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Patolli

Le patolli est un des plus vieux jeux pratiqués en Mésoamérique et de nombreux peuples indigÚnes se sont distraits avec tels que les habitants de Teotihuacan, les ToltÚques, les Mayas ou les AztÚques[1]. C'est un jeu de hasard, assez semblable à notre jeu des petits chevaux (alias Ludo), qui était pratiqué avec frénésie par toutes les couches de la plupart des sociétés mésoaméricaines. Son nom lui vient du mot nahuatl qui désigne les haricots servant de dés[2].

Représentation de deux joueurs de patolli dans le codex de Florence.

Le patolli est un jeu aztĂšque que les chroniqueurs espagnols ont remarquĂ© et que certains, tels Diego DurĂĄn[3] et Bernardino de SahagĂșn[4] ont minutieusement dĂ©crit. Le jeu est toujours vivant dans certains villages de l’État de Puebla, comme a pu le constater, au dĂ©but du XXe siĂšcle Alfonso Caso[5]. Il fait aujourd’hui partie du patrimoine des jeux et sports autochtones et traditionnels prĂ©servĂ©s par la FederaciĂłn Mexicana de Juegos y Deportes AutĂłctonos y Tradicionales de MĂ©xico.

Le patolli est un jeu de parcours associant un plateau cruciforme qui, Ă  l’époque aztĂšque, Ă©tait gĂ©nĂ©ralement peint sur une natte de roseau, 4 ou 5 haricots Erythrina americana (4 selon SahagĂșn et les codex, 5 selon DurĂĄn), chacun dotĂ© de petits signes blancs sur un cĂŽtĂ©, en guise de dĂ©s, et 6 pions (cailloux) par camp (2 joueurs ou 2 Ă©quipes), distinguĂ©s par la couleur. Comme dans tous les jeux de parcours, chaque joueur doit faire avance ses pions au grĂ© des valeurs de dĂ©s, jusqu’à la fin du parcours. Le premier qui y parvient a gagnĂ©.

Graphique d'un tablier de jeu de patolli

Les codex mexicains (tous postcolombiens[6]) montrent une croix de Saint-AndrĂ© dont les quatre bras (symbolisant les quatre points cardinaux) sont divisĂ©s en deux rangĂ©es de 8 cases. De son enquĂȘte de terrain, Alfonso Caso[7] a montrĂ© que chaque joueur ne parcourt que trois bras, soit 52 cases, rĂ©fĂ©rence au cycle de 52 annĂ©es au terme duquel se rejoignent le calendrier astronomique et le calendrier divinatoire tonalpohualli de 260 jours (voir Calendrier aztĂšque).

Dans la sociĂ©tĂ© aztĂšque, une de celles que nous le connaissons le mieux, certains joueurs ruinĂ©s, victimes de leur passion, n'avaient plus aucun recours que de se vendre eux-mĂȘmes comme esclaves.

Il existe une reprĂ©sentation de ce jeu dans le codex DurĂĄn : 52 cases y sont figurĂ©es qui correspondent aux 52 annĂ©es du cycle solaire, nombre Ă  la symbolique essentielle en MĂ©soamĂ©rique. Le patolli apparaĂźt ainsi comme un jeu avec le destin, dans lequel on cherche des prĂ©sages, oĂč l'on parie pour animer la partie.

Selon le Codex Magliabechiano, le dieu du patolli Ă©tait Macuilxochitl puisqu'il prĂ©sidait aux domaines de la musique, de la danse et des jeux de paris. AprĂšs la conquĂȘte, les Espagnols, qui tenaient le jeu en grande suspicion, Ă  cause de son association avec une divinitĂ©, l'interdirent, comme le rapporte Bernardino de SahagĂșn : «Ce jeu, ainsi que celui de paume, a Ă©tĂ© abandonnĂ© Ă  cause de certaines superstitions idolĂątriques qu'on lui supposait.»[8].

Si le jeu est restĂ© vivant, ses traces archĂ©ologiques sont trĂšs rares. Seuls quelques jeux gravĂ©s ont pu ĂȘtre retrouvĂ©s, par exemple Ă  Pedregal de San Ángel prĂšs de Mexico, ou Ă  El TajĂ­n, et ce contrairement Ă  un autre jeu, que les archĂ©ologues appellent[9] aussi patolli, mais qui prĂ©sente un tout autre circuit.

Un autre « patolli »

Le patolli (terme nahuatl) semble limitĂ© Ă  l’horizon aztĂšque et au-delĂ , car il n’apparaĂźt jamais dans les codex prĂ©colombiens. Les chroniqueurs de la conquĂȘte espagnole ne connaissent que lui.

Protopatolli Ă  boucles (type I de Swezey et Bittman)
Protopatolli sans boucles (type II de Swezey et Bittman)

DĂ©couvert en grand nombre dans des sites archĂ©ologiques et prĂ©sent dans plusieurs codex prĂ©colombiens, un autre jeu de parcours offre un tracĂ© bien plus complexe fait d’un rectangle (ou carrĂ©) Ă  bande componnĂ©e avec une croix inscrite, aussi faite d’une bande componnĂ©e. Deux versions principales, l’une Ă  angles bouclĂ©s, l’autre sans boucles.

La version Ă  boucles est restĂ©e jouĂ©e dans quelques villages tarasques de l’État de Michoacan, oĂč elle a Ă©tĂ© dĂ©couverte par deux anthropologues en 1941[10], qui pour autant ignoraient que ce jeu, nommĂ© sur place, en purĂ©pecha, k’uilichi, avait Ă©tĂ© remarquĂ©, gravĂ© sur le sol, Ă  TeotihuacĂĄn et Ă  Tula ainsi qu'en pays maya (version sans boucles).

Bien conscients qu’il s’agissait d’un autre jeu et qu’il lui fallait un autre nom, au demeurant inconnu, Christian Duverger [11] proposait de l’appeler quauhpatolli « patolli de l’aigle », tandis que William Swezey et Bente Bittman[12] prĂ©fĂ©raient « proto-patolli », postulant ainsi une filiation entre ce jeu ancestral et le patolli aztĂšque, ce qu’à ce jour rien ne dĂ©montre, si ce n’est qu’ils reposent sur le mĂȘme mĂ©canisme et partagent de nombreux ludĂšmes.



Bibliographie

  • Christian Duverger, L'esprit du jeu chez les AztĂšques. Paris-La Haye-New York : Mouton ; Paris : EHESS, 1978 (Civilisation et SociĂ©tĂ©, 59)
  • William R. Swezey, Bente Bittman, «El rectĂĄngulo de cintas y el patolli : nueva evidencia de la antigĂŒedad, distribuciĂłn, variedad y formas de practicar este juego precolombino», MesoamĂ©rica, IV, 6, 1983, p. 373-416
  • Miriam Judith Gallegos GĂłmora, «Un patolli prehispĂĄnico en Calakmul, Campeche», Revista española de antropologia americana, 24, 1994, p. 9-24.
  • John Walden, Barbara Voorhies, «Ancient Maya patolli», dans Barbara Voorhies (dir.), Prehistoric games of North American Indians : Subarctic to Mesoamerica. Salt Lake City : The University of Utah Press, 2017, p. 197-218.
  • DaniĂšle Dehouve, L'imaginaire des nombres chez les anciens Mexicains, Presses universitaires de Rennes,
  • Bernardino de SahagĂșn, Histoire gĂ©nĂ©rale des choses de la Nouvelle-Espagne, FM/La DĂ©couverte,

Voir aussi

Liens internes

Jeux similaires :

Notes et références

  1. Michel Brassine, « les jeux de parcours », Jeux et StratĂ©gie, no 16,‎ , p. 16-21.
  2. Dehouve 2011, p. 144
  3. Diego DurĂĄn, OP, Historia de las Indias de Nueva España
, Libro de los ritos, 1579, cap. XXII.
  4. Bernardino de SahagĂșn, OFM, Historia general de las cosas de Nueva España (1582), Ă©d. LĂłpez Austin et GarcĂ­a Quintana, Madrid, 1988, VIII, 10.
  5. Alfonso Caso, «Un antiguo juego mexicano : el patolli», Revista de Revistas, n° 774, mars 1925, p. 40-41 et réimp. dans El México Antiguo, II, 9, 1927, p. 203-211.
  6. Voir le Codex DurĂĄn et le Codex de Florence.
  7. Article cité.
  8. de SahagĂșn 1991, p. 284.
  9. Abusivement ! Comme si l’on confondait jeu d’échecs et jeu de dames.
  10. Ralph L. Beals, Pedro Carrasco, «Games of the mountain Tarascans», American Anthropologist, 46, 1944, p. 516-522.
  11. Christian Duverger, L'esprit du jeu chez les AztĂšques, Paris-La Haye-New York : Mouton ; Paris : EHESS, 1978, p. 60.
  12. «El rectångulo de cintas y el patolli», Mesoamérica, IV, 6, 1983, p. 374.
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