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Mine de Rio Tinto

La mine de Rio Tinto est une mine à ciel ouvert de cuivre située dans la municipalité de la Minas de Riotinto en Andalousie en Espagne. Elle est la mine historique de l'entreprise Rio Tinto. Elle a fermé en 2001. Elle est depuis partiellement remplie d'eau.

Mine de Rio Tinto
Ressources
Ouverture
1873
Fermeture
2001
Patrimonialité
Pays
Communautés autonomes
Provinces d'Espagne
Commune
Coordonnées
37° 42′ 13″ N, 6° 35′ 27″ O
Localisation sur la carte d’Espagne
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Histoire

DĂ©but d'exploitation

Depuis l'antiquité, le site riche en métaux, situé le long de la rivière Río Tinto était exploité pour sa richesse en cuivre, argent, or, et autres minéraux[1].

Il semble qu'environ 3000 ans av. J.-C., les Ibères et Tartessiens avaient déjà commencé à exploiter ce site, suivie par les Phéniciens, les Grecs, Romains, Wisigoths, et Maures.

Après une période d'abandon, ces mines ont été redécouvertes en 1556, puis appropriées par le roi d’Espagne en 1724[1], année de l'abdication de Philippe V d'Espagne en faveur de son fils aîné Louis Ier.

Vente de la mine à des intérêts privés

L'activitĂ© extractive semble avoir Ă©tĂ© en Espagne Ă  cette Ă©poque assez peu efficace, et l'attention du gouvernement Ă©tait par ailleurs distraite par des crises politiques et financières[2]. Ceci a conduit le gouvernement Ă  vendre ces mines en 1873 Ă  un consortium conduit par un riche industriel Hugh Matheson (Matheson's Matheson and Company), avec la Deutsche Bank (56 % des parts), la sociĂ©tĂ© de Matheson (24 % des parts), et de la compagnie de chemins de fer Clark, Punchard and Company (20 % des parts). Le prix de vente a Ă©tĂ© de seulement 3 680 000 Livre sterling (soit 92,8 millions pesetas espagnoles). Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© par la suite que ce montant Ă©tait très infĂ©rieur Ă  la valeur rĂ©elle de la mine[3]. L'offre comportait une clause prĂ©cisant que le gouvernement espagnol renonçait dĂ©finitivement Ă  tout droit de rĂ©clamer des redevances sur la production de la mine. Peu après l'achat de la mine, le consortium a crĂ©Ă© une sociĂ©tĂ© industrielle nommĂ©e Rio Tinto (inscrite au registre espagnol des sociĂ©tĂ©s le 29 mars 1873[2].

De 1877 Ă  1891, la mine de Rio Tinto a Ă©tĂ© le premier lieu de production mondial de cuivre[4]. En 1890, selon Paul Louis Weiss, la production de cuivre dans le monde atteint 349 000 tonnes, dont plus de 40 000 sortent des mines de Rio Tinto et Tharsis (es)[5]. La mine est exploitĂ©e pendant 81 ans par le groupe minier Rio Tinto, jusqu'au milieu du XXe siècle, puis par les travailleurs, et est dĂ©finitivement abandonnĂ©e en 2001. La rĂ©gion revient ensuite Ă  la pratique de l'agriculture, comme activitĂ© principale[6].

Les teleras et l'année de la fusillade (1888)

Le 4 fĂ©vrier 1888, peu après l’arrivĂ©e du nouveau directeur gĂ©nĂ©ral, William Rich, nommĂ© par de nouveaux actionnaires de l'entreprise Rio Tinto, essentiellement londoniens, une manifestation de mineurs et d’agriculteurs qui protestaient contre les fumĂ©es des teleras (système de calcination du minerai en plein air) et les conditions de travail misĂ©rables fut rĂ©primĂ©e par l’armĂ©e. Bien que le Gouvernement central et la Compagnie minimisèrent l’évĂ©nement, l’on estime a plus de deux cents le nombre de morts. Ces faits sanglants sont connus dans la province de Huelva sous le nom d’« annĂ©e de la fusillade Â» (año de los tiros).

Les teleras Ă©taient pratiquĂ©es dans la zone depuis le dĂ©but du siècle. Mais avec l’arrivĂ©e des Anglais, cet usage s’est intensifiĂ© considĂ©rablement au point que l’on estime qu’étaient ainsi calcinĂ©es 500 tonnes par an. La situation avait un certain Ă©cho au niveau national, et dans la province la population se divisait entre « fumistes Â» (humistas), qui soutenaient leur utilisation comme symbole de progrès, et « antifumistes Â» (antihumistas), qui critiquaient l’énorme pollution (de fait, les fumĂ©es dĂ©gagĂ©es par les teleras polluaient l’ensemble de la rĂ©gion, et Ă©taient parfois visibles dans la sierra de SĂ©ville, et mĂŞme Ă  Ayamonte et au Portugal)[6]. C’est pourquoi, dès 1877 les premières plaintes furent adressĂ©es au gouvernement de Cánovas del Castillo, qui aboutirent Ă  la publication d’un arrĂŞtĂ© du 22 juillet 1879, qui ne faisait qu’accorder de faibles indemnisations des dommages causĂ©s aux cultures, lĂ©galisant ainsi d’une certaine manière l’usage de ces calcinations, en dĂ©pit des dĂ©cès de travailleurs de la zone qu’elles avaient causĂ©s (dĂ©cès que les mĂ©decins de la Compagnie attribuaient Ă  des maladies congĂ©nitales des travailleurs).

Les municipalités, quant à elles, tentèrent d’interdire ces pratiques. Mais le Gouvernement, sous l’influence de la Compagnie et des journaux conservateurs comme La Provincia, abrogeait systématiquement les arrêtés municipaux.

Le niveau du mĂ©contentement Ă©tait tel, que propriĂ©taires terriens et journaliers, que la pollution privait de leurs moyens d'existence, s’unirent aux protestations ouvrières et « environnementales Â» des mineurs. C’est ainsi que le 30 janvier de cette annĂ©e 1888, une manifestation emmenĂ©e par l’anarco-syndicaliste cubain Maximiliano Tornet se prĂ©sente Ă  la mairie de la localitĂ© pour remettre une sĂ©rie de revendications, parmi lesquelles la cessation des calcinations en plein air[7]. Ce n'est que le 29 dĂ©cembre de la mĂŞme annĂ©e que le Gouvernement dĂ©crètera que l'usage de ce type de calcinations (interdit en Grande-Bretagne sept annĂ©es auparavant) doit ĂŞtre rĂ©duit.

Le 1er février, une grève commence dans le bassin minier, qui conduit le Gouverneur Civil à cantonner à Huelva deux compagnies du régiment du général Pavía commandées par le lieutenant-colonel Ulpiano Sánchez. Les jours suivants, malgré les tentatives de médiation de la Guardia Civil, se produisirent des incidents violents, la municipalité et le gérant de la Compagnie, William Rich, n’acceptant aucune négociation et alertant probablement la capitale afin qu’elle envoie l’armée à Riotinto[7].

Le 4 février au matin, s’organise une nouvelle manifestation, à laquelle se joignent des habitants de la ville proche de Nerva et des zones limitrophes, et une délégation se présente à la mairie pour exposer leurs revendications. La place de la Constitution de la localité est pleine de travailleurs, de femmes et d’enfants et l’on estime qu’il y avait douze mille manifestants[6]. Il s’agissait d’une manifestation pacifique, mais, sans que l’on ait jamais su exactement par qui, l’ordre fut donné aux soldats de Pavía d’ouvrir le feu sur la foule, les soldats ayant ensuite achevé les blessés à coups de baïonnettes.

On ne sait pas ce que sont devenus les corps, vraisemblablement ensevelis sous des dĂ©combres de la mine. Ces faits tragiques, qui ont causĂ© une forte Ă©motion nationale et internationale, peuvent ĂŞtre considĂ©rĂ©s comme une des premières manifestations Ă©cologiques[6] mais, malgrĂ© un dĂ©cret-royal du ministre JosĂ© Luis Albareda, les teleras ne furent totalement interdites en Espagne qu’en 1907. 

Articles connexes

Références

  1. (en) Sarah Bordenstein, « Rio Tinto, Spain », sur Science Education Resource Center ; Carleton College (consulté le )
  2. (en) Charles E. Harvey, The Rio Tinto Company : An Economic History of a leading international mining concern, 1873-1954, Alison éditeurs Hodge, (présentation en ligne), p. 10-11, 23, 52, 89, 202, 207-215, 314-324
  3. (en) « Huelva Province – Rio Tinto », sur Andalucia.com (consulté le )
  4. (en) Horace Jared Stevens, The Copper Handbook, vol. 8, Horace J. Stevens, , p. 1547
  5. Paul Louis Weiss, Le Cuivre : Origine, Gisements, Propriétés physiques et chimiques, Métallurgie… Marché du cuivre, Principales applications… Alliages industriels, Jean-Baptiste Baillière et fils, , 344 p. (ASIN B0019TU3SK, lire en ligne), p. 7-8
  6. (es) Lola Galán, « Los muertos sin nombre de Riotinto », El País,‎ (lire en ligne)
  7. Gérard Chastagnaret, De fumées et de sang : Pollution minière et massacre de masse. Andalousie - xixe siècle, Madrid, Casa de Velázquez année=2017 (ISBN 9788490960929, lire en ligne), « Rio Tinto cœur de cible. La tragédie, acte IV »


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