Jean d'Aucy
Jean d'Aucy (mort en 1566), est un moine franciscain du XVIe siècle. Originaire du Ternois, subdivision de l'Artois, dans l'actuel département du Pas-de-Calais, il est principalement connu pour être l'auteur de deux ouvrages relatifs l'un aux ducs de Lorraine et l'autre aux comtes de Boulogne (Boulogne-sur-Mer).
Biographie
Le nom de Jean d'Aucy est présumé venir d'Auxy, probablement Auxi-le-Château (arrondissement d'Arras). Le lieu de sa naissance n'est pas connu avec précision : il peut être né dans la localité qui lui a donné son nom ou alors à Boulogne-sur-Mer[1].
Jean d'Aucy, ou d'Aulcy[2], habite Boulogne-sur-mer, il montrera par la suite dans une de ses œuvres qu'il connait bien la ville, et fait profession au couvent Saint-Laurent de Boulogne-sur-Mer[1]. Il est moine franciscain, ou cordelier[3] (nom donné aux franciscains en France).
En 1544, (siège de Boulogne-sur-Mer (1544), après la prise de la ville par Henri VIII, roi d'Angleterre, il la fuit comme de nombreux boulonnais, probablement en raison de l'adoption du protestantisme par l'église anglicane. Il gagne Nancy en Lorraine et entre au couvent des franciscains de la ville situé dans la Vieille-Ville de Nancy (Ville Vieille - Léopold)[1].
Jean d'Aucy devient prédicateur à la cour de Lorraine[4] et plus tard le confesseur de deux ducs de Lorraine : François Ier de Lorraine et Charles III de Lorraine[1].
Il passe pour être savant[3], et compose à Nancy les deux ouvrages qui le font entrer dans l'histoire. Ami du héraut d'armes Emond du Boullay[5], il réalise le manuscrit concernant la Lorraine, à la demande de Nicolas de Mercœur, évêque de Metz, régent des duchés de Lorraine et de Bar, puis relevé de ses vœux et comte de Vaudémont[1]. L'ouvrage est composé à l'intention du jeune duc Charles III de Lorraine, élevé à la cour de France[5].
Jean d'Aucy va faire le voyage jusqu'à Paris pour apporter lui-même son travail au duc Charles III, et celui sur le comté de Boulogne à la reine Marie de Médicis : il est retrouvé dans les comptes du trésor des chartes de Nancy à trois reprises à ce sujet, à propos de sommes à lui versées par son commanditaire :
- en 1552-1553, il reçoit treize écus d'or au soleil valant quarante cinq francs six gros, monnaie de Lorraine, pour le défrayer de ses dépenses
- en 1555-1556, il perçoit cent francs pour faire le voyage vers Charles III de Lorraine et pour les frais de séjour dans la capitale
- en 1556-1557, lui sont attribués deux cents francs pour les frais de réalisation des livres et en complément de ses frais pour se rendre auprès de la reine[6].
Revenu à Nancy, le duc Charles III, visiblement reconnaissant, lui accorde en une donation (vingt écus d'or au soleil, au prix de quatre francs pièce, monnaie de Lorraine[7]), pour se faire soigner à Plombières-les-Bains, dans les Vosges, station thermale spécialisée dans le traitement de la rhumatologie et des difficultés digestives[8].
Jean d'Aucy meurt cependant peu après à Nancy en 1566[5]. Auguste Molinier, dans une note bibliographique de 1904, située dans Les sources de l'histoire de France, le dit mort en 1608[9] mais cette affirmation n'est pas confirmée par ailleurs.
Ĺ’uvres
Jean d'Aucy est l'auteur de deux ouvrages, l'un relatif au duché de lorraine, et l'autre concernant le comté de Boulogne-sur-mer. On lui prête également parfois une histoire des comtes de Bar[3] - [2], fait non confirmé par la bibliothèque de Nancy[5]. Il apparait qu'il a travaillé toute sa vie à une monumentale Histoire de Lorraine mais n'a pu aboutir[5].
Les jugements portés sur Jean d'Aucy varient : il est estimé être un auteur de second plan, laborieux et appliqué, avec peu de sens critique, acceptant toutes les légendes même les plus invraisemblables[1] ou considéré comme un bon connaisseur de l'histoire et de l'entourage ducal (de Lorraine)[5], ou encore comme un panégyriste, davantage auteur d'une forgerie que d'un livre d'histoire[10]. Les nombreuses assertions non vérifiées et non sourcées de son travail obligent à l'accueillir avec réserves, mais ne lui enlèvent pas le mérite d'avoir été un précurseur de l'histoire de la Lorraine, et de ce fait souvent cité[11]. Selon A. Collignon[12], une des sources de Jean d'Aucy a été l'épopée de Pierre de Blarru, La Nancéide, auxquels il a emprunté des passages moins historiques que rhétoriques et fantaisistes, ce qui contribue à expliquer le caractère parfois romanesque de son travail[13]. Il a été un des premiers traducteurs partiels de Pierre de Blarru[14].
Épitomé de l'origine et de la succession du duché de Lorraine
Épitomé signifie abrégé. L'ouvrage n'a pas été publié, il en existe quelques exemplaires manuscrits à Nancy et à la Bibliothèque nationale de France (BnF)[1]. Des copies enrichies, ont été réalisées par la suite et sont également conservées (bibliothèques d'Épinal, d'Aix-en-Provence, bibliothèque Mazarine)[5]. Le manuscrit offert à Charles III est disponible en ligne[10].
Le titre exact est Epitome des gestes des soixantes trois Ducz de Lorraine depuis Lother jusques au present, treshault & trespuissant Charles troisieme du nom. Avecq aucuns Ducz de Mozellains. Ardennes, & Buillon, & comtes de Vaudemont successeurs en ladicte ligne. Compose par Frere Jean d'Aucy religieu observantin de S. Françoys pour treshault & puissant prince Charles par la grace de Dieu, duc de Lorraine.... Réalisé entre 1552 et 1556, datant de 1556[10], il a été offert en 1557 au jeune duc Charles III. Certaines copies sont dédiées à Nicolas de Mercoeur, d'autres à « très humble et très illustre princesse Madame Anne de Lorraine, duchesse et princesse douayrière d'Arschotz et Orenges », oncle et tante du duc[12].
L'ouvrage est une des premières historiographies des ducs de Lorraine. L'auteur se veut didactique, attrayant et compréhensible pour son destinataire, alors âgé de 14 ans, élevé loin de chez lui et coupé de ses racines. A cette fin, il est rédigé en français et non en latin, et la mise en page recherche la clarté[5].
Le manuscrit original a fait l'objet d'une réalisation soignée, confiée à un peintre héraldiste, que Cullière identifie comme Didier Richier[5] et arbore une belle reliure aux plats dorés d'ornements floraux au centre desquels figure l'inscription « Charles III. du nom par la grace de Dieu LXIII. duc de Lorraine et XXX. marchis. Duc de Bar Calabre et Gelre »[5].
Une autre copie a fait partie de la riche bibliothèque du chancelier Pierre Séguier, légué à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés[15], avant d'aboutir à la BNF.
Jean d'Aucy n'hésite pas à convoquer d'illustres anciens, largement légendaires, depuis Jules César et Godefroi de Bouillon, pour allouer à la dynastie lorraine une ancienneté et un prestige égal aux maisons impériale et surtout royale française[5]. Son intention de « donner du relief[11] » à la Lorraine et le beau rôle qu'il donne aux ducs ne résiste pas à l'épreuve de la vérification : les historiens ne retrouvent pas les faits cités et considèrent en plusieurs circonstances son travail « comme un Roman mal assorti & sans fondement & non comme une véritable Histoire[11].»
Son travail a été beaucoup utilisé par Richard de Wassebourg, archidiacre de Verdun, auteur des Antiquitez de la Gaulle Belgique, qui écrit à Jean d'Aucy en au sujet de ses propres recherches[16], et Emond du Boullay, lequel dans ses œuvres, « étoit dans les mêmes principes que le Père jean d'Aucy; il fait defcendre nos Ducs des Troyens[17].» La plupart des historiens lorrains connaissent ses travaux[4] : à titre d'exemple, Benoit de Toul, auteur d'un ouvrage sur la maison de Lorraine en 1704, se réfère huit fois à lui[18]. On utilise encore son travail à la fin du XIXe siècle, dans un petit opuscule sur Charles le Téméraire[19]. Le
Épitomé de l'origine et de la succession de la comté de Boulogne
L'ouvrage, achevé en 1554 ou 1555, est lui aussi resté à l'état de manuscrit. Il en existe un exemplaire à la BNF, et un autre à la bibliothèque de Boulogne-sur-Mer[1]. Il est disponible en ligne sur Gallica[20].
Cet épitomé est le jumeau de celui concernant la Lorraine. Il a été offert en même temps que le précédent à la reine Marie de Médicis. Jean d'Aucy y poursuit un objectif similaire, avec autant d'entorses à la véritable histoire : rattacher la famille de la reine à celle des comtes de Boulogne, en particulier le célèbre croisé Baudouin de Boulogne (Baudouin Ier de Jérusalem)[5].
Notes et références
- M. Prevost, cité dans la bibliographie
- A. Collignon, cité dans la bibliographie, p. 583
- Augustin Calmet, cité dans la bibliographie, p. 63
- « Bibliothèque Renaissance à Nancy | Jean d'Aucy (....-1566) », sur bmn-renaissance.nancy.fr (consulté le )
- Alain Cullière, cité dans la bibliographie
- Jean Nicolas Beaupré, Nouvelles recherches de bibliographie lorraine, 1500-1550, Nancy, 1853, p. 13, lire en ligne
- Jean Nicolas Beaupré, op. cit., p. 14
- « Cure thermale de Plombières-les-Bains - Avis, Infos et Photos », sur www.lescuristes.fr (consulté le )
- Auguste Molinier, « 5257. Collignon (A.), Une source de Jean d'Aucy dans son Epitome, dans Annales de l'Est, 1894, 583-591 », Collections numériques de la Sorbonne, vol. 5, no 1,‎ , p. 127–127 (lire en ligne, consulté le )
- « Bibliothèque Renaissance à Nancy | Epitome des Gestes des soixantes (sic) trois Ducz de Lorraine depuis Lother jusques au present, treshault & trespuissant Charles troisieme du nom. Avecq aucuns Ducz de Mozellains. Ardennes, & Buillon, & comtes de Vaudemont successeurs en ladicte ligne. Compose par Frere Jean d’Aucy religieu observantin de S. Françoys pour treshault & puissant prince Charles par la grace de Dieu, duc de Lorraine… », sur bmn-renaissance.nancy.fr (consulté le )
- Augustin Calmet, op. cit., p. 64
- A. Collignon, op. cit., p. 584
- A. Collignon, op. cit., p. 585
- A. Collignon, op. cit., p. 591
- François Grudé La Croix du Maine (sieur de), Antoine Du Verdier, Bernard de La Monnoye, Jean Bouhier, Camille Falconet, Konrad Gesner, Les bibliothéques françoises de La Croix du Maine et de Du Verdier, Volume 1, Paris, 1772, p. 443, lire en ligne.
- Augustin Calmet, cité dans la bibliographie, p. 980-984
- Augustin Calmet, cité das la bibliographie, p. 139
- Benoit de Toul, L'origine de la très illustre maison de Lorraine : avec un abrégé de l'histoire de ses Princes, Toul, 1704, lire en ligne.
- Gaston Save, Les restes du Téméraire sont-ils à Bruges ou à Nancy ?, Nancy, 1894, p. 4-7-8-9-10, lire en ligne.
- « Epitome de l'origine et succession de la comté de Boulongne, composé par frere JEAN D'AUCY, religieux observantin de S. Françoys, pour tres haulte, tres puissante et tres chrestienne royne, Katherine de Boulongne, par la grace de Dieu royne de France »., 1501-1600 (lire en ligne)
Voir aussi
Bibliographie
- Augustin Calmet, « Aucy, ou d'Auxy, ou d'Aulcy (F. Jean) », dans Histoire de Lorraine, Tome IV, Nancy, 1751, p. 63-64, lire en ligne.
- M. Prevost, « Aucy (Jean d') », dans Dictionnaire de biographie française, Tome IV, Paris, 1948, Letouzey et Ané.
- A. Collignon, « Une source de Jean d'Aucy dans son « Épitomé », dans Annales de l'Est, Nancy, p. 583-591, lire en ligne.
- A. Cullière, « Le véritable Epitome de Jean d’Aucy (1556) », Annales de l’Est (1984), p. 243‑286.
- Claire Haquet, « Epitomé, le manuscrit de Jean d'Aucy », sur le carnet de recherches Histoire et collections de la bibliothèque de Nancy, lire en ligne.
- Claire Haquet, « Jean d’Aucy », dans Isabelle Guyot-Bachy et Jean-Christophe Blanchard (dir.), Dictionnaire de la Lorraine savante, Metz : Éditions des Paraiges, 2022, p. 43
- « Aucy (Jean d') », dans Michel Caffier, Dictionnaire des littératures de Lorraine, vol. 1 : A-I, Metz, Éditions Serpenoise, , 529 p. (ISBN 2-87692-569-9), p. 31.