Manuel Fresco
Manuel Fresco (nĂ© le Ă Navarro, Buenos Aires, et mort le ) est un homme politique argentin, gouverneur de la province de Buenos Aires (Argentine) du au , succĂ©dant Ă RaĂşl DĂaz (es)[1]. Étoile montante du Parti dĂ©mocrate national (conservateur), aux cĂ´tĂ©s de Vicente Solano Lima, et proche du fascisme, il avait Ă©tĂ© Ă©lu en novembre 1935 lors d'Ă©lections parmi les « plus burlesques » et teintĂ©es de « fraudes » de la « dĂ©cennie infâme », selon les mots de l'ambassadeur des États-Unis[2] - [3].
Fresco en tant que gouverneur
Médecin et conseiller municipal du Parti conservateur à Avellaneda, il avait été élu député provincial en 1919, et s'opposait fortement au vote à bulletin secret, en vigueur depuis la loi Sáenz Peña de 1912, qui avait permis l'accession au pouvoir de l'Union civique radicale (UCR). Il fut élu député national le , six mois avant le coup d'État militaire du général José F. Uriburu, dont il était l'un des soutiens, en tant qu'opposant du président radical Yrigoyen. Le dictateur le nomme gouverneur administratif (interventor) de Morón (province de Buenos Aires) puis Directeur général de l'hygiène de la province[4].
Participant Ă la rĂ©organisation des conservateurs dans la province de Buenos Aires, il fut Ă©lu aux Ă©lections de dĂ©putĂ© du Parti dĂ©mocrate national (PDN, conservateur) nouvellement crĂ©Ă©, et devint en 1933 prĂ©sident de son groupe parlementaire[4]. L'annĂ©e suivante, le prĂ©sident de facto AgustĂn P. Justo le nomma prĂ©sident de la Chambre des dĂ©putĂ©s, lui donnant ainsi une envergure nationale.
Ennemi de la « particratie » et du rĂ©gime « bourgeois, capitaliste, athĂ©e, libĂ©ral et matĂ©rialiste »[2], c'Ă©tait un admirateur de Mussolini et d'Hitler[2], qui s'opposait aux projets de salaire minimum, prĂ©conisant une sorte de darwinisme social[2]. DĂ©fenseur du corporatisme fasciste, ce que dĂ©nonça le socialiste Nicolás Repetto dans Mi Paso por la polĂtica, il s'allia avec le courant gestionnaire de la CGT qui prĂ©fĂ©rait nĂ©gocier avec le gouverneur plutĂ´t que d'affronter directement le rĂ©gime corrompu. DĂ©magogue, il fut l'un des premiers Ă utiliser la radio et organisa nombre d'Ă©vĂ©nements sportifs.
Le , il fut choisi par le PDN pour représenter le parti aux élections provinciales de Buenos Aires, dues pour , avec comme colistier Aurelio F. Amoedo. Face à eux, l'UCR avaient présenté Honorio Pueyrredón et Mario Guido.
Il promulgua un décret, en , interdisant toute activité communiste liée à la Troisième Internationale, ce qui permit, selon l'opposition socialiste, de réprimer durement les réunions du PS, par exemple à Tandil[5].
Adversaire de la loi 1 420 sur l'éducation laïque, gratuite et obligatoire, il imposa, de façon illégale, en 1936, l'éducation religieuse dans toutes les écoles de la province.
Il chargea l'architecte Francisco Salamone du projet urbaniste « Dieu, Patrie et Foyer » (Dios, Patria y Hogar), célébrant la « Conquête du désert » contre les « barbares » du général Rosas (en fait une campagne d'extermination des peuples autochtones, en particulier les Mapuches) en construisant principalement dans les forts avancés de la province de Buenos Aires à cette époque[6]. Salamone construisit ainsi de nombreux bâtiments dans la province, par exemple la mairie de Coronel Pringles (photo), combinant Art déco, fonctionnalisme, futurisme et architecture fasciste[7]. Fresco engagea en effet une politique de grands travaux, qui aboutit à la construction de la route no 2, du casino de Mar del Plata, et de la prison d'Olmos[8].
Les années 1940
Ami du cĂ©lèbre caudillo d'Avellaneda, Alberto BarcelĂł[8], il lui cĂ©da sa candidature pour les Ă©lections de 1940. Il organisa en les Ă©lections lĂ©gislatives provinciales, auxquelles se prĂ©senta le radical Ricardo BalbĂn, qui avait promis que s'il Ă©tait Ă©lu alors que des fraudes avaient Ă©tĂ© commises, il dĂ©missionnerait, ce qu'il fit immĂ©diatement[9]. BarcelĂł, le candidat conservateur, fut Ă©lu gouverneur grâce Ă ces fraudes massives. Celles-ci convainquirent le prĂ©sident Roberto MarĂa Ortiz, Ă©lu en 1938, d'ordonner en l'annulation des Ă©lections et l'intervention fĂ©dĂ©rale, Octavio Amadeo Ă©tant nommĂ© Ă ce poste, afin de gouverner la province de Buenos Aires, dans un souci de nettoyer un peu la vie politique locale[9].
Le , Manuel Fresco annonça la création d'un mouvement politique, l'Union Nacional Argentina (Patria), qui fut rapidement transformé en parti, proposant la défense de la famille et de la patrie, ainsi qu'une position neutraliste quant à la Seconde Guerre mondiale. Il fonda ensuite, en 1942, un journal, Cabildo, pour diffuser ses idées (un magazine catholique nationaliste reprit ce nom dans les années 1970). Après l'enlèvement d'Adolf Eichmann en 1960 par le Mossad, Cabildo participa à la campagne antisémite initiée par le mouvement nationaliste Tacuara[10].
Après le coup d'État de 1943 qui porta le gĂ©nĂ©ral RamĂrez au pouvoir, Fresco fut le seul dĂ©putĂ© conservateur, avec Alberto Viñas, Ă conserver des responsabilitĂ©s administratives, en Ă©tant nommĂ© mĂ©decin des rĂ©seaux ferroviaires et travaillant au dĂ©partement national d'hygiène[4].
Fresco était l'une des personnalités présentes à l'investiture à la vice-présidence de Juan Pistarini en , lui aussi connu pour ses positions pro-Axe, aux côtés d'Enrique P. Oses[11].
Notes et références
- Site de la province de Buenos Aires
- (es) Felipe Pigna, Los mitos de la historia argentina, vol. 3 : De la ley Sáenz Peña a los albores del peronismo, Buenos Aires, Grupo Editorial Norma, coll. « Historia y sociedad », , 310 p. (ISBN 978-950-49-1544-7), p. 286 et 297
- Lee J. Alston, Andres A. Gallo (2007) Electoral Fraud, the Rise of Peron and Demise of Checks and Balances in Argentina
- Marcela P. Ferrari, “En torno a la especializaciĂłn en polĂtica. Notas sobre las trayectorias de los parlamentarios argentinos en tiempos de ampliaciĂłn democrática”, UniversitĂ© nationale de Mar del Plata-CEHIS, prĂ©sentĂ© Ă Rosario durant les journĂ©es du 20-23 septembre 2005 (cf. en part. p. 15)
- Luciano O. Barandiarán, Los polĂticos en la calle: las conferencias polĂticas del Partido Socialista en Tandil, 1929-1946
- Art DecĂł pampeano en la muestra de Francisco Salamone, El Popular, 17 octobre 2007
- Alberto Belluci, Monumental Deco in the Pampas: The Urban Art of Francisco Salamone, The Journal of Decorative and Propaganda Arts, Vol. 18, Argentine Theme Issue (1992), p. 91-121. (en)
- Barracas Al Sur, La Muerte (biographie d'Alberto BarcelĂł), La NaciĂłn, 21 juin 1998
- Felipe Pigna, Biographie de Ricardo BalbĂn, El Historiador
- Sergio Kiernan, Tacuara saliĂł a la calle, Pagina/12, 15 mai 2002
- 1945:Nazis Gather : IN OUR PAGES:100, 75 AND 50 YEARS AGO, New York Times, 24 octobre 1995 (republication d'un article de 1945)