Justice climatique en France
La justice climatique en France désigne à la fois les actions (politiques, manifestations, etc.) en France se réclamant de la justice climatique en tant qu'approche éthique et politique – ainsi que les affaires judiciaires liées à ces actions.
Contexte
Droit international sur le climat
Depuis , la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques entend stabiliser « les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique »[1] - [2].
Depuis , l'Accord de Paris sur le climat prévoit de contenir le réchauffement climatique d'ici à 2100 « nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C ». L'accord précise aussi qu'il « vise à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques, […] notamment en […] rendant les flux financiers compatibles avec un profil d'évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques »[3]. Selon le Conseil fédéral, l'Accord de Paris sur le climat « oblige tous les États membres à prendre des mesures de réduction des émissions des gaz à effet de serre, à élaborer une stratégie d’adaptation aux changements climatiques et à orienter les flux financiers de manière favorable au climat »[4].
En décembre 2020, le secrétaire général des Nations unies António Guterres déclare :
« Il est grand temps [...] de supprimer progressivement le financement des combustibles fossiles et les subventions dont ils bénéficient ; d’arrêter la construction de nouvelles centrales à charbon ; [...] de rendre obligatoire la divulgation des risques financiers liés au climat et d’intégrer l’objectif de neutralité carbone dans toutes les politiques et décisions économiques et budgétaires. Les banques doivent adapter leurs prêts à l’objectif mondial de zéro émission nette et les propriétaires et gestionnaires d’actifs doivent décarboniser leurs portefeuilles. »[5]
Affaires en lien avec la stratégie nationale bas carbone 2014-2018
L'« Affaire du siècle »
En mars 2019, quatre ONG (Notre affaire à tous, Greenpeace France, Oxfam France et la Fondation Nicolas Hulot), soutenues par près de 1,8 million de signataires d’une pétition en ligne, engagent une action en justice contre l'État pour dénoncer « l'inaction climatique » de l'État devant la justice[6] - [7]. Le , le tribunal administratif de Paris condamne l'État pour « carences fautives à mettre en œuvre des politiques publiques lui permettant d'atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu'il s'est fixés ». Après supplément d'instruction, le , le tribunal donne raison aux défenseurs de l'environnement de « l'Affaire du siècle ». Il relève en effet que le plafond d’émissions de gaz à effet de serre fixé par le premier budget carbone pour la période 2015-2018 a été dépassé de 62 millions de tonnes « d’équivalent dioxyde de carbone » (Mt CO2eq). L'évaluation du préjudice se faisant à la date du jugement, le tribunal relève que la réduction substantielle des émissions de gaz à effet de serre en 2020, bien que liée de façon prépondérante aux effets de la crise sanitaire de la covid-19 et non à une action spécifique de l’Etat, doit être prise en compte. Il condamne ainsi l'État à la réparation du préjudice constaté de 15 MtCo2eq au plus tard au au plus tard, sans toutefois assortir cette injonction d’une astreinte[8] - [9].
Affaire de Grand-Synthe
Damien Carême, maire écologiste de Grande-Synthe (Nord), annonce le , qu’il engage un recours contre l’État pour « non-respect de ses engagements climatiques » devant le Conseil d'État. Implantée sur un sol argileux, la ville est en effet, selon ses élus, particulièrement vulnérable aux risques liés au réchauffement climatique, notamment de submersion marine et d'inondation[10]. La ville de Paris, la ville de Grenoble, les associations Oxfam France, Greenpeace France, Notre Affaire à Tous, et la Fondation pour la Nature et l'Homme interviennent en soutien de la démarche du maire. En novembre 2020, le Conseil d'État donne trois mois au gouvernement pour prouver que la trajectoire de réduction des gaz à effets de serre pour 2030 (- 40 % par rapport à 1990) pourrait être respectée sans mesures supplémentaires[11]. Le gouvernement fournit des éléments supplémentaires qui ne convainquent toutefois pas le juge du Conseil d'État qui, le 1er juillet 2021, reconnaît l'insuffisance de la politique climatique gouvernementale pour atteindre les objectifs fixés et ordonne à l’État de prendre, d’ici le 31 mars 2022, des mesures supplémentaires pour atteindre ces objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'État prend acte de cette décision et précise que cet engagement se traduira notamment par les actions suivantes[12] - [13] :
- la publication rapide de l'ensemble des textes d'application de la loi "Climat et Résilience" dès lors que celle-ci aura été adoptée par le Parlement ;
- un engagement politique fort dans l'adoption des nouvelles mesures en cours de discussion au niveau européen et qui couvrent un large champ d'émissions (industrie, transport, aviation, transport maritime). Cet engagement se traduira par une large priorité accordée à la négociation de ce cadre européen lors de la présidence française de l'Union Européenne qui débutera le 1er janvier 2022.
Notes et références
- Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du (Ă©tat le ), RS 0.814.01.
- Arnaud Nussbaumer, « L'acquittement des activistes du climat à Lausanne », sur Lawinside.ch, (consulté le ).
- Article 2 de l'Accord de Paris sur le climat du (Ă©tat le ), RS 0.814.012.
- Conseil fédéral, « Le Conseil fédéral ouvre la consultation sur la future politique climatique de la Suisse », sur admin.ch, (consulté le ).
- António Guterres, secrétaire général de l’ONU, « Atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 : l’urgence absolue », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Simon Auffret, « Pétition pour le climat : quelles pourraient être les conséquences pour l’Etat ? », sur www.lemonde.fr, (consulté le )
- « Affaire du siècle : le tribunal ordonne à l’etat de compenser le dépassement du budget carbone de la snbc-1 avant fin 2022 », sur www.citepa.org, (consulté le )
- « L’Affaire du Siècle : l’Etat devra réparer le préjudice écologique dont il est responsable », sur paris.tribunal-administratif.fr (consulté le )
- « Réchauffement climatique : l'État condamné pour préjudice écologique », sur www.vie-publique.fr, (consulté le )
- « Le maire de Grande-Synthe attaque l’Etat pour « inaction climatique » », sur www.lemonde.fr, (consulté le )
- « Conseil d'État - 6ème - 5ème chambres réunies - 19 novembre 2020 / n° 427301 », sur www.dalloz.fr (consulté le )
- Léan Jabre, « Affaire Grande-Synthe : le gouvernement a neuf mois pour agir pour la qualité de l’air », sur www.lagazettedescommunes.com, (consulté le )
- « Communiqué des services du Premier ministre, en date du 1er juillet 2021, sur la décision du Conseil d'État dans l'affaire Grande Synthe en matière de lutte contre le changement climatique. », sur www.vie-publique.fr (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Christel Cournil (direction), Les grandes affaires climatiques, coll. « Confluence des droits », (lire en ligne).
- Marta Torre-Schaub, Justice climatique : procès et actions, CNRS éditions, (lire en ligne).
- Michael Burger et Justin Gundlach, Programme des Nations unies pour l'environnement ; Sabin Center For Climate Change Law, L’État du contentieux climatique : revue mondiale, PNUE, (ISBN 978-92-807-3656-4, lire en ligne). Version 2020.
- (en) B. P. Harper (2005) Climate Change Litigation: The Federal Common Law of Interstate Nuisance and Federalism Concerns. Ga. L. Rev., 40, 661 (résumé).
- (en) J. Setzer et R. Byrnes (2019) Global trends in climate change litigation: 2019| London: Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment and Centre for Climate Change Economics and Policy, London School of Economics and Political Science (résumé).