Maintenance
La maintenance vise à maintenir ou à rétablir un bien dans un état spécifié afin que celui-ci soit en mesure d'assurer un service déterminé[1]
La maintenance regroupe ainsi les actions de dépannage et de réparation, de réglage, de révision, de contrôle et de vérification des équipements matériels (machines, véhicules, objets manufacturés, etc.) ou même immatériels (logiciels).
Un service de maintenance peut également être amené à participer à des études d'amélioration du processus industriel, et doit, comme d'autres services de l'entreprise, prendre en considération de nombreuses contraintes comme la qualité, la sécurité, l'environnement, le coût, etc.
Évolution sémantique
En français, au XIVe siècle, le mot « maintenance » signifie « action de conserver une possession[2] » pour évoluer vers « action de maintenir, maintien, soutien, au XVIe siècle[2] ».
Le terme est emprunté outre-Manche vers la même époque, dans le sens de « tenue », « comportement », évoluant, au début du XVe siècle, vers celui de « maintenir ou garder en vie »[3].
Dans son acception actuelle, le terme de « maintenance » est un anglicisme partiel. Il est donné comme « réemprunt intégré » par le linguiste Jean Tournier dans Les Mots anglais du français : « maintenance (...) (mintt-nanss), n. f. a) 1953. Maintien numérique des effectifs et du matériel d'une troupe au combat ; b) 1962, plus généralement, ensemble des opérations d'entretien du matériel. Du moyen français maintenance « protection ». Réemprunt intégré. Admis au J. O. au sens b) dans différents domaines (18.01.73, 19.02.84, 21.03.86) »[4].
DĂ©finitions normatives
Une première définition normative de la maintenance est donnée par l'AFNOR en 1994 (norme NFX 60-010[1]), à savoir « l'ensemble des actions permettant de maintenir ou de rétablir un bien dans un état spécifié ou en mesure d’assurer un service déterminé ».
Depuis 2001, elle a été remplacée par une nouvelle définition, désormais européenne (NF EN 13306 X 60-319[5]) : « Ensemble de toutes les actions techniques, administratives et de management durant le cycle de vie d'un bien, destinées à le maintenir ou à le rétablir dans un état dans lequel il peut accomplir la fonction requise. »
La Fédération européenne des sociétés nationales de maintenance (en anglais European Federation of National Maintenance Societies ou EFNMS)[6] propose une définition similaire en anglais : « All actions which have the objective of retaining or restoring an item in or to a state in which it can perform its required function. The actions include the combination of all technical and corresponding administrative, managerial, and supervision actions » (littéralement : « Toutes les actions qui ont pour objectif de garder ou de remettre une chose en état de remplir la fonction qu’on exige d’elle. Ces actions regroupent toutes les actions techniques et toutes les actions d’administration, de direction et de supervision correspondantes »).
Typologie de la maintenance du matériel
Les actions de maintenance sont organisées de deux façons complémentaires : la maintenance préventive et la maintenance corrective.
La maintenance préventive consiste à intervenir sur un équipement avant que celui-ci ne soit défaillant, afin de tenter de prévenir toute panne. On interviendra de manière préventive soit pour des raisons de sûreté de fonctionnement (les conséquences d'une défaillance étant inacceptables), soit pour des raisons économiques (cela revient moins cher) ou parfois pratiques (l'équipement n'est disponible pour la maintenance qu'à certains moments précis). La maintenance préventive se subdivise en :
- maintenance systématique, qui désigne des opérations effectuées systématiquement, soit selon un calendrier (à périodicité temporelle fixe), soit selon une périodicité d'usage (heures de fonctionnement, nombre d'unités produites, nombre de mouvements effectués, etc.) ;
- maintenance conditionnelle, réalisée à la suite de relevés ou de mesures (kilométrage, temps de fonctionnement, etc. ), de contrôles révélateurs de l'état de dégradation de l'équipement (thermographie infrarouge, analyse vibratoire, contrôle non destructif, mesure d'épaisseur, analyse d'huile, etc.) ;
- maintenance prévisionnelle, réalisée à la suite d'une analyse de l'évolution de l'état de dégradation de l'équipement (par exemple contrôle periodique défini par le constructeur ou l’expérience).
La maintenance corrective consiste à intervenir sur un équipement lorsque celui-ci est défaillant ; elle se subdivise en :
- maintenance palliative : dépannage (donc provisoire) de l'équipement, permettant à celui-ci d'assurer tout ou partie d'une fonction requise ; elle doit toutefois être suivie d'une action curative dans les plus brefs délais ;
- maintenance curative : réparation (donc durable) consistant en une remise en l'état initial ou apte à la fonction requise.
Diverses méthodes permettent d'organiser la planification et l'ordonnancement des actions de maintenance : le réseau PERT, le diagramme de Gantt, la méthode MÉRIDE, l'analyse AMDEC.
Il existe des méthodes (par exemple, la méthode Maxer) et des logiciels de gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO), spécialement conçus pour assister les services de maintenance dans leurs activités.
Typologie de la maintenance des logiciels
En informatique logicielle, on divise la maintenance en plusieurs types :
- la maintenance corrective : elle consiste à corriger les défauts de fonctionnement ou les non-conformités d'un logiciel ;
- la maintenance adaptative : sans changer la fonctionnalité du logiciel, elle consiste à adapter l'application afin que celle-ci continue de fonctionner sur des versions plus récentes des logiciels de base, voire à faire migrer l'application sur de nouveaux logiciels de base (un logiciel de base étant un logiciel requis pour l'exécution d'une application; exemples : système d'exploitation, système de gestion de base de données).
La maintenance évolutive consiste à faire évoluer l'application en l'enrichissant de fonctions ou de modules supplémentaires, ou en remplaçant une fonction existante par une autre, voire en proposant une approche différente. Mais au sens de l'AFNOR, ce n'est même plus de la maintenance, puisque la maintenance consiste précisément à assurer qu'un bien continue de remplir sa fonction correctement[7], non à l'améliorer.
Niveaux de maintenance
La norme NF X 60-000 (avril 2016) définit, à titre indicatif, cinq « niveaux de maintenance » (comprendre « interventions ») :
Travaux | Lieu | Personnel | Exemple | |
---|---|---|---|---|
Niveau 1 | Réglages simples - pas de démontage ni ouverture du bien | Sur place | Exploitant du bien | Remise à zéro d'un automate après arrêt d'urgence, changement de consommable |
Niveau 2 |
|
Sur place | Technicien habilité | Changement d'un relais - contrôle de fusibles - réenclenchement de disjoncteur |
Niveau 3 |
|
Sur place ou dans atelier de maintenance | Technicien habilité | Identification de l'élément défaillant, recherche de la cause, élimination de la cause, remplacement |
Niveau 4 |
|
Atelier spécialisé avec outillage général, bancs de mesure, documentation | Equipe avec encadrement technique spécialisé | Intervention sur matériel dont la remise en service est soumise à qualification |
Niveau 5 |
|
Constructeur ou reconstructeur | Moyens proches de la fabrication | Mise en conformité selon la réglementation d'équipements lourds |
Il convient d'associer, dans la détermination des niveaux, la documentation et le matériel nécessaires[8].
Sigles de la maintenance
De même que le mot et le concept, les nombreux sigles de la maintenance sont d'origine anglo-saxonne. Toute une néologie a vu le jour, dont l'élément le plus spectaculaire est la kyrielle des sigles commençant par « MT » (initiales de « mean time », littéralement « temps moyen » (anglicisme), c'est-à -dire durée moyenne, intervalle de temps moyen, et par voie de conséquence, moyenne des temps). Quelques sigles à titre d'exemples, assortis de leur traduction plus ou moins littérale[9] :
- Sigles de 4 lettres :
- MTBD : mean time between defects, temps moyen entre défauts
- MTBE : mean time between errors, temps moyen entre erreurs
- MTBF : mean time between failures, temps moyen entre (deux débuts de) pannes
- MTBM : mean time between maintenances, durée moyenne entre maintenances
- MTBO : mean time between overhauls, temps moyen entre révisions
- MTBR : mean time between removals, temps moyen entre déposes
- MTTF : mean time to failure, temps moyen de fonctionnement avant panne[10].
- MTTM : mean time to maintenance, temps moyen jusqu'Ă la maintenance
- MTTN : mean time to notification, temps moyen de signalement (du problème)
- MTTR :
- 1/ mean time to recovery, temps moyen jusqu’à la remise en route ;
- 2/ mean time to repair, temps moyen jusqu'à la réparation ;
- 3/ mean time to restoration, temps moyen jusqu'Ă la remise en service
- MTUR : mean time to unscheduled removal, temps moyen (s’écoulant) jusqu’à la dépose non programmée.
- Sigles de 5 lettres :
- MTBCF : mean time between critical failures, temps moyen entre (deux débuts de) pannes graves ou « critiques » (anglicisme) (sur matériel redondé à dégradation progressive)
- MTBUR :
- 1/ mean time between unscheduled removals, temps moyen entre déposes non planifiées ;
- 2/ mean time between unscheduled replacements, temps moyen entre remplacements non planifiés
- MTTFF: mean time to first failure, temps moyen jusqu'à la première défaillance
- MTTUR : mean time to unscheduled removal, temps moyen jusqu’à la dépose non programmée.
Philosophie de la maintenance
Jérôme Denis et David Pontille consacrent en 2022 un ouvrage philosophique à la question longtemps déconsidérée de la maintenance, dont ils estiment qu'elle a bien une portée politique. La maintenance comme art de faire durer les choses s'oppose à la fois à l'hymne au progrès technique, à l'impératif de l'innovation ou de la disruption, comme aux critiques du matérialisme[11]. Ils s'attachent à démontrer que la maintenance permet un recentrement du regard vers la fragilité essentielle des objets, qui suppose une attention aux choses particulière[12].
Ils recourent notamment à l'analyse des performances de Mierle Laderman Ukeles, distinguent les logiques de la maintenance de celles de la réparation, dans une attention au tact des opérateurs et opératrices de maintenance, avec l'exemple de la signalétique du métro parisien[13]. Ainsi s'invente, selon eux, « à travers de nombreuses formes de maintenance une voie alternative dans les interstices d'un régime capitaliste massivement organisé autour d'une dynamique de consommation et de production toujours en croissance ». La maintenance comme « soin des choses » n'est pas le statu quo, mais un foyer d'activité critiques et un site diplomatique entre hommes et choses[14].
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) Kelly A., Harris M. J., Management of Industrial Maintenance, Londres, Butterworths Management Library,
- (en) Nakajima S., Total Productive Maintenance. Introduction to TPM, Cambridge, Productivity Press,
- Ă©dition originale : Nakajima S., TPM Nyumon, Tokyo, JIPM,
- (en) Kelly A., Maintenance and its Management, Farnham (England), Conference Communication,
- (en) Nakajima S., TPM Development Program : Implementing Total Productive Maintenance, Cambridge, Productivity Press,
- Ă©dition originale : Nakajima S., TPM Tenkai Program, Tokyo, JIPM,
- traduction française : Nakajima S., La Maintenance Productive Totale (TPM). Mise en œuvre, AFNOR,
- Souris J.-P., La maintenance source de profits, Paris, Les Éditions d’Organisation,
- François Monchy, La fonction maintenance, formation à la gestion de la maintenance industrielle, Paris, Édition Masson,
- J. Favier, S. Gau, D. Gavet, I. Rak, C. Teixedo, Dictionnaire de technologie industrielle, Paris, Foucher, , 384 p. (ISBN 2-216-03536-X)
- Jean-Claude Francastel, La fonction maintenance - De l'expression à la satisfaction du besoin, AFNOR Éditions, 2007, 368 p. (ISBN 978-2-12-475569-1)
- Jean Dupré, La Maintenance sous-traitée, Thebookedition.com, 2013, 325 p.
- François Monchy, Claude Kojchen, Maintenance - Outils, Méthodes et Organisations, 4e édition, Dunod, 2015, 610 p.
- Jérôme Denis et David Pontille, Le soin des choses : Politiques de la maintenance, Paris, La Découverte, coll. « Terrains philosophiques », , 368 p. (ISBN 9782348064838).
Notes et références
- NF X60-010 - juin 1984 - Norme Annulée, AFNOR (consulté le 8 janvier 2023).
- Informations lexicographiques et étymologiques de « Maintenance » (sens B) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
- The Oxford Talking Dictionary, The Learning Company, 1998.
- Jean Tournier, Les Mots anglais du français, Belin, 1998, section « Armement, armée », p. 282.
- Les 5 niveaux de maintenance industrielle, infoqualite.fr (consulté le 8 janvier 2023).
- (en) Site de l'European Federation of National Maintenance Societies (EFNMS)
- Nicolas Terrier, La maintenance [PDF], projet universitaire de DESS QUASSI, 2001-2002, université d'Angers.
- Christian Coudre, Les différentes formes de maintenance, sur le site TPM Attitude, section « Les 5 niveaux de maintenance ».
- Source : The words of industrial maintenance / Les mots de la maintenance industrielle, English-French dictionary for the maintenance professional / Dictionnaire anglais-français pour le professionnel de la maintenance, CERAV, Paris, octobre 2009.
- À ne pas confondre avec mean time to fix, temps moyen entre l’apparition d’un problème et sa solution, synonyme de mean time to repair, voir infra.
- Denis et Pontille 2022, p. 15-16.
- Denis et Pontille 2022, p. 17-20.
- Denis et Pontille 2022, p. 32-64.
- Denis et Pontille 2022, p. 351-361.
Annexes
Liens externes
- Fatime Ly, Zineb Simeu-Abazi, Jean-Baptiste Leger, Terminologie maintenance : bilan [PDF] (certaines des traductions en anglais ne sont pas attestées)
- (en) Analysis and Modeling of Grouped and Opportunistic Preventive Maintenance
- (en) Maintenance Terminology - Some Key Terms. The Reliability Revolution, By Sandy Dunn, Webmaster, Plant Maintenance Resource Center