L'Éléphant de la mémoire
L'Éléphant de la mémoire est un sculpture monumentale inaugurée le à Lille pour la célébration du bicentenaire de la Révolution par le Conseil général du Nord[1]. À l'intérieur de l'œuvre est aménagée la plus petite salle publique de cinéma au monde et la plus chère au mètre carré (coût du projet : 1 M€ en 1989)
Lieu | Arenberg Creative Mine |
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Coordonnées | 50° 22′ 29″ nord, 3° 04′ 33″ est |
Architecte | Agence Huet (mandataire) et Patrice Neirinck assisté d'OTH Nord |
Inauguration | 15 juin 1989 |
Nb. de salles | 1 |
Capacité | 15 |
Statut juridique | la plus petite salle de cinéma du monde |
Gestionnaire | Communauté d'agglomération du Douaisis |
Structure-mère | Musée archéologique Arkéos |
Direction | Pierre Demolon |
Site web | www.arkeos.fr/ |
Origines
Origines napoléoniennes
L’éléphant de la Bastille est un projet napoléonien de fontaine parisienne destinée à orner la place de la Bastille. Alimentée par l'eau de l'Ourcq acheminée par le canal Saint-Martin, cette fontaine monumentale devait être surmontée de la statue colossale d'un éléphant portant un howdah en forme de tour.
Confiée après 1812 à l'architecte Alavoine, sa réalisation fut remise en cause par la chute de Napoléon avant d'être abandonnée, après la Révolution de 1830, au profit de la colonne de Juillet. Seuls les infrastructures, le bassin et le socle de cette fontaine furent réalisés entre 1810 et 1830, ainsi qu'une maquette en plâtre grandeur nature.
Victor Hugo, les misérables et Gavroche
À l'occasion de la démolition de la maquette, en , l'écrivain et pair de France Victor Hugo en récupéra un morceau de charpente. Il préparait alors un roman, intitulé Jean Tréjean puis Les Misères, dans lequel il fit de la maquette décrépite le logement de fortune du jeune Gavroche, ce qui est d'ailleurs peu vraisemblable à l'époque servant de toile de fond au récit. Après l'avoir délaissé au profit de ses activités politiques lors de la Seconde République, Hugo n'acheva qu'en 1861 Les Misérables. C'est surtout cette œuvre romanesque, parue en 1862, qui a assuré la postérité de l'animal de plâtre jusqu'à nos jours. Hugo a tiré parti de cette scène pour y confronter les deux personnages surhumains de son roman, le Napoléon du peuple et le Dieu de miséricorde.
« Il y a vingt ans, on voyait encore dans l'angle sud-est de la place de la Bastille près de la gare du canal creusée dans l'ancien fossé de la prison-citadelle, un monument bizarre qui s'est effacé déjà de la mémoire des Parisiens, et qui méritait d'y laisser quelque trace, car c'était une pensée du « membre de l'Institut, général en chef de l'armée d'Égypte ». Nous disons monument, quoique ce ne fût qu'une maquette. Mais cette maquette elle-même, ébauche prodigieuse, cadavre grandiose d'une idée de Napoléon que deux ou trois coups de vent successifs avaient emportée et jetée à chaque fois plus loin de nous, était devenue historique, et avait pris je ne sais quoi de définitif qui contrastait avec son aspect provisoire.
C'était un éléphant de quarante pieds de haut, construit en charpente et en maçonnerie, portant sur son dos sa tour qui ressemblait à une maison, jadis peint en vert par un badigeonneur quelconque, maintenant peint en noir par le ciel, la pluie et le temps. Dans cet angle désert et découvert de la place, le large front du colosse, sa trompe, ses défenses, sa tour, sa croupe énorme, ses quatre pieds pareils à des colonnes faisaient, la nuit, sur le ciel étoilé, une silhouette surprenante et terrible. On ne savait ce que cela voulait dire. C'était une sorte de symbole de la force populaire. C'était sombre, énigmatique et immense. C'était on ne sait quel fantôme puissant visible et debout à côté du spectre invisible de la Bastille.
Peu d'étrangers visitaient cet édifice, aucun passant ne le regardait. Il tombait en ruine ; à chaque saison, des plâtras qui se détachaient de ses flancs lui faisaient des plaies hideuses. « Les édiles », comme on dit en patois élégant, l'avaient oublié depuis 1814. Il était là dans son coin, morne, malade, croulant, entouré d'une palissade pourrie souillée à chaque instant par des cochers ivres ; des crevasses lui lézardaient le ventre, une latte lui sortait de la queue, les hautes herbes lui poussaient entre les jambes ; et comme le niveau de la place s'élevait depuis trente ans tout autour par ce mouvement lent et continu qui exhausse insensiblement le sol des grandes villes, il était dans un creux et il semblait que la terre s'enfonçât sous lui. Il était immonde, méprisé, repoussant et superbe, laid aux yeux du bourgeois, mélancolique aux yeux du penseur. Il avait quelque chose d'une ordure qu'on va balayer et quelque chose d'une majesté qu'on va décapiter.
Comme nous l'avons dit, la nuit, l'aspect changeait. La nuit est le véritable milieu de tout ce qui est ombre. Dès que tombait le crépuscule, le vieil éléphant se transfigurait ; il prenait une figure tranquille et redoutable dans la formidable sérénité des ténèbres. Étant du passé, il était de la nuit ; et cette obscurité allait à sa grandeur.
Ce monument, rude, trapu, pesant, âpre, austère, presque difforme, mais à coup sûr majestueux et empreint d'une sorte de gravité magnifique et sauvage, a disparu pour laisser régner en paix l'espèce de poêle gigantesque, orné de son tuyau, qui a remplacé la sombre forteresse à neuf tours, à peu près comme la bourgeoisie remplace la féodalité.
Quoi qu'il en soit, pour revenir à la place de la Bastille, l'architecte de l'éléphant avec du plâtre était parvenu à faire du grand ; l'architecte du tuyau de poêle a réussi à faire du petit avec du bronze.
O utilité inattendue de l'inutile ! charité des grandes choses ! bonté des géants ! Ce monument démesuré qui avait contenu une pensée de l'Empereur était devenu la boîte d'un gamin. Le môme avait été accepté et abrité par le colosse. Les bourgeois endimanchés qui passaient devant l'éléphant de la Bastille disaient volontiers en le toisant d'un air de mépris avec leurs yeux à fleur de tête : – À quoi cela sert-il ?
Cela servait à sauver du froid, du givre, de la grêle, de la pluie, à garantir du vent d'hiver, à préserver du sommeil dans la boue qui donne la fièvre et du sommeil dans la neige qui donne la mort, un petit être sans père ni mère, sans pain, sans vêtements, sans asile. Cela servait à recueillir l'innocent que la société repoussait. Cela servait à diminuer la faute publique. C'était une tanière ouverte à celui auquel toutes les portes étaient fermées. Il semblait que le vieux mastodonte misérable, envahi par la vermine et par l'oubli, couvert de verrues, de moisissures et d'ulcères, chancelant, vermoulu, abandonné, condamné, espèce de mendiant colossal demandant en vain l'aumône d'un regard bienveillant au milieu du carrefour, avait eu pitié, lui, de cet autre mendiant, du pauvre pygmée qui s'en allait sans souliers aux pieds, sans plafond sur la tête, soufflant dans ses doigts, vêtu de chiffons, nourri de ce qu'on jette. Voilà à quoi servait l'éléphant de la Bastille.
Cette idée de Napoléon, dédaignée par les hommes, avait été reprise par Dieu. Ce qui n'eût été qu'illustre était devenu auguste. Il eût fallu à l'Empereur, pour réaliser ce qu'il méditait, le porphyre, l'airain, le fer, l'or, le marbre ; à Dieu le vieil assemblage de planches, de solives et de plâtras suffisait. L'Empereur avait eu un rêve de génie ; dans cet éléphant titanique, armé, prodigieux, dressant sa trompe, portant sa tour, et faisant jaillir de toute part autour de lui des eaux joyeuses et vivifiantes, il voulait incarner le peuple ; Dieu en avait fait une chose plus grande, il y logeait un enfant. »Origines du Bicentenaire de la Révolution
À la suite de l’appel à candidature lancé par le président de la République pour la célébration du bicentenaire de la Révolution française, les architectes Agence Huet (mandataire) et Patrice Neirinck[3], OTH NORD bureau d’études proposent au Conseil général du Nord de retravailler sur l’éléphant de la Bastille de l’architecte Jean-Antoine Alavoine et de réaliser l’Eléphant de la Mémoire en hommage à Gavroche.
Le département du Nord, gestionnaire des Collèges, situé au cœur du pays des géants paraissait la collectivité la plus à même de monter ce projet[4]. Ce projet itinérant (propagation des idées révolutionnaires), accueillait en son «ventre», une projection audio visuel contre le travail des enfants dans nos sociétés.
Budget et controverses
Le coût et l'usage font polémiques y compris lors du départ de Bernard Derosier de la présidence du Conseil général du Nord en 2011[5].
La puissante fédération du Parti socialiste avec des personnages tels que Pierre Mauroy, Bernard Derosier, Martine Aubry a-t-elle voulu concrétiser, imager l'Idiotisme : Éléphant du parti socialiste dans une telle œuvre.
D'un coût initial de 7 millions de Francs; un million d'euros, il est racheté pour l'euro symbolique par la Communauté d'agglomération du Douaisis en 2014.
Dimensions
Réalisé par la société Haligon de Brie-Comte-Robert, l'éléphant est en quatre modules plus une tour d'accès à l'intérieur. Elle-même constituée de trois éléments en acier boulonné. Construit sur base de deux plateaux de semi-remorques pour être itinérant et assemblé pour former une structure au sol de 12 m par 8 m.
L'éléphant, par lui-même est construit en quatre modules, le ventre et pattes ; le dos et la tête ; la trompe et le panier assemblé autour d'une armature en acier IPN et tubes carrés couverte en résine polyester stratifiée de 12 mm d'épaisseur, il a pour dimensions 13 m de haut, 11 de long, 4,30 de large, 37 m2 de superficie. Cet éléphant est surmonté d’un palanquin conçu comme un lieu d’animation et d’exposition.
Six semi-remorques et une grue de 25 tonnes sont nécessaires à son déplacement par morceaux de 17 tonnes.
Périple
Bicentenaire de la Révolution et expositions
- Il sillonna les principales villes du Département du Nord ainsi que les villes de Paris, Bruxelles et Charleville Mézières.
- En 2004 Lors de Lille 3000 le thème de l'éléphant est repris avec l'Inde.
D'Arenberg à Maubeuge
- Depuis 1997 Il n'est pas retourné au Cimetière des éléphants mais dans un des bâtiments de la Fosse Arenberg de Wallers pour y être stocké dans l'attente d'un usage ou d'un acheteur[6].
- Le projet d'accueillir l'éléphant de la Mémoire en 2015 au Musée archéologique Arkéos de Douai est proposé en 2014[7]. Devant les couts associés à l'installation du pachyderme dans la parc archéologique, le projet est annulé en 2015, la ville de Maubeuge acceptant alors d'installer l'éléphant de la Mémoire sur son zoo[8].
Eugène-François Vidocq
Portrait par Marie-Gabrielle Coignet.
Eugène-François Vidocq, est le , condamné par le tribunal criminel de Douai à huit ans de travaux forcés pour « faux en écritures publiques et authentiques »[9]. Puis François Vidocq et César Herbaux, son co-accusé, sont exposés pendant six heures sur un échafaud qui sera pour cet effet dressé sur la place publique de Douai avant d'être incarcérés.
Incarcérés ils tentent l'évasion par la Scarpe mais c'est un échec[10]. Une nouvelle tentative avec une fausse clé est un succès.Vidocq est repris, réincarcéré à Douai d'où il s'évade à nouveau.
Par la suite il deviendra forçat évadé du bagne, puis chef de la police de sûreté, la future préfecture de police de Paris.
Victor Hugo s'inspire des figures de son époque pour camper ses personnages. Les Mémoires de Vidocq, parues en 1828, qui inspirèrent à Balzac le personnage de Vautrin, semblent se retrouver en partie dans les deux personnages antagonistes que sont Jean Valjean et Javert. Le premier correspond à Vidocq l'ancien forçat et le second à Vidocq, chef de sûreté de la préfecture de Police. C'est, du moins, une observation faite par de nombreuses études[11] - [12] - [13]. Cependant, Victor Hugo ne reconnaîtra jamais l'influence de Vidocq sur la création de ces personnages[14].
Cependant la prison de Vidocq à Douai est toujours visible et se situe à deux pas du projet d'installation de l'éléphant de la Mémoire au Musée archéologique Arkéos. Elle rappelle la maquette que Victor Hugo réalisa en 1846 du logement de fortune du jeune Gavroche, dans un morceau de charpente récupéré lors de la démolition de l’éléphant de la Bastille.
Aménagement d'une salle de projection et records
En son «ventre», se trouve une salle de projection audio visuelle, prévue à l'origine pour dénoncer le travail des enfants dans nos sociétés.
Cette salle de projection est la plus petite salle publique de cinéma au monde.
Elle possède également l'une des plus petites cabines de projections de cinéma, d'après le Livre Guinness des records, le record étant actuellement détenu par le Café de Port de l'Île-Tudy (Finistère) depuis 1993[15].
Filmographie
- Quand l'amour s'en mêle de Jérémy Michalak
Bibliographie
- NORD 59 - L'ELEPHANT DE LA MEMOIRE- 1989-[16]
Notes et références
- Bernard defontaine, « Wallers : L'Éléphant de la mémoire va-t-il enfin sortir de l’oubli? », La Voix du Nord, (lire en ligne)
- Victor Hugo, Les Misérables, Gallimard, 1995 t. II, p. 281-286 (ou t. II, p. 557-561 dans l'édition en trois volumes).
- Remy didier, « Une révolutionnaire mémoire d'éléphant attendue à Bruxelles », sur http://archives.lesoir.be, (consulté le )
- « L'éléphant de la Mémoire », sur http://cargocollective.com (consulté le )
- Marc Prevost, « Hommage à B. Derosier : au revoir, Président ! », http://dailynord.fr, , Bernard Derosier, un homme doté d’un grand sens de l’histoire:Un éléphant, ça se trompe. Vieille casserole. En 1989, le conseil général du Nord accouche d’un éléphant sur pattes et à roulettes pour accompagner le Bicentenaire de la Révolution. Aujourd’hui encore, on est bien en peine pour préciser le coût et l’impact d’une telle trouvaille (avec campagnes de pub à l’appui, on a parlé de 40 millions de francs – 6 millions d’euros). A l’époque, pour justifier l’étincelant pachyderme, on avançait l’épisode hugolien d’un Gavroche se réfugiant dans un tel animal des Misérables. Ecoliers et têtes blondes devaient se pâmer devant la parabole itinérante qui arpentait les collèges (compétences du Département !) – du Nord. Après une année de périple, l’éléphant de la Mémoire sombra dans les limbes de l’oubli. On retrouve sa trace du côté de Wallers, dans le Valenciennois, où il fait se plonger dans des abîmes de perplexité les visiteurs du musée local. Un futur pèlerinage pour les nostalgiques de Nanard ? (lire en ligne)
- « D'ici à un an, l'éléphant de la mémoire va quitter Wallers », La Voix du Nord, (lire en ligne)
- Bernard Défontaine, Wallers : l’Éléphant de la Mémoire va-t-il enfin sortir de l’oubli? 25 avril 2014, www.lavoixdunord.fr
- Béatrice Frère, Maubeuge hérite de l’Éléphant de la mémoire et l’installera probablement au zoo, 15 janvier 2016, www.lavoixdunord.fr ; Sébastien Leroy, Nord : une seconde vie pour l’Éléphant de la Mémoire qui avait fini par tomber dans l’oubli ? 24 janvier 2016, www.lavoixdunord.fr ; Béatrice Frère, L’Éléphant de la Mémoire se fait attendre à Maubeuge, 27 avril 2016, www.lavoixdunord.fr
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Eugène François Vidocq, Mémoires de Vidocq, chef de la police de la Sureté jusqu'en 1827, tenon, :
« Le Tribunal après avoir entendu le commissaire du Pouvoir exécutif et le citoyen Després conseil des accusés condamne François Vidocq et César Herbaux à la peine de huit années de fers »
, lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=iZQUAAAAQAAJ&pg=PA194&dq=%22eug%C3%A9ne+fran%C3%A7ois+vidocq%22&hl=fr&sa=X&ei=Z7tsVNqrDo7varufgPAL&ved=0CEAQ6AEwBQ#v=onepage&q=%22eug%C3%A9ne%20fran%C3%A7ois%20vidocq%22&f=false -
Eugène François Vidocq, Histoire complète de F.- E. Vidocq ancien chef de la police de sureté publiée d'après des notes inédites, documents et renseignements les plus nouveaux et les plus authentiques sur sa vie aventureuse, depuis sa naissance jusqu'à sa mort, Bailly, (lire en ligne) :
« Vidocq fut arrêté au moment de faire la parade et ramené à Lille puis transféré à Douai dans la prison départementale, mis au cachot et aux fers avec les nommés Defosseux et Doyennelle ; ils creusent une travée souterraine dans la direction de la Scarpe, rivière qui baigne les murs de la prison ; mais, ayant mal calculé le niveau de l'eau au moment de recouvrer la liberté, ils se trouvent subitement submergés et forcés d'appeler au secours, après avoir perdu cinquante cinq jours de travail et autant de nuits, on les mit dans des cachots séparés. Un matin que Vidocq avait été conduit avec deux de ses compagnons dans un corridor afin de s'entretenir avec son avocat, il profite de ce que celui-ci s'absente un instant, et à l'aide d'une fausse clef, s'évade, lui et ses deux camarades de captivité. »
- Claude Frochaux, L'Homme seul, partie II, p. 185.
- « Critique de Vidocq » sur Comme au cinema.com
- Sylvie Thorel-Cailleteau, Splendeur dans la médiocrité : une idée du roman, p. 139-140
- (en) Sarah Margareth Ross, The Evolution of the Theme of Criminality From Balzac, To Hugo, To Zola, p. 18.
- « Le Cinéma du Port »
- « NORD 59 - L'ELEPHANT DE LA MEMOIRE- 1989- », sur www.delcampe.net, (consulté le )