La Condition ouvrière
La Condition ouvrière est un ouvrage de la philosophe française Simone Weil, paru en 1951 aux éditions Gallimard, dans la collection « Espoir » dirigée par Albert Camus.
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Gallimard |
Le livre[1] est composé de textes divers – des lettres, un journal et des articles – écrits entre 1934 et 1941, dont quelques-uns seulement sont parus en revues du vivant de l’auteure. Ces textes concernent l'expérience ouvrière vécue par les travailleurs salariés dans les années 1930 et forment, dans leur ensemble, une tentative pour en comprendre les enjeux politiques, sociaux et économiques.
L'intérêt de l'ouvrage est à la fois historique et philosophique : il constitue, d'une part, une source de renseignements sur la situation des ouvriers à cette époque et, d'autre part, un exposé des idées de Weil sur les thèmes du travail, des machines, du temps, de l'attention, de la joie, de l'obéissance et de la nécessité. Le texte le plus long, le Journal d'usine, est le récit du quotidien vécu par Weil lorsqu'elle travaille comme ouvrière en 1935.
Contexte historique
Le 20 juin 1934, Simone Weil se met en congé de l'enseignement, dans une demande « pour études personnelles » qu'elle formule ainsi : « Je désirerais préparer une thèse de philosophie concernant le rapport de la technique moderne, base de la grande industrie, avec les aspects essentiels de notre civilisation, c’est-à -dire d’une part notre organisation sociale, d’autre part notre culture[2] ».
Du 4 décembre 1934 au 23 août 1935, Simone Weil est ainsi en immersion dans le monde ouvrier successivement chez Alsthom à Paris, aux Forges de Basse-Indre à Boulogne-Billancourt puis chez Renault. Il ne s'agit pas de vivre une expérience, mais d'« entrer en contact avec la vie réelle ». Elle consigne les instants vécus, « le sentiment d'être livrée à une machine, de ne pas savoir à quoi répond le travail accompli, ce qu'il sera demain, si les salaires seront diminués, etc.[3] ».
Composition de l'ouvrage
Les textes qui composent l'ouvrage appartiennent à différents genres.
- Une vingtaine de lettres à des correspondants reliés au milieu ouvrier ou syndical : patrons, ingénieurs, syndicalistes et amis.
- Un Journal d'usine dans lequel Weil rend compte de ce qui se passe dans sa vie d'ouvrière. Elle y décrit minutieusement le travail qu'elle fait – type et nombre de pièces fabriquées, salaire, état ou fonctionnement de la machine –, les incidents qui se produisent à l'atelier, ainsi que ses humeurs et ses réflexions. Elle note également son état mental, physique ou moral relativement aux circonstances.
- Une douzaine d'articles, d'analyses ou d'ébauches sur l'usine, les conditions et l'organisation du travail, les machines, le syndicalisme et les grèves.
De manière générale, ces textes font connaître ses conceptions philosophiques et ses réflexions au sujet de la condition ouvrière.
Publication de l'ouvrage
Weil n'a publié aucun livre de son vivant ; seuls quelques articles ont paru dans des revues, parfois sous un pseudonyme. Lorsqu'elle décède en 1943, elle laisse un grand nombre de manuscrits. Ils ont été pour la plupart édités en recueils, rassemblés par thèmes, sans nécessairement tenir compte de leur période de rédaction, dans la collection « Espoir » fondée par Albert Camus.
La Condition ouvrière est un livre différent des Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale, texte suivi et complet écrit en 1934, et de L'Enracinement, texte rédigé en 1943 et relativement achevé, bien que non révisé, la mort ayant empêché Weil de se relire. En effet, il ne s'agit pas d'un essai mais d'un recueil d'articles, de lettres, d'ébauches, de réflexions et de notes. Il n'a pas été conçu, établi ou approuvé par l'auteure. C'est pourquoi ces textes, lorsqu'ils ont été réédités dans les volumes des Œuvres complètes, ont été replacés dans leur ordre chronologique et présentés en fonction d'autres critères éditoriaux[4].
RĂ©ception critique
Michèle Aumont[5], dans la Revue de l'Action populaire, souligne « la profondeur de vue et l'inquiétude spirituelle de Simone Weil », et « la grande justesse » avec laquelle « les divers problèmes que posent le travail en usine et les rapports humains dans l'entreprise ont été saisis et présentés »[6].
Dans L'Express du 13 décembre 1955, Camus écrit : « Le plus grand, le plus noble livre qui ait paru depuis la Libération s'appelle La Condition ouvrière de Simone Weil ».
Pour Charles-Henri Favrod, « les analyses de Simone Weil anticipent sur tous les travaux des sociologues et les futures dénonciations du travail des O.S. Elle décrit avec précision le mécanisme de ce que l'on a appelé depuis l'aliénation ouvrière »[3].
Éditions
La première édition de La Condition ouvrière (Paris, Gallimard, coll. Espoir, 1951, 276 p.) est précédée d'une préface d'Albertine Thévenon, militante syndicaliste révolutionnaire, épouse d'Urbain Thévenon et amie de Simone Weil. Le livre est ensuite paru en édition de poche (coll. Idées, 1964, 384 p.). Il a été réédité accompagné d'une présentation, de notes et d'un dossier par Robert Chenavier, et augmenté de plusieurs textes (Gallimard, coll. Folio essais, 2002, 528 p.). Il existe aussi une édition de Raphaël Ehrsam (Flammarion, coll. GF, 2022, 368 p.), comprenant un appareil critique (présentation, notes, dossier, chronologie et bibliographie), mais amputée de quelques textes inclus dans les précédentes versions, dont le Journal d'usine.
Les textes de La Condition ouvrière ne sont pas repris dans le même ordre dans les Œuvres complètes, où ils sont présentés de façon chronologique et thématique, les volumes contenant la correspondance générale n'ayant pas encore parus. Les textes, à l'exclusion des lettres, donc, se trouvent répartis dans les volumes 2 et 3 du tome II (Écrits historiques et politiques) et au volume 1 du tome IV (Écrits de Marseille).
Notes et références
- L'article qui suit porte sur la version rééditée en 2002 par Gallimard dans la collection « Folio essais », revue et augmentée par Robert Chenavier, version qui peut être considérée comme l'édition de référence.
- Simone PĂ©trement, La Vie de Simone Weil, Paris, Fayard, , p. 300
- Charles-Henri Favrod, « Les grands livres du XXe siècle. La Condition ouvrière de Simone Weil », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Voir l'avertissement de Robert Chenavier à son édition, dans Simone Weil, La Condition ouvrière, Paris, Gallimard, coll. Folio essais, 2002, p. 9-10. Sur les principes directeurs de l'édition des Œuvres complètes, voir les indications données au premier tome, p. 45-49.
- Sur Michèle Aumont, voir la notice du Maitron par Michèle Rault.
- Michèle Aumont, « Problèmes posés par Simone Weil dans « La Condition ouvrière» », Revue de l'Action populaire, no 58,‎ , p. 434.
Voir aussi
Bibliographie
- Michèle Aumont, « Problèmes posés par Simone Weil dans La Condition ouvrière », Revue de l'Action populaire, no 58,‎ , p. 433-446.
- Nadia Taïbi, L'expérience ouvrière de Simone Weil : la philosophie au travail (Thèse de doctorat en philosophie), Lyon, Université Jean-Moulin-Lyon-III, (lire en ligne [PDF]), publiée sous le titre La Philosophie au travail. L'expérience ouvrière de Simone Weil, Paris, L'Harmattan, coll. « Ouverture philosophique », 2009.
Articles connexes
Liens externes
- « Épisode 1/4 : Une intellectuelle à l’usine » [audio], sur www.radiofrance.fr/franceculture, (consulté le ).