LĂ©on Thibaudeau
Léon Emmanuel Thibaudeau, né le à Parançay, hameau de Bernay-Saint-Martin, Charente-Maritime[1], et mort le à Caudéran (Gironde), est un administrateur colonial français.
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(à 62 ans) Caudéran |
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Biographie
Fils d'un menuisier, il profite de son service militaire pour prĂ©parer les concours dâentrĂ©e dans une Ă©cole militaire mais Ă©galement celui de rĂ©dacteur des services civils dâIndochine. Reçu aux deux, il abandonne le concours militaire et choisit la carriĂšre civile en Indochine.
Arrivé en 1907 au Sud-Annam, il donne de sa personne pendant un typhon et une épidémie de choléra, ce qui lui vaut la médaille d'honneur des épidémies. Menant la vie des jeunes administrateurs de l'époque, il visite à cheval et à dos d'éléphant les villages annamites et l'arriÚre pays Moï de sa province. Il entreprend l'étude de la langue annamite, qu'il parlera avec finesse et distinction.
En 1914, il est mobilisé sur place. à l'issue d'un congé de convalescence en France, il ne rejoint pas l'Indochine mais s'engage le . Affecté au 6e régiment d'Infanterie, il y reste jusqu'en 1919 et reçoit la Croix de guerre.
Il épouse le Suzanne Perdoncini, qui saura le seconder dans les obligations sociales de sa carriÚre, avec simplicité, dignité et bonté.
De 1919 Ă 1928, il est administrateur adjoint, puis RĂ©sident des provinces de Phanrang, Qui-Nhon, Hatin et Tanh-Hoa.
Nommé en 1928 à Hué, il y reste jusqu'en 1931 comme Directeur des Bureaux, puis Inspecteur des Affaires politiques et administratives, à une époque de troubles graves dans la province de Vinh.
Il est rappelé à Hué en 1933 pour l'intérim du Résident supérieur, qu'il assurera jusqu'en 1934, pendant une période délicate en raison du retour en Annam du jeune empereur Bao-Dai (à l'issue de son éducation en France), de son couronnement puis de son mariage.
En 1935, de retour de congĂ©, il apprend qu'il est nommĂ© Inspecteur des Affaires politiques et administratives du Cambodge. Un an plus tard, le RĂ©sident supĂ©rieur M. Sylvestre, appelĂ© Ă l'intĂ©rim du Gouverneur gĂ©nĂ©ral, choisit LĂ©on Thibaudeau qu'il avait su apprĂ©cier, pour le remplacer[2] dans ses fonctions Ă Phnom-Penh, fonctions[3] dans lesquelles il est titularisĂ© quelques mois plus tard, et qu'il assumera jusqu'Ă la fin de 1941, annĂ©e oĂč le jeune Norodom Sihanouk accĂšde au trĂŽne[4].
Pendant les sept annĂ©es de prĂ©sence au Cambodge, il s'est constamment prĂ©occupĂ© d'amĂ©liorer les conditions de vie Ă©conomique de la population. C'est ainsi qu'il assure aux paysans â pĂ©riodiquement atteints par les inondations â des rĂ©serves de grains leur permettant de subvenir Ă leur nourriture et d'assurer le rĂ©ensemencement de leurs terres. Il crĂ©e, par ailleurs, des antennes mĂ©dicales itinĂ©rantes, pour visiter les villages Ă©loignĂ©s des hĂŽpitaux rĂ©gionaux.
De plus, constatant que les pĂȘcheurs cambodgiens sont soumis aux conditions des nĂ©gociants chinois, tant pour leurs Ă©quipements que pour l'Ă©coulement du produit de leur pĂȘche, il veut les libĂ©rer de ce monopole de fait[5]. Il veut aussi faire bĂ©nĂ©ficier au maximum le Cambodge des ressources importantes que reprĂ©sentent les eaux poissonneuses du MĂ©kong, du TonlĂ© Sap et de l'environnement maritime.
Ă cet effet, aprĂšs une Ă©tude effectuĂ©e par lâInstitut ocĂ©anographique[6], il crĂ©e â sur des fonds avancĂ©s par le Protectorat â, deux sociĂ©tĂ©s coopĂ©ratives de PĂȘcheries dont l'organisation, bien adaptĂ©e aux besoins locaux, provoque un essor important de la pĂȘche.
Ayant reçu de l'Ătat le monopole d'exploitation de la pĂȘche, ces coopĂ©ratives assurĂšrent jusqu'Ă 15 % des ressources budgĂ©taires du pays, et le gouvernement cambodgien, ultĂ©rieurement, les conserva pratiquement dans leurs structures.
DÚs le début de la guerre, il se préoccupe de constituer une importante réserve de médicaments de base.
En 1941, le dĂ©cĂšs du roi Sisowath Monivong pose un problĂšme politique majeur du fait de la rivalitĂ© des deux branches de la famille royale, dans laquelle doit ĂȘtre choisi le futur souverain. Attentif Ă la complexitĂ© des intĂ©rĂȘts en jeu, et Ă la qualitĂ© des personnalitĂ©s en cause, il sait faire valoir auprĂšs des autoritĂ©s de dĂ©cision, un successeur inattendu : le jeune prince Sihanouk, descendant des deux familles rivales, et petit-fils par sa mĂšre du roi dĂ©funt.
Pour la deuxiĂšme fois au cours de sa carriĂšre, il a donc eu la lourde charge de prĂ©parer et dâassurer lâaccession au trĂŽne dâun jeune souverain.
Au cours de cette mĂȘme annĂ©e, il avait Ă plusieurs reprises exprimĂ© au Gouverneur GĂ©nĂ©ral, lâamiral Decoux, son grave dĂ©saccord sur la politique conduite par Vichy en Indochine. OpposĂ©, en outre, Ă lâapplication de mesures discriminatoires visant certaines catĂ©gories de personnes, il refuse de s'associer Ă cette politique et demande sa mise Ă la retraite.
Il se retire Ă Dalat en .
InternĂ© par les Japonais en 1945, il sort de prison mĂ©connaissable, marquĂ© par la maladie qui devait lâemporter quelques mois plus tard. Ses compagnons de captivitĂ© ont gardĂ© le souvenir dâun homme gĂ©nĂ©reux qui oubliait ses propres Ă©preuves pour les rĂ©conforter, et dont la dignitĂ© et le courage leur Ă©taient un exemple.
AprĂšs sa libĂ©ration, des responsables annamites viennent le voir pour lui demander de dĂ©fendre auprĂšs du Gouvernement français la cause d'une RĂ©publique Annamite indĂ©pendante, dont ils le savent partisan. Cette cause, qu'il n'est plus en Ă©tat de dĂ©fendre lui-mĂȘme, il la confie sans succĂšs Ă d'autres.
RapatriĂ© gravement malade en , il meurt Ă CaudĂ©ran (commune aujourdâhui annexĂ©e Ă Bordeaux) trois mois plus tard, aprĂšs avoir consacrĂ© 39 ans de sa vie Ă cette Indochine qu'il aimait.
Il laissait à sa veuve la charge d'assurer l'éducation de leur plus jeune fils, alors ùgé de 10 ans. Ils eurent 4 enfants : Simone, HélÚne, Yves mort à Dong Hoi et qui est resté en terre indochinoise, et enfin Alain.
Il Ă©tait officier de la LĂ©gion dâhonneur.
Sources
- (en) Penny Edwards, Cambodge: The Cultivation of a Nation, 1860-1945, p. 211-229, Ă©d. University of Hawaii Press, 2007, (ISBN 0824829239).
- « LĂ©on Thibaudeau (1883-1946) », pages 410-412 in Hommes et Destins, tome VI : Asie, publiĂ© par lâAcadĂ©mie des sciences dâoutre-mer 15, rue LapĂ©rouse Ă Paris, achevĂ© dâimprimer en 1985, 474 pages, (ISBN 2-90098-08-4) Ă©ditĂ© erronĂ© (indiquĂ© dans lâouvrage) (ISBN 2-900098-08-4) (rectifiĂ©)
- LĂ©on Thibaudeau, Discours prononcĂ©s par S. M. Sisowathmonivong, roi du Cambodge, et M. le rĂ©sident supĂ©rieur Thibaudeau, Ă lâouverture de la session ordinaire de lâAssemblĂ©e consultative du Cambodge, , Ă©d. A. Portail, 1938
- LĂ©on Thibaudeau, Discours prononcĂ© par M. le rĂ©sident supĂ©rieur Thibaudeau, Ă lâouverture de la sĂ©ance ordinaire du Conseil des intĂ©rĂȘts français Ă©conomiques et financiers du Cambodge, Ă©d. A Portail, 1938.
Références
- Archives départementales de la Charente-Maritime, état-civil numérisé de la commune de Bernay, naissances de l'année 1883, acte no 18 et sa mention marginale de décÚs, vue 7/166 de la numérisation.
- Raoul Marc Jennar, Les clés du Cambodge, p. 50, éd. Maisonneuve et Larose, 1995 (ISBN 9782706811500)
- Tipram Poivre, Le pĂšre adoptif : Portrait insolite du roi Sihanouk du Cambodge, Ă©d. Syllabaire Ă©ditions (ISBN 2365042007)
- Michel Giard, Les corsaires de la Baie d'Along, p. 64, Ă©d. Ăditions Cheminements, 2004 (ISBN 2844783236)
- Jean Clauzel, La France d'outre-mer (1930 - 1960), p. 472, Ăd. Karthala, 2003 (ISBN 284586423X)
- Travaux de l'Institut océanographique de l'Indochine, vol. 5, éd. Gouvernement Général de l'Indochine, 1940