José Aras
JosĂ© Soares Ferreira Aras (Euclides da Cunha, anciennement Cumbe, 1893 â ibidem, 1979), alias Jota Sara, Ă©tait un Ă©crivain, journaliste, historien et poĂšte brĂ©silien.
Nom de naissance | José Soares Ferreira Aras |
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Naissance |
Euclides da Cunha, Brésil |
DĂ©cĂšs |
Euclides da Cunha |
Activité principale |
Langue dâĂ©criture | portugais |
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Genres |
Ćuvres principales
- A vida de JoĂŁo CalĂȘncio
- Meu folclore: histĂłria da Guerra de Canudos, 1893-1898 1950
- Uma pĂĄscoa em Monte Santo
- LampiĂŁo, terror do nordeste
- Um piolho na orelha de um lobo
- No sertĂŁo do Conselheiro
Grand connaisseur du sertĂŁo bahianias, oĂč il vĂ©cut la quasi-totalitĂ© de sa vie, JosĂ© Aras publia plusieurs ouvrages dâhistoire locale, rĂ©sultats de ses recherches personnelles comme autodidacte. AmenĂ© Ă sâintĂ©resser Ă©galement Ă la guerre de Canudos, il entreprit de bonne heure Ă recueillir les tĂ©moignages de rescapĂ©s, ne tardant pas selon ses propres dires Ă devenir conselheiriste lui-mĂȘme. En plus de fonder un musĂ©e consacrĂ© Ă ce sanglant conflit, il composa sur le mĂȘme thĂšme un poĂšme de cordel (type de littĂ©rature de colportage particulier au Nordeste brĂ©silien), Ćuvre littĂ©raire mais aussi contribution historique forgĂ©e Ă partir de la voix du peuple, et remarquable en ceci que lâauteur tint Ă sây dĂ©marquer du discours dĂ©nigrant sur Canudos tenu jusque-lĂ dans les prĂ©cĂ©dentes productions de cordel sur le sujet.
Il eut Ă©galement une intense activitĂ© journalistique et fut lĂ©gendaire par son habilitĂ© Ă dĂ©tecter des sources dâeau souterraines.
Biographie
Fils de JosĂ© Raimundo Soares et de Joana Maria do EspĂrito Santo, JosĂ© Aras naquit sur le domaine agricole (sĂtio) Lagoa da Ilha, dans la localitĂ© de Cumbe (rebaptisĂ©e depuis Euclides da Cunha), qui faisait partie encore de la commune de Monte Santo. Autodidacte et prĂ©coce, poĂšte et improvisateur, critique des coutumes de sa rĂ©gion, il se voua aux recherches historiques locales. Il passait pour avoir une mĂ©moire prodigieuse et une grande intelligence, et composa ses premiers vers Ă lâĂąge de six ans. On lui attribua une sensibilitĂ© tĂ©lĂ©pathique et des dons de divination ; ainsi, sillonnant les sertĂ”es du Nordeste brĂ©silien, il serait parvenu Ă indiquer lâemplacement de plus de cinq mille sources. Il aurait prĂ©dit, avec une exactitude Ă©tonnante, les gisements dâeau souterrains, leur profondeur, le type de sol et la qualitĂ© de lâeau ; il aurait dĂ©tectĂ© lâexistence de la grande nappe phrĂ©atique du Jorro et prophĂ©tisĂ© la construction du barrage de CocorobĂł, dans la commune de Canudos, en plus dâautres faits[1].
Grand connaisseur de la vie du sertanejo, ayant vĂ©cu presque toute sa vie dans le sertĂŁo du Conselheiro, il entreprit bientĂŽt de recueillir des renseignements sur la guerre de Canudos auprĂšs de survivants, mais puisa Ă©galement dans la tradition orale, vivace dans la rĂ©gion, et ne tarda pas Ă devenir lui-mĂȘme conselheiriste, haĂŻssant notamment le commandant rĂ©publicain Moreira CĂ©sar. De plus, prĂ©occupĂ© des richesses archĂ©ologiques de Bahia, il commença vers 1920 Ă recueillir tout type de vestiges de la guerre de Canudos, notamment le matĂ©riel de guerre utilisĂ© par lâarmĂ©e rĂ©publicaine et par les conselheiristes, puis crĂ©a dans la bourgade de Canudos le MusĂ©e historique de la guerre de Canudos (en portugais Museu HistĂłrico da Guerra de Canudos). Il fut le premier auteur de cordel Ă relater, tant en vers quâen prose, lâhistoire de la guerre de Canudos du point de vue non des Ă©lites rĂ©publicaines, mais des sertanejos, ainsi que le souligne lâhistorien JosĂ© Calasans, lequel fut son hĂŽte Ă BendegĂł[1].
Câest Ă son initiative que, par dĂ©cret de Landulpho Alves, le nom de sa ville natale fut changĂ© de Cumbe en Euclides da Cunha, en hommage Ă lâĂ©crivain. Ă lâoccasion de la 1re Semaine de la culture dâEuclides da Cunha en 1972, il composera lâhymne de la commune.
En 1948, il entreprit de dĂ©fricher la caatinga au croisement des routes transnordestina et transversal, non loin du site de la guerre de Canudos, et y fonda le foyer de peuplement de BendegĂł. AprĂšs avoir crĂ©Ă© en outre la communautĂ© de Poço de Fora, Ă©galement dans lâintĂ©rieur de la Bahia, il se fixa Ă partir de 1950 Ă Feira de Santana, et y rĂ©sidera avec sa famille jusquâen 1958, annĂ©e oĂč, Ă la mort de son Ă©pouse Maria Benevides Aras, il sâen retourna vivre dans sa ville natale[1].
Ćuvre
JosĂ© Aras laissa un grand nombre dâĂ©crits. Parmi des dizaines de recueils de poĂ©sie (publiĂ©s sous le pseudonyme de Jota Sara) et dâouvrages dâhistoire sont Ă signaler en particulier Sangue de IrmĂŁos, trĂšs consultĂ© par lâĂ©crivain Mario Vargas Llosa en vue de la rĂ©daction de son cĂ©lĂšbre roman la Guerre de la fin du monde et par les historiens JosĂ© Calasans et Clodoaldo Gomes da Costa entre autres. En prose toujours, il fit paraĂźtre LampiĂŁo, terror do nordeste, Um piolho na orelha de um lobo, A pedra do BendegĂł, MĂĄximas poĂ©ticas et No sertĂŁo do Conselheiro. Dans la veine de la littĂ©rature de cordel, il composa les poĂšmes Guerra no sertĂŁo de Canudos, A vida de JoĂŁo CalĂȘncio, A panela da polĂtica e a cĂąmara dos Deputados, Uma pĂĄscoa em Monte Santo etc. Sa poĂ©sie populaire raille les coutumes et les politiciens du dĂ©but du XXe siĂšcle, chante les beautĂ©s et les richesses de la Bahia et du BrĂ©sil, Ă©voque les fĂȘtes populaires, les villes et bourgs baiannais, et exprime les angoisses et allĂ©gresses du sertanejo[1].
SâintĂ©ressant Ă divers sujets en rapport avec lâhistoire de la Bahia, JosĂ© Aras publia des travaux de recherche et des livres de commentaire sur la conquĂȘte des sertĂ”es par les Portugais, sur les incursions de Belchior Dias Moreia et de RobĂ©rio Dias, sur le mĂ©tĂ©orite de BendegĂł, sur la lutte entre jagunços et coronĂ©is, sur LampiĂŁo, et une sĂ©rie dâĂ©tudes approfondies sur Canudos, ses dĂ©fenseurs et les rĂ©percussions de cette guerre[1].
En tant que chercheur autodidacte dans le domaine de lâhydrologie, il rĂ©alisa le plus ample relevĂ© des ressources hydriques du nord-est de la Bahia, rĂ©ussissant Ă localiser, lors des sĂ©cheresses de la dĂ©cennie 1940, plus de 5000 masses dâeau souterraines, et publia Ă ce sujet le livre Como descobrir cacimbas (litt. Comment dĂ©couvrir des points dâeau)[1]. Ă titre posthume parut encore No SertĂŁo do Conselheiro, collection de textes sur le sertĂŁo de Bahia.
Il collabora aux journaux O Globo, O Estado de S. Paulo, A Tarde, O Farol, et Ă plusieurs journaux du CearĂĄ et du MaranhĂŁo, ainsi quâaux revues Veja, Ăris, Revista Brasiliense, etc. Il participa Ă la rĂ©alisation du film Canudos dâIpojuca Pontes.
Il fut honorĂ© de nombreux titres de citoyen dâhonneur et de diplĂŽmes et mĂ©dailles des autoritĂ©s publiques. Ă lâoccasion du centenaire de sa naissance, il lui fut rendu hommage non seulement dans sa rĂ©gion dâorigine, mais aussi au CongrĂšs national, par la voix du dĂ©putĂ© bahianais SĂ©rgio Tourinho Dantas[1].
Meu folclore: histĂłria da Guerra de Canudos
Sous le pseudonyme de Jota Sara, JosĂ© Aras fit Ă©diter, probablement vers 1950[2], le fascicule de cordel Meu folclore: histĂłria da Guerra de Canudos, 1893-1898. Les nouvelles idĂ©es contenues dans cette Ćuvre, les nouveaux arguments qui y sont Ă©laborĂ©s, contribueront Ă permettre au dĂ©bat sur Canudos dâadopter une tonalitĂ© nouvelle en accord avec les transformations que traversait le pays ; lâĂ©poque en effet Ă©tait Ă la redĂ©mocratisation, Ă lâeuphorie consĂ©cutive au dĂ©veloppementisme qui prĂ©dominait alors au BrĂ©sil. Lâon escomptait beaucoup de transformations sociales structurelles et de mesures dâinclusion sociale et politique que feraient en sorte que la rĂ©publique deviendrait enfin vĂ©ritablement rĂ©publicaine. Câest dans ce contexte que sâinscrit la volontĂ© de Jota Sara dâexposer une vision nouvelle de la trajectoire dâAntĂŽnio Conselheiro, vision grĂące Ă laquelle lâhistoire de Canudos se muera en une question ouverte, sujette Ă rĂ©vision, et pourra ĂȘtre pendant de longues annĂ©es encore objet de dĂ©bats et dâappropriations au sein de la littĂ©rature de cordel[3].
Jota Sara, qui Ă©tait nĂ© et avait grandi dans lâarriĂšre-pays bahianais, put entendre les rĂ©cits de la guerre de Canudos transmis oralement par les survivants. Davantage donc quâun ensemble de vers de bonne qualitĂ©, le fascicule apparaĂźt de surcroĂźt comme une contribution historique, forgĂ©e Ă partir de la voix du peuple, lequel se souvenait encore de Maciel, et bien souvent le portait aux nues[4]. Son poĂšme allait donc inĂ©vitablement vĂ©hiculer dâautres idĂ©es que celles officielles, faire intervenir une autre version du conflit, Ă rebours des productions de cordel antĂ©rieures, largement inspirĂ©es par la narration des vainqueurs. DĂšs les premiers vers du poĂšme, lâauteur brosse dâAntĂŽnio Conselheiro un portrait diffĂ©rent[5] :
O leitor jĂĄ ouviu contar |
Le lecteur a déjà entendu conter |
On est donc loin ici, dans ces vers, de lâimage de bandit, de fanatique, de manipulateur des masses rurales, telle quâelle avait Ă©tĂ© donnĂ©e dâAntĂŽnio Conselheiro dans les Ćuvres de Cunegundes, MelchĂades et Arinos de BelĂ©m. JosĂ© Aras le caractĂ©rise au contraire comme « modeste, honnĂȘte et vaillant », et accentue, â au moyen dâune analogie, de facile identification, avec la figure biblique de MoĂŻse â, le caractĂšre religieux du personnage et sa qualitĂ© de prĂ©dicateur, en mĂȘme temps quâil Ă©vacue toute idĂ©e de mal, Ă lâextrĂȘme opposĂ© dâArinos de BelĂ©m p.ex., qui termine son poĂšme en indiquant que le Conselheiro aurait Ă©tĂ© amenĂ© lĂ par le diable. Jota Sara mobilise encore dâautres rĂ©fĂ©rences historiques pour aider le lecteur, que plus dâun demi-siĂšcle sĂ©pare dĂ©jĂ de lâĂ©vĂ©nement, Ă se repĂ©rer :
Reuniu-se tanta gente |
Il sâĂ©tait rĂ©uni tant de gens |
Lâimage de Canudos comme une « Troie brĂ©silienne » tend Ă confĂ©rer Ă lâĂ©vĂ©nement des traits Ă©piques, de le muer en guerre hĂ©roĂŻque et fratricide ; Ă lâimage des vaincus de la guerre de Troie qui Ă©taient nobles et valeureux, les Canudenses dĂ©faits dans la bataille Ă©taient honorables. En outre, Jota Sara fait entrer ici en jeu lâidĂ©e du sĂ©bastianisme, lequel prĂȘchait le retour de Dom SebastiĂŁo, prince portugais du XVIe siĂšcle, disparu dans la bataille de Ksar El KĂ©bir, et destinĂ© Ă revenir fonder un empire de prospĂ©ritĂ©. Cette lĂ©gende sâĂ©tait implantĂ©e dans la religiositĂ© populaire brĂ©silienne, sous-tendant une thĂ©ologie messianiste, avec toute lâinsubordination que cela impliquait, et lâespoir de rĂ©demption, avec la crĂ©ation promise dâun royaume de bĂ©atitude et de prospĂ©ritĂ© terrestres. Aussi, dans le poĂšme de JosĂ© Aras, la relative prospĂ©ritĂ© quâAntĂŽnio Conselheiro et ses adeptes rĂ©ussirent pendant un temps Ă Ă©tablir dans le village sera-t-elle associĂ©e au mythe sĂ©bastianiste[6] :
LĂĄ dentro da cidade |
LĂ dans la ville |
Dâautre part, JosĂ© Aras met Ă lâavant-plan plusieurs hauts personnages de la communautĂ© de Belo Monte, personnages dont il se plaĂźt Ă rappeler, dans sa reconstitution des combats, les noms et les prouesses. Jusque-lĂ , ces jagunços avaient Ă©tĂ©, dans les productions de cordel antĂ©rieures, peu Ă©voquĂ©s voire occultĂ©s, alors quây Ă©taient au contraire glorifiĂ©s les militaires de lâarmĂ©e rĂ©guliĂšre, en particulier les gĂ©nĂ©raux. LâhĂ©roĂŻsme dĂ©sormais appartient aux antihĂ©ros, au peuple, aux marginaux :
PajeĂș, JoĂŁo Abade e Vila Nova |
PajeĂș, JoĂŁo Abade et Vila Nova |
En plus, quand sont décrites les destructions occasionnées par la guerre, Sara adopte un point de vue critique vis-à -vis des autorités républicaines, en contradiction avec la position de ses prédécesseurs[7] :
Ă triste lembrar a cena |
Il est triste de rappeler la scĂšne |
Dans les derniers vers, le poĂšte Ă©gratigne au passage les mĆurs politiques de son Ă©poque[8] :
O analfabeto continua |
LâanalphabĂ©tisme continue |
Liens externes
- (pt) Gabriel Ferreira Braga, Entre o fanatismo e a utopia: a trajetória de AntÎnio Conselheiro e do beato Zé Lourenço na literatura de cordel, mémoire de maßtrise, université fédérale du Minas Gerais, faculté de Philosophie et Sciences humaines, Belo Horizonte 2011 (lire en ligne)
- (pt) JosĂ© Calasans, Canudos na literatura de cordel, SĂŁo Paulo, Ătica, , 104 p. (lecture en ligne)
Notes et références
- (pt) « Biografia de José Aras » (consulté le ).
- G. F. Braga, Entre o fanatismo e a utopia, p. 83 , note 151.
- G. F. Braga, Entre o fanatismo e a utopia, p. 83.
- J. Calasans, Canudos na lit. de cordel, p. 9-11.
- G. F. Braga, Entre o fanatismo e a utopia, p. 84-85.
- G. F. Braga, Entre o fanatismo e a utopia, p. 85.
- G. F. Braga, Entre o fanatismo e a utopia, p. 86.
- G. F. Braga, Entre o fanatismo e a utopia, p. 87.