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Nombre pratique

En arithmétique, un entier strictement positif n est dit pratique ou panarithmique si tout entier compris entre 1 et n est somme de certains diviseurs (distincts) de n.

Par exemple, 8 est pratique. En effet, il a pour diviseurs 1, 2, 4 et 8, or 3 = 2 + 1, 5 = 4 + 1, 6 = 4 + 2 et 7 = 4 + 2 + 1.

Les douze premiers nombres pratiques sont 1, 2, 4, 6, 8, 12, 16, 18, 20, 24, 28 et 30 (suite A005153 de l'OEIS).

Les nombres pratiques ont été utilisés par Fibonacci pour représenter des nombres rationnels par des fractions égyptiennes. Fibonacci ne définit pas formellement les nombres pratiques mais donne une table de développements en fractions égyptiennes pour des fractions dont le dénominateur est pratique.

Les nombres pratiques ont été baptisés ainsi en 1948 par Srinivasan[1] ; il commença à les classifier, ce qui fut achevé par Stewart et Sierpiński. Cette caractérisation permet de déterminer si un nombre est pratique à partir de sa décomposition en facteurs premiers et de montrer que d'autres ensembles remarquables d'entiers ne contiennent que des nombres pratiques.

Les nombres pratiques sont analogues aux nombres premiers par beaucoup de leurs propriétés.

Caractérisation

Stewart[2] et Sierpiński[3] ont démontré qu'un entier n > 1 est pratique si et seulement si sa décomposition en facteurs premiers s'écrit

avec k ≥ 0, p0 < p1 < … < pk premiers, α0, … , αk > 0 et[4]

où σ(x) désigne la somme des diviseurs de x (l'inégalité pour i = 0 équivaut à p0 = 2 donc à part 1, tout nombre pratique est pair).

Par exemple, 3 ≤ 4 = 1 + σ(2), 29 ≤ 40 = 1 + σ(2 × 32) et 823 ≤ 1 171 = 1 + σ(2 × 32 × 29), donc 2 × 32 × 29 × 823 = 429 606 est pratique.

Cette condition est évidemment nécessaire pour que n soit pratique, puisque chaque pi – 1 doit être une somme de diviseurs de n. On démontre qu'elle est aussi suffisante et même, que si elle est vérifiée alors, tout entier naturel m ≤ σ(n) s'écrit comme une somme de diviseurs de n.

Sous-ensembles remarquables

Certains ensembles remarquables d'entiers vérifient le critère ci-dessus donc ne contiennent que des nombres pratiques[1] :

Toutes ces inclusions sont strictes : par exemple, le nombre pratique 20 n'appartient à aucun de ces sous-ensembles.

Plus généralement, tout produit de nombres pratiques est aussi un nombre pratique[4].

Fractions égyptiennes

Tout rationnel m/n de dénominateur n pratique peut être représenté comme une somme ∑di/n où les di sont des diviseurs de n distincts. Chaque terme di/n se réduit en une fraction unitaire 1/(n/di), si bien qu'une telle somme fournit une représentation de m/n par un développement en fractions égyptiennes[4]. Par exemple,

Fibonacci, dans son livre Liber abaci (1202)[5], passe en revue plusieurs méthodes pour représenter un rationnel sous forme de fraction égyptienne. La première est de tester si le nombre est déjà lui-même une fraction unitaire ; la deuxième est de chercher une représentation du numérateur comme somme de diviseurs du dénominateur, comme décrit ci-dessus. Cette méthode ne réussit à coup sûr que pour les dénominateurs qui sont des nombres pratiques. Fibonacci fournit des tables de ces représentations pour des fractions dont les dénominateurs sont les nombres pratiques 6, 8, 12, 20, 24, 60 et 100.

Vose[6] a démontré que tout rationnel x/y possède un développement en fractions égyptiennes dont le nombre de termes est en O(log y). La preuve nécessite d'avoir d'abord construit une suite (ni) de nombres pratiques telle que tout entier inférieur à ni soit somme de O(log ni–1) diviseurs de ni distincts. On choisit ensuite i tel que ni–1 < yni, et l'on divise xni par y, ce qui donne un quotient q et un reste r. On a donc x/y = q/ni + r/(yni). En développant les deux numérateurs q et r en sommes de diviseurs de ni, on obtient la représentation en fraction égyptienne souhaitée. Tenenbaum et Yokota[7] utilisent une technique similaire, à l'aide d'une autre suite de nombres pratiques, pour montrer que tout rationnel x/y possède un développement en fractions égyptiennes dont le plus grand dénominateur est en O(y log2 y/log log y).

Analogies avec les nombres premiers

Une autre raison de l'intérêt pour les nombres pratiques est que beaucoup de leurs propriétés sont similaires à des propriétés des nombres premiers[4]. Par exemple, si p(x) est le nombre de nombres pratiques inférieurs à x, il existe[8] deux constantes c1 et c2 telles que ce qui ressemble au théorème des nombres premiers. Ce résultat résout en partie une conjecture de Margenstern[9] selon laquelle p(x) serait équivalent à cx/log x pour une certaine constante c, et démontre un résultat annoncé par Erdős[10] : la densité asymptotique des nombres pratiques est nulle.

Il existe aussi des théorèmes sur les nombres pratiques, analogues à la conjecture de Goldbach, à celles des nombres premiers jumeaux et de Legendre et à la question sur les nombres de Fibonacci premiers :

  • tout entier pair strictement positif est somme de deux nombres pratiques[11] - [4] ;
  • il existe une infinité de triplets de nombres pratiques de la forme (x – 2, x, x + 2)[11] ;
  • pour tout réel positif x, l'intervalle [x2, (x + 1)2] contient au moins un nombre pratique[12] ;
  • il existe une infinité de nombres de Fibonacci pratiques (suite A124105 de l'OEIS)[13].

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Practical number » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) A. K. Srinivasan, « Practical numbers », Current Sci. (en), vol. 17, , p. 179-180 (MR 0027799, lire en ligne).
  2. (en) B. M. Stewart, « Sums of distinct divisors », Amer. J. Math., vol. 76, no 4, , p. 779-785 (JSTOR 2372651).
  3. Wacław Sierpiński, « Sur une propriété des nombres naturels », Ann. Mat. Pura Appl. (en), vol. 39, no 1, , p. 69-74 (DOI 10.1007/BF02410762).
  4. Pascal Boyer, Petit compagnon des nombres et de leurs applications, Paris, Calvage et Mounet, , 648 p. (ISBN 978-2-916352-75-6), I - Arithmétique de ℤ, chap. 2.2. (« Nombres pratiques »), p. 20-24
  5. (en) Laurence E. Sigler (trad.), Fibonacci's Liber Abaci, Springer, (lire en ligne), p. 120-121 (chap. VII, partie 6).
  6. (en) M. Vose, « Egyptian fractions », Bull. London Math. Soc., vol. 17, , p. 21-24 (lire en ligne).
  7. (en) G. Tenenbaum et H. Yokota, « Length and denominators of Egyptian fractions », J. Number Theor., vol. 35, no 2, , p. 150-156 (DOI 10.1016/0022-314X(90)90109-5).
  8. Éric Saias, « Entiers à diviseurs denses, I », J. Number Theor., vol. 62, no 1, , p. 163-191 (DOI 10.1006/jnth.1997.2057).
  9. Maurice Margenstern, « Les nombres pratiques: théorie, observations et conjectures », J. Number Theor., vol. 37, no 1, , p. 1-36 (DOI 10.1016/S0022-314X(05)80022-8).
  10. (hu) Paul Erdős, « Az 1/x1 + 1/x2 + … + 1/xn = a/b egyenlet egész számú megoldásairól », Mat. Lapok, vol. 1, , p. 192-210 (lire en ligne)(en) « On a diophantine equation », J. London Math. Soc., vol. 26, , p. 176-178 (DOI 10.1112/jlms/s1-26.3.176).
  11. (en) Giuseppe Melfi (en), « On two conjectures about practical numbers », J. Number Theor., vol. 56, no 1, , p. 205-210 (DOI 10.1006/jnth.1996.0012).
  12. (en) Miriam Hausman et Harold N. Shapiro, « On practical numbers », Comm. Pure Appl. Math., vol. 37, no 5, , p. 705-713 (DOI 10.1002/cpa.3160370507).
  13. (en) G. Melfi, « A survey on practical numbers », Rend. Semin. Mat. Univ. Politec. Torino, vol. 53, , p. 347-359 (lire en ligne).

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) M. R. Heyworth, « More on panarithmic numbers », New Zealand Math. Mag., vol. 17, no 1, , p. 24-28
  • Maurice Margenstern, « Résultats et conjectures sur les nombres pratiques », C. R. Acad. Sci., i, vol. 299, no 18, , p. 895-898
  • (en) Dragoslav Mitrinović (en), József Sándor et Borislav Crstici, Handbook of Number Theory, vol. 1, Springer Science+Business Media, coll. « Mathematics and its Applications » (no 351), (1re éd. 1995) (lire en ligne), chap. III.50 (« Practical numbers »), p. 118-119
  • (en) D. F. Robinson, « Egyptian fractions via Greek number theory », New Zealand Math. Mag., vol. 16, no 2, , p. 47-52

Liens externes

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