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Louis-Arsène Delaunay

Louis-Arsène Delaunay est un comédien français, né le à Paris et mort le à Versailles[1] - [2]. Il a été professeur au Conservatoire de Paris et sociétaire de la Comédie-Française de 1850 à 1887[3].

Louis Arsene Delaunay
Louis-Arsène Delaunay en 1860, photographie de Charles Reutlinger
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  77 ans)
Versailles
Nationalité
Activité

Biographie

Fils d’un marchand de vin, Delaunay entra d’abord comme employé chez un marchand drapier mais, passionné pour le théâtre depuis l’enfance, il y resta peu de temps. Sur le conseil de Monval, régisseur du Gymnase, il alla voir le célèbre Provost, qui, après l’avoir entendu, le fit admettre dans sa classe au Conservatoire en 1844. Tout en continuant ses études, Delaunay obtint de jouer au Gymnase, en , un rôle dans une pièce d’Arvers, les Deux Césars. Il y passa inaperçu, la pièce tomba, et au mois d’août il obtint un accessit de comédie au Conservatoire. Delaunay se mit alors à jouer dans des théâtres de la banlieue. L’acteur Bocage, qui l’entendit par hasard à Montmartre, lui proposa d’entrer à l’Odéon, dont il venait d’être nommé directeur. Bien que les appointements qu’il lui offrait fussent dérisoires, Delaunay s’empressa d’accepter.

Le , le jeune homme débuta au Second Théâtre-Français dans le rôle de Damis. Il y créa successivement, le , l’Oncle de Normandie, une spirituelle comédie de Mary Lafon, le 20 du même mois l’Ingénue à la cour, de Mazère et Empis et, le suivant, l’Univers et la maison, pièce en cinq actes et en vers de Méry, qui le mirent en lumière. Il ne réussit pas moins dans l’ancien répertoire.

Théophile Gautier écrivait alors : « Un jeune homme inconnu, nommé Delaunay, s’est révélé subitement le jeune premier le plus accompli de Paris. Il a du feu, de la candeur, une voix nette et mordante, toutes les qualités de l’emploi. » Ces qualités lui valurent d’être engagé, comme pensionnaire à la Comédie-Française, où il débuta, à vingt-deux ans, le . Il fut très applaudi dans l’École des maris, l’École des femmes, surtout dans Dorante du Menteur et le Chevalier du Distrait et, dès le , il était nommé sociétaire.

Depuis cette époque, pendant trente-six ans, Delaunay tint avec un éclat persistant l’emploi des jeunes premiers à la Comédie-Française, à laquelle il resta fidèlement attaché, malgré les offres brillantes qui lui furent faites à diverses reprises pour jouer ailleurs. Sociétaire modèle et comédien hors ligne, il reprit, outre les pièces du vieux répertoire des rôles dans des pièces du nouveau répertoire, où il se fit vivement applaudir, notamment : l’Honneur et l’argent, le Gendre de monsieur Poirier, Hernani, Marion Delorme, le Demi-Monde, le Marquis de Villemer, Don Juan d’Autriche, Mademoiselle de Belle-Isle, etc.

Ses crĂ©ations furent très nombreuses. Il faut citer d’abord ses rĂ´les de Fortunio dans Le Chandelier et de Valentin dans Il ne faut jurer de rien, d’Alfred de Musset. Il y excella et contribua puissamment, avec Louise Rosalie Allan-DesprĂ©aux, Ă  rĂ©vĂ©ler Alfred de Musset comme auteur dramatique. Parmi les autres pièces qu’il a crĂ©Ă©es, il faut citer : l’Aventurière, d’Augier (1848) ; Ulysse, de Ponsard (1852) ; le CĹ“ur et la dot, de Mallefille, (1852) ; la Joie fait peur, par Delphine de Girardin (1851) ; la Fiammina, de Mario Uchard (1857) ; la ConsidĂ©ration, de Doucet (1860) ; le Fils de Giboyer, d’Augier (1862) ; Jean Baudry, de Vacquerie (1863) ; Maitre GuĂ©rin, d’Augier (1861) ; le Lion amoureux, de Ponsard (1866) ; le Fils, de Vacquerie (1866) ; Paul Forestier, d’Augier (1868) ; les Faux mĂ©nages, de Pailleron (1869) ; Jean de Thommeray d’Augier et Sandeau (1873) ; le Sphinx, de Feuillet (1877) ; Daniel Hochat, de Sardou (1880) ; le Monde oĂą l’on s’ennuie, de Pailleron (1881) ; Mlle du Vigan, de Simone Arnaud (1883) ; etc.

En 1886, il créa le rôle de Racine dans l’à-propos, intitulé 1802, écrit par Renan au sujet de l’anniversaire de Victor Hugo. Bien que son talent n’eût pas faibli, Delaunay, après avoir passé trente-huit ans à la Comédie-Française, se détermina à quitter le théâtre, le . Lors de sa représentation d’adieux, le [4], il reparut dans le Menteur, le Misanthrope, le Chandelier, où il fut l’objet d’une ovation enthousiaste. Avant de quitter le public, il s’avança vers la rampe et prononça un petit discours d’adieu au milieu de l’émotion générale.

Après avoir quitté le théâtre, il continua au Conservatoire le cours qu’il faisait depuis . En , il fut mis à la retraite pour ces dernières fonctions. Il vivait paisible, s’occupant de son jardin et de ses fleurs dans sa maison de la rue des Missionnaires à Versailles lorsqu’il succomba aux suites d’une crise de diabète. Il fut inhumé au cimetière de Montmartre.

Jules Ferry, alors prĂ©sident du conseil, l’avait nommĂ© chevalier de la LĂ©gion d’honneur, par dĂ©cret du . Dans ses Souvenirs, Delaunay a racontĂ© qu’il allait quitter la ComĂ©die-Française et donnait dĂ©jĂ  sa sĂ©rie de reprĂ©sentations d’adieux lorsque :

« Vers le 6 ou le 7 avril, Vacquerie entre dans ma loge, entre deux actes des Effrontés.
« — Causons à cœur ouvert, me dit-il sans préambule. On annonce vos dernières représentations, il ne faut pas que vous partiez… »
« Je me mis Ă  sourire en ayant l’air de dire : « Puisqu’il le faut. Â»
« Mais si l’on vous décorait, resteriez-vous? »
« De la part de Vacquerie, je ne pouvais croire Ă  une plaisanterie, mais après tout ce qui avait Ă©tĂ© fait et Ă©crit, je ne pensais pas qu’on pĂ»t revenir, Ă  l’idĂ©e de M. LegouvĂ© de dĂ©corer les comĂ©diens au théâtre. Quelque pĂ©nible qu’eĂ»t Ă©tĂ© pour moi ce renoncement Ă  ce que dĂ©sirais le plus au monde, j’en avais pris mon parti en philosophe… La proposition de Vacquerie Ă©tait si inattendue que j’en demeurai stupĂ©fait. Il renouvela sa question avec insistance :
« — Si je vous fais décorer, donnez-moi votre parole d’honneur que vous resterez. »
« Je pris un temps – comme c’est la coutume Ă  la ComĂ©die-Française â€“ et je rĂ©pondis simplement : Oui, je vous la donne. Â»
« — Donnez-moi carte blanche et laissez-moi agir, j’en fais mon affaire. »
« Vacquerie alla trouver M. Jules Ferry, qui contre son attente, ne se montra point rebelle à l’idée… »
La petite cĂ©rĂ©monie eut lieu un soir, Ă  la ComĂ©die ; le ministre fut exquis. Delaunay ajoute :
« Et je promis Ă  M. Perrin de rester encore trois ans. Â»

— Delaunay, Souvenirs de M. Delaunay de la Comédie-française, Paris, Calmann Lévy, 1901.

Il est le père de l'acteur du Français Louis Delaunay et le beau-père de l'artiste lyrique de l'Opéra-Comique Rose Delaunay[5].

Jugements

Joignant Ă  un physique agrĂ©able un mĂ©lange de tendresse et d’étourderie, une flamme, une ardeur de jeunesse qui charmaient et qu’il conserva tant qu’il parut au théâtre, Sarcey a dit de lui : « Aucun comĂ©dien de ce temps n’approche de M. Delaunay pour l’art exquis de la diction. C’est un plaisir dĂ©licieux que d’entendre la musique de celle voix jeune et caressante voltiger tantĂ´t sur l’alexandrin sobre, tantĂ´t sur la prose cadencĂ©e de Marivaux et d’Alfred de Musset. Â»

Adolphe Brisson a dit : « Le plaisir qu’on avait Ă  l’écouter suffisait en dehors de toute autre considĂ©ration, Ă  justifier sa gloire. Delaunay semblait crĂ©Ă© et mis au monde pour jouer les amoureux ; il y Ă©tait incomparable, et, en quelque sorte, unique. Il possĂ©dait deux dons qui souvent s’excluent : il avait la flamme et la gaietĂ©. De quelle ardeur il chargeait l’apostrophe de Perdican, au second acte de On ne badine pas avec l’amour ! La colère grondait dans sa voix, brillait dans ses yeux. Mais il conservait au personnage son caractère. Il n’en faisait point un farouche misanthrope, un Hamlet sombre et dissimulĂ©. L’explosion passĂ©e, Perdican redevenait un pimpant cavalier, sentimental, il est vrai, mais heureux de vivre, ravi de coqueter avec sa cousine, et totalement dĂ©nuĂ© de pĂ©danterie. II incarnait admirablement Fortunio. Il soupirait et ne pleurait pas aux genoux de Jacqueline : il laissait au rĂ´le son sourire. Fortunio ne s’appelle pas Werther. C’est un petit clerc rĂŞveur, passionnĂ© et malicieux. Delaunay l’illuminait, il Ă©clairait ce théâtre de l’éclat de sa vivacitĂ© juvĂ©nile et du charme de sa voix. Nous le verrons toujours dans le premier acte de Il ne faut jurer de rien, dans ce duo oĂą sautille et scintille la gaminerie de Musset. Il l’enlevait avec un entrain prodigieux, une furia toute française, une rapiditĂ©, une impertinence qui rendaient plus comiques les ahurissements de l’oncle Van Buck. Delaunay entraĂ®nait tout le monde dans son mouvement endiablĂ©. Il brĂ»lait les planches ; il menait la pièce tambour battant ; c’était un assaut, et chacun s’y surpassait. … Il possĂ©dait ce secret, qui semble aujourd’hui perdu, d’être gai sans trivialitĂ©, jeune sans outrecuidance et amoureux sans vieillesse. »

Théâtre

Carrière à la Comédie-Française

Entrée en 1848
Nommé 269e sociétaire en 1850
DĂ©part en 1886

Sources

  • Georges Moreau, Revue universelle : recueil documentaire universel et illustrĂ©, vol. 13, Paris, Larousse, 1903, p. 567-8.

Mention dans la littérature

Dans Du côté de chez Swann de Marcel Proust, le narrateur, jeune, classe naïvement par ordre de talent les acteurs les plus illustres : Got, Delaunay, Coquelin, Thiron, Febvre[6].

Notes et références

  1. Acte de décès (avec date et lieu de naissance) à Versailles, n° 832, vue 141/207.
  2. NĂ©crologie, Le Figaro, 23 septembre 1903 lire en ligne sur Gallica
  3. Base documentaire La Grange sur le site de la Comédie-Française.
  4. Le Figaro, op. cit..
  5. « Mort de Delaunay », Le Petit Journal,‎ lire en ligne sur Gallica
  6. Proust, Du côté de chez Swann, Paris, Gallimard, , 527 p. (ISBN 2-07-037924-8), p.73

Liens externes

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