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Pavage de Pythagore

Un pavage de Pythagore ou pavage à deux carrés est un pavage du plan euclidien par des carrés de deux tailles différentes, dans lequel chaque carré d'une taille est entouré de quatre carrés de l'autre taille.

Un pavage de Pythagore.

On peut y retrouver plusieurs preuves du théorÚme de Pythagore par constructions de puzzles[1] expliquant ainsi l'origine de son nom[2]. Il est couramment utilisé comme modÚle pour carreler des sols et des murs. On parle alors de « pose en pipe », en référence à la forme de pipe que dessinent les joints entre les carreaux[3].

Ce pavage possÚde une symétrie de rotation d'ordre 4 autour du centre de chacun des carrés. Lorsque le rapport des longueurs des cÎtés des deux carrés est un nombre irrationnel comme le nombre d'or, ses sections par des droites parallÚles aux cÎtés forment des suites apériodiques avec une structure récursive similaire au mot de Fibonacci. Des généralisations de ce pavage à la dimension trois ont également été étudiées.

Topologie et symétrie

Le pavage de Pythagore est le seul pavage avec deux carrĂ©s de deux tailles diffĂ©rentes qui soit Ă  la fois unilatĂ©ral (deux carrĂ©s de mĂȘme taille ne partagent jamais le mĂȘme cĂŽtĂ©) et Ă©quitransitif (deux carrĂ©s de mĂȘme taille peuvent ĂȘtre images l'un dans l'autre par une symĂ©trie du pavage)[4].

Topologiquement, le pavage de Pythagore a la mĂȘme structure que le pavage carrĂ© tronquĂ© constituĂ© de carrĂ©s et d'octogones rĂ©guliers[5]. Chaque petit carrĂ© du pavage de Pythagore est adjacent Ă  quatre carrĂ©s plus grands, tout comme les carrĂ©s du pavage carrĂ© tronquĂ© sont adjacents Ă  quatre octogones, tandis que chaque plus grand carrĂ© du pavage de Pythagore est adjacent Ă  huit voisins qui alternent entre grands et petits carreaux, tout comme les octogones du pavage carrĂ© tronquĂ©. Cependant, les deux pavages ont des ensembles de symĂ©tries diffĂ©rents, car le pavage carrĂ© tronquĂ© est invariant par rĂ©flexion, ce qui n'est pas le cas du pavage de Pythagore. MathĂ©matiquement cela peut s'expliquer en disant que le pavage carrĂ© tronquĂ© est invariant par l'ensemble des isomĂ©tries d'un carrĂ© (isomĂ©tries centrĂ©es sur les centres des carrĂ©s et des octogones) soit le groupe diĂ©dral tandis que le pavage de Pythagore a un groupe de papier peint moins riche gĂ©nĂ©rĂ© par seulement les rotations d'angle [6]. C'est un motif chiral, c'est-Ă -dire qu’il n'est pas superposable Ă  son image dans un miroir en utilisant seulement des rotations et des translations.

Un pavage uniforme (en) est un pavage constitué de polygones réguliers dans lequel deux sommets quelconques sont images l'un de l'autre par une symétrie du pavage. Habituellement, un pavage uniforme doit en outre avoir ses pavés qui se rencontrent bord à bord, mais si cette exigence est assouplie, il y a huit pavages uniformes supplémentaires. Quatre sont formés de bandes infinies de carrés ou de triangles équilatéraux, et trois sont formés de triangles équilatéraux et d'hexagones réguliers. Le dernier est le pavage de Pythagore[7].

ThéorÚme de Pythagore et découpages

Les cinq piÚces des puzzles utilisés dans leurs démonstrations par Al-Nayrizi and Thābit ibn Qurra (gauche) et par Henry Perigal (droite)

Ce pavage est appelĂ© pavage de Pythagore car il peut illustrer les dĂ©monstrations du thĂ©orĂšme de Pythagore par les mathĂ©maticiens de l'Ăąge d'or islamique du IXe siĂšcle Al-Nayrizi et Thābit ibn Qurra, et par le mathĂ©maticien amateur britannique du XIXe siĂšcle Henry Perigal[8] - [2] - [9] - [10]. Si les cĂŽtĂ©s des deux carrĂ©s formant le pavage ont pour longueurs a et b, alors la distance la plus proche entre deux points correspondants sur des carrĂ©s isomĂ©triques est c, oĂč c est la longueur de l'hypotĂ©nuse d'un triangle rectangle de cĂŽtĂ©s a et b[11]. Par exemple, dans l'illustration de gauche, les deux carrĂ©s du pavage ont pour dimensions 5 et 12, et le carrĂ© du pavage rĂ©gulier superposĂ© a pour dimension 13, illustrant le triplet pythagoricien (5,12,13).

Superposition des deux pavages permettant le découpage en six piÚces.

En superposant un grille carrée de dimension c sur le pavage, on génÚre, dans chaque carré de la grille, un puzzle à 5 piÚces, permettant ensuite de reconstituer, par simple translation, deux carrés de dimensions a et b., démontrant par là que la somme des aires des deux petits carrés est égale à l'aire du grand carré (a2 + b2 = c2).

De mĂȘme, la superposition de deux pavages de Pythagore associĂ©s Ă  la mĂȘme grille carrĂ©e, peut ĂȘtre utilisĂ©e pour produire un dĂ©coupage en six piĂšces de deux carrĂ©s inĂ©gaux en deux carrĂ©s inĂ©gaux diffĂ©rents[12].

Coupes transversales apériodiques

Une suite apériodique générée à partir d'un pavage dont le rapport des dimensions des carrés est égal au nombre d'or.

Bien que le pavage de Pythagore soit lui-mĂȘme pĂ©riodique (il est invariant par translation), ses sections transversales peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour gĂ©nĂ©rer des suites apĂ©riodiques[13].

Dans la « construction de Klotz » pour les suites apĂ©riodiques (Klotz est un mot allemand pour bloc), on forme un pavage de Pythagore avec deux carrĂ©s dont les tailles sont choisies pour que le rapport entre les longueurs des deux cĂŽtĂ©s soit un nombre irrationnel X. Ensuite, on choisit une ligne parallĂšle aux cĂŽtĂ©s des carrĂ©s, et forme une suite de valeurs binaires Ă  partir des tailles des carrĂ©s traversĂ©s par la ligne: un 0 correspond Ă  un croisement avec un grand carrĂ© et un 1 correspond Ă  un croisement avec un petit carrĂ©. Dans cette suite, la proportion relative de 0 et de 1 sera dans le rapport X:1. Cette proportion ne peut pas ĂȘtre atteinte par une suite pĂ©riodique de 0 et de 1, car elle est irrationnelle, donc la suite est apĂ©riodique[13].

Si, pour X, on choisit le nombre d'or, la suite de 0 et 1 ainsi construite a une construction récursive analogue à celle du mot de Fibonacci[13].

RĂ©sultats connexes

Selon la conjecture de Keller, tout pavage du plan par des carrés congruents doit inclure deux carrés qui se rencontrent bord à bord[14]. Aucun des carrés du carrelage de Pythagore ne se rencontre bord à bord[15] mais ce fait ne viole pas la conjecture de Keller parce que les carreaux ont des tailles différentes, donc ils ne sont pas tous congruents les uns aux autres.

Le pavage de Pythagore peut ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ© Ă  un pavage tridimensionnel de l'espace euclidien par des cubes de deux tailles diffĂ©rentes, qui est Ă©galement unilatĂ©ral et Ă©quitransitif. Attila Bölcskei appelle ce pavage tridimensionnel le Rogers filling. Il conjecture que, dans toute dimension supĂ©rieure Ă  trois, il existe Ă  nouveau une maniĂšre unilatĂ©rale et Ă©quitransitive unique de pavage de l'espace par hypercubes de deux tailles diffĂ©rentes[16].

Musiciens de rues devant la porte (en), Jacob Ochtervelt, 1665. Selon Nelsen[2], le carrelage du sol dans cette peinture dessine un pavage de Pythagore.

Burns et Rigby ont trouvĂ© plusieurs pavĂ©s primitifs (en), incluant le flocon de Koch, qui peuvent ĂȘtre utilisĂ©s pour carreler le plan uniquement en utilisant des copies du pavĂ© primitif dans deux ou plusieurs tailles diffĂ©rentes[17] - [18]. Un article antĂ©rieur de Danzer, GrĂŒnbaum et Shephard fournit un autre exemple, un pentagone convexe qui dalle le plan uniquement lorsqu'il est combinĂ© en deux tailles[19]. Bien que le pavage de Pythagore utilise deux tailles de carrĂ©s diffĂ©rentes, le carrĂ© n'a pas la propriĂ©tĂ© de ces pavĂ©s primitifs pavant uniquement par similitude, car il est Ă©galement possible de carreler le plan en utilisant uniquement des carrĂ©s d'une seule taille.

Application

Une premiÚre application structurelle du carrelage de Pythagore apparaßt dans les travaux de Léonard de Vinci, qui l'a considéré parmi plusieurs autres modÚles potentiels pour l'élaboration de ses planchers[20]. Ce carrelage est également utilisé de maniÚre décorative, en carrelage ou autres modÚles, comme on peut le voir, par exemple, dans la peinture Musiciens des rues devant la porte (1665) de Jacob Ochtervelt[2]. On suggÚre parfois que c'est en voyant un carrelage similaire dans le palais de Polycrate de Samos que Pythagore aurait pu avoir l'idée originale de son théorÚme[11].

Références

  1. Wells 1996, p. 167.
  2. Nelsen 2003, p. 5.
  3. « La pose de carrelage dans les rÚgles de l'art », sur batiexpo.com
  4. Martini, Makai et Soltan 1998, p. 483.
  5. GrĂŒnbaum et Shephard 1987, p. 171.
  6. GrĂŒnbaum et Shephard 1987, p. 42.
  7. GrĂŒnbaum et Shephard 1987, p. 73-74.
  8. GrĂŒnbaum et Shephard 1987, p. 94.
  9. Frederickson 1997, p. 29-31.
  10. AguilĂł, Fiol et Fiol 2000, p. 341-352.
  11. Ostermann et Wanner 2012, p. 15-16.
  12. Frederickson 1997, p. 30-31.
  13. Steurer et Deloudi 2009, p. 91-92.
  14. La vĂ©ritĂ© de sa conjecture pour les pavages bidimensionnels Ă©tait dĂ©jĂ  connue de Keller, mais elle s'est avĂ©rĂ©e fausse depuis pour les dimensions huit et plus. Pour en savoir plus sur les rĂ©sultats rĂ©cents concernant cette conjecture ; voir (en) Chuanming Zong, « What is known about unit cubes », Bulletin of the American Mathematical Society, new Series, vol. 42, no 2,‎ , p. 181–211 (DOI 10.1090/S0273-0979-05-01050-5, MR 2133310).
  15. Martini, Makai et Soltan 1998.
  16. (en) Attila Bölcskei, « Filling space with cubes of two sizes », Publicationes Mathematicae Debrecen, vol. 59, nos 3–4,‎ , p. 317–326 (MR 1874434). Voir aussi Dawson 1984, qui comprend une illustration du carrelage tridimensionnel, crĂ©ditĂ© Ă  "Rogers" mais citĂ© dans un article de 1960 de Richard Guy : Robert J. MacG. Dawson, « On filling space with different integer cubes », Journal of Combinatorial Theory, Series A, vol. 36, no 2,‎ , p. 221–229 (DOI 10.1016/0097-3165(84)90007-4, MR 734979).
  17. (en) Aidan Burns, « 78.13 Fractal tilings », Mathematical Gazette, vol. 78, no 482,‎ , p. 193–196 (DOI 10.2307/3618577, JSTOR 3618577).
  18. John Rigby, « 79.51 Tiling the plane with similar polygons of two sizes », Mathematical Gazette, vol. 79, no 486,‎ , p. 560–561 (DOI 10.2307/3618091, JSTOR 3618091).
  19. Figure 3 de (en) Ludwig Danzer, Branko GrĂŒnbaum et Geoffrey Colin Shephard, « Unsolved Problems: Can All Tiles of a Tiling Have Five-Fold Symmetry? », The American Mathematical Monthly, vol. 89, no 8,‎ , p. 568–570+583–585 (DOI 10.2307/2320829, JSTOR 2320829, MR 1540019)
  20. (en) JosĂ© SĂĄnchez et FĂ©lix Escrig, « Frames designed by Leonardo with short pieces: An analytical approach », International Journal of Space Structures, vol. 26, no 4,‎ , p. 289–302 (DOI 10.1260/0266-3511.26.4.289, S2CID 108639647).

Bibliographie

  • (en) Roger B. Nelsen, « Paintings, Plane Tilings, & Proofs », Math Horizons, vol. 11, no 2,‎ (DOI 10.1080/10724117.2003.12021741, lire en ligne)
  • David Wells, Le Dictionnaire Penguin des curiositĂ©s gĂ©omĂ©triques, Eyrolles, (ISBN 2 212 03637 X)
  • (en) Horst Martini, Endre Makai et Valeriu Soltan, « Unilateral tilings of the plane with squares of three sizes », BeitrĂ€ge zur Algebra und Geometrie, vol. 39, no 2,‎ , p. 481-495 (lire en ligne)
  • (en) Branko GrĂŒnbaum et Geoffrey C. Shephard (en), Tilings and Patterns, W. H. Freeman,
  • (en) Greg N. Frederickson, Dissections: Plane & Fancy, Cambridge University Press, (prĂ©sentation en ligne), p. 28-31
  • (en) Francesc AguilĂł, Miquel-Angel Fiol et Maria-LluĂŻsa Fiol, « Periodic tilings as a dissection method », American Mathematical Monthly, vol. 107, no 4,‎ , p. 341-352 (DOI 10.2307/2589179, JSTOR 2589179)
  • (en) Alexander Ostermann et Gerhard Wanner, « Thales and Pythagoras », dans Geometry by Its History, Springer, coll. « Undergraduate Texts in Mathematics », (DOI 10.1007/978-3-642-29163-0_1, prĂ©sentation en ligne), p. 3-26
  • (en) Walter Steurer et Sofia Deloudi, « 3.5.3.7 The Klotz construction », dans Crystallography of Quasicrystals : Concepts, Methods and Structures, vol. 126, Springer, coll. « Springer Series in Materials Science », (ISBN 978-3-642-01898-5, DOI 10.1007/978-3-642-01899-2), p. 91-92
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