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Orgues d'Ille-sur-TĂȘt

Les Orgues d'Ille-sur-TĂȘt sont des cheminĂ©es de fĂ©e situĂ©es sur un site gĂ©ologique et touristique de la commune d'Ille-sur-TĂȘt, dans le dĂ©partement français des PyrĂ©nĂ©es-Orientales.

  • Pitons de terre blanche friable surmontĂ©s de pierres et d'arbustes se dressant dans le ciel
    Orgues d'Ille-sur-TĂȘt
  • Le parcours amĂ©nagĂ© des Orgues
    Le parcours aménagé des Orgues
  • Orgues sur fond de Canigou
    Orgues sur fond de Canigou
  • Le site des orgues. Septembre 2019.
    Le site des orgues. Septembre 2019.
Orgues d'Ille-sur-TĂȘt
Les Orgues et Força Real au loin
Présentation
Type
Hoodoo (d)
Patrimonialité
Coordonnées
42° 41â€Č 09″ N, 2° 37â€Č 16″ E
Localisation sur la carte de France
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Localisation sur la carte des Pyrénées-Orientales
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Elles résultent de l'érosion de roches sédimentaires vieilles de quatre millions d'années.

GĂ©ographie

Localisation

Le site des Orgues se situe au nord de la commune d’Ille-sur-TĂȘt, sur la rive gauche de la TĂȘt. L’accĂšs se fait depuis la route nationale 116 vers le nord par la route dĂ©partementale D2 qui monte en direction de Montalba-le-ChĂąteau, puis vers l'est en direction du monastĂšre Saint-ClĂ©ment de Reglella pour la partie ouverte au public. Un autre site se situe Ă  l'ouest de la route dĂ©partementale D2[1].

Relief

Le site des Orgues d’Ille-sur-TĂȘt prĂ©sente un relief particulier que l’on dĂ©signe sous le nom de cheminĂ©e de fĂ©e. Le site varie en altitude, entre ses points les plus bas et les plus Ă©levĂ©s, d'environ 140 Ă  220 mĂštres d'altitude pour la partie orientale du site, et jusqu'Ă  244 mĂštres pour la partie occidentale[1].

Une cheminĂ©e de fĂ©e est un modelĂ© d’érosion diffĂ©rentielle qui se prĂ©sente sous la forme d’une colonne de roche tendre surmontĂ©e par une coiffe plus rĂ©sistante. L’action des agents d’érosion est plus intense sur la partie tendre, donc sur la colonne dont le diamĂštre diminue au fil du temps. L’érosion aidant, le chapeau perd progressivement ses assises, il finira par s’effondrer, d’un bloc ou en morceaux selon sa morphologie. Une fois sa coiffe perdue, la colonne s’estompe beaucoup plus vite[2].

Toponymie

Les cartes anciennes, jusqu'Ă  la moitiĂ© du XXe siĂšcle, ne mentionnent jamais le site des Orgues d'Ille-sur-TĂȘt[1], celui-ci n'Ă©tant jadis sans doute pas un but d'excursion connu. L'appellation des Orgues elle-mĂȘme semble relativement rĂ©cente, bien que le terme soit donnĂ© par exemple en 1947 pour dĂ©signer la partie orientale du site sous le nom des orgues de la Sibylle, nom donnĂ© par analogie avec des tuyaux d'orgue[3].

La partie occidentale des Orgues, situĂ©e entre le lieu-dit de Casesnoves et la route de Montalba-le-ChĂąteau, ne semble pas avoir eu de nom particulier. Il en est autrement pour la partie orientale, dont certains secteurs ont abritĂ© diffĂ©rentes activitĂ©s. Le lieu-dit est notamment mentionnĂ© sous le nom de Els Terrers. Ce terme, issu du latin terra suivi du suffixe de collectif -ariu, dĂ©signe gĂ©nĂ©ralement soit un dĂ©pĂŽt de terre cultivable qui serait le rĂ©sultat de l'Ă©rosion, soit Ă©galement, ce qui semble ĂȘtre plutĂŽt le cas ici, une carriĂšre d'argile, souvent exploitĂ© dans des tuileries[4]. La carte IGN de 1950 mentionne d'ailleurs le site sous le nom de Les Tuileries[1].

Le nom orgues de la Sibylle tient sa qualification d'un petit chĂąteau situĂ© immĂ©diatement au nord du site, le chĂąteau de La Sibylle, lequel vient peut-ĂȘtre de la lĂ©gende de Sibylle de Narbonne, morte assassinĂ©e par son mari AndrĂ© de Fenouillet, vicomte d'Ille au XIVe siĂšcle[4].

Histoire géologique

Mise en place des matériaux

Aux alentours de -14 Ma, le Roussillon est une vaste plaine d’accumulation, une surface monotone dominĂ©e par des reliefs rĂ©siduels tels le Piton de Força RĂ©al. Le niveau de la mer est 100 m plus Ă©levĂ© que l’actuel, un climat nettement tropical domine. Les paysages du Roussillon Ă©voquent le Sahel ou les savanes du Kenya[5].

De −5,96 Ă  - 5,3 Ma, le dĂ©troit de Gibraltar se referme sous les effets de la tectonique (dĂ©rive des continents). La mer MĂ©diterranĂ©e est privĂ©e des apports en eau de l’ocĂ©an Atlantique, elle voit son niveau chuter de plus de 1 500 m. Cet Ă©pisode est appelĂ© « crise MessĂ©nienne Â». Pendant cette pĂ©riode, le Roussillon est entaillĂ© de profonds canyons par des fleuves qui gagnent en vigueur du fait de l’important dĂ©nivelĂ© qui les sĂ©pare dĂ©sormais du niveau de base.

Il y a 5,3 Ma lorsque la remise en eau de la mer MĂ©diterranĂ©e s’effectue sous le coup d’un nouveau mouvement des plaques, la mer MĂ©diterranĂ©e envahit des reliefs bien diffĂ©renciĂ©s. Le Roussillon se transforme en un golfe marin. La vallĂ©e de la TĂȘt ressemble Ă  un bras de mer limitĂ© au sud par les collines des Aspres et au nord par l’escarpement granitique du plateau de Montalba. Le rivage atteint le col de TernĂšre, ce qui correspond Ă  une intrusion marine de + 80 m par rapport au niveau actuel.

Avec la remontĂ©e des eaux, les fleuves vont dĂ©poser des matĂ©riaux qui soutiennent aujourd’hui ou arment les falaises du site des Orgues. Le remplissage pliocĂšne des vallĂ©es creusĂ©es au messĂ©nien prĂ©sente un faciĂšs caractĂ©ristique de Gilbert deltas que le professeur Clauzon a mis en Ă©vidence[6] - [7].

  • Le pliocĂšne marin argileux s’est dĂ©posĂ© dans les zones de plus forte profondeur, suivant de grandes obliques de 10° de pendage.
  • Le pliocĂšne marin sableux s’est dĂ©posĂ© dans des profondeurs moindres. Il est essentiellement constituĂ© d’élĂ©ments fluviatiles bien arrondis, non cimentĂ©s, qui crĂ©ent par « systĂšme d’avalanche Â» de grandes obliques qui peuvent atteindre 35° de pendage.
  • Le pliocĂšne continental s’est dĂ©posĂ© en amont, dans la partie Ă©mergĂ©e. Il regroupe un ensemble de formations qui sont d’amont en aval : des cĂŽnes alluviaux, avec blocs arrachĂ©s par l’érosion dans l’arriĂšre-pays, des faciĂšs palustres, des faciĂšs sableux alluviaux de structure planaire et des faciĂšs marins sableux qui correspondent Ă  d’anciens niveaux de plage.         

Pendant le pliocĂšne le comblement se poursuit, il s’étale sur des millions d’annĂ©es. Au fur et Ă  mesure des apports sĂ©dimentaires, le rivage est repoussĂ© vers sa limite actuelle et le paysage Ă©volue en consĂ©quence : la baie se transforme en un marais maritime, puis en une zone palustre aux eaux douces et stagnantes, enfin le fleuve prend possession de l’espace, il Ă©tale dans la vallĂ©e ses bras indolents en chenaux anastomosĂ©s formant ce qui est appelĂ© des cours d'eau en tresses.

À cette Ă©poque le paysage ressemble Ă  la savane africaine, des Ă©tendues de hautes herbes, jaunies par le soleil et battues par les vents s’étalent jusqu’aux collines arborĂ©es. Quelques grands arbres de la famille des acacias Ă©mergent tels des parasols immenses. On retrouve des singes, des rongeurs, des Ă©lĂ©phants (Anancus arvernensis), des rhinocĂ©ros, des hippopotames, des tortues terrestres, des gazelles, des renards, des lynx, mais aussi des espĂšces telles que l’hipparion (ancĂȘtre du cheval actuel) ou le machairodus (grand fĂ©lin)[8].

C’est une Ă©poque charniĂšre dans l’évolution climatique de la planĂšte, l’aridification progressive de ce climat tropical permet l’apparition du climat mĂ©diterranĂ©en et prĂ©figure le refroidissement quaternaire.

Au quaternaire la Tet Ă©tage un ensemble de terrasses alluviales. Elles rĂ©sultent de l’enfoncement du rĂ©seau fluviatile dans les dĂ©pĂŽts pliocĂšnes puis de remblaiements successifs liĂ©s aux variations eustatiques de la mer mĂ©diterranĂ©e.

En effet, lors des pics glaciaires, l’énorme quantitĂ© d’eau monopolisĂ©e sous forme de glace continentale fait baisser le niveau marin. Il y a 18 000 ans par exemple, la mĂ©diterranĂ©e est 120 m sous son niveau actuel. Lors des pĂ©riodes de rĂ©chauffement, la glace fond, les eaux remontent et les fleuves surchargĂ©s sont contraints d’alluvionner.

Matte roudoune

A Ille-sur-Tet, la plus ancienne terrasse (T5) date du Villafranchien, elle couronne les sédiments de la Matte Roudoune.

Le site des Orgues doit sa coiffe, et donc son existence, aux premiers froids quaternaires puisqu’en chapeautant les couches plus tendre du pliocĂšne cette nappe de blocaille a permis aux terrains plus fragiles sous-jacents d'ĂȘtre protĂ©gĂ©s de l'Ă©rosion et donc de traverser le temps jusqu’à nous.

Évolution du site

De nos jours l’évolution du site est rapide, les falaises de matiĂšre sĂ©dimentaire sont Ă  nu. Quelques Ăźlots de vĂ©gĂ©tation subsistent sur les sommets, ils sont trop dissĂ©minĂ©s pour prĂ©server efficacement les sols de l’érosion.

L’intensitĂ© des pluies mĂ©diterranĂ©ennes n’aide pas. Ces prĂ©cipitations violentes favorisent le ruissellement : les incisions linĂ©aires sont vives, les pentes dĂ©vĂ©gĂ©talisĂ©es sont entaillĂ©es de ravines, les sols s’appauvrissent puis partent avec le lessivage. Sur les parois verticales, l’érosion est devenue maitresse du lieu, Ă  part quelques mousses et lichens, les plantes ne peuvent plus recoloniser l’espace.

Au contraire, les pentes les plus douces sont encore vĂ©gĂ©talisĂ©es et donc protĂ©gĂ©es. Elles sont recouvertes d’essences mĂ©diterranĂ©ennes capables de rĂ©sister Ă  l’ariditĂ© estivale. On retrouve des chĂȘnes verts, des chĂȘnes pubescents, des pistachiers lentisques, des arbousiers, de la lavande stoechas, des immortelles communes, du thym, du romarin, des cistes cotonneux, des cistes Ă  feuilles de laurier, des cistes de Montpellier, de la bruyĂšre arborescente, des asparagus etc.

Le site prĂ©sente donc un aspect contrastĂ© ou la vĂ©gĂ©tation dispute Ă  la roche dĂ©nudĂ©e l’espace nĂ©cessaire Ă  sa survie.

Histoire humaine

PĂ©riode agricole

Depuis 1775 la vigne est en pleine extension dans le Roussillon. AprĂšs la crise de l’oĂŻdium et celle du phylloxera qui ont eu des consĂ©quences Ă©conomiques dĂ©plorables, les viticulteurs roussillonnais privilĂ©gient le rendement Ă  la qualitĂ©. Un choix qui les conduit lentement vers une crise de surproduction. En 1903 la vigne occupe plus de la moitiĂ© de la surface agricole du Roussillon, elle a perdu du terrain dans quelques communes comme celle d’Ille-sur-TĂȘt oĂč prospĂšrent surtout la cĂ©rĂ©aliculture et les herbages. Les jardins forment autour du village une ceinture verdoyante qui offre des revenus beaucoup plus stables que ceux de la vigne en crise. GrĂące Ă  l’excellent rĂ©seau d’irrigation l’horticulture triomphe de la sĂ©cheresse estivale. La puissance du soleil permet des rĂ©coltes variĂ©es et naturellement prĂ©coces. Les jardins souvent assis en contrebas profitent du limon fluvial, ils sont protĂ©gĂ©s de la tramontane par des haies de cyprĂšs ou par des clayonnages de roseaux[9].

L’arrivĂ©e, puis le dĂ©veloppement du chemin de fer, ouvrent des perspectives nouvelles dans la vallĂ©e de la TĂȘt, l’horticulture prendra le pas sur la cĂ©rĂ©aliculture ou sur la viticulture.

Dans la rĂ©gion d’Ille sur TĂȘt la cuture de pĂȘche devient le fer de lance de l’activitĂ© Ă©conomique. Les vergers occupent de plus en plus d’espace, jusqu’à forcer les exploitants Ă  reconquĂ©rir les mauvaises terres de la rive Ă©corchĂ©e pour y planter des arbres qui donneront d’excellentes pĂȘches de vigne.

Aujourd’hui la plupart de ces terrains sont recouverts par la garrigue. De la pĂ©riode agricole il ne subsiste de rares vergers de pĂȘchers et quelques jardins d’oliviers.

Gestion et administration

Le site est classĂ© en 1981 dans le cadre de la loi du relative Ă  la protection « des monuments naturels et des sites Ă  caractĂšre artistique, historique, scientifique, lĂ©gendaire ou pittoresque »[10]. Il s’agit alors d’un verger de pĂȘchers situĂ© dans un amphithĂ©Ăątre naturel au cadre Ă©poustouflant. L’exploitant poursuit son activitĂ© agricole jusqu’en 1992. Aujourd’hui encore la visite s’articule autour des trois terrasses qu’il a amĂ©nagĂ© pour planter ses arbres.

En 1992 la mairie d’Ille-sur-TĂȘt rachĂšte le site. DĂšs lors, du personnel s’occupe de l’accueil et de la sĂ©curitĂ©. L’entretien est rĂ©gulier, un parking est mis en place, l’accĂšs se voit rĂ©glementĂ© par un droit d’entrĂ©e.

En 1996 le site est rattachĂ© au « le PĂŽle d’économie du patrimoine Â» un EPIC qui a pour mission de dĂ©velopper le tourisme dans l’arriĂšre-pays catalan. Il travaille en collaboration avec une trentaine de communes et d’autres lieux touristiques tels : le chĂąteau musĂ©e de BĂ©lesta, l’hospice d’Ille-sur-TĂȘt, la tour des parfums de Mosset ou le musĂ©e de l’agriculture de Saint-Michel-de-Llotes.

L’EPIC dĂ©pose le bilan en 2001 et depuis la commune d’Ille-sur-TĂȘt assume seule la gestion et l’entretien du site.

Notes et références

  1. Carte IGN sous GĂ©oportail
  2. (en) « Géologie : Les hoodoos », National Park Service, (consulté le )
  3. Émile Delonca et LĂ©on Delonca, Un village en Roussillon : Illa, terra de RossellĂł, Perpignan, Impr. du Midi, , 436 p. (BNF 32012190)
  4. LluĂ­s Basseda, Toponymie historique de Catalunya Nord, t. 1, Prades, Revista Terra Nostra, , 796 p.
  5. Jean Claude Bousquet, La géologie du Languedoc Roussillon, p. 79
  6. Clauzon G. 1990. Restitution de l’évolution gĂ©odynamique nĂ©ogĂšne du bassin du Roussillon et de l'unitĂ© adjacente des CorbiĂšres d'aprĂšs les donnĂ©es Ă©cographiques et palĂ©ogĂ©ographiques. PalĂ©obiologie Continentale, 17, 125-155.
  7. Elisabeth Le Goff, Marc Calvet, Anne-Marie Moigne, CuriositĂ©s GĂ©ologiques des PyrĂ©nĂ©es-Orientales, OrlĂ©ans : BRGM Éditions, 2018, (ISBN 978-2-7159-2660-8), site 8, pages 70-71.
  8. Charles Depéret, Les animaux pliocÚnes du Roussillon
  9. Ph. Arbos, « La plaine du Roussillon », Annales de GĂ©ographie, vol. 19, no 104,‎ , p. 150-168 (lire en ligne, consultĂ© le )
  10. Site officiel du site des Orgues

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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