LĂ©gende du serpent blanc
La LĂ©gende du serpent blanc (chinois simplifiĂ© : çœèäŒ ; chinois traditionnel : çœèćł ; pinyin : ) est lâune des lĂ©gendes chinoises les plus populaires, Ă©galement connue au Japon. Depuis la fin de la dynastie Ming oĂč elle a Ă©tĂ© couchĂ©e par Ă©crit en 1627[1], elle a connu toutes sortes dâinterprĂ©tations : musicales, poĂ©tiques, thĂ©Ăątrales, littĂ©raires (y compris bande dessinĂ©e et littĂ©rature enfantine), peintures murales, cinĂ©matographiques et tĂ©lĂ©visuelles.
Résumé
Lâhistoire a dĂ» puiser Ă plusieurs sources et se transmet tout dâabord oralement. La forme primitive, assez courte, semble ĂȘtre la rencontre sous la dynastie Song dâun pauvre herboriste et d'une belle et riche jeune femme accompagnĂ©e de sa servante. Il lâĂ©pouse et elle lâaide Ă faire prospĂ©rer son commerce, mais un religieux lâavertit que sa femme est un gĂ©nie serpent. MalgrĂ© la rĂ©ticence du mari, il la dĂ©masque et lâemprisonne dĂ©finitivement sous les fondations de la pagode de Leifeng pour lâempĂȘcher de nuire. Le nom du serpent nâest pas mentionnĂ©.
Plusieurs variantes Ă©crites, de plus en plus dĂ©veloppĂ©es, sont apparues sous les Qing. Elles accordent une grande importance Ă lâhĂ©roĂŻne, dont le portrait devient sympathique et Ă©mouvant. Certains auteurs donnent un dĂ©nouement heureux Ă lâhistoire.
RĂ©sumĂ© dâune version longue
Un serpent douĂ© dâesprit (selon certains, un cheveu de la dĂ©esse Guanyin mĂ©tamorphosĂ©) est sauvĂ© par un homme et fait vĆu de lui rendre son bienfait dans une existence ultĂ©rieure. Avec un serpent vert plus petit devenu son compagnon, il mĂ©dite durant un millier dâannĂ©es. Les deux serpents acquiĂšrent des pouvoirs magiques et prennent la forme de deux jeunes femmes. Le serpent blanc se met Ă la recherche de la rĂ©incarnation de son bienfaiteur, et apprend grĂące Ă lâintuition que lui a confĂ©rĂ©e la mĂ©ditation quâil se nomme Xu Xian (èš±ä»), est peu fortunĂ©, et tient prĂšs de Hangzhou une petite officine dâapothicaire. Les deux femmes sâen vont flĂąner autour du lac de l'Ouest (è„żæč), lieu de promenade favori des habitants du crĂ», et finissent par le rencontrer. Pour engager la conversation, voyant que le jeune homme tient en main un parapluie, elles usent de leur pouvoirs pour faire pleuvoir ; il offre de les raccompagner. Le serpent blanc se prĂ©sente comme Bai (blanc) Suzhen (çœçŽ èŽ / çœçŽ èČ, ), fille dâune famille riche, et introduit le serpent vert comme Xiaoqing (Verdurette) (ć°é, ), sa servante.
Xu Xian et Bai Suzhen finissent par convoler, et la pharmacie prospĂšre grĂące Ă la magie du serpent ; un hĂ©ritier sâannonce. Tout semble donc aller pour le mieux, mais un jour, Xu Xian croise un moine bouddhiste nommĂ© Fahai (æłæ”·, ) (parfois un moine taoĂŻste) qui dĂ©tecte au premier regard une aura excessivement yin, signe quâil cĂŽtoie un esprit. Il le prĂ©vient du danger pour sa santĂ©, mais Xu Xian ne veut rien savoir. La fĂȘte des bateaux dragons approchant, le moine lui donne alors pour sa femme enceinte une flasque de vin soufrĂ©, bu traditionnellement ce jour-lĂ pour prĂ©venir les maladies. Xu Xian rĂ©ussit Ă faire boire Ă Bai Suzhen un peu de vin malgrĂ© ses tentatives de refus. Vaincue par la force de la potion, elle se montre sous sa vraie forme. ChoquĂ©, son mari tombe raide mort.
Bai Suzhen sâen va au pĂ©ril de sa vie sur le mont Kunlun oĂč rĂ©sident les divinitĂ©s taoĂŻstes pour quĂ©rir auprĂšs du dieu du Pic austral une potion magique. Elle ressuscite ainsi Xu Xian, mais le moine est dĂ©cidĂ© Ă dĂ©barrasser la ville du serpent. Il enlĂšve lâapothicaire lors de lâune de ses expĂ©ditions dâherboriste et lâenferme dans le temple de la Montagne dâor (éć±±ćŻș). Usant de leur magie, Bai Suzhen et Xiaoqing essaient de faire sortir le kidnappeur et sa victime en inondant le temple, mais lâaccouchement se dĂ©clenche, diminuant les pouvoirs de Bai Suzhen. Lâinondation devient incontrĂŽlable, entraĂźne la rupture d'un pont et fait des victimes, attirant sur le serpent une punition divine (ou un mauvais karma dans la version bouddhiste). Affaiblie, elle est capturĂ©e par le moine dans son bol Ă aumĂŽnes. Il fait surgir sur elle la pagode du Pic du tonnerre (é·ćł°ćĄ), lâemprisonnant dans les fondations. Heureusement, plusieurs annĂ©es plus tard, son fils, que Xiaoqing a ramenĂ© Ă son pĂšre, passe avec succĂšs les examens impĂ©riaux et dĂ©livre sa mĂšre grĂące Ă un rituel religieux.
L'hĂ©roĂŻne est aussi appelĂ©e Bai Niangzi (çœćšć), Madame Blanche. Dans l'une des nombreuses variantes, son fils naĂźt alors qu'elle est dĂ©jĂ emprisonnĂ©e sous la pagode, qui se fend pour le laisser sortir.
Inspiration
On reconnait dans lâhistoire plusieurs sources dâinspiration :
- lĂ©gendes indiennes et bouddhistes, avec les thĂšmes des Nagas et des pagodes qui emprisonnent les mauvais gĂ©nies sous leurs fondations, ou au contraire renferment des objets prĂ©cieux qui ne peuvent ĂȘtre dĂ©livrĂ©s que par un sage (comme le Maha Vairochana Sutra fut dĂ©livrĂ© par Nagarjuna).
- mythes relatant lâunion dâun humain et dâun animal douĂ© de pouvoirs spĂ©ciaux, en lâoccurrence un serpent ; le thĂšme, frĂ©quent en Asie du Sud-Est, se retrouve aussi dans dâautres endroits du monde, comme en tĂ©moigne la lĂ©gende française de MĂ©lusine ;
- folklore liĂ© Ă la fĂȘte des bateaux dragons, jour oĂč lâon exorcise les mauvaises influences pour affronter lâĂ©tĂ© et son cortĂšge de maladies infectieuses ;
Versions principales
La premiĂšre version officielle de lâhistoire est Madame serpent blanc prisonniĂšre Ă©ternelle de la pagode du Pic du tonnerre (çœćšćæ°žéźé·ćł°ćĄ), chapitre 28 dâHistoires pour mettre en garde (èŠäžéèš) composĂ© sous les Ming par Feng Menglong. Cependant, certains font remonter les prĂ©misses du conte Ă un rĂ©cit datant des Song du Sud, intitulĂ© Le Pendentif dâĂ©ventail aux deux poissons (ééæćą), qui relate une intrigue similaire dont les deux hĂ©roĂŻnes sont un serpent blanc et un poisson vert, le hĂ©ros se nommant Xu Xian (èš±ćźŁ).
Le conte de Feng Menglong est la version courte. La premiĂšre version dĂ©veloppĂ©e est Le Miracle de la pagode du Pic du tonnerre (é·ćł°ćĄćłć„) Ă©crit par Fang Chengpei (æčæćč) et offerte Ă lâempereur Qianlong.
Les principaux livrets dâopĂ©ra chinois (en majoritĂ© kunqu) reprenant l'histoire sont La Pagode du Pic du tonnerre (é·ćł°ćĄ) de Huang Tumi é»ćç, du dĂ©but des Qing, version courte, et une version plus dĂ©veloppĂ©e de Chen Jiayan (éłćèš) pĂšre et fille, pour la troupe impĂ©riale du Jardin des poiriers (lĂyuĂĄn æąšć).
Adaptations et traductions
Littérature
- Blanche et Bleue, ou Les deux couleuvres-fées, trad. Stanislas Julien, 1834 [lire en ligne], sur chineancienne.fr
- La Tour du Pic du Tonnerre, ou La Dame Blanche, trad. Maurice Verdeille, dans Bulletin de la Société des études indochinoises, Saïgon, 1917, pages 53-170 [lire en ligne], sur chineancienne.fr
- Feng Menglong, Le Serpent blanc. Contes tirĂ©s du Jing Shi Tong Yan, Ăditions en langues Ă©trangĂšres, « LittĂ©rature classique », Beijing, 1994, 353 p. (ISBN 711901644X)
- « Le Serpent blanc », dans Contes populaires du lac de l'Ouest, ill. Ye Yuzhong, Ăditions en langues Ă©trangĂšres, PĂ©kin, 1982, rĂ©Ă©d. 1986
- (en) Wilt L. Idema, The White Snake and her Son : A Translation of The Precious Scroll of Thunder Peak, with Related Texts, Indianapolis, Hackett, 2009
Discographie
- Opéra du Sichuan, La Légende de Serpent Blanc, Buda Records, « Musique du Monde », 92555-2, 1992
Cinéma
- Le Serpent blanc, film d'animation japonais (1958) ;
- Madam White Snake, film de Shiro Toyoda, (Japon, 1956, couleur ; titre original Byaku Fujin No Yoren ; produit par Toho Ltd.), effets spéciaux Eiji Tsuburaya, musique de Ikuma Dan ;
- Madam White Snake (film, 1960), film coréen de Shin Sang-ok[2] ;
- Madam White Snake, film de la Shaw Brothers avec Linda Lin Dai (1962) ;
- The Snake Woman, film coréen de Shin Sang-ok[2] (1969) ;
- La légende du serpent blanc, film de Fu Chaowu (1980) ;
- Green Snake, film hongkongais de Tsui Hark (1993) dâaprĂšs une adaptation de Lillian Lee ;
- Le Sorcier et le Serpent blanc, film de Ching Siu-tung (2011), avec Jet Li ;
- White Snake, film d'animation chinois (2019) ;
- Green Snake (2021) (en), film d'animation chinois suite directe Ă White Snake (2019), (2021).
Télévision
- La légende du serpent blanc (série télévisée) (en), série dramatique (2019).
Musique moderne
- En 1989, Hsu Tsang-Houei compose un oratorio[3] - [4] - [5]
Notes et références
-
- AndrĂ© LĂ©vy, « Deux contes philosophiques Ming et leurs sources », Bulletin de l'Ăcole française d'ExtrĂȘme-Orient, 1967, volume 53, numĂ©ro 53-2 [lire en ligne]
- https://www.eclassical.com/shop/17115/art47/4879847-455436-4710887870288.pdf
- https://etheses.whiterose.ac.uk/15666/1/PhD%20Resubmission%20September%202016%20PDF.pdf, p. 81
- https://www.degruyter.com/document/doi/10.14361/9783839450956-019/pdf
Annexes
Bibliographie
- AndrĂ© LĂ©vy, « L'origine et le style de la lĂ©gende du Pic du Tonnerre dans la version des Belles histoires du lac de l'Ouest », Bulletin de l'Ăcole française d'ExtrĂȘme-Orient, 1967, volume 53, numĂ©ro 53-2, [lire en ligne]
- Ho Kin-chung, « Le serpent blanc, figure de la libertĂ© fĂ©minine », Ătudes chinoises, vol. XI, numĂ©ro 1, 1992 [PDF] [lire en ligne]
- Jean Levi, La Chine romanesque. Fictions d'Orient et d'Occident, Seuil, « La librairie du xxe siÚcle », 1995