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Pierre Chirac

Pierre Chirac est un médecin français, né à Conques (Rouergue) le et mort à Marly-le-Roi le . Surintendant du Jardin royal des plantes médicinales en 1718, il est anobli en 1728 puis nommé premier médecin de Louis XV en 1730. La vision novatrice de cet homme ambitieux, basée sur l'observation et la mise en commun des expériences, ne lui survivra pas.

Signature de Pierre Chirac. Acte de mariage avec Claire Issert (1686).

Biographie

Jeunesse

Pierre Chirac naît à Conques en 1657[1], fils de Jean Chirac, marchand, et de Marie Rivette[2]. Ses parents le destinent à l'état ecclésiastique.

Après avoir effectué ses humanités à Rodez, il part pour Montpellier en 1678 afin d'y étudier la théologie. Précepteur chez un pharmacien, il prend goût à la médecine et ne tarde pas à s'y distinguer. Michel Chicoyneau, chancelier de la Faculté de médecine de Montpellier, lui confie l'éducation de ses enfants. Laborieux et assidu, Pierre Chirac peut bientôt enseigner lui-même. Reçu docteur en 1683, il obtient une chaire qu'il occupe brillamment. Il y a pour élève Antoine de Jussieu[3].

En 1686, il épouse Claire Issert, fille d'un tailleur d'habits[4]. Nommé en 1692 médecin de l'armée de Catalogne commandée par le maréchal de Noailles, il parvint à guérir rapidement, par des moyens très simples, une dysenterie épidémique qui cause de grands ravages. Puis il est affecté au port de Rochefort.

MĂ©decin royal

En 1706, il est appelé par Philippe d'Orléans, qui l'emmène l'année suivante dans ses campagnes d'Italie et d'Espagne.

En 1712, il marie sa fille Marie[5] à François Chicoyneau, dont il a pris en charge l'éducation 20 ans plus tôt.

En 1715, il succède à Guillaume Homberg comme premier médecin de ce prince.

Sous la Régence, les faveurs se succèdent. En 1716, il obtient le titre d'associé libre de l'Académie des sciences. Deux ans plus tard, il remplace Fagon à la surintendance du Jardin royal des plantes, titre associé à celui de premier médecin du roi.

Château de Vaux-le-Vicomte, chambre de Louis XV.

En , le Régent l'appelle d'urgence au chevet de sa fille, la duchesse de Berry. Mais Pierre Chirac ne peut sauver la jeune princesse. Mal relevée de précédentes couches, alcoolique notoire et prématurément usée par une vie dissolue, elle meurt dans la nuit du 20 au [6].

Il est anobli en 1728. En 1731, il succède à Claude-Jean-Baptiste Dodart comme Premier médecin de Louis XV.

Par testament olographe du insinuĂ© Ă  Paris le , il institue comme lĂ©gataire universel son petit-fils Jean Joseph François Chicoyneau (1720–1776) et, Ă  dĂ©faut, sa fille, Ă©pouse de Monsieur Chicoyneau. Afin d'effectuer les meilleurs placements financiers dans l'intĂ©rĂŞt de son petit-fils, il lègue au prĂ©cepteur de ce dernier, le Sieur Violette, la somme de 600 livres pour qu'il Ă©tudie « luy mĂŞme avec soin tout ce qui concerne la banque et le grand commerce ». Il lègue Ă  sa fidèle servante, Mademoiselle UlĂ©, la somme de 200 livres. Si sa fille lui succède, il lègue 30 000 livres Ă  l'universitĂ© de mĂ©decine pour qu'elle crĂ©e deux charges de professeur, l'une d'anatomie comparĂ©e, l'autre de physiologie afin d'expliquer la thĂ©orie de Borelli sur le mouvement des ĂŞtres animĂ©s[7].

Il meurt à Marly début [8]. Son gendre François Chicoyneau lui succède comme Premier médecin du roi.

Postérité

Ambitieux mais clairvoyant, Pierre Chirac souhaite établir à Paris une académie de médecine qui correspondrait avec les praticiens de tous les hôpitaux du royaume, et même de l'étranger, pour proposer l'essai de remèdes, en recueillir les expériences et enregistrer les observations liées à la dissection de cadavres. On formerait ainsi un corps de médecine fondé sur une mutualisation de l'expérience. Mais jalouse de ses privilèges, la faculté de Paris fait échouer ce projet novateur. Plus avisée, celle de Montpellier y adhère malgré ses statuts, mais y renonce peu après la mort de Chirac.

Dans ses Mémoires, le duc de Saint-Simon brosse de lui ce portrait féroce, qui nuira à sa postérité :

« Je fus surpris que Chirac vînt un matin chez moi, car je ne crois pas qu'alors je lui eusse jamais parlé ni presque rencontré. Ce fut pour me prier de lui faire donner cette direction (du jardin des simples). Il me dit qu'avec le bien qu'il avait, et en effet il était extrêmement riche, ce n'était pas pour augmenter son revenu, mais au contraire pour y mettre du sien. Il me peignit si bien l'extrême abandon de l'entretien de tant de plantes curieuses et rares et de tant de choses utiles à la médecine, qu'on devait avoir soin d'y démontrer et d'y composer, qu'un premier médecin, tout occupé de la cour, ne pouvait maintenir dans la règle, encore moins les réparer au point où tout y était tombé, qu'il me persuada que l'utilité publique demandait qu'un autre en fût chargé. Il ajouta que, par devoir et par goût, il prendrait tout le soin nécessaire au rétablissement, à l'entretien et au bon ordre d'un lieu qui, tenu comme il le devait être, honorait la capitale et instruisait médecins, savants et curieux; qu'il serait plus à portée que nul autre d'y faire venir de toutes parts et élever les plantes les plus intéressantes et les plus rares, par les ordres de M. le duc d'Orléans, tant de choses, enfin, que je lui demandai seulement pourquoi, ayant la confiance de son maître, il ne s'adressait pas directement à lui. Il me satisfit là-dessus, car il avait beaucoup de langage, d'éloquence, de tour, d'art et de finesse. C'était le plus savant médecin de son temps, en théorie et en pratique, et, de l'aveu de tous ses confrères et de ceux de la première réputation, leur maître à tous, devant qui ils étaient tous en respect comme des écoliers, et lui avec eux en pleine autorité comme un autre Esculape. C'est ce que personne n'ignorait; mais ce que je ne sus que depuis et ce que l'expérience m'apprit aussi dans la suite, c'est que l'avarice le rongeait en nageant dans les biens; que l'honneur, la probité, peut-être la religion lui étaient inconnus et que son audace était à l'épreuve de tout. Il sentait que son maître le connaissait, et il voulait s'appuyer auprès de lui de qui ne le connaissait pas pour emporter ce qu'il désirait et ce qu'il n'osait espérer de soi-même. J'en parlai deux jours après à M. le duc d'Orléans, qui l'accorda après quelque résistance. Oncques depuis n'ai-je ouï parler de Chirac ; mais, ce qu'il fit de pis, c'est qu'il ne mit rien au jardin des simples, n'y entretint quoi que ce soit, en tira pour lui la quintessence, le dévasta, et en mourant le laissa en friche, en sorte qu'il fallut le refaire et le rétablir comme en entier[9]. »

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Publications

  • Extrait d'une lettre Ă©crite Ă  Mr. Regis l'un des quatre commis pour le Journal des Sçavans. Sur la structure des cheveux, Montpellier, Gontier, 1688, in-12.
    L'auteur compare la racine de ces filets délicats à celle des plantes bulbeuses. Il précise leur mode de nutrition et d'accroissement et leurs altérations dans la maladie nommée plique polonaise. Le jeune médecin italien Placide Soraci fit imprimer une réponse où il s'affirmait l'auteur de cette découverte, que Chirac s'était attribuée[10] ;
  • Dissertatio academica - An incubo ferrum rubiginosum - Dissertation acadĂ©mique - Faut-il employer le fer rouillĂ© contre le cauchemar ?, Montpellier, 1692, in-12 ;
  • Dissertatio academica - An passioni iliacæ globuli plumbei hydrargyro præferendi - Dissertation acadĂ©mique - Contre la douleur abdominale, les billes de plomb sont-elles prĂ©fĂ©rables au mercure artificiel ?, Montpellier, 1694, in-12. L'auteur se prononce pour la nĂ©gative. Il explique assez exactement l'invagination intestinale ;
La thèse de Chirac sur l'incube ou cauchemar, soutenue par Jean Baptiste de Rosnel, celle sur la douleur abdominale et plusieurs autres, traduites et publiées par Bruiner, ont été réunies aux dissertations et consultations de Silva, Paris, 1744, 2 vol. in-12 ;
  • De motu cordis : adversaria analytica - Du mouvement du cĹ“ur : essai analytique, Montpellier, 1698, in-12 ;
  • Lettres sur l'apologie de Vieussens, Montpellier, 1698, in-8°. L'illustre anatomiste Raymond Vieussens se flattait d'avoir dĂ©montrĂ© le premier l'existence d'un acide dans le sang. Chirac revendique cette dĂ©couverte purement imaginaire. Seconde partie : ;
  • Quaestio medico-chirurgica - Utrum absoluta vulnerum suppuratione ad promovendam cicatricem praestent detergentia salino-aquea sarcoticis aliis oleosis & pinguibus quibuslibet medicamentis - Question mĂ©dico-chirurgicale - Est-ce qu'en cas de suppuration complète des plaies, pour favoriser la cicatrisation les nettoyants salino-aqueux l'emporteraient sur les autres rĂ©gĂ©nĂ©rants huileux et n'importe quels mĂ©dicaments gras ?, Antoine de Jussieu, Montpellier, 1707, in-12. Les succès que Chirac avait obtenus de l'emploi des eaux de Balaruc, dans la guĂ©rison d'une blessure grave du duc d'OrlĂ©ans, le dĂ©terminèrent Ă  publier cette dissertation, qui fut traduite en français sous ce litre : Observations de chirurgie sur la nature et le traitement des plaies, Paris, 1742, in-12, et jointe Ă  l'opuscule d'Antoine Fizes sur la suppuration des parties molles ;
  • Observations sur les incommoditĂ©s auxquelles sont sujets les Ă©quipages des vaisseaux, et de la manière de les traiter. Paris, 1724, in-8° ;
  • TraitĂ© des fièvres malignes, des fièvres pestilentielles et autres, Paris, 1742, in-12 ;
  • Dissertations et consultations mĂ©dicinales, 1744 et 1755, 3 vol.

Dans la fiction

Références

  1. Conques (Aveyron), Archives communales. Registres des baptêmes, mariages et sépultures. « Le 25 avril 1657 a esté baptizé Pierre Chirac filz à Jehan Chirac marchand et Marie Rivette mariés. Le parrain a esté m(essi)re Pierre Lattes prestre et la marraine Marie Rivette femme à m(onsieu)r Claude Valignier, marchand de Ville franche que j'avois oublié d'escrire sur ce livre à son rang, ayant troüvé le mémoire en foy de ce ».
  2. Conques (Aveyron) Archives communales. Registres des baptêmes, mariages et sépultures. Jehan Chirac, bourgeois, fils de Jehan et Catherine Bertrande, de cette ville, épouse le 25 juillet 1654 Marie Rivette, fille de feus Antoine Rivet et Catherine Curabusque d'Albin (pour Aubin). Marchand, il meurt d'une chute le 16 février 1684 et est inhumé le même jour, après avoir reçu les sacrements. Un Jean Chirac, tailleur, est inhumé le 21 septembre 1649.
  3. [Fouchy 1758] Jean-Paul Grandjean de Fouchy, « Éloge de M. de Jussieu [Antoine] », Histoire de l'Académie royale des sciences,‎ , p. 115-126 (voir p. 118) (lire en ligne [sur gallica], consulté en ).
  4. Montpellier (Hérault). Archives communales. Paroisse Notre-Dame des Tables. Registres des baptêmes, mariages et sépultures. « L'an mil six cens quatre vingts six & le onzième Jour du mois de Juillet apres la publica(ti)on des trois bans, ont estê conjoincts en legitime Mariage m.r m.re (sic) Pierre Chirac Docteur en l'Universite de medecine de la p(rése)nte ville de Mon(t)p.(elli)er natif de la ville de Conques au Diocese de Rodes (Rodez) et Demoiselle Claire Issert natifve de lad(it)e ville de mon(t)p.(elli)er, ont esté p(rése)nts S.r Pierre Deidier m(aîtr).re Chirurgien et Jean Cabrier marchant mangonnier (marchand de poissons au détail) signés avec les parties et moy curé ». Signé Chirac, Claire Issert, Deidier, Deidier, J. Cabrier, J. Pignon curé.
    « Le mesme jour (= ) a esté baptisée Claire Issert née le trentiesme de Juillet dernier, fille de M(essir)e Estienne Issert m(aîtr)e tailleur d'habits et de Jeanne Bouyere mariez. Le parrein à esté M(essir)e Gabriel Vaneau m(aîtr)e tailleur d'habits et la marreine Claire Issert femme au Sieur Pierre Didier chirurgien ». Signé Deidier, Vaneau, Lasevee (ou Lafevee), Feiaud curé.
    Claire Issert est encore en vie en janvier 1712, au mariage de sa fille Marie Chirac avec François Chicoyneau. Son acte de sépulture n'a pas été trouvé dans les tables des paroisses Notre-Dame et Saint-Louis de Versailles (recherche menée par le Cercle généalogique des Yvelines, en décembre 1998, sur demande de Thierry Couture).
  5. Née le 2 avril 1687 et baptisée le 10 en la paroisse Notre-Dame des Tables de Montpellier ; parrain Monsieur Estienne Issert bourgeois, marraine Demoiselle Marie Rivette (folio 81 v°). Décédée le 9 septembre 1750 et inhumée le 10 en la paroisse Notre-Dame de Versailles.
  6. Délivrée le 2 avril d'une fille mort-née au palais du Luxembourg où elle se trouvait en couches depuis le 28 mars, la duchesse de Berry s'est retirée au château de Meudon dans l'espoir d'y rétablir sa santé ébranlée par cet accouchement très laborieux. Malgré son état, elle s'y livre cependant à de nouveaux excès et retombe enceinte avant de se faire transporter au château de la Muette. Chirac découvrira en effet la présence d'un nouveau fœtus à l'autopsie du corps de la princesse pratiquée après son décès au château de la Muette. Voir Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon, sur le siècle de Louis XIV et la Régence, vol. 33, H.-L.Delloye, Paris, 1840, p. 24–31.
  7. Archives de Paris. Registre d'insinuations DC6 221. Folios 140 v° et 141 r°.
  8. Archives départementales de Yvelines. Marly-le-Roi. Paroisse Saint-Étienne. Tables chronologiques de 1700 à 1791. 2 mars 1732 : sépulture de Mre Pierre Chirac. 1MIEC 22 - Vue 59/174. Les registres ne sont conservés que jusqu'en 1728.
  9. MĂ©moires du duc de Saint-Simon.
  10. Voir Goujet.

Source

  • « Pierre Chirac », dans Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabĂ©tique de la vie publique et privĂ©e de tous les hommes avec la collaboration de plus de 300 savants et littĂ©rateurs français ou Ă©trangers, 2e Ă©dition, 1843-1865 [dĂ©tail de l’édition]

Annexes

Bibliographie

  • Fontenelle, « Éloge de M. Chirac », dans Histoire de l'AcadĂ©mie royale des sciences - AnnĂ©e 1732, Imprimerie royale, Paris, 1735, p. 120–130 (lire en ligne)
  • « Chirac (Pierre) », dans Claude-Pierre Goujet, Le Mercier, Nouveau supplĂ©ment au Grand dictionnaire historique, gĂ©nĂ©alogique …
  • Paul Delaunay, Le monde mĂ©dical parisien au dix-huitième siècle, Librairie Jules Rousset, Paris, 1906 (lire en ligne)

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Liens externes

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