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Opération Lune

OpĂ©ration Lune est un canular sous forme de documentaire rĂ©alisĂ© par William Karel en 2002. Ce faux documentaire est le cƓur d'une Ă©mission spĂ©ciale sur la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision Arte le . Le film remporte le prix Adolf-Grimme en 2003.

Opération Lune

RĂ©alisation William Karel
Scénario William Karel
Acteurs principaux
Sociétés de production Arte & Point du jour
Pays de production Drapeau de la France France
Genre documentaire
Durée 52 minutes
PremiĂšre diffusion 2002

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Synopsis

La présentation officielle de ce film est la suivante :

« Un documentaire d'intrigue, subtil mĂ©lange de faits rĂ©els, de fiction et d'hypothĂšses autour d'un Ă©vĂ©nement qui marqua le XXe siĂšcle : la course Ă  la Lune. Richard Nixon Ă©tait-il prĂȘt Ă  tout pour assurer la suprĂ©matie des États-Unis dans la conquĂȘte de l'espace ? Y a-t-il vraiment eu des « retransmissions en direct » de la Lune ? Quels liens Stanley Kubrick entretenait-il avec la Nasa ? Construit autour de rĂ©elles interviews d'Henry Kissinger, Donald Rumsfeld ou Buzz Aldrin, ce film jette le trouble et nous rappelle le pouvoir des images et leur possible manipulation. »

En toile de fond, William Karel imagine non pas qu'on ne soit pas allé sur la Lune, mais que l'administration américaine ait voulu se couvrir d'un éventuel échec de la mission Apollo 11 en réalisant en studio, avec l'aide de Stanley Kubrick, des images des premiers pas de l'Homme sur la Lune.

William Karel indique avoir choisi ce sujet parce qu'« [il] se prĂȘtait bien au propos : cela fait trente ans qu’il y a dĂ©bat sur la rĂ©alitĂ© de ces images. Godard le premier est passĂ© au journal de TF1 en disant : « Ce direct est un faux ». Et ces doutes sont Ă©tayĂ©s par des faits rĂ©els : Aldrin est devenu alcoolique, Nixon n’a pas assistĂ© au lancement de la fusĂ©e, les astronautes ont fait des dizaines de milliers de kilomĂštres pour rester seulement trois heures sur la Lune
 Nous trouvions donc que c’était un sujet assez drĂŽle. »[1]

« L’idĂ©e Ă©tait de dĂ©tourner des entretiens, et nous n’avons mis aucun des tĂ©moins dans la confidence, ni les gens de la NASA, ni Aldrin, ni la femme de Kubrick, ni le frĂšre de celle-ci. [
] En dĂ©tournant leurs tĂ©moignages, il suffisait d’avoir un « faux » tĂ©moin, en l’occurrence la secrĂ©taire de Nixon, pour faire le lien et rendre l’histoire crĂ©dible. Aux « vrais » tĂ©moins, nous disions que nous faisions un film sur Kubrick, sur son film, sur la Lune ou sur la NASA, et nous leur posions des questions un peu vagues
 »

— William Karel[1]

Distribution

Analyse

Clins d'Ɠil

Ce documentaire polémique est parsemé d'anecdotes proposant au spectateur plusieurs niveaux de lecture balisées de références historiques, cinématographiques et culturelles.

  • Un ancien agent de la CIA est nommĂ© Ambrose Chapel en rĂ©fĂ©rence Ă  L'Homme qui en savait trop de Hitchcock ; selon ce tĂ©moin, le preneur de son du bidonnage, Andy Rogers, est mort brĂ»lĂ© vif dans un accident de voiture. Les images prĂ©sentĂ©es Ă  l'appui de son propos sont celles d'une bande de pĂšres NoĂ«l entourant un homme Ă©tendu sur le sol. Selon ce mĂȘme tĂ©moin, l'assistant Jim Crow se serait noyĂ© dans sa piscine (Ă  l'image, un chien est lancĂ© dans un lac, comme s'il s'agissait de reproduire la scĂšne avec de petits moyens), etc.
  • Le dĂ©corateur Bob Stein – qui « ne croyait pas en Dieu et avait du mal Ă  croire en sa propre existence » (sic) – voit sa vie racontĂ©e par un rabbin nommĂ© W. A. Koenigsberg, en rĂ©fĂ©rence au vĂ©ritable nom de Woody Allen, qui l'aurait protĂ©gĂ© dans une yeshiva de Brooklyn pendant dix ans. Selon le rabbin, Bob Stein « ne travaillait plus. Il pointait aux Hassidiques » (on y verra un jeu de mots savoureux entre le mouvement religieux du mĂȘme nom et les indemnitĂ©s chĂŽmage d'alors, les ASSEDIC).
  • D'autres tĂ©moins ou acteurs portent des noms bigarrĂ©s: George Kaplan est le nom du personnage principal de La mort aux trousses de Hitchcock (on entend Ă©galement la musique de ce film); Jack Torrance fait Ă©cho Ă  Shining (1980) ; David Bowman Ă  2001 : L'odyssĂ©e de l'espace (1968) ; Dimitri Muffley Ă  Docteur Folamour (1964); Eve Kendall Ă  La mort aux trousses (1959) ; Maria Vargas Ă  La comtesse aux pieds nus (1954) ; W. A. Koenigsberg au patronyme rĂ©el de Woody Allen et Ă  ses initiales (W. A.).
  • Vers 42:32, on entend en fond sonore les invectives en anglais que le Sergent Hartman hurle Ă  ses recrues dans le film Full Metal Jacket.

Trucages

Le documentaire utilise peu de trucages visuels :

  • En 35:00, la photo montrant un portrait de Kubrick sur le sol lunaire est une fabrication ;
  • la notice nĂ©crologique du gĂ©nĂ©ral Vernon Walters prĂ©sentĂ©e Ă  l'Ă©cran contient des Ă©lĂ©ments ajoutĂ©s. Au lieu de « La derniĂšre apparition publique connue du gĂ©nĂ©ral Walters avait eu lieu dans un documentaire de la tĂ©lĂ©vision française, dans lequel il parlait de l'implication de la Maison blanche dans le programme Apollo Ă  la fin des annĂ©es 1960. Le producteur et le rĂ©alisateur ont tĂ©moignĂ© que Walters Ă©tait en parfaite forme. », l'article du New York Herald Tribune dit : « “C'Ă©tait notre James Bond, il nous faisait entrer et sortir en secret, en nous donnant mĂȘme des noms de code”, tĂ©moigne Winston Lord, l'ancien prĂ©sident du Council on Foreign Relations qui a accompagnĂ© M. Kissinger aux pourparlers secrets avec les Vietnamiens. »[2]
  • le sous-titrage volontairement trompeur des images tirĂ©es des documentaires Australie, la route de Tanami (Arnaud Mansir, HervĂ© RĂ©billon, 1999), L'archipel aux savants (Laurence Graffin, 1997), Philippine: la vallĂ©e des riziĂšres Ă©ternelles (Patrick Boitet, Jacques Massart, 1994), Cambodge: PaĂŻlin, le refuge des criminels (Hubert Dubois, 1999), Chine: union furtive (Fang Wui Wang, 2000) et Laos: les montagnards de l'opium (Éric Pierrot, 1997).

Montage

Pour sa narration, le film utilise quatre types d'éléments :

  • des interviews originales. Pour Christiane Kubrick, la veuve de Kubrick, et pour son beau-frĂšre, Jan Harlan, le rĂ©alisateur a prĂ©tendu rĂ©aliser un documentaire sur Kubrick, et sur son film 2001: L'OdyssĂ©e de l'espace, tout en posant intentionnellement des questions vagues. Pour Vernon Walters (filmĂ© Ă  l'hĂŽtel de Crillon[3]), Buzz Aldrin, l'Ă©pouse de Buzz Aldrin, et pour certains membres du personnel de la NASA, le rĂ©alisateur a utilisĂ© le mĂȘme prĂ©texte.
  • des images rĂ©cupĂ©rĂ©es d'un tournage prĂ©cĂ©dent du rĂ©alisateur, en particulier du documentaire Les Hommes de la Maison Blanche sur le Watergate. Donald Rumsfeld, Henry Kissinger, Alexander Haig, Lawrence Eagleburger, et Richard Helms, le directeur de la CIA, n'ont donc jamais su qu'ils figureraient au gĂ©nĂ©rique d'OpĂ©ration Lune, et « n'ont mĂȘme jamais Ă©tĂ© dans la mĂȘme piĂšce »[3]. Le rĂ©alisateur a utilisĂ© des images dĂ©jĂ  tournĂ©es et a tronquĂ© des passages afin d'aller dans le sens du canular.
  • des images fictionnelles, interprĂ©tĂ©es par des acteurs professionnels. La plupart de ces tĂ©moins fictifs portent des noms de personnages tirĂ©s des films de Kubrick et Hitchcock. Par exemple, un astronaute est nommĂ© David Bowman (comme dans 2001: L'odyssĂ©e de l'espace), un producteur de film est appelĂ© Jack Torrance (comme dans Shining), et la secrĂ©taire de Nixon est appelĂ©e Ève Kendall (comme dans La mort aux trousses).
  • des images tirĂ©es de documentaires citĂ©s dans le gĂ©nĂ©rique de fin mais sous-titrĂ©es de maniĂšre volontairement trompeuse.

Notes et références

  1. interview de W. Karel sur ce documentaire mensonger diffusé sur Arte le 22 avril 2004
  2. (en-US) Tina Kelley, « Vernon A. Walters, 85, Former Envoy to U.N. », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consultĂ© le )
  3. IAP 2004.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Beata Kosinska-Krippner, « The Parodic Character of Approximating Codes and Conventions in Mock-documentaries », Kwartalnik Filmowy (pl), no 56,‎ , p. 47–72 (analyse Ă©galement les faux-documentaires Premiers sur la Lune d'AlekseĂŻ Fedortchenko, L'AnnĂ©e du Diable de Petr Zelenka, et Un rĂȘve tchĂšque de VĂ­t KlusĂĄk (cs) et Filip Remund (en)).
  • (en) Henry M. Taylor, « More Than a Hoax : William Karel's Critical Mockumentary Dark Side of the Moon », Post-Script, vol. 26, no 3,‎ , p. 90–104 (lire en ligne).
  • Marie-France Chambat-Houillon, « Un faux Ă  la tĂ©lĂ©vision ? Du mensonge Ă  la supercherie : L'exemple du documentaire OpĂ©ration Lune », E-CompĂłs, vol. 11, no 2,‎ (DOI 10.30962/ec.329).

Liens externes

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