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Le Politique

Le Politique, en grec ancien : ΠολÎčτÎčÎșός[1], est un dialogue de Platon. Il est la suite immĂ©diate du Sophiste, qui est censĂ© se tenir dans la mĂȘme journĂ©e, ce dernier dialogue Ă©tant lui-mĂȘme la suite du ThĂ©Ă©tĂšte. Il a pour interlocuteurs principaux l’Étranger d’ÉlĂ©e et Socrate (un homonyme, plus jeune que le maĂźtre de Platon).

Le Politique
Titre original
(grc) ΠολÎčτÎčÎșός
Format
Langue
Auteur
Genre
Personnage

Personnages

ThĂšme

AprĂšs avoir dĂ©fini le sophiste dans le dialogue Ă©ponyme, l’Étranger poursuit en recherchant la dĂ©finition de l’homme politique, en reprenant la mĂ©thode par rassemblement (en grec ancien ÏƒÏ…ÎœÎ±ÎłÏ‰ÎłÎź, synagogĂ©) et division, (diĂ©rĂšse, en grec ancien ÎŽÎčÎ±ÎŻÏÎ”ÏƒÎčς). Ce dialogue de logique, le Politique comporte une digression sur les digressions et la juste mesure, et s’achĂšve par des considĂ©rations sur la bonne constitution politique de la CitĂ© : Platon critique violemment la dĂ©mocratie comme le pire rĂ©gime[2] et lui prĂ©fĂšre la monarchie ou l’aristocratie suivant les lois ; Ă  cela il ajoute que le bon homme politique a pour tĂąche d’éduquer et d’unir les hommes, trop tempĂ©rants et trop fougueux, pour les amener Ă  la juste mesure et par lĂ  en faire de bons citoyens, capables de suivre les lois ou de les critiquer, s’ils possĂšdent la science qui le leur permet, en vue du meilleur.

EnquĂȘte

Il s’agit d’un dialogue entre Socrate Le jeune et l’Étranger. Platon fait une rĂ©flexion sur la lĂ©gislation. Il va dĂ©velopper l’idĂ©e selon laquelle le lĂ©gislateur ne doit subir aucune entrave dans l’exercice de son art. Il doit ĂȘtre totalement libre. Socrate va utiliser une mĂ©taphore mĂ©dicale pour expliquer cette position : il utilise l’exemple du mĂ©decin qui est contraint de partir loin de ses patients et qui va consigner par Ă©crit ses prescriptions. Avant son retour il se peut que ses prescriptions ne conviennent plus Ă  ses malades. Le mĂ©decin sera alors obligĂ© de modifier ses prescriptions. Il en va de mĂȘme pour le lĂ©gislateur selon Platon, parce que les conditions du peuple ont changĂ©. Platon ne transigera jamais sur l’idĂ©e selon laquelle l’art de la lĂ©gislation ne peut ĂȘtre pratiquĂ© que par un petit nombre d’hommes. En effet, selon lui, la majoritĂ© ne pourra jamais acquĂ©rir une science pour gouverner puisque les hommes ne sont pas en mesure de se gouverner eux-mĂȘmes parce qu’ils ne peuvent voter les bonnes lois.

Pour autant Platon ne va pas Ă©carter l’intĂ©rĂȘt de la citĂ© tout entiĂšre. Pour lui, si le gouvernement est aux mains de peu d‘hommes qui ont la science, le gouvernement doit se faire au profit de l’ensemble de la citĂ©. NĂ©anmoins, le lĂ©gislateur n’est pas tenu de persuader le citoyen du bien-fondĂ© de ses dĂ©cisions. Socrate estime que le mĂ©decin est bien contraint de soigner son patient et ne va pas demander le consentement du patient pour le sauver. Il estime que le lĂ©gislateur est en droit de faire violence aux citoyens et leur imposer les meilleures lois mĂȘme si les citoyens n’y consentent pas. Pour Platon, le consentement des citoyens n’est pas de nature Ă  fonder l’autoritĂ© d’une loi et sa valeur. Son autoritĂ© et sa valeur reposent uniquement sur son essence, et notamment sa correspondance avec la justice. Donc, le lĂ©gislateur doit se borner Ă  faire les lois les plus utiles Ă  la citĂ©, sans jamais se soucier de l’opinion des citoyens. Ce n’est pas un paramĂštre qui doit entrer en ligne de compte.

Les types de régimes

Platon distingue trois grands systĂšmes politiques : le gouvernement d'un seul, celui de plusieurs et celui de tous les citoyens ou dĂ©mocratie, dans laquelle la masse est souveraine[3]. Le gouvernement d'un seul se subdivise en monarchie (qui respecte les lois) et tyrannie. Le gouvernement de plusieurs se subdivise en aristocratie (qui est le gouvernement des meilleurs) et oligarchie: ces deux systĂšmes veulent Ă©viter qu'une seule personne exerce l'autoritĂ©, mais l'aristocratie respecte les lois alors que l'oligarchie ne le fait pas. Pour Platon, la monarchie est nettement le meilleur systĂšme: « Quant au soin de la communautĂ© humaine en son ensemble, aucun art ne saurait prĂ©tendre plus tĂŽt et Ă  plus juste titre que l’art royal, que ce soin le regarde et qu’il est l’art de gouverner toute l’humanitĂ©. »

Le principe fondamental rĂ©side dans un vĂ©ritable gouvernement capable d'exercer son autoritĂ© sur le peuple et de maintenir intacte la citĂ©. Pour cela, le politique s'appuie sur la rhĂ©torique car celle-ci a « le pouvoir de persuader la foule et la populace en leur contant des fables au lieu de les instruire ». En raison de cette faussetĂ© inhĂ©rente Ă  la rhĂ©torique, Platon prend bien soin de prĂ©ciser qu'elle doit ĂȘtre subordonnĂ©e au politique. Dans tout le dialogue, Platon lance d'ailleurs des flĂšches contre les sophistes, qualifiĂ©s de « bons Ă  rien », « discoureurs en l’air », qui ont dans l’idĂ©e de corrompre les jeunes gens[4]. L'armĂ©e doit Ă©galement ĂȘtre subordonnĂ©e au politique : « Nous n’admettrons donc pas que la science des gĂ©nĂ©raux soit la science politique, puisqu’elle est Ă  son service ». Quant aux juges, leur rĂŽle se limite Ă  « juger les contrats, d’aprĂšs toutes les lois existantes qu’elle a reçues du roi lĂ©gislateur ».

Politique, technique politique et science politique

Platon aborde trois thĂšmes dans son livre Le Politique. Il rĂ©flĂ©chit sur les compĂ©tences techniques que doit possĂ©der un homme politique pour produire de l'unitĂ© dans une citĂ© pour lui fondamentalement plurielle[5]. Alors que dans le discours de La RĂ©publique, il compare la citĂ© Ă  l'Ăąme individuelle, dans Le Politique, le second Ă©lĂ©ment de la comparaison devient le « tissu »[5]. Pour Platon, une vĂ©ritable technique politique (τέχΜη Ï€ÎżÎ»ÎčτÎčÎșÎź, tĂ©khnĂ© politikĂ©) ne se limite pas Ă  une activitĂ© pratique de mise en Ɠuvre d'une politique, « elle suppose une vĂ©ritable connaissance, une science (ጐπÎčÏƒÏ„ÎźÎŒÎ·, Ă©pistĂ©mĂ©) »[5]. Pour lui, cette science s'apparente plus aux mathĂ©matiques, c'est-Ă -dire, Ă  une science utile aux autres sciences qu'Ă  une science plus proche de la pratique. Elle est Ă  la fois cognitive (ÎłÎœÏ‰ÏƒÏ„ÎčÎșÎź, gnostikĂ©) et directive (ጐπÎčταÎșτÎčÎșÎź, Ă©pitaktikĂ©). Il en rĂ©sulte que, pour Platon, il ne suffit pas de pratiquer la politique pour ĂȘtre un politique. Il faut aussi dĂ©tenir un savoir spĂ©cifique[6]. Platon, dans Le Politique, utilise trois mĂ©thodes de recherche pour dĂ©finir le politique : la division, le mythe et le paradigme. La division (ÎŽÎčÎ±ÎŻÏÎ”ÏƒÎčς, diairesis) est la « mĂ©thode prĂ©fĂ©rĂ©e du dialecticien »[7]. Cette mĂ©thode est dĂ©crite dans le PhĂšdre, le PhilĂšbe, le Sophiste et Le Politique. Elle consiste Ă  prendre d'abord des choses ressemblantes puis Ă  chercher Ă  les diviser pour trouver des sous-ensembles plus homogĂšnes[8].

Cette mĂ©thode l'amĂšne Ă  dĂ©finir mĂ©taphoriquement le politique comme un pasteur (ÎœÎżÎŒÎ”ÏÏ‚, nomeus) dont l'activitĂ© est de prendre soin « d'une sorte particuliĂšre de troupeau »:

« Et cet art, notre argumentation l’a distinguĂ© de l’élevage des chevaux et d’autres bĂȘtes et nous l’avons dĂ©fini l’art d’élever en commun des hommes. »

Comme bien d'autres professions pourraient dire qu'elles aussi prennent soin du troupeau, tels le laboureur et le boulanger, il ajoute qu'il faut aussi prendre en compte les différentes fonctions attachées au politique[9].

Platon cherche ensuite Ă  dĂ©finir la politique Ă  partir d'un mythe. Il part du rĂšgne de Cronos, qui se charge des ĂȘtres humains Ă  un point tel que ces derniers n'ont rien Ă  faire, ce que Platon ne semble guĂšre apprĂ©cier tant il dĂ©crit cette vie de façon nĂ©gative[10]. Lorsque Cronos dĂ©cide de ne plus s'occuper du monde, tout commence Ă  marcher Ă  l'envers et, par exemple, les hommes vivent de la vieillesse Ă  la jeunesse, conduite menant Ă  l'Ă©chec. Arrive alors l'Ăąge des dieux olympiens, oĂč est rĂ©tabli l'« ordre immortel de l'univers[11] » tout en laissant une certaine libertĂ© aux hommes. ApparaĂźt alors la violence et l'espĂšce humaine menacĂ©e par les bĂȘtes « reçoit le don promĂ©thĂ©en des savoirs et techniques »[11]. Le mythe conduit Ă  deux rĂ©flexions : une sur le rapport Ă  l'ordre universel et aux dieux, la deuxiĂšme sur la technique[12].

Toutefois le mythe conduit Ă  une impasse car on ne peut le corriger[12]. Aussi Platon cherche-t-il Ă  dĂ©finir la politique Ă  partir du paradigme (paradeigma)[13] qui, selon Luc Brisson vise Ă  « supplĂ©er aux dĂ©ficiences de la division mais aussi et encore de faire apercevoir les ressemblances entre l'objet qu'on cherche Ă  dĂ©finir et un objet connu »[12]. En effet, pour Platon la connaissance de ce qui n'est pas connu, ou pas bien connu, n'est possible que par analogie Ă  des choses parfaitement connues[12]. Ce qui pose un problĂšme Ă  Platon c'est, comme nous l'avons vu tant pour la division que pour le mythe, « le soin (ጐπÎčΌέλΔÎčα, Ă©pimĂ©leia) que le politique prend de la communautĂ© qu'il gouverne »[14]. Dans Le Politique, ce soin est comparĂ© par l’Étranger, un des participants Ă  ce dialogue, Ă  la technique du tissage de la laine en partie parce que le tissage permet de fournir des vĂȘtements qui protĂšgent les hommes[15]. Le tisseur travaille Ă  partir d'un matĂ©riau prĂ©parĂ© d'oĂč l'existence de techniques auxiliaires (cardage , etc.) et se heurte Ă  des techniques rivales (fabrication de tissu Ă  partir du lin, de la sparte etc.)[16]. À ce moment, les interlocuteurs s'interrogent sur le rapport entre la technique politique et le tissage, ce qui les amĂšne Ă  une discusssion sur l’art de la mesure relative et la juste mesure[17] - [18].

Notes et références

Annexes

Bibliographie

Éditions
  • Platon, ƒuvres complĂštes, Gallimard, BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 2 vol., Paris, 1970-1971
  • Platon (trad. Auguste DiĂšs, Ă©dition revue et corrigĂ©e), ƒuvres complĂštes : Le Politique, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des UniversitĂ©s de France », , 2e Ă©d.
  • Luc Brisson (dir.) et Jean-François Pradeau (trad. du grec ancien par Jean-François Pradeau), Le Politique : Platon, ƒuvres complĂštes, Paris, Éditions Flammarion, (1re Ă©d. 2006), 2204 p. (ISBN 978-2-08-121810-9). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
Études
  • (en) Marie-Louise Gill, « Method and Metaphysics in Plato’s Sophist and Statesman », dans Edward N. Zalta, The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Metaphysics Research Lab, Stanford University, (lire en ligne)
  • Charles Mugler, « Platonica », L’AntiquitĂ© classique, vol. 25, no 1,‎ , p. 20-31 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  • Monique Dixsaut, Platon, Vrin, , 2820 p.
  • Monique Dixsaut, « Pourquoi Le Politique ? », Les Études Philosophiques, no 3,‎ , p. 289–294 (lire en ligne)
  • Anna KĂ©lessidou, « L'Homme "sans industrie et sans art" (Politique 274 c) : L'IdĂ©e platonicienne de la ÏƒÏ‰Ï„Î·ÏÎŻÎ±Ï‚ ÎŒÎ·Ï‡Î±ÎœÎź (PrĂ©promĂ©thĂ©isme et humanisme philosophique selon Platon) », Revue de Philosophie ancienne, vol. 11, no 1,‎ , p. 79-87 (lire en ligne)
  • Alexandre KoyrĂ©, Introduction Ă  la lecture de Platon, nrf Gallimard, , 229 p.
  • (en) Richard Kraut, Plato, Stanford Encyclopedia of Philosophy, (lire en ligne)
  • (en) Dorothea Frede, Plato's Ethics : An Overview, StandforEncyclopedia of Philosophy, (lire en ligne)
  • (en) Peter Sloterdijk, « Rules for the Human Zoo: a response to the Letter on Humanism », Environment and Planning D: Society and Space, vol. 27,‎ , p. 12-28.
  • Jean-François Pradeau, « Remarque sur la contribution platonicienne Ă  l'Ă©laboration d'un savoir politique positif : Ï€ÎżÎ»ÎčτÎčÎșÎź ጐπÎčÏƒÏ„ÎźÎŒÎ· », Archives de Philosophie, vol. 68, no 2,‎ , p. 241-247 (lire en ligne)
  • Dimitri El Murr, « Rousseau lecteur du Politique de Platon », Revue française d’histoire des idĂ©es politiques, no 37,‎ , p. 5-33 (lire en ligne)

Liens externes

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