Jean-Pierre Le Goff (sociologue)
Jean-Pierre Le Goff, nĂ© le Ă Ăqueurdreville (Manche), est un philosophe et sociologue français.

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Ăpoque contemporaine |
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française |
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Rattaché au laboratoire Georges Friedmann (IDHE CNRS Paris I), il travaille sur l'évolution de la société, et notamment sur les paradoxes de Mai 68, sur la formation, sur les illusions du discours managérial en entreprise, sur le stress et la souffrance au travail.
Il privilégie l'analyse d'un certain « air du temps » qui ne se réduit pas pour lui à des « modes », mais qui lui semble significatif de mutations plus structurelles des idées, des modes de représentation, et des valeurs.
Biographie
Jean-Pierre Le Goff a fait des Ă©tudes de philosophie et de sociologie Ă Caen et appartient Ă cette gĂ©nĂ©ration qui sâest partiellement engagĂ©e en faveur du mouvement contestataire de Mai 68[1]. Ă Caen, il rencontre Alain CaillĂ©, alors jeune maĂźtre assistant, et surtout Marcel Gauchet[2] et Paul Yonnet[3], avec lesquels il constitue un petit cercle d'Ă©tudiants critiques marquĂ© Ă la fois par l'anarcho-situationnisme et l'enseignement de Claude Lefort[2]. Il participe au mouvement Ă©tudiant de Caen qui, au lendemain de mai 68, connaĂźt une flambĂ©e de grĂšves et de manifestations, puis rejoint un groupe maoĂŻste avant d'abandonner ses Ă©tudes. Il vit de petits boulots, puis part s'installer dans la rĂ©gion Nord-Pas-de-Calais[1] - [4].
Il commence un parcours dans le Nord-Pas-de-Calais comme formateur dâadultes en reconversion, puis, de retour Ă Paris, comme formateur de jeunes dans la banlieue nord. IntĂ©grĂ© au CNAM de Paris (Conservatoire national des arts et mĂ©tiers) en 1984, il a menĂ© un travail dâenquĂȘtes et dâĂ©tudes sur les Ă©volutions du travail dans le secteur du bĂątiment et de lâindustrie, sur l'insertion des jeunes dans le bĂątiment, les formations aux nouvelles technologies dans l'industrie, les Ă©volutions du mĂ©tier dâingĂ©nieur et du management[1] - [4].
Habilité à diriger des recherches en sociologie et qualifié au poste de professeur des universités, il est entré au CNRS en 2002[5].
Il a également contribué à la revue Le Débat. Il a été membre de la commission Sciences humaines du Centre national du livre (CNL) de 2006 à 2008 et a participé au jury du prix Sophie-Barluet qui récompense un ouvrage de sciences humaines[6].
Il a Ă©tĂ© nommĂ© citoyen d'honneur de la commune d'Ăqueurdreville (Manche) en 2018[7], Ă la suite de la publication de son livre La France d'hier, qui dĂ©crit les mentalitĂ©s et les moeurs des annĂ©es 1950 Ă mai 68 Ă travers un rĂ©cit d'« Ă©go-histoire ».
Apports
Jean-Pierre Le Goff a voulu apporter une interprétation critique des paradoxes de Mai 68, des illusions du discours managérial, du stress au travail, de la formation, et, de façon plus générale, des mutations de la société[8]. Son interprétation des phénomÚnes sociaux entend mettre en lumiÚre les idées, les croyances, les représentations qui imprÚgnent plus ou moins consciemment la société et les acteurs sociaux et politiques. Dans ses écrits, les évolutions culturelles ne sont pas considérées comme une « superstructure » des réalités économiques et sociales, mais prises en compte comme ayant une consistance et une signification propres. Il veut se démarquer tout autant d'une sociologie réduite à l'expertise et à l'audit qui réduit les contenus de signification à des paramÚtres à prendre en considération afin de corriger les dysfonctionnements, que d'un type de « sociologie critique » qui réduit les évolutions à des phénomÚnes de domination, d'inégalité ou de discrimination. En dehors de ces deux grands courants, il privilégie l'étude de l'arriÚre-fond culturel des sociétés, qui détermine un certain « air du temps »[9]. Ce dernier ne se réduit pas pour lui à des « modes », mais serait significatif de mutations plus structurelles. Sa démarche se veut une conception de la sociologie ouverte à l'anthropologie et à l'interrogation philosophique dans l'interprétation des phénomÚnes sociaux.
Théorie du gauchisme culturel
Dans un article intitulĂ© « Du gauchisme culturel et de ses avatars » publiĂ© dans la revue Le DĂ©bat Ă la fin de l'annĂ©e 2013[10], il constate un « un morcellement des anciennes doctrines qui nâen finissent pas de se dĂ©composer »[11], selon lui reconnu par le prĂ©sident de la RĂ©publique François Hollande[11] dans son livre sur le sujet "Droit dâinventaire", publiĂ© aux Editions du Seuil en 2009. Jean-Pierre Le Goff avait signĂ© dĂšs le 24 octobre 2013 une chronique titrĂ©e "Briser l'influence du gauchisme culturel" dans Le Monde[11] peu aprĂšs une communication maladroite et impopulaire de François Hollande Ă la tĂ©lĂ©vision, consacrĂ©e l'affaire Leonarda Dibrani au fort retentissement mĂ©diatique, l'expulsion vers le Kosovo, le 9 octobre 2013, d'une famille immigrĂ©e rom dont une fille mineure, Leonarda Dibrani, a Ă©tĂ© interpellĂ©e lors d'une sortie scolaire[12] - [13], le prĂ©sident de la RĂ©publique française autorisant la jeune fille Ă poursuivre ses Ă©tudes en France[14]. Sa chronique analysait comment s'est creusĂ©e une opposition « entre une gauche politique et sociale et un gauchisme sociĂ©tal qui s'est appropriĂ© le magistĂšre de la morale »[11]. L'exercice prolongĂ© du pouvoir par les reprĂ©sentants du second courant, « toujours prompts Ă jouer la sociĂ©tĂ© contre l'Ătat », a crĂ©Ă© une situation qui « accentue la coupure de la gauche avec les couches populaires »[11] et dĂ©crĂ©dibilise selon lui « la parole politique et la puissance publique ».
Selon lui, le « gauchisme culturel » se distingue de l'extrĂȘme gauche traditionnelle car il entreprendrait une « rĂ©volution culturelle en douceur », accordant une grande place Ă l'Ă©ducation et aux nouvelles gĂ©nĂ©rations. En prospĂ©rant peu Ă peu sur la crise du projet socialiste, le gauchisme culturel aurait fini par imprĂ©gner la sociĂ©tĂ© et une partie de la droite, creusant aussi des fractures sociales et culturelles au sein de la sociĂ©tĂ©. Dans son livre Mai 68, l'hĂ©ritage impossible (1998), Ă©voquant l'Historiographie de Mai 68 en pourfendant le livre GĂ©nĂ©ration «une belle histoire racontĂ©e aux enfants, celles des vainqueurs, des vedettes»[15], il avait une premiĂšre fois utilisĂ© cette expression, dont il revendique la paternitĂ©, et qui ne sera reprise que plus tard dans la presse et chez les intellectuels, lorsqu'il la thĂ©orisera plus en dĂ©tail en 2013 dans diffĂ©rents articles centrĂ©s sur ce sujet. Cette thĂšse avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© dĂ©fendue par le philosophe Gilles Lipovetsky, mais en mode prospectif, dans L'Ăre du vide : essais sur l'individualisme contemporain en 1983 [16], annonçant une future « seconde rĂ©volution individualiste » en cours, oĂč un nĂ©o-individualisme de type narcissique, sapera les grandes institutions collectives (sociales et politiques), via une culture « ouverte » Ă base de rĂ©gulation des rapports humains (tolĂ©rance, hĂ©donisme, personnalisation des processus de socialisation, Ă©ducation permissive, libĂ©ration sexuelle, humour).
Publications
Ouvrages
- Le Mythe de lâentreprise : critique de lâidĂ©ologie managĂ©riale, Paris, La DĂ©couverte, 1992 rĂ©Ă©ditĂ© en 1995 .
- Les Illusions du management. Pour le retour du bon sens, Paris, La Découverte, 1996 réédité en 2000 (ISBN 2-7071-3319-1).
- Le Tournant de décembre, avec Alain Caillé, Paris, La Découverte, 1996.
- Mai 68. LâhĂ©ritage impossible, Paris, La DĂ©couverte, 1998 rĂ©Ă©ditĂ© en 2002 et 2006 (ISBN 2-7071-3654-9).
- La Barbarie douce, Paris, La Découverte, 1999 réédité en 2003 (ISBN 2-7071-3032-X).
- La Démocratie post-totalitaire, Paris, La Découverte, 2002 réédité en 2003 (ISBN 2-7071-3618-2).
- La France morcelée, Paris, Gallimard, 2008 (ISBN 978-2-07-034975-3).
- La Gauche à l'épreuve 1968-2011, Perrin, , 288 p. (ISBN 978-2-262-03335-4)Partant du constat que « La gauche se trouve dans un état de crise qui n'en finit pas » et qu'elle a « versé depuis longtemps dans la cacophonie [et] le discours codé pour militants initiés aux luttes internes » Le Goff cherche dans ce livre à trouver « comment en est-on arrivé là ?[17] »
Ce livre constitue aussi une rĂ©flexion sur les soixante-huitards qui ont Ă©tĂ© tout comme l'auteur engagĂ©s dans des groupuscules d'extrĂȘme-gauche. En particulier, il pointe la difficultĂ© qu'ils ont Ă distinguer ce qu'il appelle le plan existentiel (les passions, les tempĂ©raments des acteurs, leur famille, leur Ă©ducation etc.) et les « idĂ©es auxquelles ils adhĂšrent ou ont adhĂ©rĂ© »[18]. Selon lui cette difficultĂ© conduit bien de ses anciens camarades Ă reproduire dans les postes qu'ils occupent actuellement (journalistes, hommes politiques etc.) « les mĂȘmes postures d'imprĂ©cation et de justiciers, les mĂȘmes rĂ©flexes dogmatiques et sectaires, toujours persuadĂ©s d'ĂȘtre dans le bon camp[19]. » - republiĂ© en version augmentĂ©e sous le titre : La Gauche Ă l'agonie ? 1968-2017 Perrin/Ă©di8, 2017
- La Fin du village. Une histoire française, Paris, Gallimard, 2012 (ISBN 978-2-07-077442-5).
- Grand Prix du livre historique de Provence (2012)
- Prix Montaigne (2013)
- Prix du Mémorial - Grand Prix Littéraire d'Ajaccio (2013)
- Prix Biguet de l'Académie française (2013)
- Malaise dans la démocratie, Paris, Stock, 2016 (ISBN 2-2340-8082-7).
- PrĂ©face (« Sur la mort dâun ami ») du livre posthume Zone de mort (Stock 2017), de son ami le sociologue Paul Yonnet dĂ©cĂ©dĂ© en 2011.
- La France d'hier. Récit d'un monde adolescent, des années 1950 à Mai 68, éditions Stock, 2018, 468 p.
- Prix du livre de l'histoire contemporaine (2018)
- Prix PĂ©trarque de l'essai (2018)
- Prix de la littérature du Cotentin (2018)
- La société malade : comment la pandémie nous affecte, Stock, (2021).
Conférence filmée
Une de ses conférences à l'Université de tous les savoirs a été éditée sous forme d'un film documentaire Management et imaginaire social produit par AgnÚs de Warenghien et distribué par le Service du film de recherche scientifique (Vanves) en 2000 et réédité en 2001.
Notes et références
- La Procure 2012
- Ăric Aeschimann, « Marcel Gauchet, invitĂ© spĂ©cial de LibĂ©ration ce mardi 28 avril », sur LibĂ©ration,
- Marcel Jaeger, « Paul Yonnet : la mort dâun sociologue en short », LibĂ©ration,â (lire en ligne)
- CĂ©cile Daumas, « Jean-Pierre Le Goff, ex-fan de 68 », LibĂ©ration,â (lire en ligne)
- Université Paris1 2011
- Nicolas GuĂ©gan, « François Azouvi reçoit le prix Sophie-Barluet », Le Nouvel Observateur,â (lire en ligne)
- « Jean-Pierre Le Goff, de la rue Gambetta au CNRS », sur ouest-france.fr, (consulté le )
- « La fin du village, l'heure de la crise a sonné », sur LEFIGARO, (consulté le )
- « Le « nouvel air du temps » par Le Goff », Le Figaro,â (lire en ligne)
- "Du gauchisme culturel et de ses avatars, par Jean-Pierre Le Goff, dans la revue Le DĂ©bat, quatriĂšme trimestre 2013
- « "Briser l'influence du gauchisme culturel" », Le Monde.fr,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Alissa J. Rubin, « France Says Deportation of Roma Girl Was Legal », The New-York Times,â , A20 (lire en ligne, consultĂ© le )
- Ăric Decouty, Confusion, sur LibĂ©ration. ConsultĂ© le 20 octobre 2013.
- « Leonarda : Hollande prend la parole et ajoute au trouble », Le Figaro, 19 octobre 2013
- "Le roman 68 : sous les clichés, les faits" par Sonya Faure et Cécile Daumas Libération du 19 janvier 2018
- L'Ăre du vide : essais sur l'individualisme contemporain, Paris, Gallimard, 1983 ; rĂ©Ă©d. 1989, coll. « NRF Essais », 256 p. (ISBN 2-0707-1799-2 et 978-2-0707-1799-6), poche, coll. « Folio essais » n° 121, 320 p. (ISBN 978-2-0703-2513-9)
- LâEmpire de l'Ă©phĂ©mĂšre : la mode et son destin dans les sociĂ©tĂ©s modernes, Paris, Gallimard, , 345 p. (prĂ©sentation en ligne) ; rĂ©Ă©d. 1991, poche, coll. « Folio essais » n° 170, 352 p. (ISBN 978-2-0703-2642-6)
- LâEmpire de l'Ă©phĂ©mĂšre : la mode et son destin dans les sociĂ©tĂ©s modernes, Paris, Gallimard, , 345 p. (prĂ©sentation en ligne) ; rĂ©Ă©d. 1991, poche, coll. « Folio essais » n° 170, 352 p. (ISBN 978-2-0703-2642-6)
- Legoff 2011, p. 19.
- Legoff 2011, p. 23.
- Legoff 2011, p. 22.
Voir aussi
Bibliographie
- Fanny Carmagnat, « Le mythe de l'entreprise : critique de l'idĂ©ologie managĂ©riale (Jean-Pierre Le Goff) », RĂ©seaux, vol. 11, no 61,â , p. 143-144 (lire en ligne).
- Université Paris-1, « Jean-Pierre Le Goff », .
- Gilles HeurĂ©, « La Fin du village. Une histoire française. Jean-Pierre Le Goff », TĂ©lĂ©rama, no 3271,â (lire en ligne).
- Jacques de Saint Victor, « La fin du village, l'heure de la crise a sonnĂ© », Le Figaro, no 3271,â (lire en ligne).
- La Procure, « Jean-Pierre Le Goff », .
- SĂ©bastien Lapaque, « Jean-Pierre Le Goff et la dĂ©politisation de la sphĂšre politique », TĂ©moignage chrĂ©tien,â (lire en ligne).
Liens externes
- Page de Jean-Pierre Le Goff Ă l'IDHE Paris-I (CNRS)
- Jean-Pierre Le Goff : «Le dĂ©sir dâunion ne doit pas nous empĂȘcher dâaffronter la rĂ©alité», entretien Le Figaro, publiĂ© le