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Opportunité des poursuites

L'opportunité des poursuites est un principe de procédure pénale selon lequel le parquet décide de poursuivre, ou non, une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction. Il peut ainsi décider d'un classement sans suite.

Ce principe, aussi appelĂ© nolle prosequi dans les rĂ©gimes de common law, s'oppose au principe de lĂ©galitĂ© des poursuites, selon lequel le procureur est tenu, si l'enquĂȘte prĂ©liminaire Ă©tablit certains soupçons, de poursuivre le suspect. Le procĂšs doit dans ce second systĂšme ĂȘtre conduit Ă  terme, mĂȘme si des Ă©lĂ©ments nouveaux pourraient motiver l'abandon des poursuites. In fine, le procureur n'a alors d'autre choix que de rĂ©clamer un non-lieu, la dĂ©cision appartenant aux seuls juges.

Droit par pays

L'opportunitĂ© des poursuites est un principe retenu en droit français, belge, nĂ©erlandais (on parle de sepot), au Japon, en Égypte, et dans de nombreuses juridictions de common law.

La légalité des poursuites est, au contraire, en vigueur en Allemagne, en Suisse, en Pologne, en Estonie[1], en Espagne, en GrÚce, et, avant, dans les pays du bloc soviétique.

Droit pénal canadien

En droit pĂ©nal canadien, il appartient au ministĂšre public de dĂ©cider d'intenter ou non une poursuite au regard du fardeau de preuve hors de tout doute raisonnable. Il peut y avoir des cas oĂč le procureur de la Couronne soupçonne qu'un crime a Ă©tĂ© commis, mais qu'il estime ne pas ĂȘtre en mesure d'en faire la preuve hors de tout doute raisonnable. À titre d'exemple, dans l'affaire de la mort du cycliste ClĂ©ment Ouimet sur le Mont-Royal, le Directeur des poursuites criminelles et pĂ©nales a effectuĂ© des analyses avant de conclure qu'il n'y a pas lieu de dĂ©poser des accusations contre le conducteur impliquĂ© dans la mort du cycliste[2], car il n'Ă©tait pas convaincu d'ĂȘtre en mesure d'Ă©tablir la culpabilitĂ© du conducteur.

Droit pénal français

L'opportunité des poursuites appartient au procureur de la République. Il s'agit d'un pouvoir qui lui est propre conféré par l'article 40-1 du Code de procédure pénale.

Il peut, en vertu de ce pouvoir, dĂ©cider de ne pas dĂ©clencher de poursuites pour un fait prĂ©sentant les caractĂ©ristiques d'une infraction, et ainsi de classer l'affaire. NĂ©anmoins, cela n'empĂȘche pas au suspect initial - ainsi qu'Ă  la victime ayant portĂ© plainte - d'ĂȘtre enregistrĂ© dans le SystĂšme de traitement des infractions constatĂ©es (STIC).

En cas de classement sans suite, la victime a plusieurs possibilités:

  • former un recours auprĂšs du procureur gĂ©nĂ©ral qui selon l'article 40-3 du code de procĂ©dure pĂ©nale et selon les modalitĂ©s de l'article 36 peut demander au procureur de la RĂ©publique de poursuivre. C'est une requĂȘte qui aboutit rarement et considĂ©rĂ©e comme une perte de temps par les avocats.
  • faire une citation directe Ă  l'encontre de l'auteur des faits. Elle suppose d'avoir toutes les preuves nĂ©cessaires Ă  une condamnation car aucune enquĂȘte ne sera engagĂ©e. C'est une procĂ©dure expĂ©ditive pouvant ĂȘtre peu apprĂ©ciĂ©e des juges qui sont saisis.
  • dĂ©poser une plainte avec constitution de partie civile contraignant Ă  la tenue d'une enquĂȘte judiciaire, le procureur ne pouvant s'y opposer.
Avantages et inconvénients

Les deux principes opposĂ©s, d'opportunitĂ© et de lĂ©galitĂ© des poursuites, sont en gĂ©nĂ©ral nuancĂ©s. Chacun apporte ses avantages : le principe d'opportunitĂ© permet notamment de dĂ©cider de ne pas poursuivre ou, lorsqu'une enquĂȘte amĂšne des faits nouveaux, de cesser les poursuites. Ceci peut s'expliquer par la dĂ©couverte d'Ă©lĂ©ments dĂ©montrant l'innocence du suspect ; par le dĂ©cĂšs du suspect ; par des faits tenant Ă  la prescription ou Ă  l'amnistie ; par le souci de prĂ©server l'ordre public, le parquet considĂ©rant qu'un procĂšs ne serait pas dans l'intĂ©rĂȘt de la sociĂ©tĂ©; ou encore par une prioritĂ© donnĂ©e Ă  d'autres dossiers jugĂ©s plus importants. En revanche, le principal inconvĂ©nient du principe d'opportunitĂ© concerne celui d'un risque d'arbitraire, le parquet, dĂ©pendant du ministre de la Justice, pouvant faire profiter certaines personnes (personnages politiques, par exemple), de sa mansuĂ©tude; ou lorsqu'une orientation politique impose de traiter prioritairement certains types d'affaires (violence routiĂšre, conjugale...) entrainant - Ă  effectifs constants - un surcroit de classement des autres types d'affaires.

De l'autre cĂŽtĂ©, le principe de lĂ©galitĂ© des poursuites peut conduire Ă  organiser des enquĂȘtes et des procĂšs coĂ»teux pour des faits bĂ©nins (par exemple, le vol d'une pomme).

Droit pénal japonais

Au Japon, mĂȘme en prĂ©sence de preuves suffisantes, l'abandon des poursuites est dĂ©cidĂ© dans plus d'un cas sur deux, pour des raisons tenant Ă  la relative gravitĂ© des faits, aux consĂ©quences sur la victime, au profil de l'accusé  Afin de protĂ©ger les justiciables de l'arbitraire, il existe, outre le processus d'approbation hiĂ©rarchique pour les cas complexes, un « ComitĂ© pour les enquĂȘtes sur les poursuites Â». Lorsqu'une victime n'est pas satisfaite d'une dĂ©cision d'abandon des poursuites, elle peut saisir ce ComitĂ© qui examine l'affaire et se prononce sur le caractĂšre adaptĂ© ou non de l'abandon des poursuites. S'il n'est pas jugĂ© adaptĂ© (options « le non-engagement des poursuites n'est pas appropriĂ© » et « l'engagement des poursuites est appropriĂ© »), le procureur doit rĂ©examiner l'affaire, et si par deux fois il confirme l'abandon des poursuites alors que celles-ci ont Ă©tĂ© jugĂ©es appropriĂ©es, et donc rendues obligatoires, le rĂŽle de procureur est dĂ©volu Ă  un avocat dĂ©signĂ© aux fins d'engager ces poursuites. Dans les faits, seul un nombre trĂšs minime de cas relĂšve de poursuites obligatoires, environ 0,5 % de la dizaine de milliers de cas examinĂ©s entre 2008 et 2012 par le ComitĂ©[3].

Références

  1. Tristan Ploom, Principle of opportunity, Juridica, 2000, p. 369-376
  2. Le Devoir. 21 mars 2018. « Mort du cycliste Clément Ouimet sur le mont Royal: pas d'accusation criminelle ». En ligne. Page consultée le 2022-03-6
  3. Institut des Nations unies pour la prĂ©vention du crime et le traitement des dĂ©linquants en Asie et en ExtrĂȘme-Orient, « La justice pĂ©nale au Japon », , p. 19-23 ; 30

Voir aussi

Bibliographie

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