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Parler thiernois

Le parler thiernois est la forme locale du français parlé dans la région de Thiers dans le massif central et modifié par le substrat linguistique occitan auvergnat sur lequel il s'est greffé, mais aussi par les apports linguistiques dus aux diverses influences de parlers proches, ainsi que par l'évolution linguistique propre à toutes les langues vivantes.

Limites sous-dialectales dans le département du Puy-de-Dôme. Le parler thiernois apparaît en rouge et la ville de Thiers en bleu.

Histoire

Contexte national linguistique

Au Moyen Âge, la France n'a pas d'unité linguistique, car au début du IXe siècle le latin n'est plus qu'une langue « sacrée », on y parle différentes langues germaniques, basque, celtique, et romanes, ces dernières morcelées en différents dialectes, que l'on peut regrouper en trois différents groupes :

À cette époque le français n'était qu'une langue parmi d'autres, appelée le « françois ». Mais elle a pour atout de se trouver dans une région en explosion démographique, Paris et sa région[1] - [2].

En 1539 débute officiellement la francisation de la France avec la proclamation de l’ordonnance de Villers-Cotterêts, signée par François Ier : elle impose le français comme langue du droit et de l’administration en France, en remplacement du latin. Cependant, il ne faut pas en conclure que tous les Français parlent cette langue : les historiens estiment que 10 % à 20 % de la population parle la langue du roi au XVIe siècle[3] - [4].

La lois Jules Ferry qui en 1881 institue la gratuitĂ© de l'Ă©cole primaire et en 1882 la rend obligatoire, impose la langue nationale sur tout le territoire français et la dĂ©mocratise Alors qu'en 1863, sur 38 millions de Français on en comptabilisait toujours 7,5 millions ne connaissant pas la « langue nationale »[5].

Au cours du XXe siècle et jusque dans les années 1960, les gouvernements ont adopté pas moins de quarante lois concernant surtout l’enseignement, la presse, l'administration et l'orthographe. Au début du XIXe siècle, le ministère de l'éducation nationale trouvait que la francisation était trop lente: les autorités décidèrent donc de nommer dans les régions non-francophones des professeurs venant d'une autre région pour améliorer l'apprentissage français et réduire l'influence des patois[5] - [6].

Contexte local linguistique

Les origines du parler thiernois remontent à la seconde moitié XIXe siècle, époque où une majorité des habitants d'Auvergne parlent encore l'occitan auvergnat[7]. Dans le bassin thiernois, situé au carrefour linguistique entre l'occitan auvergnat, l'oïlitan et le francoprovençal, l'influence linguistique est contradictoire : le faisceau des particularités envisagées font du français parlé dans la région thiernoise une variété originale dont l'originalité est subtile à cerner[8]. L'accent thiernois, lui aussi résultant de cette histoire linguistique ne semble pas s'apparenter à l'accent du Midi - comme l'indiquent subjectivement une enquête réalisée près de Thiers en 1999[9], mais d'une variété de français où coexistent des traits du français standard, quelques traits du français méridional, d'autres de régions situées plus à l'est telles que la Bourgogne ou la Franche-Comté ainsi que de traits tout à fait originaux[8] - [10].

Usage et diffusion

L'enquête subjective réalisée en 1999 auprès d'habitants du bassin thiernois indique qu'une géographie exacte du parler thiernois n'existe pas réellement[11]. Les contours dans l'espace étant flous, l'approche la plus réaliste dirait que le parler thiernois s'étend de Peschadoires à l'ouest à Noirétable (département de la Loire) à l'est, et de Vollore-Ville au sud à Châteldon et Puy-Guillaume au nord. La même étude fait remarquer que dans ces dernières communes, l'accent thiernois est moins prononcé et plus influencé par les autres sous-dialectes adjacents[11].

Dans l'ouvrage « Le parler de Thiers et de sa région » préfacé par Jean Anglade, en 2004, les auteurs déclarent au sujet du sous-dialecte thiernois que « le patois du pays de Thiers ne s'entend quasiment plus que par bribes, le jour de la Foire du Pré »[12].

Lexique

Lexique de mots et expressions du parler thiernois[13] - [14]
Mot ou expression DĂ©finition
Arbaland grand flandrin
Arcandier individu inquiétant, qui cherche à se donner une allure importante, et dont on ignore le genre de ressources
Argaux déchets, rebuts, guenilles (s’emploie aussi comme insulte)
Arnique crapule
Arpions orteils
Artaizons cirons du fromage
Atout gifle ou claque
Aulagnier noisetier dont le fruit est l’ "aulagne"
Bachas/Bachat bac de fontaine, baquet, auge Ă  cochons
Badailler/Bader rĂŞvasser la bouche ouverte
Bade-cul flatteur, lèche-cul
Bado-bé badaud
Baland entraînement produit par la pesanteur
Bame rocher à demi immergé ou surplombant une rivière
Baralhe personne qui divague par moments
Barateler aller et venir en s’affairant et en faisant du bruit
Bargeot pou de tĂŞte
Barnaud niais ; simple ; imbécile ; gogo
Barolhe détraqué, toqué
Bartavelle verrou, loquet de porte
Barouf tapage, grand bruit de querelle
Bechiner lâcher des vesses, des pets
Beleter faire palpiter d’impatience, d’obsession
Berauds piquants des écorces de châtaigne
Belou chéri, joli
Berchu Ă  qui il manque une ou plusieurs dents
Beugne enflure provoquée par un coup au front ou au crâne
Biche sorte de cruche en terre à une seule anse latérale
Boge grand sac, large et profond
Bonnes gens exclamation signifiant : pauvre petit !
Borde minuscule éclat de fer, de fonte, ou d’acier
Bouame flatteuse, mielleuse, insidieuse et perfide
Bouère vairon
Bouiné plissé, ridé
Boulaque grosseur, protubérance, kyste
Boulaquer battre, cabosser, tuméfier
Boulhe fagot de genĂŞts
Bousingot tabatière à fond plat, et à paroi verticale, généralement en écorce de merisier pour les bousingots ordinaires
Cacher faire mal, gĂŞner
Cacole pièce de tôle emboutie formant coquille
Cacolon petit chapeau emboîtant la tête
Cafarote tanière, endroit obscur manquant d’air et de lumière
Cafignon petit recoin sombre et clos
Cagnard Ă  Thiers, le sens de douillet
Calamastre d’humeur rude et cassante
Calet, calette dénudé, dépouillé de sa crasse ou de sa gangue
Cancaille hanneton
Canfouiner se tenir obstinément dans un endroit fermé et sans air
Carafés giroflées
Carine
Casse
Cassi
Castibraille
Caton
Chabraque
Chatille
Chérant
Chichambe
Chicler
Chignoler
Ciboler
Claveler
Corgnolle
Corniau
Coucourle
Coufle
Couiner
Coumi
Courandeler
Couraud, couarde
Cralhat ou craillat
Cralhe ou craille
Cralheux ou Ă©cailleux
Cramer
Cramé
Cramouiller
Creu
Cuit
Daru volontaire, entêté, difficile à mener
Débadigouiller parler d’abondance et très rapidement
Décorniolé / décourniolé qui a le cou à l’air, sans cache-col
Découtir sortir du lit vivement, se dépêcher
Dégueuladji matières vomies
Délandé qui n’a pas envie de travailler
Djaquer fouetter, mener Ă  vive allure
Délhonguer mettre les vêtements en désordre
Déparler délirer, déblatérer, tenir des propos scandaleux
Dépatouiller débrouiller
DĂ©quiller se sauver Ă  toutes jambes
Détramer mettre en ordre des objets rassemblées pêle-mêle
Dîner repas de la mi-journée, de midi ; bon repas
Djingué étriqué, trop juste, en parlant d’un vêtement
Donquer piquer du nez en avant en dormant sur un siège
Dringue flux de ventre
Drudgine ardeur juvénile, besoin de mouvement

Notes et références

  1. Histoire du français en France [PDF].
  2. « Livre: Le souffle de la langue : voies et destins des parlers d'Europe, par Claude Hagège, page 95 », sur Books google (consulté le )
  3. « L'Histoire du Français. La période féodale : l'ancien français. », sur tlfq.ulaval.ca (consulté le )
  4. « Histoire de la langue française, par Jacques Leclerc. », sur Agence intergouvernementale de la Francophonie, (consulté le )
  5. « Histoire du français durant la grande guerre », Université Laval (consulté le )
  6. Claude Duneton, Parler Croquant, Éditions Stock, 1973.
  7. Somme des populations au recensement de 1806 des actuels dĂ©partements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes de l'Ardèche, de l'Ariège, de l'Aude, de l'Aveyron, des Bouches-du-RhĂ´ne, du Cantal, de la Corrèze, de la Creuse, de la Dordogne, de la DrĂ´me, du Gard, de la Haute-Garonne, du Gers, de la Gironde, de l'HĂ©rault, des Landes, de la Haute-Loire, du Lot, du Lot-et-Garonne, de la Lozère, du Puy-de-DĂ´me, des PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques (moins les 109 306 habitants des communes bascophones indiquĂ©s par Coquebert de Montbret), des Hautes-PyrĂ©nĂ©es, du Tarn, du Tarn-et-Garonne, du Var, du Vaucluse et de la Haute-Vienne, ainsi que les 23 communes occitanophones des Fenouillèdes (PyrĂ©nĂ©es-Orientales). Voir base de donnĂ©es Cassini : Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui, « DonnĂ©es : Cartes, territoires et populations », sur ehess.fr, École des hautes Ă©tudes en sciences sociales (consultĂ© le ).
  8. Dany Hadjadj, Pays de Thiers: le regard et la mémoire, Presses Univ Blaise Pascal, (ISBN 978-2-84516-116-0, lire en ligne), p. 261
  9. Dany Hadjadj, Pays de Thiers: le regard et la mémoire, Presses Univ Blaise Pascal, (ISBN 978-2-84516-116-0, lire en ligne), p. 249
  10. Melanges de Linguistique Romaine, Slatkine (lire en ligne)
  11. Dany Hadjadj, Pays de Thiers: le regard et la mémoire, Presses Univ Blaise Pascal, (ISBN 978-2-84516-116-0, lire en ligne), p. 251
  12. « Le parler de Thiers », sur www.editions-des-monts-dauvergne.com (consulté le )
  13. Alexandre Bigay, Société des Etudes Locales et du Musée de Thiers, Thiers, , Mots et locutions du parler de Thiers
  14. « Mots usités à Thiers », sur escoutoux.net (consulté le )

Articles connexes

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