Orgues d'Ille-sur-TĂȘt
Les Orgues d'Ille-sur-TĂȘt sont des cheminĂ©es de fĂ©e situĂ©es sur un site gĂ©ologique et touristique de la commune d'Ille-sur-TĂȘt, dans le dĂ©partement français des PyrĂ©nĂ©es-Orientales.
- Orgues d'Ille-sur-TĂȘt
- Le parcours aménagé des Orgues
- Orgues sur fond de Canigou
- Le site des orgues. Septembre 2019.
Type |
Hoodoo (d) |
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Patrimonialité |
Site classé (1981) |
Pays | |
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RĂ©gion | |
DĂ©partement | |
Commune |
Coordonnées |
42° 41âČ 09âł N, 2° 37âČ 16âł E |
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Elles résultent de l'érosion de roches sédimentaires vieilles de quatre millions d'années.
GĂ©ographie
Localisation
Le site des Orgues se situe au nord de la commune dâIlle-sur-TĂȘt, sur la rive gauche de la TĂȘt. LâaccĂšs se fait depuis la route nationale 116 vers le nord par la route dĂ©partementale D2 qui monte en direction de Montalba-le-ChĂąteau, puis vers l'est en direction du monastĂšre Saint-ClĂ©ment de Reglella pour la partie ouverte au public. Un autre site se situe Ă l'ouest de la route dĂ©partementale D2[1].
Relief
Le site des Orgues dâIlle-sur-TĂȘt prĂ©sente un relief particulier que lâon dĂ©signe sous le nom de cheminĂ©e de fĂ©e. Le site varie en altitude, entre ses points les plus bas et les plus Ă©levĂ©s, d'environ 140 Ă 220 mĂštres d'altitude pour la partie orientale du site, et jusqu'Ă 244 mĂštres pour la partie occidentale[1].
Une cheminĂ©e de fĂ©e est un modelĂ© dâĂ©rosion diffĂ©rentielle qui se prĂ©sente sous la forme dâune colonne de roche tendre surmontĂ©e par une coiffe plus rĂ©sistante. Lâaction des agents dâĂ©rosion est plus intense sur la partie tendre, donc sur la colonne dont le diamĂštre diminue au fil du temps. LâĂ©rosion aidant, le chapeau perd progressivement ses assises, il finira par sâeffondrer, dâun bloc ou en morceaux selon sa morphologie. Une fois sa coiffe perdue, la colonne sâestompe beaucoup plus vite[2].
Toponymie
Les cartes anciennes, jusqu'Ă la moitiĂ© du XXe siĂšcle, ne mentionnent jamais le site des Orgues d'Ille-sur-TĂȘt[1], celui-ci n'Ă©tant jadis sans doute pas un but d'excursion connu. L'appellation des Orgues elle-mĂȘme semble relativement rĂ©cente, bien que le terme soit donnĂ© par exemple en 1947 pour dĂ©signer la partie orientale du site sous le nom des orgues de la Sibylle, nom donnĂ© par analogie avec des tuyaux d'orgue[3].
La partie occidentale des Orgues, situĂ©e entre le lieu-dit de Casesnoves et la route de Montalba-le-ChĂąteau, ne semble pas avoir eu de nom particulier. Il en est autrement pour la partie orientale, dont certains secteurs ont abritĂ© diffĂ©rentes activitĂ©s. Le lieu-dit est notamment mentionnĂ© sous le nom de Els Terrers. Ce terme, issu du latin terra suivi du suffixe de collectif -ariu, dĂ©signe gĂ©nĂ©ralement soit un dĂ©pĂŽt de terre cultivable qui serait le rĂ©sultat de l'Ă©rosion, soit Ă©galement, ce qui semble ĂȘtre plutĂŽt le cas ici, une carriĂšre d'argile, souvent exploitĂ© dans des tuileries[4]. La carte IGN de 1950 mentionne d'ailleurs le site sous le nom de Les Tuileries[1].
Le nom orgues de la Sibylle tient sa qualification d'un petit chĂąteau situĂ© immĂ©diatement au nord du site, le chĂąteau de La Sibylle, lequel vient peut-ĂȘtre de la lĂ©gende de Sibylle de Narbonne, morte assassinĂ©e par son mari AndrĂ© de Fenouillet, vicomte d'Ille au XIVe siĂšcle[4].
Histoire géologique
Mise en place des matériaux
Aux alentours de -14 Ma, le Roussillon est une vaste plaine dâaccumulation, une surface monotone dominĂ©e par des reliefs rĂ©siduels tels le Piton de Força RĂ©al. Le niveau de la mer est 100 m plus Ă©levĂ© que lâactuel, un climat nettement tropical domine. Les paysages du Roussillon Ă©voquent le Sahel ou les savanes du Kenya[5].
De â5,96 Ă - 5,3 Ma, le dĂ©troit de Gibraltar se referme sous les effets de la tectonique (dĂ©rive des continents). La mer MĂ©diterranĂ©e est privĂ©e des apports en eau de lâocĂ©an Atlantique, elle voit son niveau chuter de plus de 1 500 m. Cet Ă©pisode est appelĂ© « crise MessĂ©nienne ». Pendant cette pĂ©riode, le Roussillon est entaillĂ© de profonds canyons par des fleuves qui gagnent en vigueur du fait de lâimportant dĂ©nivelĂ© qui les sĂ©pare dĂ©sormais du niveau de base.
Il y a 5,3 Ma lorsque la remise en eau de la mer MĂ©diterranĂ©e sâeffectue sous le coup dâun nouveau mouvement des plaques, la mer MĂ©diterranĂ©e envahit des reliefs bien diffĂ©renciĂ©s. Le Roussillon se transforme en un golfe marin. La vallĂ©e de la TĂȘt ressemble Ă un bras de mer limitĂ© au sud par les collines des Aspres et au nord par lâescarpement granitique du plateau de Montalba. Le rivage atteint le col de TernĂšre, ce qui correspond Ă une intrusion marine de + 80 m par rapport au niveau actuel.
Avec la remontĂ©e des eaux, les fleuves vont dĂ©poser des matĂ©riaux qui soutiennent aujourdâhui ou arment les falaises du site des Orgues. Le remplissage pliocĂšne des vallĂ©es creusĂ©es au messĂ©nien prĂ©sente un faciĂšs caractĂ©ristique de Gilbert deltas que le professeur Clauzon a mis en Ă©vidence[6] - [7].
- Le pliocĂšne marin argileux sâest dĂ©posĂ© dans les zones de plus forte profondeur, suivant de grandes obliques de 10° de pendage.
- Le pliocĂšne marin sableux sâest dĂ©posĂ© dans des profondeurs moindres. Il est essentiellement constituĂ© dâĂ©lĂ©ments fluviatiles bien arrondis, non cimentĂ©s, qui crĂ©ent par « systĂšme dâavalanche » de grandes obliques qui peuvent atteindre 35° de pendage.
- Le pliocĂšne continental sâest dĂ©posĂ© en amont, dans la partie Ă©mergĂ©e. Il regroupe un ensemble de formations qui sont dâamont en aval : des cĂŽnes alluviaux, avec blocs arrachĂ©s par lâĂ©rosion dans lâarriĂšre-pays, des faciĂšs palustres, des faciĂšs sableux alluviaux de structure planaire et des faciĂšs marins sableux qui correspondent Ă dâanciens niveaux de plage.
Pendant le pliocĂšne le comblement se poursuit, il sâĂ©tale sur des millions dâannĂ©es. Au fur et Ă mesure des apports sĂ©dimentaires, le rivage est repoussĂ© vers sa limite actuelle et le paysage Ă©volue en consĂ©quence : la baie se transforme en un marais maritime, puis en une zone palustre aux eaux douces et stagnantes, enfin le fleuve prend possession de lâespace, il Ă©tale dans la vallĂ©e ses bras indolents en chenaux anastomosĂ©s formant ce qui est appelĂ© des cours d'eau en tresses.
Ă cette Ă©poque le paysage ressemble Ă la savane africaine, des Ă©tendues de hautes herbes, jaunies par le soleil et battues par les vents sâĂ©talent jusquâaux collines arborĂ©es. Quelques grands arbres de la famille des acacias Ă©mergent tels des parasols immenses. On retrouve des singes, des rongeurs, des Ă©lĂ©phants (Anancus arvernensis), des rhinocĂ©ros, des hippopotames, des tortues terrestres, des gazelles, des renards, des lynx, mais aussi des espĂšces telles que lâhipparion (ancĂȘtre du cheval actuel) ou le machairodus (grand fĂ©lin)[8].
Câest une Ă©poque charniĂšre dans lâĂ©volution climatique de la planĂšte, lâaridification progressive de ce climat tropical permet lâapparition du climat mĂ©diterranĂ©en et prĂ©figure le refroidissement quaternaire.
Au quaternaire la Tet Ă©tage un ensemble de terrasses alluviales. Elles rĂ©sultent de lâenfoncement du rĂ©seau fluviatile dans les dĂ©pĂŽts pliocĂšnes puis de remblaiements successifs liĂ©s aux variations eustatiques de la mer mĂ©diterranĂ©e.
En effet, lors des pics glaciaires, lâĂ©norme quantitĂ© dâeau monopolisĂ©e sous forme de glace continentale fait baisser le niveau marin. Il y a 18 000 ans par exemple, la mĂ©diterranĂ©e est 120 m sous son niveau actuel. Lors des pĂ©riodes de rĂ©chauffement, la glace fond, les eaux remontent et les fleuves surchargĂ©s sont contraints dâalluvionner.
A Ille-sur-Tet, la plus ancienne terrasse (T5) date du Villafranchien, elle couronne les sédiments de la Matte Roudoune.
Le site des Orgues doit sa coiffe, et donc son existence, aux premiers froids quaternaires puisquâen chapeautant les couches plus tendre du pliocĂšne cette nappe de blocaille a permis aux terrains plus fragiles sous-jacents d'ĂȘtre protĂ©gĂ©s de l'Ă©rosion et donc de traverser le temps jusquâĂ nous.
Ăvolution du site
De nos jours lâĂ©volution du site est rapide, les falaises de matiĂšre sĂ©dimentaire sont Ă nu. Quelques Ăźlots de vĂ©gĂ©tation subsistent sur les sommets, ils sont trop dissĂ©minĂ©s pour prĂ©server efficacement les sols de lâĂ©rosion.
LâintensitĂ© des pluies mĂ©diterranĂ©ennes nâaide pas. Ces prĂ©cipitations violentes favorisent le ruissellement : les incisions linĂ©aires sont vives, les pentes dĂ©vĂ©gĂ©talisĂ©es sont entaillĂ©es de ravines, les sols sâappauvrissent puis partent avec le lessivage. Sur les parois verticales, lâĂ©rosion est devenue maitresse du lieu, Ă part quelques mousses et lichens, les plantes ne peuvent plus recoloniser lâespace.
Au contraire, les pentes les plus douces sont encore vĂ©gĂ©talisĂ©es et donc protĂ©gĂ©es. Elles sont recouvertes dâessences mĂ©diterranĂ©ennes capables de rĂ©sister Ă lâariditĂ© estivale. On retrouve des chĂȘnes verts, des chĂȘnes pubescents, des pistachiers lentisques, des arbousiers, de la lavande stoechas, des immortelles communes, du thym, du romarin, des cistes cotonneux, des cistes Ă feuilles de laurier, des cistes de Montpellier, de la bruyĂšre arborescente, des asparagus etc.
Le site prĂ©sente donc un aspect contrastĂ© ou la vĂ©gĂ©tation dispute Ă la roche dĂ©nudĂ©e lâespace nĂ©cessaire Ă sa survie.
Histoire humaine
PĂ©riode agricole
Depuis 1775 la vigne est en pleine extension dans le Roussillon. AprĂšs la crise de lâoĂŻdium et celle du phylloxera qui ont eu des consĂ©quences Ă©conomiques dĂ©plorables, les viticulteurs roussillonnais privilĂ©gient le rendement Ă la qualitĂ©. Un choix qui les conduit lentement vers une crise de surproduction. En 1903 la vigne occupe plus de la moitiĂ© de la surface agricole du Roussillon, elle a perdu du terrain dans quelques communes comme celle dâIlle-sur-TĂȘt oĂč prospĂšrent surtout la cĂ©rĂ©aliculture et les herbages. Les jardins forment autour du village une ceinture verdoyante qui offre des revenus beaucoup plus stables que ceux de la vigne en crise. GrĂące Ă lâexcellent rĂ©seau dâirrigation lâhorticulture triomphe de la sĂ©cheresse estivale. La puissance du soleil permet des rĂ©coltes variĂ©es et naturellement prĂ©coces. Les jardins souvent assis en contrebas profitent du limon fluvial, ils sont protĂ©gĂ©s de la tramontane par des haies de cyprĂšs ou par des clayonnages de roseaux[9].
LâarrivĂ©e, puis le dĂ©veloppement du chemin de fer, ouvrent des perspectives nouvelles dans la vallĂ©e de la TĂȘt, lâhorticulture prendra le pas sur la cĂ©rĂ©aliculture ou sur la viticulture.
Dans la rĂ©gion dâIlle sur TĂȘt la cuture de pĂȘche devient le fer de lance de lâactivitĂ© Ă©conomique. Les vergers occupent de plus en plus dâespace, jusquâĂ forcer les exploitants Ă reconquĂ©rir les mauvaises terres de la rive Ă©corchĂ©e pour y planter des arbres qui donneront dâexcellentes pĂȘches de vigne.
Aujourdâhui la plupart de ces terrains sont recouverts par la garrigue. De la pĂ©riode agricole il ne subsiste de rares vergers de pĂȘchers et quelques jardins dâoliviers.
Gestion et administration
Le site est classĂ© en 1981 dans le cadre de la loi du relative Ă la protection « des monuments naturels et des sites Ă caractĂšre artistique, historique, scientifique, lĂ©gendaire ou pittoresque »[10]. Il sâagit alors dâun verger de pĂȘchers situĂ© dans un amphithĂ©Ăątre naturel au cadre Ă©poustouflant. Lâexploitant poursuit son activitĂ© agricole jusquâen 1992. Aujourdâhui encore la visite sâarticule autour des trois terrasses quâil a amĂ©nagĂ© pour planter ses arbres.
En 1992 la mairie dâIlle-sur-TĂȘt rachĂšte le site. DĂšs lors, du personnel sâoccupe de lâaccueil et de la sĂ©curitĂ©. Lâentretien est rĂ©gulier, un parking est mis en place, lâaccĂšs se voit rĂ©glementĂ© par un droit dâentrĂ©e.
En 1996 le site est rattachĂ© au « le PĂŽle dâĂ©conomie du patrimoine » un EPIC qui a pour mission de dĂ©velopper le tourisme dans lâarriĂšre-pays catalan. Il travaille en collaboration avec une trentaine de communes et dâautres lieux touristiques tels : le chĂąteau musĂ©e de BĂ©lesta, lâhospice dâIlle-sur-TĂȘt, la tour des parfums de Mosset ou le musĂ©e de lâagriculture de Saint-Michel-de-Llotes.
LâEPIC dĂ©pose le bilan en 2001 et depuis la commune dâIlle-sur-TĂȘt assume seule la gestion et lâentretien du site.
Notes et références
- Carte IGN sous GĂ©oportail
- (en) « Géologie : Les hoodoos », National Park Service, (consulté le )
- Ămile Delonca et LĂ©on Delonca, Un village en Roussillon : Illa, terra de RossellĂł, Perpignan, Impr. du Midi, , 436 p. (BNF 32012190)
- LluĂs Basseda, Toponymie historique de Catalunya Nord, t. 1, Prades, Revista Terra Nostra, , 796 p.
- Jean Claude Bousquet, La géologie du Languedoc Roussillon, p. 79
- Clauzon G. 1990. Restitution de lâĂ©volution gĂ©odynamique nĂ©ogĂšne du bassin du Roussillon et de l'unitĂ© adjacente des CorbiĂšres d'aprĂšs les donnĂ©es Ă©cographiques et palĂ©ogĂ©ographiques. PalĂ©obiologie Continentale, 17, 125-155.
- Elisabeth Le Goff, Marc Calvet, Anne-Marie Moigne, CuriositĂ©s GĂ©ologiques des PyrĂ©nĂ©es-Orientales, OrlĂ©ans : BRGM Ăditions, 2018, (ISBN 978-2-7159-2660-8), site 8, pages 70-71.
- Charles Depéret, Les animaux pliocÚnes du Roussillon
- Ph. Arbos, « La plaine du Roussillon », Annales de GĂ©ographie, vol. 19, no 104,â , p. 150-168 (lire en ligne, consultĂ© le )
- Site officiel du site des Orgues
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Site officiel du site des Orgues ;
- « Orgues pliocĂšnes d'Ille-sur-TĂȘt », Inventaire national du patrimoine naturel