Padre CĂcero
CĂcero RomĂŁo Batista (Crato, 1844 — Juazeiro do Norte, 1934), connu dans la dĂ©votion populaire sous le nom de Padre CĂcero ou de Padim Ciço, Ă©tait un prĂŞtre catholique brĂ©silien[1].
Cicero RomĂŁo Batista | |
Padre CĂcero vers 1924, Ă l’âge de 80 ans. | |
Serviteur de Dieu | |
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Naissance | Crato (Brésil) |
Décès | Juazeiro do Norte (Bresil) |
Nationalité | Brésil |
Entre 1872 et 1889, il connut Ă Juazeiro do Norte, petite bourgade du sud de l’État du Ceará, une carrière de chapelain tout Ă fait conventionnelle, si ce n’est qu’il se signala par son charisme et un apostolat volontaire et dĂ©vouĂ©. Il dĂ©via cependant de l’orthodoxie après avoir eu part Ă un supposĂ© miracle, lors duquel l’hostie administrĂ©e par lui Ă une religieuse se transforma en sang du Christ. Ce miracle, Ă©ventĂ© Ă son insu, valut Ă Padre CĂcero une suspension de ses fonctions de prĂŞtre, mais attira aussi de nombreux pèlerins venus de tout le Nordeste, dont beaucoup se fixèrent dans la bourgade. Celle-ci, qui vit sa population augmenter rapidement, se constitua en une communautĂ© millĂ©nariste schismatique, avant d’obtenir en 1911 le statut officiel de commune.
Ă€ la diffĂ©rence, p.ex., d’un AntĂ´nio Conselheiro, Padre CĂcero s’efforça de ne pas rompre avec l’Église et de s’assurer des alliances chez les coroneis et politiciens locaux. Il fut ainsi Ă©lu maire de sa nouvelle commune en 1913 ; devint ensuite, après avoir pris la tĂŞte d’une troupe de bandits pour appuyer une rĂ©volution armĂ©e qui renversa un gouvernement constitutionnellement Ă©lu, vice-gouverneur du Ceará en 1914 ; et enfin sut, en 1926, se faire Ă©lire dĂ©putĂ© fĂ©dĂ©ral (cependant sans exercer ce mandat). Il accorda un brevet de capitaine Ă Virgulino Ferreira da Silva, alias LampiĂŁo, moyennant que celui-ci attaquât la colonne Prestes alors de passage dans le Nordeste.
Dans le sertão cearense, voire dans tout le Nordeste, il continue jusqu’à aujourd’hui de faire l’objet d’une intense vénération populaire, la réconciliation officielle avec l'Église catholique romaine a eu lieu en décembre 2015 et son proces de béatification s'est ouvert le 20 août 2022 après que le Dicastère pour la Cause des Saints a publié l'édit officiel "nihil obstat" (aucune objection à la cause) et l'a intitulé comme un Serviteur de Dieu.
Biographie
Jeunes années et ordination
NĂ© dans l’arrière-pays (sertĂŁo) de l’État du Ceará, comme fils de Joaquim RomĂŁo Batista et de Joaquina VicĂŞncia Romana, connue sous le nom de dona QuinĂ´, CĂcero RomĂŁo Batista, futur Padre CĂcero, reçut Ă partir de l’âge de 6 ans des leçons d’un prĂ©cepteur, le professeur Rufino de Alcântara Montezuma, et fit sa première communion dans l’église paroissiale de sa ville natale. Ă€ 12 ans, Ă la suite de la lecture d’une biographie de saint François de Sales, il dĂ©cida de faire vĹ“u de chastetĂ©[2]. En 1860, il fut inscrit dans le collège renommĂ© du père Inácio de Sousa Rolim, Ă Cajazeiras dans l’État de ParaĂba. Il n’y resta cependant que peu de temps, la mort inopinĂ©e de son père, victime du cholĂ©ra en 1862, le contraignant Ă interrompre ses Ă©tudes et de s’en retourner auprès de sa mère et de ses sĹ“urs cĂ©libataires. La mort du père, qui avait Ă©tĂ© petit commerçant Ă Crato, occasionna de sĂ©rieuses difficultĂ©s financières Ă la famille, de sorte que quand, plus tard, en 1865, CĂcero RomĂŁo Batista voulut entrer au sĂ©minaire de la Prainha Ă Fortaleza, il ne put le faire que grâce Ă l’aide de son parrain de confirmation, le colonel AntĂ´nio LuĂs Alves Pequeno[2].
Durant son passage au sĂ©minaire, CĂcero RomĂŁo Batista passait pour un Ă©tudiant moyen et, bien qu’il dĂ»t quelques annĂ©es plus tard entraĂ®ner les multitudes par ses sermons, il n’obtint que de basses notes dans les disciplines se rapportant Ă l’art oratoire et Ă l’éloquence[3].
Ordonné prêtre le , il retourna à Crato et, l’évêque ne lui octroyant la charge d’aucune paroisse, il resta dans sa ville natale à enseigner le latin au collège Padre Ibiapina, fondé et dirigé par le professeur et journaliste José Marrocos, son cousin et grand ami.
Arrivée à Tabuleiro Grande
Le jour de noĂ«l 1871, invitĂ© par le professeur SimeĂŁo Correia de Macedo, le père CĂcero visita pour la première fois le hameau de Tabuleiro Grande (ancien nom de l’actuelle ville de Juazeiro do Norte, portĂ© par cette localitĂ© lorsqu’elle dĂ©pendant encore de la proche ville de Crato), et y cĂ©lĂ©bra la traditionnelle messe de minuit, dite messe du coq. Le père visitant, âgĂ© alors de 28 ans, de petite stature, de peau blanche, Ă cheveux blonds, aux yeux bleus pĂ©nĂ©trants et Ă la voix modulĂ©e, fit grande impression sur les habitants du lieu. L’affinitĂ© Ă©tant rĂ©ciproque, il revint au terme de quelques mois, exactement le , avec ses bagages, et accompagnĂ© de quelques membres de sa famille, avec l’intention de se fixer dĂ©finitivement Ă Juazeiro.
À cette époque, le hameau de Tabuleiro Grande n’était guère plus qu’un agglomérat de masures en pisé et de quelques-unes en briques, regroupées autour d’une chapelle érigée par le premier chapelain, le père Pedro Ribeiro de Carvalho, et placée sous le vocable de Notre-Dame des Douleurs, patronne des lieux[4]. La bourgade n’était qu’un simple entrepôt et servait de lieu d’étape à ceux qui se rendaient à Crato.
Deux dĂ©cennies auparavant, dans cette mĂŞme vallĂ©e du Cariri, un mouvement schismatique avait pris naissance, la secte des Serenos, groupe de pĂ©nitents dont le culte comportait la flagellation de ses adeptes. L’arrivĂ©e de Padre CĂcero Ă Juazeiro se situa peu de temps avant la calamiteuse sĂ©cheresse de 1877-1879[5].
Plusieurs sources affirment que Padre CĂcero rĂ©solut de s’établir Ă Juazeiro Ă la suite d’un rĂŞve (ou d’une vision) qu’il avait eu. Selon cette version, certain jour, au crĂ©puscule d’une journĂ©e harassante, après avoir confessĂ© pendant plusieurs heures d’affilĂ©e les habitants du lieu, et voulant se reposer dans la pièce contiguĂ« Ă la salle de classe de la petite Ă©cole, oĂą on lui avait improvisĂ© un logis, il tomba dans le sommeil et eut la vision qui allait changer sa destinĂ©e. Il aperçut alors, selon ce qu’il relata Ă ses amis intimes, JĂ©sus Christ et les douze apĂ´tres assis Ă une table, dans une disposition rappelant la Dernière Cène de LĂ©onard de Vinci. Soudainement il vit entrer dans la pièce une multitude de personnes trimbalant leurs maigres possessions dans de petits paquets, Ă l’image des retirantes (errants jetĂ©s sur les routes par la sĂ©cheresse) nordestins. Le Christ, se tournant vers les affamĂ©s, fit part de la dĂ©ception que lui causait le genre humain, mais dĂ©clara ĂŞtre disposĂ© Ă faire encore un ultime sacrifice pour sauver le monde. Cependant, poursuivit-il, si les hommes ne se repentaient pas immĂ©diatement, il mettrait fin Ă tout pour de bon. Ă€ ce moment, le Christ dĂ©signa les pauvres et, se retournant inopinĂ©ment, ordonna : « Et vous, Padre CĂcero, prenez soin d’eux ! »
Apostolat
Aussitôt qu’installé dans le hameau, il s’attacha tout d’abord à améliorer l’aspect de la chapelle, consacrant les offrandes des fidèles à l’acquisition de plusieurs images.
Ensuite, dans l’ardent désir de conquérir le peuple à lui confié par Dieu, il déploya un intense travail pastoral consistant en prêches, conseils et visites à domicile, fait sans précédent dans la région. Aussi ne tarda-t-il pas à gagner la sympathie des habitants, et acquit-il bientôt un grand ascendant dans la communauté.
Agissant avec sĂ©vĂ©ritĂ©, il s’efforça de redresser les mĹ“urs de la population et Ă combattre l’ivrognerie et la prostitution. Il s’appliqua Ă Ă©liminer les coutumes profanes et Ă remettre en honneur la pratique des sacrements. Sous la devise « Dans chaque maison un atelier, dans chaque atelier un oratoire », de nombreux ateliers de production furent crĂ©Ă©s, oĂą Ă©taient fabriquĂ©s en particulier des bougies, des images saintes et des chaussures. L’habiletĂ© et le charisme du prĂŞtre eurent un fort impact sur la population, qui se vouait de plus en plus Ă la religion et au travail. Padre CĂcero encourageait les fidèles Ă creuser des puits, Ă construire des abris et Ă semer du manioc[5].
Pour l’assister dans le travail pastoral, le père CĂcero dĂ©cida, Ă l’instar de Padre Ibiapina, cĂ©lèbre missionnaire nordestin dĂ©cĂ©dĂ© en 1883, de recruter des femmes cĂ©libataires et des veuves en vue de fonder un ordre religieux laĂŻc, les Maisons de charitĂ© (en port. Casas de Caridade), gĂ©rĂ© par des femmes pieuses (beatas) mais placĂ© sous son entière autoritĂ©, et visant Ă apporter instruction, soins de santĂ© et assistance au peuple.
Cependant, les miracles et les formes extrêmes de religiosité étaient découragés. Pour le reste d’ailleurs, les rapports sociaux et les structures politiques dans Juazeiro do Norte ne différaient guère de ceux prévalant de façon générale dans les sociétés rurales brésiliennes.
L’harmonie civile ainsi restaurĂ©e, la localitĂ© connut alors le dĂ©but d’un prodigieux accroissement de sa population, qui allait se poursuivre dans les dĂ©cennies suivantes ; des alentours affluaient en effet des gens en nombre, dĂ©sireux de rejoindre le nouveau chapelain. Parmi les nouveaux arrivants, que le père CĂcero ne manquait jamais d’accueillir avec empressement, se trouva aussi JosĂ© Lourenço Gomes da Silva, futur chef spirituel de la communautĂ© du CaldeirĂŁo de Santa Cruz do Deserto, la plus cĂ©lèbre des Maisons de charitĂ© Ă©parpillĂ©es aux environs de Juazeiro.
Miracle présumé
En 1889, lors d’une messe cĂ©lĂ©brĂ©e par le père CĂcero, une hostie administrĂ©e par le prĂŞtre Ă la religieuse Maria de AraĂşjo se changea en sang dans la bouche de celle-ci. Selon les rĂ©cits, le mĂŞme phĂ©nomène se rĂ©pĂ©ta plusieurs fois au cours des deux annĂ©es suivantes. BientĂ´t, la nouvelle qu’un miracle s’était produit Ă Juazeiro fut rĂ©pandu par les soins d’ecclĂ©siastiques autres que Padre CĂcero, qui cherchaient Ă exploiter l’évĂ©nement en organisant, Ă partir de tout le nordeste, des pèlerinages vers le lieu, de sorte que, au moment oĂą, p.ex., AntĂ´nio Conselheiro fondait sa propre communautĂ© Ă Canudos dans le nord de la Bahia, quelques centaines de pèlerins s’étaient dĂ©jĂ Ă©tablis dans la Juazeiro cearense et devenus des rĂ©sidents d’une nouvelle citĂ© sainte, laquelle subsista ensuite pendant plus de 50 ans en dĂ©pit de la mesure de suspension prise Ă l’encontre de CĂcero en 1892[6].
Cependant, Ă la requĂŞte de Padre CĂcero, le diocèse convoqua une commission composĂ©e d’ecclĂ©siastiques et de professionnels de la santĂ© afin de soumettre le supposĂ© miracle Ă examen. La commission, qui avait pour prĂ©sident le père ClycĂ©rio da Costa et comme secretaire le père Francisco Ferreira Antero, et dont Ă©taient membres Ă©galement les mĂ©decins Marcos Rodrigues Madeira et Ildefonso Correia Lima, en plus du pharmacien Joaquim Secundo Chaves, mena de longues investigations et fut mĂŞme Ă plusieurs reprises tĂ©moin du phĂ©nomène de transformation de l’hostie. ClĂ´turant son enquĂŞte le , elle arriva Ă la conclusion qu’il n’y avait pas d’explication naturelle des faits survenus, et qu’il s’agissait donc d’un miracle, ce qu'Ildefonso Correia Lima formula ainsi dans une lettre : « (des faits) de l’ordre de ceux observĂ©s ne peuvent pas s’expliquer par le jeu naturel des agents naturels, et force est d’admettre l’intervention d’un agent intelligent occulte qui en reprĂ©sente la cause, et que, dans le cas en question, je pense ĂŞtre Dieu »[7].
Insatisfait de cette expertise, l’évêque Joaquim José Vieira nomma, pour mener une contre-enquête, une nouvelle commission, présidée par le père Alexandrino de Alencar, avec pour secrétaire le père Manoel Cândido. La commission convoqua la religieuse, lui donna la communion, et, ayant constaté que rien d’extraordinaire ne se produisait, conclut qu’il n’y avait point de miracle, et qu’il s’agissait d’une supercherie.
L’évĂŞque Viera se rangea Ă la deuxième expertise et, sur la base de celle-ci, dĂ©cida de suspendre le père CĂcero de ses fonctions sacerdotales et ordonna que fĂ»t claustrĂ©e Maria de AraĂşjo, qui mourut en 1914.
Plus la communautĂ© de CĂcero attirait d’adeptes, plus sa hiĂ©rarchie trouvait Ă redire sur ses pratiques religieuses. Pourtant, Ă la diffĂ©rence d’AntĂ´nio Conselheiro, Padre CĂcero avait fait preuve initialement d’une grande disposition Ă collaborer avec l’archidiocèse local. NĂ©anmoins, comme indiquĂ© ci-haut, il fut suspendu en 1892, et depuis lors demeura, pour le restant de sa vie, engagĂ© dans un conflit permanent avec l’Église, tendant Ă se retrancher dans sa communautĂ© adoptive.
En 1898, le père CĂcero s’en fut Ă Rome, oĂą, Ă l’issue d’un entretien avec le pape LĂ©on XIII et avec des membres de la CongrĂ©gation du Saint-Office, il obtint son absolution. Pourtant, Ă son retour Ă Juazeiro, la dĂ©cision du Vatican fut rĂ©visĂ©e et le père CĂcero se retrouva sous le coup d’une mesure d’excommunication ; cependant, des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es quelques dĂ©cennies plus tard par l'Ă©vĂŞque Fernando Panico suggèrent que ladite excommunication ne fut jamais suivie d’application effective. (Le mĂŞme Fernando Panico conduit Ă l’heure actuelle une procĂ©dure en rĂ©habilitation de Padre CĂcero auprès du Vatican.) En plus des dĂ©marches Ă Rome, CĂcero tenta aussi d’obtenir, lors de ses demandes de rĂ©tablissement dans ses fonctions de prĂŞtre, l’appui de coroneis locaux et de personnalitĂ©s civiles. Parallèlement, lorsque leur chef fut menacĂ© d’excommunication, les adeptes de CĂcero entreprirent de lever des fonds par le biais d’associations catholiques laĂŻques, envoyèrent des Ă©missaires pour plaider leur cause, publièrent des communiquĂ©s dans la presse tant religieuse que seculière, et lancèrent des dizaines de pĂ©titions.
Implication dans la vie politique
Depuis le dĂ©but du XXe siècle, le bourg de Tabuleiro Grande (ancien nom de Juazeiro do Norte) cherchait Ă se dĂ©tacher (« s’émanciper ») de la ville de Crato, en arguant que le bourg Ă©tait devenu plus grand et plus important que le chef-lieu de commune. Tabuleiro Grande en effet avait connu une croissance surprenante, et rivalisait y compris avec la capitale d’État Fortaleza. Le mouvement favorable Ă l’émancipation gagna en vigueur en 1909 avec la venue du père Alencar Peixoto et de JosĂ© Marrocos, qui ensemble fondèrent le journal O Rebate (l’Algarade), qui devint le principal organe du projet[8]. La mĂŞme annĂ©e, pour appuyer la revendication, Ă©clata une grève gĂ©nĂ©rale de la population, fort prĂ©judiciable Ă l’économie de Crato[9] et en 1910 fut organisĂ©e une marche pour l’émancipation, qui rĂ©unit approximativement quinze mille personnes[9]. Le , l’émancipation fut accordĂ©e Ă travers la loi no 1.028[10], et la mĂŞme annĂ©e, CĂcero RomĂŁo Batista, qui s’était affiliĂ© au feu Parti rĂ©publicain conservateur (PRC), fut Ă©lu premier maire de la nouvelle municipalitĂ© autonome, laquelle prit le nom de Joaseiro (rĂ©fĂ©rence Ă une espèce d’arbre, typique de la rĂ©gion)[11].
Le , le père CĂcero et 16 autres dirigeants politiques de la rĂ©gion se rĂ©unirent Ă Juazeiro et signèrent un accord de coopĂ©ration en mĂŞme temps qu’ils s’engageaient Ă appuyer le gouverneur AntĂ´nio Pinto Nogueira Accioli. La rencontre reçut le sobriquet de Pacte des coronels, et passe pour un moment important de l’histoire du coronĂ©lisme brĂ©silien[12].
En 1913, il fut destitué de sa fonction de maire par le gouverneur Marcos Franco Rabelo, mais revint au pouvoir en 1914, après que le même Franco Rabelo eut été déposé lors de l’événement connu sous l’appellation de sédition de Juazeiro. Aux élections qui suivirent, il fut élu vice-gouverneur de l’État du Ceará, dans le gouvernement du général Benjamin Liberato Barroso. En 1926, il fut élu député fédéral, mais n’exerça jamais son mandat[1].
Vers la fin de la dĂ©cennie 1920, l’influence politique de padre CĂcero commença Ă pĂ©ricliter et cessa quasiment d’exister après la rĂ©volution de 1930. Ă€ l’inverse, son prestige comme saint et thaumaturge ne devait cesser d’augmenter[13].
Liens avec le banditisme
Virgulino Ferreira da Silva, dit LampiĂŁo (« lanterne »), cĂ©lèbre chef de bande, Ă©tait dĂ©vouĂ© Ă Padre CĂcero, respectait ses croyances et observait ses prĂ©ceptes. Les deux hommes se rencontrèrent une seule fois, Ă Juazeiro do Norte, en 1926. Cette annĂ©e-lĂ , la colonne Prestes, emmenĂ©e par LuĂs Carlos Prestes, parcourut l’intĂ©rieur du BrĂ©sil en dĂ©fiant le gouvernement fĂ©dĂ©ral. Pour la combattre furent alors mises sur pied les dĂ©nommĂ©s bataillons patriotiques, placĂ©s sous les ordres de chefs rĂ©gionaux qui souvent se laissaient aller Ă enrĂ´ler des cangaceiros, bandits de grand chemin.
Sur cette rencontre, deux versions circulent. Selon l’une, diffusĂ©e par Billy Jaynes Chandler, le prĂŞtre aurait convoquĂ© LampiĂŁo pour l’amener Ă se joindre au bataillon patriotique de Juazeiro, en contrepartie d’une amnistie de ses crimes et du titre de capitaine[14]. Selon l’autre version, que dĂ©fendent Lira Neto et Anildomá Willians, l’invitation adressĂ©e Ă LampiĂŁo aurait Ă©tĂ© faite par Floro Bartolomeu Ă l’insu de Padre CĂcero. En tout Ă©tat de cause, il est certain qu’arrivĂ©s Ă Juazeiro, LampiĂŁo et les 49 cangaceiros qui l’accompagnaient entendirent Padre CĂcero leur conseiller d’abandonner le brigandage. Comme LampiĂŁo exigeait de recevoir le titre de capitaine qui lui avait Ă©tĂ© promis, Pedro de Albuquerque Uchoa, seul fonctionnaire public fĂ©dĂ©ral prĂ©sent dans la commune, Ă©crivit sur une feuille de papier que LampiĂŁo serait Ă partir de ce moment capitaine et bĂ©nĂ©ficierait d’une amnistie pour ses crimes. La bande quitta ensuite Juazeiro sans affronter la colonne Prestes.
Mort et postérité
Le père CĂcero mourut Ă Juazeiro do Norte le , Ă l’âge de 90 ans, et fut inhumĂ© en l’église Notre-Dame-du-PerpĂ©tuel-Secours de cette mĂŞme ville du Ceará.
Les familles dans le sertĂŁo cearense, voire dans le nordeste tout entier, y compris celles bien intĂ©grĂ©es dans l’Église catholique rĂ©gulière, ont coutume d’accrocher des images et des effigies du « saint » père CĂcero dans leurs maisons, afin de les garder des mauvais esprits et d’invoquer sa protection, coutume qui s’est perpĂ©tuĂ©e jusqu’à aujourd’hui[15].
En 1973, CĂcero RomĂŁo Batista fut canonisĂ© par l’« Église catholique apostolique du BrĂ©sil » non reconnue par Rome.
En , un monument en hommage au père CĂcero RomĂŁo Batista a Ă©tĂ© inaugurĂ© par le maire alors en fonction, Mauro Sampaio ; la statue, pour laquelle le projet initial prĂ©voyait une hauteur de sept mètres, atteint, après rĂ©vision dudit projet et redimensionnement de la statue, une hauteur de 27 mètres, se classant ainsi, pour la taille, au troisième rang mondial des statues de bĂ©ton ; sculptĂ©e par l’artiste Armando Lacerda, elle se dresse sur les hauteurs dominant la ville de Juazeiro, dans un lieu de la Serra do CatolĂ© dĂ©nommĂ© Colina do Horto, que le prĂŞtre prĂ©dilectionnait pour ses retraites spirituelles. Selon une estimation, le monument attirerait un nombre de visiteurs de l’ordre de 2,5 millions par an. Le site comprend Ă©galement un petit musĂ©e vivant (Museu Vivo) et une Ă©glise, l’Igreja de Bom Jesus do Horto ; le mur de soutènement du terre-plein qui porte la statue comporte sur l’une de ses faces un vaste tableau en bas-relief, de 17 mètres sur 4, reprĂ©sentant la Dernière Cène.
En , CĂcero RomĂŁo Batista fut Ă©lu Cearense du siècle lors d’un vote organisĂ© par la chaĂ®ne TV Verdes Mares en partenariat avec Rede Globo[16], et en , le public le choisit comme l’un des 100 plus grands BrĂ©siliens de tous les temps lors d’un consultation menĂ©e par la chaĂ®ne SBT en collaboration avec la BBC[17].
Procès de béatification et de canonisation
Le 20 aoĂ»t 2022, lors d'une messe cĂ©lĂ©brĂ©e Ă Largo da Capela do Socorro, Ă Juazeiro do Norte, l'Ă©vĂŞque du diocèse de Crato Dom Magnus Henrique Lopes a annoncĂ© qu'il avait reçu une lettre de la CongrĂ©gation pour les causes des saints, l’organisme du Vatican responsable des procès de bĂ©atification et de canonisation, l’informant de l'autorisation du Pape François pour l'ouverture du procès de bĂ©atification du Père CĂcero. Avec l'autorisation du Vatican, le Père CicĂ©ro reçoit automatiquement le titre de « Serviteur de Dieu »[18] - [19].
Bibliographie
- Pedro Ferreira de Aquin, O Santo do Meu Nordeste - Padre CĂcero RomĂŁo Batista, Ed. Letras & Letras, SĂŁo Paulo 1997. (ISBN 85-85-387-63-7)
- Geraldo Menezes Barbosa, RelĂquia: o mistĂ©rio do sangue das hĂłstias de Juazeiro do Norte, Gráfica e Editora Royal, Juazeiro do Norte 2004.
- Geraldo Menezes Barbosa, A um Sopro do Infinito, Realce, Juazeiro do Norte 2007.
- Billy Jaynes Chandler, LampiĂŁo, Paz e Terra, Rio de Janeiro 2003.
- Ralph Della Cava, Milagre em Joazeiro, Paz e Terra, Rio de Janeiro 1976.
- Lira Neto, Padre CĂcero: Poder, FĂ© e Guerra no SertĂŁo, Companhia das Letras, SĂŁo Paulo 2009.
- Edianne S. Nobre, O Teatro de Deus: as beatas do Padre CĂcero e o espaço sagrado de Juazeiro (1889-1898) , Edições IMEPH/UFC, Fortaleza 2011.
- Antenor Andrade Silva, Cartas do Pe. CĂcero, Salvador - Bahia, 1982.
- Anildomá Willans Souza, Lampião: Nem herói nem bandido... A história GDM Gráfica, Serra Talhada 2006.
Notes et références
- « Finados: devoção a Padre CĂcero deve levar 400 mil pessoas a Juazeiro do Norte » (consultĂ© le )
- « Padre CĂcero RomĂŁo Batista » (consultĂ© le )
- O que Lula e Padre CĂcero tĂŞm em comum?
- IBGE, HistĂłrico de Juazeiro do Norte
- Robert M. Levine, Vale of Tears, University of California Press, p. 221.
- Robert M. Levine, Vale of Tears, University of California Press, p. 129.
- Extrait de la lettre rédigée par Ildefonso Correia Lima et reconnue comme telle par les archives de Crato.
- « IndependĂŞncia polĂtica de Juazeiro » (consultĂ© le )
- « O Poder PolĂtico em Juazeiro do Norte Mudanças e PermanĂŞncias - As Eleições de 2000 », Scribd (consultĂ© le )
- « Perfil Básico Municipal » (consulté le )
- « Finados: devoção a Padre CĂcero deve levar 400 mil pessoas a Juazeiro do Norte », Rede Brasil Atual (consultĂ© le )
- O Poder PolĂtico em Juazeiro do Norte - Mudancas e PermanĂŞncias - As Eleições de 2000
- Turner Publishing, Inc. et Century Books, Inc. Nosso Tempo - Padre CĂcero: o Santo e o PolĂtico, volume I, Ă©d. Klick 1995, p. 99.
- Lampião (Virgulino Ferreira da Silva) « Copie archivée » (version du 23 mai 2011 sur Internet Archive)
- Robert M. Levine, Vale of Tears, University of California Press, p. 222.
- Pequena Biografia do Padre CĂcero - O Cearense do SĂ©culo
- (pt) « Sistema Brasileiro de Televisão », sur sbt.com.br (consulté le ).
- (pt) Cardeal Orani JoĂŁo Tempesta, « Padre CĂcero, servo de Deus », sur Vatican News,
- (pt) Lena Sena et Ednardo Alves, « Vaticano autoriza inĂcio de processo de beatificação de Padre CĂcero, diz Diocese do Crato », O Globo,