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Lucia de Berk

Lucia de Berk (née le à La Haye) est une infirmière néerlandaise victime d'une erreur judiciaire provoquée entre autres par une mauvaise utilisation des statistiques et des probabilités.

Lucia de Berk
Biographie
Naissance
Nationalité
Activité
Fratrie
Ton Derksen (d)
Autres informations
Condamnée pour

Premières années

Lucia de Berk est une infirmière pĂ©diatrique diplĂ´mĂ©e, diplĂ´me qu'elle a obtenu Ă  La Haye ; pour pouvoir intĂ©grer cette Ă©cole elle a cependant falsifiĂ© un diplĂ´me d'un lycĂ©e canadien[1] - [alpha 1]. De plus elle s'est prostituĂ©e au Canada lorsqu'elle avait 17 ans[1] - [alpha 1].

Après l'obtention de son diplôme d'infirmière, elle exerce d'abord à l'hôpital de la Croix Rouge puis à l'hôpital pédiatrique Juliana ; c'est là qu'elle travaille lorsque l'affaire éclate[1].

Accusation

Faits reprochés

Il est remarquĂ© en 2001 que, lors de plusieurs dĂ©cès ou rĂ©animations Ă  l'hĂ´pital Juliana, Lucia de Berk Ă©tait de service : pendant les 9 mois durant lesquels de Berk y a travaillĂ©, on a comptĂ© 8 Ă©vĂ©nements suspects (6 dĂ©cès et 2 rĂ©animations), tous supposĂ©ment pendant les pĂ©riodes de service de Lucia de Berk[1]. Bien qu'aucun de ces Ă©vĂ©nements n'ait initialement suscitĂ© d'attention particulière, ils sont tous requalifiĂ©s en mort non naturelle dès le dĂ©but de l'affaire[1]. Deux cas retiennent principalement l'attention : Amber, un nourrisson de 6 mois gravement malade et dont le cadavre contenait des teneurs anormales de digoxine alors qu'on ne lui en prescrivait plus depuis deux mois ; et Achmad, petit garçon tombĂ© dans le coma Ă  la suite d'une surdose d'hydrate de chloral (qui lui avait pourtant Ă©tĂ© prescrit par un neurologue de l'hĂ´pital)[1]. Dans tous les autres cas dits suspects l'accusation n'Ă©tait pas en mesure d'expliquer en quoi le dĂ©cès n'Ă©tait pas dĂ» Ă  une cause naturelle, et encore moins que de Berk y Ă©tait pour quoi que ce soit[1]. De Berk a Ă©tĂ© accusĂ©e d'avoir choisi pour victimes des musulmans, dont les familles refuseraient toute autopsie pour des raisons religieuses[1].

Raisonnement statistique

L'accusation demande une expertise statistique pour étayer les charges contre Lucia de Berk. Celle-ci est effectuée non par un statisticien professionnel mais par Henk Elffers, professeur de droit titulaire d'une licence de statistiques[1]. Celui-ci va alors étudier les événements suspects ayant eu lieu à l'hôpital Juliana et dans les deux services de l'hôpital de la Croix Rouge et les mettre en rapport avec la présence ou non de Lucia de Berk lors de ces événements. À l'aide de trois tests de Fisher il trouve que les probabilités qu'une même infirmière soit présente par hasard durant autant d'événements suspects est de pour l'hôpital Juliana, et pour les deux services de l'hôpital de la Croix Rouge[1]. En multipliant ces probabilités entre elles[alpha 2], il obtient un résultat global de , d'où il conclut à la culpabilité de Lucia de Berk[1].

Fautes de procédure

Les erreurs de raisonnement ont été nombreuses pendant l'affaire. On peut en particulier citer[1] :

  • Une dĂ©finition fallacieuse des cas suspects : ceux-ci ayant tous Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme naturels au moment oĂą ils sont survenus, seules des situations durant lesquelles Lucia de Berk Ă©tait prĂ©sente ont Ă©tĂ© qualifiĂ©es de suspectes.
  • Une liste des cas suspects fluctuante : au premier procès Lucia de Berk est condamnĂ©e pour 4 meurtres et 3 tentatives, en appel pour 7 meurtres et 3 tentatives (l'une des quatre accusations de meurtre ayant Ă©tĂ© abandonnĂ©e). Les avocats de la dĂ©fense ont rĂ©ussi Ă  montrer que dans plusieurs cas, l'accusĂ©e n'Ă©tait en fait pas prĂ©sente Ă  l'hĂ´pital au moment du dĂ©cès.
  • Le calcul de Henk Elffers, et notamment son produit de probabilitĂ©s non-indĂ©pendantes, Ă©tait erronĂ©. Il n'a de plus jamais Ă©tĂ© corrigĂ© au fur et Ă  mesure des changements de listes de cas suspects.
  • Le fait que le petit Achmad soit mort Ă  cause d'une erreur de prescription alors que Lucia de Berk Ă©tait absente n'a pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme suspect, alors que son coma Ă  cause d'une overdose de mĂ©dicaments en la prĂ©sence de l'infirmière l’a Ă©tĂ©.
  • Le fait qu'une analyse complĂ©mentaire effectuĂ©e dans un laboratoire de Strasbourg ait montrĂ© que pour la petite Amber, la concentration en digoxine n'Ă©tait finalement pas anormale. Cette analyse a Ă©tĂ© ignorĂ©e par la Cour suprĂŞme des Pays-Bas.
  • Le fait que, durant les 9 mois prĂ©cĂ©dant ceux oĂą Lucia de Berk avait travaillĂ© Ă  l'hĂ´pital Juliana, il y ait eu un mort de plus que lorsqu'elle y travaillait, ce qui ne cadre pas avec l'hypothèse d'arrivĂ©e d'une tueuse en sĂ©rie au sein de l'hĂ´pital.

Conditions de détention

Entre sa première condamnation Ă  la prison Ă  vie et le dĂ©but du procès en rĂ©vision en 2008, Lucia de Berk passe 6 ans en prison[1]. Elle y fait un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral qui n'est pris en charge que 10 heures plus tard ; elle en garde une paralysie du cĂ´tĂ© droit du corps[1].

Révision du procès

Un frère et une sœur, Ton Derksen (nl) et Metta de Noo, proches de certains protagonistes de l'affaire (Ton Derksen est l'époux de la pédiatre en chef de l'hôpital Juliana) enquêtent sur l'affaire à titre privé, alertés par le manque de rigueur scientifique des qualifications des décès suspects[1]. Ils attirent des statisticiens professionnels, dont Richard Gill, dans leur sillage et parviennent à soulever suffisamment d'éléments à décharge pour provoquer en 2008 la révision de la condamnation de Lucia de Berk[1]. Au terme de ce dernier jugement, Lucia de Berk est innocentée en 2010[1].

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : référence utilisée pour la rédaction de l'article.

  • (nl) Lucia de Berk: reconstructie van een gerechtelijke dwaling, Ton Derksen, (2006), 311 p., Veen Magazines - Diemen, (ISBN 978-90-8571-048-6)
  • Leila Schneps et Coralie Colmez (trad. de l'anglais par Coralie Colmez), Les maths au tribunal : les erreurs de calcul font les erreurs judiciaires [« Math on Trial. How Numbers Get Used and Abused in the Courtroom »], Paris, Seuil, coll. « Science ouverte », 280 p. (ISBN 978-2-02-110439-4), chap. 7 (« L'affaire Lucia de Berk : un bon ange ou bien une tueuse ? »). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.

Notes et références

Notes

  1. Cette information a été réutilisée à charge au cours des différents procès de Lucia de Berk.
  2. La multiplication de ces probabilités donne cependant un résultat dépourvu de signification, car les différents événements associés ne sont pas indépendants.

Références

  1. Leila Schneps et Coralie Colmez (trad. de l'anglais par Coralie Colmez), Les maths au tribunal : les erreurs de calcul font les erreurs judiciaires [« Math on Trial. How Numbers Get Used and Abused in the Courtroom »], Paris, Seuil, coll. « Science ouverte », 280 p. (ISBN 978-2-02-110439-4), chap. 7 (« L'affaire Lucia de Berk : un bon ange ou bien une tueuse ? »).
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