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Lit-clos

Le lit-clos est un lit enclos dans un meuble en forme d'armoire profonde, ajouré ou non et juché sur quatre hauts pieds.

Le Retour du fils prodigue d'Henry Mosler (1879, musée départemental breton de Quimper)[Note 1].
Lit-clos, première moitié du XIXe siècle, collection des Musées départementaux de la Haute-Saône.

Présentation

Le lit-clos étant fermé de tous côtés de panneaux de bois, on y pénètre en ouvrant une porte sur charnière ou en faisant coulisser une ou deux portes sur glissières. Le lit est équipé de hauts pieds[Note 2] pour le protéger de l'humidité d'un sol en terre battue. Il peut être à deux niveaux ; dans ce cas, les jeunes dorment à l'étage. Un banc-coffre de même longueur sert de marchepied ainsi que de banc à lingerie le reste du temps. Dans des logements habituellement constitués d'une seule pièce, abritant toute la maisonnée, le lit-clos permet un peu d'intimité et protège du froid en conservant la chaleur.

Une variante est le lit demi-clos, appelé aussi lit semi-clos : bâti sur trois côtés, il est fermé par des courtines sur la face avant[Note 3].

Le lit-clos ne doit pas être confondu avec le lit-cage (ou « lit cage », aussi appelé « lit à barreaux »), qui est ouvert au-dessus et est destiné au sommeil d'un enfant en bas âge. Ce type de petit lit est entouré de barreaux qui empêchent l'enfant de partir à quatre pattes lorsqu'il n'est pas surveillé par les adultes.

Aspects régionaux

Bretagne

Lit-clos dans le Finistère (Maison Cornec à Saint-Rivoal). Le décor est composé de clous et de fuseaux de buis tourné disposés en galeries à arcatures et en rosaces qui permettent l'aération de la literie[Note 4].
Le berceau pouvait être placé sur le banc voire au-dessus de la couche, à portée de la surveillance des parents, mais hors d'atteinte des rongeurs ou des animaux domestiques[Note 5].

Le lit-clos (appelé gwele-kloz ou gwole-cloz[Note 6]) est un meuble traditionnel de la Bretagne, et l'est resté plus longtemps qu'ailleurs en Basse-Bretagne. « Lit d'angle ou de milieu, inscrit dans une longue enfilade de meubles ou au contraire placé de part et d’autre du foyer[Note 7], lit à une ou deux portes coulissantes, associé à son banc[Note 8] ou à une simple échelle[5] », ce meuble principal des maisons rurales bretonnes était la fierté de ses propriétaires lorsqu'il était sculpté et orné[Note 9].

Ces lits mesuraient entre 1,60 et 1,70 m ; dimension suffisante parce que les personnes « couchaient presque assis, adossés à trois ou quatre oreillers[7] - [Note 10] ». Le lit demi-clos était fréquent en Ille-et-Vilaine, mais aussi dans le Morbihan et le Trégor où il pouvait coexister avec le lit-clos[Note 11].

Les plus anciens exemplaires de ce mobilier rural apparaissent au XVIIe siècle dans les milieux aisés qui regroupent dans une salle commune, parents, grands-parents, enfants, valets et servantes. Il se répand surtout à la fin du XVIIIe siècle avec l'augmentation du niveau de vie des paysans, mais la plupart continuent de dormir sur un simple châssis de bois recouvert d'une paillasse[Note 12]. Ne correspondant plus à la norme ni à la mode, les lits-clos ont été progressivement abandonnés aux XIXe et XXe siècles, « quelques-uns étaient toujours utilisés dans les années 1970[11] ». Il est devenu l'un des objets emblématiques de la Bretagne mais est réputé à tort typiquement breton[Note 13].

De beaux exemplaires de ces meubles ont été placés dans les musées de Lampaul-Guimiliau, Nantes, Quimper, Rennes, Saint-Brieuc, etc., pendant que la plupart se voyaient plus ou moins reconvertis en bibliothèque, vaisselier, confessional ou en meuble-télé. Beaucoup ont suivi l'émigration bretonne un peu partout en Europe, ou ont été emportés chez eux par des touristes[14]. L'usage de ces lits est combattu par les moralistes (pour les positions qu'ils supposent) et les hygiénistes du XIXe siècle qui relayent le discours médical inspiré par la théorie des miasmes (literie difficile à aérer). Au XXIe siècle, des loueurs de gîtes proposent des nuits dans un authentique lit-clos. Ce mobilier « inspire les designers Erwan et Ronan Bouroullec qui en 2000 créent un lit clos cabane minimaliste et bien loin des traditionnels lits clos breton[5] ».

  • Lits-clos en enfilade, dit « lits wagons ».
    Lits-clos en enfilade, dit « lits wagons »[Note 14].
  • Lit-clos à ouverture décentrée.
    Lit-clos à ouverture décentrée[Note 15].
  • Carte postale égrillarde montrant un lit-clos à deux étages.
    Carte postale égrillarde[Note 16] montrant un lit-clos à deux étages[Note 17].
  • Reconversion d'un lit-clos en buffet.
    Reconversion d'un lit-clos en buffet.

Autres régions

Intérieur avec une mère épouillant son enfant (en), huile sur toile de Pieter de Hooch (c.1658-60).

Depuis le XVIIe siècle, on trouve des lits-clos dans de nombreuses régions françaises (particulièrement en Savoie et en Rouergue)[16] et plus largement dans une bonne partie de l'Europe du Nord.

En Savoie, « comme le lit demi-clos, le lit clos est souvent surélevé dans les maisons à cohabitation humaine-animale, afin que les moutons, se glissant sous la cage, fournissent aux dormeurs une chaleur appréciable[17] ».

  • Lit-clos en Autriche.
    Lit-clos en Autriche.
  • Lit-clos aux Pays-Bas.
    Lit-clos aux Pays-Bas.
  • Lit d'angle en Norvège.
    Lit d'angle en Norvège.

Notes et références

Notes

  1. Sous un plafond dont le rebord est souligné d'une moulure, la cage totalement fermée du lit-clos repose sur des pieds droits montant de fond. Le devant (ou la façade) est constitué de deux montants et deux traverses assemblés par tenon mortaise, enserrant quatre panneaux rectangulaires symétriques (deux panneaux fixes et deux du centre qui sont coulissants) qui encadrent l'ouverture. La traverse inférieure n'est pas visible, la supérieure est ornée d'une galerie à fuseaux surmontée d'une arcature simple, interrompue par des fleurs stylisées inscrites dans des petits panneaux carrés. Les flancs, non visibles, peuvent être composés d'un bâti à membrures, ou de simples planches. Sous une petite corniche, chaque panneau comprend, dans sa partie supérieure, un cadre au sommet chantourné par une accolade et ajouré de fuseaux disposés en roue (rosaces fuselées) ; d'une galerie droite de quatre balustres dans sa partie médiane ; dans sa partie inférieure, d'un cadre également à une accolade, orné d'un calice crucifère encadré par deux chandeliers (écho au culte de l'Eucharistie, stimulé dans l'esprit de la Contre-Réforme du XVIIe siècle et propagé par deux missionnaires ayant une influence considérable et durable en pays bretonnant, Michel Le Nobletz et Julien Maunoir)[1].
  2. Pieds montant de fond ou pieds pleins.
  3. Illustration d'un lit demi-clos, musée des Traditions et Arts Normands de Martainville.
  4. Cette fonction d'aération explique que les façades pleines sont plus rares (comme dans le Vannetais où elles sont ornées de guirlandes, d'étoiles et de liserets marquetés). Les clous dorés ou en cuivre ont également un aspect informatif (certains forment des inscriptions comme les noms et la date du mariage des époux) et fonctionnel (certains masquent les chevilles de bois). Les fuseaux pourraient évoquer les roues de charrettes mais ils représnetent l'accessoire de filage.
  5. Le berceau (le ber en breton) et le lit-clos sont associés à des légendes bretonnes. « Les lits clos ont été conçus pour se protéger des loups… Autrefois dans les villages et les fermes, on dit que ces bêtes pénétraient dans les maisons, s'emparaient des nourrissons endormis dans leur berceau auprès du feu et les emportaient. C'est pourquoi les paysans et les fermiers, pour la sauvegarde de leurs petits enfants, les enfermaient dans les lits clos et barraient la porte avant d'aller aux champs. C'est aussi une protection contre les porcs qui fourrent partout leur groin indistinctement, et les poules rapaces qui entrent et sortent sans arrêt des chaumières et ne regardent pas à deux fois ce qu'elles déchirent ou crèvent: un cil, une oreille, un petit pied, une petite main[2] ».
  6. Par opposition, « les lits de la ville sont appelés par les paysans gwele-rez, gwele-reaz, à la lettre, lit près de terre[3] ».
  7. Généralement, le lit-clos conjugal et les armoires occupent le coin de cheminée et s'alignent au nord de la pièce, en face de la fenêtre, pour bénéficier de l'ensoleillement[4]. Le lit-clos des autres adultes s'inscrit souvent dans une rangée de meubles appelée trustel.
  8. Ce banc-coffre est appelé en breton Bank-Toser ou Bank-Tosel, littéralement « banc-dossier ».
  9. Certains lits-clos du XIXe siècle possédaient jusqu'à trois mille ornementations. Elles sont souvent caractéristiques d'un région : gros balustres tournés en Cornouaille ; petits fuseaux dans le Vannetais ; lits en châtaignier décorés de motifs gravés, brûlés au fer et ponctués de quelques clous en cuivre dans le Pays bigouden[6]
  10. Habitude héritée du Moyen Âge où la position allongée est celle de la mort et est déconseillée pour le sommeil car celle des gisants (voir mobilier médiéval).
  11. « Les lits clos et mi-clos paraissent n'avoir pas dépassé les limites de la Basse Bretagne, les Cornouailles, le Léon, le Trégor, le Browerok, le Bigouden. Le lit bourgeois du pays « gallo » relève du type à quenouilles (le gwilé steng) ou à colonnes soit tournées en fusarelles[8], soit taillées à section polyédrique[9] ».
  12. Les logis les plus misérables « ne connaissaient que la très modeste 'couchette de clisses' de vannerie. Chez les paysans aisés, le lit-clos était souvent réservé au maître de maison, les autres membres de la maisonnée se contentant de châlits, coffre ouverts pourvus d'un ballot de paille. Les plus anciens lits-clos du Finistère sont des lits 'carosses', à trois ou quatre côtés ouverts, ou des lits d'angle, présents en Léon au XVIIe siècle. Leur succédèrent les lits à encastrer, ouverts et ornés seulement en façade, incorporés dans l'alignement des meubles de la salle commune. Un lit échappait à cette disposition, placé face à la table et accolé d'un coffre qui servait de banc[10] ».
  13. « Ce type de meuble était en effet répandu dans de nombreuses campagnes françaises, et pas uniquement dans les maisons de l'Ouest ; à l'inverse, on ne le trouvait pas dans toute la Bretagne… C'est peut-être le succès touristique de cette contrée à partir de la fin du XIXe siècle qui a associé le lit-clos à l'imaginaire breton[12] ». La popularité de Théodore Botrel incite des éditeurs de cartes postales à mettre en images des adaptations de productions du folkloriste breton, comme le recueil Contes du Lit-Clos - Récits et Légendes Bretonnes en vers suivis de Chansons à dire publié en 1900. Cette série de cartes postales, intitulée Autour des lits clos, montre ainsi ces caissons richement sculptés à la gouge en volée de rosettes, entrelacs, billettes et festons[13].
  14. Les deux lits ont une ouverture centrale à bords moulurés (trois rectilignes, le quatrième au sommet formant un linteau chantourné. Les bordures des panneaux sont ornées de clous et de motifs géométriques (losanges, étoiles). Le lit de droite est équipé d'une barrière de lit qui empêche la paillaisse de glisser.
  15. La roue de fuseaux est remplacée par un quart de cercle, simulant un éventail. Le berceau, en forme d'auge, a deux bords à panneaux pleins et deux bords à panneaux ajourés. Il repose sur deux patins qui permettent le balancement.
  16. Issue de la série stéréotypée de cartes postales intitulée Autour des lits clos, elle est notamment destinée à alimenter les fantasmes des Poilus de la Première Guerre mondiale[15].
  17. La galerie supérieure du lit abrite une niche cintrée qui expose une image pieuse ou, comme sur l'illustration, une statuette. Lorsque la pièce était insuffisamment grande, les paysans faisaient construire des lits-clos à étages pour quatre personnes.

Références

  1. André Mussat, Arts et cultures de Bretagne : un millénaire, Berger-Levrault, , p. 321.
  2. Bertrand de St-Etienne, « Le lit clos breton », sur resfortuna.com (consulté le ).
  3. Amable Troude, Nouveau dictionnaire pratique breton-français du dialecte de Léon, J.B. et A. Lefournier, , p. 264.
  4. André Mussat, Arts et cultures de Bretagne : un millénaire, Berger-Levrault, , p. 332.
  5. Laurence Prod'homme (extrait de Objets de l’histoire, mémoires de Bretagne, Les collections du musée de Bretagne, éditions Ouest-France, 2011, « Lit clos, la boîte à dormir », sur Musée dévoilé. Les coulisses du musée de Bretagne,
  6. Lucile Oliver, Mobilier breton, C. Massin, , p. 78.
  7. Erwan Vallerie, p. 104
  8. Une fusarelle est une sorte d'ornement en forme de chapelet à grains alternativement ovales et ronds. Les quatre colonnes soutiennent un ciel de lit
  9. Guillaume Janneau, Jacques Fréal, Le meuble bourgeois en France, Garnier, , p. 156.
  10. « Lit-clos (2), banc (1) », sur pop.culture.gouv.fr, .
  11. Gwyn Meirion-Jones, op. cit., p.339
  12. Patrick Poivre d'Arvor, Les 100 mots de la Bretagne, PUF, , p. 48.
  13. Gérard Hayart, Vie de paysanne, Horvath, , p. 25.
  14. Musée national des arts et traditions populaires, Bretagne : art populaire, ethnographie régionale, Éditions des Musées nationaux, .
  15. Luc Capdevila, Martine Cocaud, Jean-Christophe Cassard, Le genre face aux mutations. Masculin et féminin, du Moyen Âge à nos jours, Presses universitaires de Rennes, , p. 236.
  16. Yves Rosot, op. cit., p.23
  17. Denise Glück, Savoie. Le mobilier traditionnel, La Fontaine de Siloé, , p. 216.

Voir aussi

Bibliographie

  • Gwyn Meirion-Jones, « Le foyer en Bretagne. Deuxième partie. L'intérieur de la maison et le mobilier chez le paysan breton aux XVIIIe et XIXe siècles », Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, vol. 74, , p. 339-349 (lire en ligne)
  • Yves Rosot, Le meuble rustique en Bretagne, Éditions d'art Jos Le Doaré, (lire en ligne), p. 23-

Article connexe

  • Histoire du mobilier (es)

Lien externe

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