Minorités sexuelles et de genre au Maroc
Histoire
Coloniale
Lors de la période coloniale, le Maroc est l'objet de fantasmes orientaliste de la part de nombre d'Occidentaux, qui le voient comme un espace de liberté sexuelle, mais aussi comme un lieu où échapper au scandale social et familial que provoquait alors l'homosexualité : c'est ainsi que Paul Bowles, Francis Bacon, Jean Genet, Tennessee Williams, Jack Kerouac, Allen Ginsberg et Joe Orton se retrouvent associés à la vie culturelle marocaine[1].
Post-coloniale
Le développement du tourisme, fortement encouragé par les autorités marocaines, s'accompagne d'une augmentation de l'acceptation des couples occidentaux visiblement homosexuels : dans les années 2010, ceux-ci peuvent être présents autour de Jemaa-el-Fna à Marrakech, et de nombreux hôtels de la ville signalent, de manière plus ou moins codée, qu'ils sont gay-friendly[1].
Cette tolérance crée une situation à deux vitesses : la loi marocaine condamne l'homosexualité, mais elle ne s'applique que très rarement aux touristes étrangers, alors qu'elle reste en vigueur pour des Marocains[1].
En 2007, une fête organisée à Ksar el-Kébir provoque un outrage national: alors que le déroulé de l'évènement n'est pas clair, différents médias locaux accusent les participants de s'adonner à un mariage homosexuel, avec l'un d'entre eux qui s'est travesti afin de ressembler à une mariée traditionnelle[2]. S'ensuit de nombreux prêches homophobes dans les mosquées locales, ainsi que des demandes de la part du parti de la justice et du développement et de l'association Al Adl Wal Ihsane de traduire les participants en justice, une manifestation d'un millier de personnes, la destruction d'une boutique qui appartenait à un des participants, et la condamnation, sans preuve d'après Human Rights Watch, de six personnes à des peines de 4 à 10 mois de prison[2].
Conditions de vie
Acceptation sociale
Comme dans la majorité du Moyen-Orient, l'homosexualité est vue comme extérieure à l'identité marocaine, une importation occidentale : ainsi, toute relation homosexuelle entre un Occidental et un Marocain est vue comme une forme de prostitution ; cette croyance prend toutefois racine dans des réalités historiques de tourisme sexuel[1].
Sociabilité
En raison de la répression de l'homosexualité, la fréquentation de sites de rencontres, tels que Gaydar, mais plus généralement le cruising, sont des activités risquées ; ainsi, de nombreux marocains décident de partir à l'étranger, notamment en Turquie ou en Thaïlande, pour avoir des relations homosexuelles[1].
Références
- (en) Brian Whitaker, « In search of a rainbow », dans Unspeakable love: gay & lesbian life in the Middle East, new edition, (ISBN 978-0-86356-483-3), p. 58-59
- (en) Brian Whitaker, « In search of a rainbow », dans Unspeakable love: gay & lesbian life in the Middle East, new edition, (ISBN 978-0-86356-483-3), p. 72
Bibliographie
- Gianfranco Rebucini, « Lieux de l’homoérotisme et de l’homosexualité masculine à Marrakech », L’Espace Politique, 13 | 2011-1, mis en ligne le 03 mai 2011, consulté le 07 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/espacepolitique/1830 ; DOI : https://doi.org/10.4000/espacepolitique.1830
- Gianfranco Rebucini, « Masculinités hégémoniques et « sexualités » entre hommes au Maroc », Cahiers d’études africaines [En ligne], 209-210 | 2013, mis en ligne le 06 juin 2015, consulté le 07 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/etudesafricaines/17367 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.17367
- Valérie Beaumont, « Amitiés particulières au Maghreb : sociabilités et discours homosexuels », L’Année du Maghreb [En ligne], VI | 2010, mis en ligne le 01 janvier 2013, consulté le 07 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/890 ; DOI : https://doi.org/10.4000/anneemaghreb.890
- CAILLé Patricia, « Homosexualité dans les cinémas d'Afrique du Nord », Africultures, 2013/6 (n° 96), p. 88-107. DOI : 10.3917/afcul.096.0088. URL : https://www.cairn.info/revue-africultures-2013-6-page-88.htm