Parc de PumalĂn
Le parc de PumalĂn (en espagnol : parque PumalĂn) est une rĂ©serve naturelle situĂ©e au Chili, couvrant une superficie de 3 250 km2. NĂ© de l'initiative privĂ©e portĂ©e par le couple formĂ© par Kris Tompkins et Douglas Tompkins, fondateurs des marques de textile Esprit et The North Face[N 1], le parc a ensuite vu sa gestion confiĂ©e Ă l'État chilien.
Pays | |
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RĂ©gion | |
Province | |
Commune | |
Coordonnées |
42° 35′ 04″ S, 72° 29′ 46″ O |
Superficie |
3 250 km2 |
Type | |
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Catégorie UICN |
IV (aire de gestion des habitats ou des espèces) |
WDPA | |
Patrimonialité |
Natural Reserve (d) () |
Site web |
Histoire
Idée et développement
En 1991, Douglas Tompkins et sa femme Kris Tompkins décident d'acquérir une grande parcelle de terres à moitié abandonnées dans la vallée de la rivière Reñihué (en), dans la province chilienne de Palena. Douglas Tompkins visite fréquemment les contrées sauvages de la Patagonie depuis le début des années 1960, et est un alpiniste et un fervent défenseur de la cause de la conservation de la nature. Aussi, son achat vise à interdire toute nouvelle exploitation sur sa parcelle de 17 000 ha, principalement couverte de forêts tempérées valdiviennes, un écosystème aussi particulier que fragile et ancien. Pratiquement 98 % de la surface de son parc privé sont acquis auprès de propriétaires fonciers n'habitant pas sur leurs terres.
Après avoir déménagé pour vivre lui-même à Reñihué, Tompkins poursuit ses projets d'acquisition pour créer un parc bien plus grand, achetant les parcelles avoisinantes aux seules personnes désireuses de vendre. Sa fondation pour l'environnement, dénommée « The Conservation Land Trust », prend la suite et continue entre 1991 et 1998 à procéder aux achats fonciers permettant d'agrandie la réserve naturelle. Le Conservation Land Trust parvient ainsi à agrandir le parc de quelque 283 280 ha supplémentaires.
Au total, les quelque 300 km2 de terres achetĂ©es par Tompkins et sa fondation, ensemble baptisĂ© « parque PumalĂn », sont dĂ©clarĂ©s « sanctuaire naturel » (en espagnol : Santuario de la naturaleza) par le prĂ©sident chilien Ricardo Lagos, le . Ce statut apporte au parc des protections supplĂ©mentaires et des garanties Ă©tatiques concernant sa richesse Ă©cologique et encadrer les projets d'amĂ©nagement et d'urbanisation. Plus tard, le Conservation Land Trust fait acte de donation de ces terres Ă la FundaciĂłn PumalĂn, fondation chilienne, lui confiant la gestion et la poursuite des activitĂ©s de protection de la nature pour ce parc national d'initiative privĂ©e[3]. Depuis, les installations du parc accueillent un public de plusieurs dizaines de milliers de personnes chaque annĂ©e.
Le projet développé par les Tompkins et ses fondations consiste à rendre à la nature les terres précédemment exploitées ; en 2009, il avait ainsi pu transformer une grande exploitation ovine en prairies vides de toute exploitation, en retirant plus de 400 km de clôtures du paysage[1]. Ce partisan de l'écologie profonde, disciple du norvégien Arne Næss, constitue ainsi un empire vert, luttant contre toute tentative d'exploitation de la zone[4].
Lors de l'éruption de 2008 du volcan Chaitén, l'accès au parc a dû être interrompu. Les visiteurs ont de nouveau pu s'y rendre en .
L'investissement de Tompkins et sa fondation pour l'achat des terrains est estimé en 2010 à quelque 35 millions de dollars[5]. En 2011, une fraction des terres de Tompkins sont expropriées par le gouvernement de Sebastián Piñera pour procéder aux travaux préparatoires d'un tronçon de 1 200 km de la Carretera Austral, entre Puerto Montt et Coyhaique[6].
En 2014, Douglas Tompkins annonce son souhait de léguer à sa mort la propriété de ses terres à l'État chilien[7].
Oppositions
Ce statut de parc national d'initiative privée est très particulier au sein du contexte général des zones protégées au Chili. En effet, alors qu'aux États-Unis, les initiatives philanthropiques de protection de la nature sont légion depuis fort longtemps, ce type de démarche n'a pas de semblable à une telle échelle au Chili, et a du coup suscité le scepticisme et l'opposition politique à ses débuts. Mais au fur et à mesure de l'évolution du projet de Tompkins, l'homme d'affaires a su gagner la confiance des acteurs, tant au niveau local qu'au niveau national. Toutefois, une extension du parc, prévue avec les 340 km2 gérés par la « Fundación San Ignacio del Huinay », rencontre l'opposition de la trentaine d'habitants qui vivent dans le pays de Huinay (en)[8].
L'opposition se trouve également au plus haut de l'État, avec les critiques formulées par le président alors en exercice Eduardo Frei Montalva, dénonçant à la fois l'expulsion de paysans et les embuches posées par le parc au projet de la Carretera Austral, grande voie de communication devant désenclaver le sud du Chili. Certaines accusations demeurent très fantaisistes, faisant des Tompkins des agents de la CIA, des espions, les promoteurs de l'élevage de bison en Amérique du Sud ou d'un nouvel État sioniste ; ceci a tout de même poussé la police chilienne à implanter un poste de police en plein cœur du parc, pour garder un œil sur les « gringos », et l'armée à déployer une base près du parc, celui-ci partageant une cinquantaine de kilomètres de frontière avec l'Argentine[1].
De plus, les interrogations sur la manière de faire des Tompkins se font entendre au niveau international. En particulier, le fait que le couple Tompkins achète des terres arables qui sont certes délaissées par leurs propriétaires en titre mais cultivées par les habitants du site, et celui que le couple poursuive en justice les exploitants qui construisent des digues pour irriguer ces terres attisent les critiques[9].
Description
GĂ©ographie
Le parc de PumalĂn s'Ă©tend sur 3 250 km2 de la province de Palena au Chili[10]. Le nord du parc jouxte le parc national HornopirĂ©n.
Il se situe au sein d'une région volcanique, avec les volcans Chaitén et Hornopirén au nord.
Biodiversité
L'un des Ă©lĂ©ments moteurs de la dĂ©marche entreprise par Douglas Tompkins est la protection de la biodiversitĂ©. Il ne s'agit pas simplement de permettre aux visiteurs une immersion Ă©phĂ©mère dans un biotope exceptionnel ; la rĂ©serve naturelle de PumalĂn offre Ă©galement les moyens de protĂ©ger activement l'Ă©cosystème, dont sa faune et sa flore. Si la faune chilienne ne peut rivaliser avec celle des rĂ©gions amazoniennes, sa flore est riche de nombreuses espèces et sous-espèces endĂ©miques. Sa forĂŞt tempĂ©rĂ©e dĂ©cidue et mixte spĂ©cifique, la forĂŞt tempĂ©rĂ©e valdivienne, compte Ă elle seule des milliers d'espèces de plantes endĂ©miques. La pluviomĂ©trie annuelle atteint 6 000 mm pour les forĂŞts cĂ´tières du parc de PumalĂn. Cette pluviomĂ©trie exceptionnelle permet Ă cette forĂŞt primaire humide de s'Ă©tendre jusqu'en bord de mer, fait extrĂŞmement rare surtout de nos jours. De plus, le parc contribue Ă la protection des derniers Cyprès de Patagonie, espèce considĂ©rĂ©e comme l'un des plus anciennes encore prĂ©sentes sur terre et dont le parc abrite plus de 25 % des spĂ©cimens restants[1].
Aménagements et fonctionnement
Les acteurs du parc sont pleinement conscients du fort besoin d'adhésion des populations voisines pour que les buts de protection et de valorisation du patrimoine naturel puissent être atteints. Pour ce faire, les démarches sont nombreuses. Il s'agit par exemple de démontrer qu'une agriculture raisonnée, adaptée aux conditions locales, peut permettre de vivre à l'exploitant tout en participant à la protection de la biodiversité. La fondation de Tompkins a également fait construire une école, diffuse des programmes radiophoniques et a créé 150 emplois dans la région[5].
Pour accueillir les visiteurs, le parc dispose d'infrastructures sommaires : chemins, campements, point d'information. Seuls 2 % du parc sont accessibles, et les places sont chères, avec seulement 10 000 visiteurs acceptés chaque année[3]. La sécurité y est assurée par des gardes forestiers sans uniforme, qui patrouillent dans les étendues agricoles autour du sanctuaire naturel. De petites exploitations bios, pratiquant l'élevage, la fabrication de fromage, l'écotourisme, le manufacture lainière ou l'apiculture servent également de relais pour les gardes forestiers ou de centres d'information pour les visiteurs. Ces fonctions mixtes contribuent à la création d'un sentiment d'appartenance parmi les différentes personnes côtoyant le parc, agriculteurs, éleveurs, agents gouvernementaux, membres des fondations philanthropiques.
Le parc de PumalĂn est accessible par route ou par mer. Il constitue la principale destination Ă©cotouristique du Chili. Le site de Caleta Gonzalo (es), au fond du fjord de ReñihuĂ© (en), est la principale zone amĂ©nagĂ©e pour les touristes. Il dispose d'un restaurant, un centre d'information, de bungalows et d'un terrain de camping. Un service de ferrys permet de rejoindre Caleta Gonzalo depuis le village d'HornopirĂ©n pendant les mois d'Ă©tĂ©[11].
Notes et références
Notes
- Le couple a également entrepris des démarches similaires ailleurs en Amérique du sud, dans le cadre des Esteros del Iberá d'une part (voir l'article de Thierry Oberlé, « Le milliardaire qui achète la terre pour sauver la planète », Le Figaro (en ligne),‎ (lire en ligne, consulté le )) et à proximité du Parc national Monte León[1], à chaque fois en Argentine.
Références
- (en) Dan McDougall, « Welcome to my world », The Guardian - en ligne,‎ (lire en ligne, consulté le )
- (es) « La Historia de PumalĂn » (consultĂ© le )
- Jean-Baptiste Mouttet, « Douglas Tompkins, l’homme qui achète la Patagonie », sur www.youphil.com, (consulté le )
- (en) Jens Glüsing, « Eco-Friend or National Foe? A Gringo Buys South America One Ranch at a Time », Spiegel Online International, no 39,‎ (lire en ligne, consulté le ). Traduit de l'allemand à l'anglais par Andrea Edwards.
- (de) Günther Wessel, « Mit Esprit für den Urwald », Greenpeace Magazine, Greenpeace,‎ (lire en ligne, consulté le )
- (es) Radio BiobĂo, « Ministro Golborne informa a Douglas Tompkins sobre expropiaciĂłn en parque PumalĂn », (consultĂ© le )
- (es) G. Oriana Fernández, « Douglas Tompkins: "Estoy seguro de que la Presidenta va a tomar la donaciĂłn del Parque PumalĂn como algo positivo" », La Tercera - en ligne,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
- (es) FundaciĂłn San Ignacio del Huinay, fundaciĂłnhuinay08 : Memoria anual, , 43 p. (lire en ligne [PDF])
- Laurie Mathy, « Acheter la planète pour la sauver ? L’argent ne fait pas tout ! », sur www.opinion-internationale.com, (consulté le )
- (en) « PumalĂn Park » (consultĂ© le )
- (en) « Visiting the park », sur www.parquepumalin.cl (consulté le )
- (de) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en allemand intitulĂ© « PumalĂn-Park » (voir la liste des auteurs).
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « PumalĂn Park » (voir la liste des auteurs).
- (es) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en espagnol intitulĂ© « Parque PumalĂn » (voir la liste des auteurs).
Annexes
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) George Black, « Patagonia under siege », OnEarth, Natural Resources Defense Council,‎ , p. 15-25 (lire en ligne [PDF], consulté le )
Vidéographie
- [vidéo] (en) Buy the Earth, Save the Earth, 27 juillet 2007, 3 min 15 s [présentation en ligne]. Bref reportage sur ABC News.
- [vidéo] Les Guérisseurs de la planète. Le milliardaire vert de Patagonie, 2011, 14 min [présentation en ligne]. Émission suédoise, diffusée sur Arte le .
Liens externes
- (es + en) Site officiel du parc de PumalĂn
- « Le parc PumalĂn, un cadeau de 300 000 hectares offert au Chili », sur www.chile-excepcion.com, (consultĂ© le )