Jean-Joseph Surin
Jean-Joseph Surin, né le à Bordeaux et mort le dans cette même ville est un prêtre jésuite français. Il appartient au courant des spirituels et mystiques et a eu un rôle de premier plan dans l'affaire des démons de Loudun (1632-1636).
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(à 65 ans) Bordeaux |
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Biographie
Alors qu'il n'est âgé que de huit ans, Jean-Joseph Surin fait vœu de chasteté. Il a comme grand-père maternel le juriste lettré bordelais Jean d'Arrérac[1]. À dix ans un frère carme lui apprend à méditer. Il entre au noviciat jésuite de Bordeaux en 1616. De 1623 à 1625, puis de 1627 à 1629 il étudie la philosophie au collège de Clermont à Paris. Après quelques missions en Guyenne, le père Surin est nommé, en 1632, adjoint à l'école du Troisième an de Marennes, en Saintonge, Il entreprend de « mener à la perfection » deux paroissiennes qu'il juge touchées par la grâce divine, Marie Baron puis Madeleine Boinet[2]. Cette dernière, protestante jusqu'à sa vingtième année, affirme avoir été convertie par une apparition de la Sainte Vierge. Surin la conforte dans ses visions , il est persuadé que certains êtres, touchés par la grâce divine, sont en communication privilégiée avec Dieu[3]. Quand Madeleine Boinet lui confie que des démons viennent secouer son lit la nuit et qu'ils lui sont même apparus, le père Surin ne l'exorcise pas, mais l'aide par la prière à vaincre les démons, il veut élever son âme au niveau d'une Thérèse d'Avila et en faire une sainte[4]. À cette époque déjà, le père Surin s'inflige jeûnes poussés et pénitences qui affaiblissent son âme et son esprit[5].
En 1634, il est envoyé à Loudun où s'est déclarée, en 1632, la plus célèbre affaire de possession diabolique du XVIIe siècle ; tout un couvent d'Ursulines y est « victime de divers démons ». Un prêtre, Urbain Grandier, est brûlé avant que n'arrive Surin. Celui-ci change radicalement les méthodes d'exorcisme, privilégiant l'écoute (« quasi lacanienne » selon Michel de Certeau) de la parole des possédées, notamment sœur Jeanne des Anges, la supérieure du couvent, dont il est le directeur spirituel.
La hiérarchie catholique s'interroge sur les méthodes du père Surin et décide de le retirer de Loudun[6]. Elle lui laisse cependant un délai qui permet au père Surin de vaincre les démons de Jeanne des anges. Le dernier, Béhémoth, quitte le corps de la mère supérieure le [7]. Séparé de sa protégée, le père Surin perd l'usage de la parole, il en retrouve l'usage en rejoignant Jeanne des Anges lors d'un pèlerinage à Annecy en . Ce fut leur dernière rencontre[8].
C'est de cette époque que date le début de désordres mentaux chez le père Surin, interprétés comme manifestations de possession résultant d'une « imprudence » qu'il aurait commise :
« ayant été tellement horrifié devant les terribles sacrilèges perpétrées sur trois hosties, il fait immédiatement l'offrande de son propre esprit acceptant d'être possédé par des démons en expiation de ce crime épouvantable. Sa prière est exaucée, et pendant plus de vingt ans, il se voit harcelé par des esprits maléfiques, plongé dans les profondeurs du désespoir concernant sa damnation éternelle. Par moments, il est incapable de se servir de ses mains, de ses pieds, de ses yeux, de sa langue, ou est poussé à commettre mille extravagances, au point que les esprits les plus charitables envers lui en viennent à le juger fou. Les impressions douloureuses dans lesquelles il travaille pendant ces moments lui causent la plus grande joie. A aucun moment, cependant, cet état qui l'obsède ne l'empêche de se consacrer à la prédication. Il est vrai qu'il lui est impossible de s'y préparer par la lecture ou l'étude, mais dès qu'il monte en chaire de vérité et fait le signe de croix, on voit en lui une extraordinaire transformation. Son esprit vigoureux prend immédiatement le dessus, sa voix puissante et sa facilité oratoire gagnent l'attention et l'admiration de tous. Son médecin a déclaré le fait 'miraculeux'. Même en écrivant ses œuvres ou en les dictant, il semble doué d'une inspiration divine »[9].
De 1637 à 1654, il reste dans un état de dépression profonde avec idées suicidaires. Le père Surin est de plus en plus critiqué par ses frères Jésuites, ses écrits sont examinés à Rome[10]. Deux pères de la Compagnie de Jésus, chargés de l'interroger, rédigent en un rapport accablant qui conclut que « le profond mysticisme, la spiritualité hors du commun, l'illuminisme du père Surin étaient contraires à la doctrine orthodoxe des jésuites »[11]. Très touché, le père Surin perd la parole et reste paralysé, incapable de lire ou d'écrire[12]. En , se croyant damné et persuadé qu'il ne pourrait plus jamais aimer son Dieu, il fait une tentative de suicide en se jetant par la fenêtre, il échappe de peu à la mort. Laissé sous la surveillance d'un frère convers un peu rustre, il subit de nombreux et graves sévices[13]. Persuadé que tout n'est pas perdu, le père Bastide, un fervent mystique, emmène le père Surin à Saintes où celui-ci entame une longue convalescence de 1648 à 1653[14].
De retour à Bordeaux en 1654, le père Surin se remet à l'écriture et correspond avec la mère supérieure Jeanne des Anges dont il n'a pas renoncé à en faire une sainte[15]. Ses écrits mystiques sont de plus en plus controversés, le général jésuite, Goswin Nickel, fit interdire son « Catéchisme spirituel », au titre que « le père Jean-Joseph Surin publie, sans autorisation, des livres écrits dans un style inintelligible et plein d'erreurs qui risquent de compromettre la réputation de la Compagnie »[16]. Surin ne se soumet pas et continue discrètement à écrire et diffuser son œuvre avec l'aide d'Armand de Bourbon, prince de Conti[17]. Dès lors, « inondé de communications divines », il compose la majeure partie de son œuvre, considérée comme particulièrement représentative du courant mystique de la première moitié du siècle[9].
Le père Surin meurt le , suivant de trois mois sa protégée, sœur Jeanne des Anges. Après sa mort, sa doctrine mystique est de plus en plus critiquée par l'Église catholique, et certaines de ses œuvres sont mises à l'Index[18].
Œuvres
- Le Triomphe de l'amour divin sur les puissances de l'enfer en la possession de la Mère supérieure des Ursulines de Loudun, 1636
- Catéchisme spirituel, 1654
- Dialogues spirituels, 1655
- Cantiques spirituels de l'amour divin, pour l'instruction et la consolation des ames dévotes, Bordeaux, 1655 (nombreuses rééditions)
- Science expérimentale des choses de l'autre vie acquise en la possession des Ursulines de Loudun, 1663
- Fondements de la vie spirituelle, 1643 pour une nouvelle édition chez la veuve Desaint libraire, rue du Foin-Saint-Jacques
- Lettres spirituelles, 1695
- Lettres spirituelles du P. Jean-Joseph Surin, édition critique de Ferdinand Cavallera et Louis Michel, éditions de la Revue d'Ascetique et de Mystique, Toulouse, 1926, tome 1, 1630-1639, 1928, tome 2, 1640-1659
- Les voies de l'amour divin. Textes choisis et présentés par Madeleine Daniélou. Editions de l'Orante, 1954
- Correspondance, publiée en 1966 par Michel de Certeau
- Guide spirituel pour la perfection. Texte établi et présenté par Michel de Certeau. Collection Christus n° 12, 334 pages, 2008
- Questions sur I'amour de Dieu. Collection Christus n° 95, 198 pages. Desclée de Brouwer, 2008
Bibliographie
- Serge et Viviane Janouin-Benanti, Trois saisons en enfer : Les possédées de Loudun, La Crèche, La Geste, , 256 p. (ISBN 978-2-36746-744-3). . Roman historique relatant de larges épisodes de la vie de Joseph Surin.
- Robert Kanters, Vie du Père Surin, avant-propos de Jean-Daniel Maublanc, illustrations de Raymond Feuillatte, Éditions La Pipe en écume, Paris, 1942
- Michel de Certeau : Correspondance de Jean-Joseph Surin, Paris, Desclée de Brouwer, 1966
- Michel de Certeau : La Possession de Loudun, Paris, Julliard, 1970 (collection Archives)
- Michel de Certeau : La Fable mystique, Paris, Gallimard, 1982 (collection Bibliothèque des Idées)
- Guy Barral : La nomination de Dieu dans la correspondance de Jean-Joseph Surin, Montpellier, UPV, 1972
- Yu Watanabe (渡辺 優) : Jean-Joseph Surin. Un rayon crépusculaire de la mystique au xviie siècle en France, Presses universitaires de Keio, 2016 (thèse couronnée par le Prix Shibusawa-Claudel en 2017)
Notes et références
- Étienne Catta, Jean-Joseph Surin (1600-1665), Poésies spirituelles, Paris, Vrin, , p. 22
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 59.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 62.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 64.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 74.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 196.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 203.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 209.
- (en) Augustin Poulain, « Jean-Joseph Surin », Catholic Encyclopedia, vol. 14, (lire en ligne)
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 216.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 223.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 230.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 234.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 237.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 242.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 244.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 245.
- Serge et Viviane Janouin-Benanti 2017, p. 249.
Liens externes
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- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :