Lobatus gigas
Strombe géant, Lambi
RĂšgne | Animalia |
---|---|
Embranchement | Mollusca |
Classe | Gastropoda |
Ordre | Littorinimorpha |
Famille | Strombidae |
Genre | Lobatus |
- Eustrombus gigas
Statut CITES
Lobatus gigas (le strombe gĂ©ant ou lambi) est une espĂšce de mollusque marin trouvĂ© en zone Ă©quatoriale et tropicale de l'Atlantique ouest, notamment aux Antilles et en Floride. Pouvant atteindre 30 cm et 1,5 kg, il consomme des algues et divers dĂ©bris vĂ©gĂ©taux. Cette espĂšce a beaucoup rĂ©gressĂ© en raison de la surpĂȘche pour la consommation humaine et parfois pour l'usage dĂ©coratif de sa coquille. Il est maintenant classĂ© comme espĂšce menacĂ©e et partiellement protĂ©gĂ© par la Convention de Washington : commerce fortement limitĂ© et placĂ© sous le contrĂŽle des douanes dans les Antilles françaises, par exemple.
Descriptions et biologie
Ce gastĂ©ropode muni dâun pied musculeux occupe divers milieux selon son cycle de vie, la saison et l'heure de la journĂ©e. Il est rĂ©putĂ© dĂ©tritivore mais peut aussi se nourrir d'algues mortes ou vivantes dĂ©rivante (sargasses) ou d'autres dĂ©bris vĂ©gĂ©taux apportĂ©s par le courant dans les dĂ©pressions ou certains fonds marins[1].
- Index Testarum Conchyliorum (1742) de NiccolĂČ Gualtieri
- Index Testarum Conchyliorum (1742) de NiccolĂČ Gualtieri
- Index Testarum Conchyliorum (1742) de NiccolĂČ Gualtieri
RĂ©partition
Largement rĂ©parti dans lâensemble des eaux de la CaraĂŻbe, il a Ă©tĂ© abondamment pĂȘchĂ© sur les cĂŽtes de Floride et Antilles oĂč il a rĂ©gressĂ©.
Il peuple potentiellement tout type de fonds situĂ©s entre 0 et 100 m de profondeur. L'adulte est prĂ©fĂ©rentiellement prĂ©sent sur sĂ©diment sablovaseux, entre 4 et 18 m en zone non exploitĂ©e par les chaluts et dragues Ă coquilles. Il est aujourd'hui rĂ©putĂ© ĂȘtre plus particuliĂšrement prĂ©sent au sein des herbiers de phanĂ©rogames marines les mieux conservĂ©s, mais cette localisation pourrait ĂȘtre un effet indirect de la pression de pĂȘche quâil subit.
Il est Ă©galement prĂ©sent sur les plaines sĂ©dimentaires nues, ainsi que sur substrat dur (rocheux ou rĂ©cifal). Il en serait de mĂȘme concernant lâexistence de stocks ĂągĂ©s situĂ©s en plus grande profondeur, de 20 Ă 60 m[2].
Câest une espĂšce soumise Ă de frĂ©quentes migrations, qu'elles soient verticales ou horizontales, qui rĂ©pondent Ă des stimuli thermiques et lumineux, et des migrations saisonniĂšres sont identifiĂ©es chez les adultes[3]
Les différentes phases de son cycle vital (croissance, maturation, reproduction)
Les juvéniles coloniseraient ainsi préférentiellement les fonds entre 1,5 et 4 m, alors que les adultes préfÚrent ceux de 10 à 20 m[4]. Ceci est attesté par le taux de maturité supérieur à 99 % chez les individus rencontrés à partir de 18 m. De septembre à mars, ils se concentrent sur substrat dur, pour rejoindre les herbiers de zones sédimentaires en juillet.
La disponibilitĂ© alimentaire ne serait donc pas le principal moteur de ses migrations, comme câest souvent le cas chez les espĂšces marines. Le caractĂšre favorable d'un habitat pour ce mollusque semble aussi corrĂ©lĂ©e Ă un bon taux de renouvellement de lâeau marine, et Ă des fluctuations thermiques modĂ©rĂ©e (saisonniĂšres et journaliĂšres).
Alimentation
Lobatus gigas (dénommé lambi dans les Antilles françaises) est un détritivore à tendance herbivore (algues vertes, rouges et brunes). Il se nourrit sur le fond, de débris végétaux et de certaines algues vivantes, avec une préférence pour les sargasses[5].
Les adultes semblent s'alimenter indiffĂ©remment de jour comme de nuit, ce qui nâest pas le cas de juvĂ©niles ĂągĂ©s de moins dâun an. Ces derniers mesurant moins de 50 - 100 mm ont encore un mode de vie diurne endogĂ© (enfoui dans le sĂ©diment) et ne remontent pour sâalimenter en surface quâune fois la nuit tombĂ©e[6]. Ce nâest quâau-delĂ de cette taille quâils iront peupler les herbiers marins peu profonds. Ils y forment de trĂšs important agrĂ©gats saisonniers et sont alors plus vulnĂ©rables aux actions de pĂȘche[7]. Câest lĂ quâils acquerront leur forme adulte. L'espĂšce a fortement rĂ©gressĂ© dans les Antilles françaises depuis les annĂ©es 1960, probablement en raison de la surpĂȘche, ce qui a justifiĂ© dĂšs la fin des annĂ©es 1980 des tentatives d'Ă©levage, notamment Ă©tudiĂ©es par Ifremer[5].
Morphologie
Le lambi est le plus gros des Strombidae de la CaraĂŻbe. Cependant taille et poids observĂ©s peuvent varier dâune zone Ă lâautre. Les spĂ©cimens les plus imposants mesurent 24 Ă 29 cm de long pour 700 Ă 1 500 g de poids total. Mais la taille moyenne constatĂ©e dans pĂȘches est au dĂ©but du XXIe siĂšcle proche de 20 cm. Les femelles sont lĂ©gĂšrement plus grandes que les mĂąles[8].
Sa coquille est constituĂ©e de microcristaux de carbonate de calcium sous forme d'aragonite inclus dans une matrice protĂ©ique. Elle est extrĂȘmement solide (beaucoup plus que de simples cristaux d'aragonite) du fait de son architecture composĂ©e de couches de lamelles entrecroisĂ©es, ce qui permet la dissipation de l'Ă©nergie des chocs dans des microfissures qui ne se diffusent pas[9]. Elle possĂšde des spires munies dâĂ©pines et son pied musculeux porte un opercule cornĂ©. Les mĂąles sont munis dâun long pĂ©nis extensible situĂ© le long du canal siphonal, alors que les femelles portent des poches Ă Ćufs. Ă partir de 5-6 mois, la coquille se colore en rose-orangĂ©. Et dĂšs 3,5 - 4 ans, son large pavillon se forme. Il est Ă©galement appelĂ© lĂšvre[10]. Lâapparition de la lĂšvre marque lâapproche de la maturitĂ© pour le juvĂ©nile.
Reproduction
Les individus de 4 ans ayant une taille dâenviron 18 cm et 5 mm dâĂ©paisseur de lĂšvre sont enfin arrivĂ©s Ă maturitĂ©[11], ils deviennent alors des reproducteurs. Les adultes prĂ©sents dans les herbiers (5 Ă 18 m) ou en bas de la pente rĂ©cifale (20 Ă 60 m) vont opĂ©rer une migration reproductive saisonniĂšre[12]. Elle va les conduire sur des fonds sĂ©dimentaires nus, oĂč accouplements et pontes vont se succĂ©der.
Ce phĂ©nomĂšne bien quâobservable tout au long de lâannĂ©e Ă Belize et au Mexique, semble se concentrer sur une seule et mĂȘme pĂ©riode dans dâautres zones. Elle se dĂ©roule gĂ©nĂ©ralement dâavril Ă aoĂ»t, alors que la phase dite de repos sexuel sâĂ©tend de septembre Ă mars[13]. Tout au long de cette pĂ©riode, les femelles vont opĂ©rer 6 Ă 25 pontes, chacune reprĂ©sentant Ă chaque fois entre 300 000 et 1 500 000 Ćufs[14]. Ces derniers sont rassemblĂ©s en un long filament gĂ©latineux de 30 m de long, lui-mĂȘme agglomĂ©rĂ© avec du sable, en un unique croissant de 10 Ă 15 cm de diamĂštre[15]. La ponte dure en moyenne 24 Ă 36 heures. Une mĂȘme ponte pourra ĂȘtre le fruit de fĂ©condations de diffĂ©rents partenaires[16].
MalgrĂ© le nombre de pontes et lâĂ©tendue de la saison de reproduction, un pic reproductif a Ă©tĂ© identifiĂ© par diverses Ă©tudes. Il suivrait le maximum de la photopĂ©riode et prĂ©cĂ©derait le maximum de tempĂ©rature des eaux. Ce qui le situe approximativement en juillet[17]. Ces mĂȘmes Ă©tudes ont identifiĂ© en zones exploitĂ©es deux stocks de reproducteurs bien distincts. Le premier regroupant les jeunes adultes prĂ©sents entre 10 et 18 m se reproduisant alors plus tĂŽt (entre fĂ©vrier et octobre suivant la zone) que le second rassemblant les vieux adultes situĂ©es plus en profondeur (20 Ă 60 m) qui se reproduiraient entre avril et aoĂ»t. Ce qui dĂ©montre que la pression de pĂȘche conditionnerait la distribution de cette espĂšce[12]. Ă lâissue de la saison de reproduction, chaque femelle aura contribuĂ© Ă produire prĂšs de 6.106 larves de lambi.
DĂ©veloppement
Lobatus gigas ne compte pas moins de quatre phases de vie distinctes (et une cinquiĂšme qui serait un effet indirect de la pression de pĂȘche).
AprĂšs trois Ă quatre jours, les Ćufs libĂšrent les larves qui adoptent un mode vie planctonique au sein des 10 premiers mĂštres de la colonne dâeau. Durant cette phase qui dure deux Ă cinq semaines, les larves sont soumises aux courants de surface qui les dispersent sur des dizaines voir des centaines de kilomĂštres. Ce qui peut reprĂ©senter un transfert de gĂšnes pouvant atteindre un maximum de 900 km[18]. La plupart des larves sont mangĂ©es ou meurent durant cette pĂ©riode.
Ensuite la mĂ©tamorphose survient, si lâensemble des facteurs favorables nĂ©cessaires sont prĂ©sents. Dans le cas contraire, les larves sont capables de retarder leur mĂ©tamorphose, mais au risque de perdre dĂ©finitivement cette compĂ©tence indispensable Ă leur survie[19]. Les larves perdent alors le velum qui leur permettait de se nourrir de microalgues, de respirer et de se mouvoir. Leur coquille sâĂ©tant Ă©paissie les jeunes individus tombent sur le fond (1 Ă 2 m), oĂč ils sâenfouissent. Ils deviennent ainsi des juvĂ©niles[20].
Pendant un an, ils seront enfouis dans le sĂ©diment le jour et remonteront Ă sa surface pour se nourrir la nuit. Ă la taille de 50 Ă 100 mm, les juvĂ©niles dâun an regagnent dĂ©finitivement la surface et entament une migration ontogĂ©nique vers les herbiers de phanĂ©rogames marine (entre 1,5 et 5 m). LĂ ils se rassemblent en agrĂ©gats pouvant atteindre 100 m de long sur 2,5 m de large dans certaines rĂ©gions. Une hypothĂšse est que ces rassemblements les rendraient moins vulnĂ©rables Ă la prĂ©dation[21].
Ils grandissent ainsi jusquâĂ lâĂąge de 3-4 ans correspondant Ă la formation de la large lĂšvre, tĂ©moignage du passage Ă lâĂąge adulte, et migrent alors vers des zones plus profondes (10 Ă 18 m). Ils colonisent toute sorte de fonds avec toujours une prĂ©fĂ©rence marquĂ©e pour les herbiers de phanĂ©rogames marines en zone pĂȘchĂ©e. Les plus vieux individus observĂ©s en zone exploitĂ©e semblent par la suite rejoindre des zones encore plus profondes (oĂč ils Ă©chappent plus facilement aux pĂȘcheurs). Ils forment alors un stock de reproducteurs ĂągĂ©s et profonds (20 Ă 60 m), sur lequel repose Ă lâheure actuelle le repeuplement des zones dâexploitation intense[22].
Ce comportement particulier disparait cependant en lâespace de quelques mois, dans les aires marines protĂ©gĂ©es quand elles sont non-pĂȘchĂ©es, ce qui semble indiquer quâil sâagit dâune consĂ©quence de la pĂȘche.
La croissance du lambi varie tout au long de ces diffĂ©rentes phases. â
Croissance
La croissance du lambi est discontinue et non homogĂšne. Ce qui est Ă la source de nombreux problĂšmes concernant la gestion et le suivi des populations. Entre son Ă©closion et sa mĂ©tamorphose, le lambi va Ă©paissir et rendre opaque sa coquille. Puis, celle-ci va grandir de maniĂšre continue jusquâĂ la formation de la lĂšvre caractĂ©ristique du passage Ă la phase adulte. DĂšs lors, la coquille ne grandira plus mais va sâĂ©paissir tout comme la lĂšvre. Mais un processus inverse dâĂ©rosion va aussi dĂ©buter et prendre de lâampleur avec lâĂąge de lâindividu[23].
Tout cela, combinĂ© Ă des variations de croissance dues Ă la localisation gĂ©ographique du site de dĂ©veloppement, contribue Ă lâimpossibilitĂ© dâutiliser la taille ou lâĂ©paisseur des coquilles, pour dĂ©terminer lâĂąge dâun individu. Ceci pose aussi le problĂšme de la taille de premiĂšre capture censĂ©e sâassurer quâun individu puisse se reproduire avant dâentrer dans le stock exploitable dâune pĂȘcherie. Certains individus prĂ©sentant une lĂšvre et mesurant la taille rĂšglementaire peuvent ne pas encore ĂȘtre matures et seront donc pĂȘchĂ©s avant de sâĂȘtre reproduits[23]. De nombreux facteurs environnementaux et biologiques encore mal identifiĂ©s semblent donc influencer la croissance des lambis. Mais certains sont dĂ©jĂ bien connus : profondeur, type de substrat, nourriture, densitĂ© ⊠Ce sont ces mĂȘmes facteurs qui influencent lâespĂ©rance de vie dâun individu.
Mortalité longévité
La mortalitĂ© chez Lobatus gigas varie en fonction du stade de dĂ©veloppement. Sâil est la proie dâenviron 130 espĂšces marines, toutes nâinterviennent pas tout au long de sa vie. Ainsi, les organismes planctonophages menacent uniquement la phase planctonique de lâespĂšce. Les larves de crustacĂ©s consomment celles de lambi. Câest Ă©galement le cas de nombreux organismes comme les mĂ©duses, le corail, les gorgones, certains poissons et invertĂ©brĂ©s. La mĂ©tamorphose est Ă©galement une phase critique de leur dĂ©veloppement entrainant de fortes mortalitĂ©s[23].
JusquâĂ lâĂąge de 2 ans, les juvĂ©niles sont consommĂ©s par les langoustes, les poulpes, dâautres gastĂ©ropodes, les poissons, les crabes, ou les bernard lâermite. Ils se rassemblent alors en agrĂ©gats afin de diminuer la pression de prĂ©dation[24]. Ensuite, les adultes ne sont plus menacĂ©s que par les tortues, les poulpes et les raies. Les plus ĂągĂ©s ont une coquille si Ă©paisse que peu de prĂ©dateurs les inquiĂštent. Lâhomme est alors le plus grand et le plus efficace de leurs prĂ©dateurs[25]. Il en rĂ©sulte une espĂ©rance de vie variable suivant que la population soit exploitĂ©e ou non, pouvant osciller entre 6 et 7 ans, en zone peu profonde, contre 26 ans en zone profonde 40 Ă 60 m[26].
Ătat des populations, menaces
En raison d'une pĂȘche intensive et des mauvais rĂ©sultats des tentatives d'Ă©levage[5], l'espĂšce est dĂ©sormais classĂ© en annexe II de la convention de Washington et en annexe B du rĂšglement europĂ©en 338/97, l'exportation de lambis, coquille de lambis ou objets comprenant des morceaux de nacre de lambis est formellement contrĂŽlĂ©e et restreinte par les douanes.
Utilisations par l'Homme
Lobatus gigas est dans les Antilles un mets de choix, aussi prisé et luxueux que la langouste. Dans les Antilles Françaises, son appellation gastronomique est « lambi ».
Les populations précolombiennes andines le consommaient et l'utilisaient comme trompe d'appel (« pututo »). Des coquilles sont fréquemment trouvées à proximité de tessons de terre cuite par les archéologues, dont en Martinique[27].
Sa coquille et les perles qu'il peut produire sont utilisées pour la décoration et la confection d'objets comme des bijoux, en particulier la trÚs rare perle rose (une perle rose pour mille lambis environ).
Le Lambi est l'un des symboles du drapeau martiniquais dévoilé le 10 mai 2019[28].
Liens externes
- (fr+en) Référence ITIS : Strombus gigas Linnaeus, 1758
- (en) Référence Animal Diversity Web : Strombus gigas
- (en) Référence NCBI : Strombus gigas (taxons inclus)
- (fr+en) RĂ©fĂ©rence CITES : espĂšce Strombus gigas Linnaeus, 1758 (+ rĂ©partition) (sur le site de lâUNEP-WCMC)
- (en) Référence Fonds documentaire ARKive : Strombus gigas
- Référence Doris (fr)
Annexes
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Notes et références
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