Pausanias d'Orestide
Pausanias d'Orestide est l'un des sômatophylaques (gardes du corps) du roi de Macédoine Philippe II et son assassin en 336 av. J.-C.
Circonstances
En 337 av. J.-C., Philippe épouse Cléopâtre, la nièce d'Attale qui est un aristocrate de son entourage[1]. Alors père de deux garçons, Arrhidée (qui n'est pas apte à régner) et Alexandre, il souhaite probablement assurer sa succession en obtenant un autre fils. C'est au cours de l'été 336 av. J.-C., que Philippe est assassiné par Pausanias dans le théâtre d'Aigai durant le mariage de sa fille Cléopâtre avec le roi d'Épire, Alexandre le Molosse, le frère d'Olympias.
C’est pour cet acte qu’il est ainsi essentiellement connu, mais les versions de l’assassinat sont multiples et il est particulièrement difficile d’appréhender cet épisode. Pausanias a-t-il agi de son propre chef ou cet épisode était commandité ?
D'après les sources antiques
Pausanias apparait dans plusieurs sources antiques, essentiellement lorsque les auteurs rapportent de manière plus ou moins précise la mort de Philippe II. Le problème majeur relève de la contradiction des sources ainsi que leur postérité par rapport aux événements. En effet, plusieurs versions subsistent quant à la mort du roi de Macédoine, ce qui permet difficilement de saisir précisément la figure de Pausanias.
Quelques années après la mort de Philippe, Aristote prit cet assassinat comme exemple d’un acte motivé par des motifs privés et personnels[A 1]. Diodore de Sicile, s’appuie et développe largement sa version sur les propos d’Aristote qui est l’une des plus répandues[A 2]. Il met grandement en avant le mobile de Pausanias, qui vivait à la cour depuis plusieurs années. Selon son récit, il aurait attiré l’attention de Philippe qui le prit pour amant jusqu’à ce qu’il soit attiré par un autre jeune homme du même nom que lui. Par jalousie, Philippe s’en serait prit au second Pausanias en remettant en cause sa réputation et son honneur. Ces deux valeurs étaient importantes pour les aristocrates donc le second Pausanias se donna la mort en Illyrie pour prouver sa virilité. Attale était un ami du jeune homme et aurait décidé de le venger au cours de l’été 336 av. J.-C.. C’est alors qu’il enivra Pausanias d’Orestide qui aurait par la suite subit un viol collectif. Il s’en plaignit auprès de Philippe qui ne punit guère Attale en raison de son statut relativement important. Il a ainsi réconforté Pausanias en lui attribuant le statut de sômatophylaque[2]. Mais cela ne fut pas efficace car Pausanias garda une rancune contre Philippe, ce dernier ayant ignoré sa requête de condamner les auteurs, dont Attale, du viol subi après qu'il eut traité son nouveau favori (le second Pausanias) d'« hermaphrodite pervers ». Il est immédiatement capturé et tué notamment par Perdiccas[A 3]. Diodore rapporte même que Pausanias aurait consulté un sophiste qui lui aurait alors énoncé : « la postérité ne séparera pas le nom du grand homme de celui de son assassin »[3].
D'autres auteurs antiques, comme Justin, estiment que le meurtre de Philippe est une machination impliquant Olympias[A 4], et peut-être son fils Alexandre. En effet, la reine répudiée par son époux aurait été grandement irritée par ce nouveau mariage de Philippe avec Cléopâtre. Alexandre lui-même serait également potentiellement impliqué, craignant un éventuel rival au trône de Macédoine si son père venait à avoir un nouveau fils. Dans sa Vie d’Alexandre, Plutarque ne s’intéresse pas réellement à l’assassinat de Philippe II en lui-même, mais l’évoque tout de même afin d’introduire l’avènement d’Alexandre sur le trône de Macédoine. Ainsi, il mentionne l’outrage qu’aurait subi Pausanias par Attale, mais il mentionne également l’autre version impliquant Olympias et précise qu’Alexandre pourrait être également concerné[A 5]. Effectivement, plus tôt dans son œuvre Plutarque s’accorde à présenter une scène opposant Alexandre à Attale lors d’un banquet[A 6]. Ce dernier affirme que les enfants de Philippe et de son épouse Cléopâtre sont les héritiers légitimes, au détriment d’Alexandre car sa mère vient d’Épire et non de Macédoine.
Arrien, dans son Anabase, évoque une autre hypothèse liée à l’Empire perse. Il met en effet en cause Darius III, le nouveau roi perse. Il mentionne une lettre virulente adressée par Alexandre à Darius, dans laquelle il blâme le roi achéménide (et Bagoas, son grand vizir dont Darius III se débarrasse rapidement peu après), pour le meurtre de son père, soutenant que Darius s'est vanté auprès des différentes cités grecques de la façon dont il a fait assassiner Philippe[A 7]. Pausanias aurait ainsi été soudoyé.
RĂ©Ă©valuation actuelle de l'assassinat
Les motifs de l'assassinat de Philippe II par Pausanias demeurent floues car la documentation reste insuffisante. Mais après étude des sources antiques disponibles et évaluation des potentielles intentions de Pausanias, le contexte de l'assassinat peut être réévalué. Tout d'abord, il ne faut pas omettre le fait que l'œuvre de Plutarque, au même titre que celle d'Arrien, est largement postérieure aux faits et tributaire de la propagande d’Alexandre et de ses successeurs, ce qui a abouti au « mythe d’Alexandre »[4]. En effet, Plutarque s'empresse de survoler l'évènement afin de davantage souligner la promptitude d'Alexandre à monter sur le trône, participant ainsi à glorifier le portrait du jeune roi. De plus, il parait peu probable que l'assassinat ait impliqué Alexandre dans la mesure où celui-ci a très vite été associé au pouvoir par son père[5]. Cependant, des historiens considèrent que l’implication d’Olympias et de son fils peut s'avérer plausible[6]. Par ailleurs, les sources antiques sont largement postérieures aux évènements et les auteurs multiplient les versions, ce qui tend naturellement à développer une certaine prudence vis-à -vis de celles-ci. Une autre limite importante est qu'elles tendent, pour la plupart, à montrer une solution de continuité entre la mort de Philippe et le début du règne de son fils[7]. Cela tend à minimiser l'importance du personnage de Pausanias qui dispose pourtant d'un rôle de pivot entre les deux règnes.
Une autre hypothèse pourrait être avancée par rapport à l’origine de Pausanias. En effet, ce dernier provient de l’Orestide qui est une région de Haute-Macédoine. Elle est à l’origine indépendante, jusqu’à son rattachement au royaume de Macédoine sous le règne de Philippe II. Ce dernier a réussi à mettre sous son autorité cette entité territoriale et propose notamment des carrières militaires. Pausanias aurait ainsi été mécontent de cette mise en ordre de Philippe, surtout du fait de son statut plutôt aisé. Il aurait donc pu probablement agir de son propre chef des années plus tard, après être entré dans son entourage.
Il ne faut pas non plus négliger la potentielle implication des dignitaires de l'Empire perse, qui ont toutes les raisons du fait de l'ambition de Philippe. Mais aucun texte ne peut apporter de preuves irréfutables[5]. Il n'empêche qu'après cet assassinat, Alexandre est proclamé roi par l'Assemblée des Macédoniens et se débarrasse de tous les prétendants possibles. La mort de Philippe ne modifie pas les ambitions de conquête vers l’Empire perse.
Évocation artistique
- Le personnage de Pausanias apparait dans le film Alexandre (2004) d'Oliver Stone et est interprété par Toby Kebell.
- La bande dessinée d'Isabelle Dethan intitulée J'ai tué Philippe II de Macédoine (2015) raconte l'assassinat du roi macédonien et fait ainsi grandement intervenir le personnage de Pausanias.
Notes et références
Références antiques
- Aristote, Politique (lire en ligne), VIII, 10.
- Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], XVI, 93, 94.
- Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], XVI, 94, 4.
- Justin, Abrégé des Histoires philippiques de Trogue Pompée [détail des éditions] [lire en ligne], IX, 7, 12. Cependant le récit indiquant les célébrations ostentatoires d'Olympias envers l'assassin est considéré comme douteux.
- Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne], Alexandre, XIV.
- Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne], Alexandre, XII.
- Arrien, Anabase [lire en ligne], II, 6
Références bibliographiques
- Martinez-Seve 2017, p. 12.
- Goldsworthy 2023, p. 246.
- Goldsworthy 2023, p. 250.
- Au sujet du mythe d'Alexandre voir notamment : Claude Mossé, Alexandre. La destinée d'un mythe, Paris, Payot, 2012, 318 p.
- Briant 2019, p. 9.
- E. Badian, "The Death of Philip II", Phoenix, 1963, p. 244-250.
- Jacquemin 2018, p. 523.
Annexes
Sources antiques
- Aristote, Politique (lire en ligne), VIII, 10.
- Arrien, Anabase [lire en ligne], II, 6.
- Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], XVI, 93-94.
- Justin, Abrégé des Histoires philippiques de Trogue Pompée [détail des éditions] [lire en ligne], IX, 7.
- Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne], Alexandre.
Ouvrages généraux
- Olivier Battistini (dir.) et Pascal Charvet (dir.), Alexandre le Grand, histoire et dictionnaire, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1090 p. (ISBN 978-2-221-09784-7).
- Pierre Briant, Alexandre le Grand, Paris, PUF, , 125 p. (ISBN 978-2-7154-0184-6).
- Adrian Goldsworthy, Philippe II et Alexandre le Grand, Paris, Perrin, , 672 p. (ISBN 978-2-262-09677-9)
- Laurianne Martinez-Seve, Atlas du monde hellénistique (336-31 av. J.-C.) : pouvoirs et territoires après Alexandre le Grand, Paris, Autrement, , 96 p. (ISBN 978-2-746-74639-8).
- Claude Mossé, Alexandre. La destinée d'un mythe, Paris, Payot, , 318 p. (ISBN 978-2-22890825-2).
Études spécialisées
- Badian E., « The Death of Philip II », Phoenix, t. 17, no 4,‎ , p. 244-250.
- Anne Jacquemin, « M.B. Hatzopoulos, La mort de Philippe II. Une étude des sources. », Topoi, t. 22, no 2,‎ , p. 521-523.