Piège de Thucydide
Le piège de Thucydide est un concept de relations internationales qui désigne une situation où une puissance dominante entre en guerre avec une puissance émergente, la première étant poussée par la peur que suscite chez elle cette dernière du fait de sa montée en puissance.
Concept
Le piège de Thucydide est un concept polémologique nommé et théorisé par le politiste Graham T. Allison dans les années 2010[1]. Le nom fait référence à un passage de la guerre du Péloponnèse dans lequel l'auteur Thucydide considère que la guerre du Péloponnèse a été causée par des réactions fortes des Lacédémoniens, à l'époque inquiets en constatant le rapide développement d'Athènes. La perception de la montée en puissance de la cité-État rivale aurait été pour eux un casus belli majeur, bien qu'inavoué[1].
Allison soutient que l'histoire du monde regorge d'affrontements armés déclenchés par l'inquiétude ou la paranoïa d'un acteur établi face à l'hybris d'un nouveau rival. Il considère que les États-Unis et la Chine, du fait du développement de cette dernière, sont d'ores et déjà , au début du XXIe siècle, engagés dans une pente presque inéluctable qui les mènera à se mesurer militairement[1] - [2].
Allison, avec un laboratoire de l'université Harvard, a recensé 16 occurrences du piège de Thucydide dans l'Histoire[3]. Il montre que 12 d'entre elles ont débouché sur la guerre[4]. Les résultats de cette étude sont publiés dans Vers la guerre : la Chine et l'Amérique dans le piège de Thucydide ? (2019)[5].
Si le piège de Thucydide est de formulation récente sur la base d'un texte ancien, l'idée qui la sous-tend avait déjà été soutenue par Arnold Toynbee. Raymond Aron a par ailleurs rédigé la préface à la version française de l'ouvrage, où il soulève la question suivante : « Thucydide jugeait exemplaire la guerre du Péloponnèse parce que pensait-il, si les circonstances se reproduisent, les hommes se conduisent de même manière... Si les grandes guerres du XXe siècle occupent la même place dans le destin de la civilisation de l'occident moderne que la guerre du Péloponnèse, à quel diagnostic aboutit notre auteur ? »[6].
Critiques
Les auteurs comme Joseph S. Nye critiquent les bases même du concept en remarquant que 12 des 16 cas listés ne correspondent pas à la définition d'une puissance dominante qui déclarerait la guerre à une puissance émergente[7].
Dans la guerre du Péloponnèse, les Spartiates déclarent la guerre à la suite d'une action militaire d'Athènes (le siège de Potidée). Ce n'est donc pas seulement la montée en puissance d'Athènes qui a provoqué la guerre.
Occurrences historiques
Les seize occurrences historiques suivantes sont citées par Graham Allison et son équipe dans leur ouvrage paru en 2019[5].
Références
- Catherine Grandjean (dir.), Gerbert S. Bouyssou, Véronique Chankowsky, Anne Jacquemin et William Pillot, La Grèce classique : D'Hérodote à Aristote, 510-336 avant notre ère, Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », , chap. 7 (« La guerre du Péloponnèse (431-404) »), p. 236-237.
- Laurence Nardon et Mathilde Velliet, « La guerre commerciale sino-américaine : quel bilan à l'issue de la présidence Trump ? », sur www.ifri.org (consulté le )
- (en) Graham Allison, « The Thucydides Trap: Are the U.S. and China Headed for War? », sur The Atlantic, (consulté le )
- Olivier Zajec, « Le piège de Thucydide », sur Le Monde diplomatique, (consulté le )
- Graham Allison, Vers la guerre : la Chine, et l'Amérique dans le piège de Thucydide ?, (ISBN 978-2-7381-4702-8 et 2-7381-4702-X, OCLC 1090542336, lire en ligne)
- (en) Christine Lee, A Handbook to the Reception of Thucydides, John Wiley & Sons, (ISBN 978-1-118-98022-4, lire en ligne)
- (en) « The Kindleberger Trap », sur Belfer Center for Science and International Affairs (consulté le )
Vidéo externe | |
Is war between China and the US inevitable? by Graham Allison sur YouTube. Conférence en anglais, sous-titrée en français. |