de Rouen, 2000.
  • Marcel Boivin, Le Mouvement ouvrier dans la rĂ©gion de Rouen 1851-1876, Mont-Saint-Aignan, Publications de l’UniversitĂ© de Rouen, 1989.
  • Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. IX et X, Elbeuf, Impr. H. Saint-Denis, 1902 et 1903.
  • Discours prononcĂ©s sur la tombe de M. Camille Randoing, le 24 juillet 1857, Elbeuf, Levasseur et Guibert, (s. d.), extrait du Journal d'Elbeuf (FRBNF36426172).

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.