Jean-Baptiste Rotondo
Jean-Baptiste Rotondo, né vers 1750 à Fallavecchia, non loin d’Abbiategrasso, et mort à Turin entre 1795 et 1798, est un agent provocateur milanais.
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Après avoir fait des études assez imparfaites, Rotondo trouva à Milan un petit emploi dans les bureaux de l’Intendance et faisait, en même temps, le courtier de pierreries et de dentelles.
Vers 1782, Rotondo est à Paris, où il fait du commerce et gagne son pain en donnant des leçons de latin. Même dans les journées les plus troublées de la Révolution, il se posera comme le « professeur » Rotondo.
Accusé de vol, en 1785, il subit une détention de six mois au Grand-Châtelet, avant d’être relâché, faute de preuves. Néanmoins banni de France, il s’établit pendant dix-huit mois à Rotterdam, où il changea de commerce pour se faire marchand d’objets de physique et de baromètres. De Hollande, il passa ensuite à Londres où il enseigna dans une pension, tout en se remettant à son commerce de pierreries et de dentelles.
À l’avènement de la Révolution, Rotondo rentre à Paris, où il fréquente le Palais-Royal, s’y liant avec Saint-Huruge, Buirette de Verrières, Santerre, etc. Depuis lors, il sera de toutes les journées de la Révolution, il se faufile dans tous les clubs.
Grâce à ses rapports avec Santerre et à la violence de son langage, il a de l’ascendant sur le faubourg Saint-Antoine. Entre-temps, il ouvre un cours de langues, italienne et anglaise, à la salle du Cirque du Palais-Royal. Des renseignements fournis par Mallet du Pan venant de Bertrand de Molleville le représentent comme un des principaux agents du duc d'Orléans : « Il y allait, dit-on, neuf fois par jour ».
Au pillage de l’hôtel de Castries du où Lafayette parut pour tâcher de calmer la foule, Rotondo osa narguer le tout puissant général lui faisant la grimace pendant qu’il haranguait les pillards. Dès lors Rotondo se fit une spécialité d’être arrêté, persécuté et emprisonné. Cela lui permit de déclamer contre Lafayette, pour le prendre même à partie devant les tribunaux.
Aussi, lorsqu’à l’affaire du Champ-de-Mars un homme resté inconnu tira un coup de feu sur Lafayette, on accusa tout de suite Rotondo. Arrêté, on reconnut son innocence quelques jours après et il fut relâché. Il fut affilié au club des Jacobins et fréquenta également, du moins pendant quelque temps, les Cordeliers.
Ses rapports avec les personnalités les plus en vue lui avaient fait obtenir, dès la fin de 1790, la promesse d’une place de professeur à la Société nationale des jeunes français établie sous les auspices du Directoire et de la Municipalité de Paris au ci-devant prieuré de Saint-Martin des Champs avec 100 louis d’appointements. Il ne l’obtint jamais.
De guerre lasse, Rotondo se décida à battre la province. Il se rendait pendant quelque temps dans une ville, apparemment pour y ouvrir un cours, mais en réalité comme émissaire des clubs pour y préparer les élections à la Législative. D’aout à décembre il est signalé à Angoulême, Bordeaux, Nantes, Chartres, où le conducteur des messageries de Nantes et d’Angers à Paris porta plainte contre lui. La municipalité le fit arrêter, mais on le relâcha bientôt après.
En décembre 1791 ou au plus tard en janvier suivant, Rotondo était de nouveau à Paris, logé avec sa maîtresse, Angélique Daumont, chez la veuve Alaïde, place du Carrousel, maison du Bâtiment du roi auprès de la garde suisse, n° 662. À deux pas des Tuileries, Rotondo était sur place pour prendre part à toutes les émeutes.
Désigné sur toutes les listes des officiers et des espions de police comme « un des principaux chefs des groupes séditieux et sanguinaires », l’intendant de la liste civile, de La Porte lui fait offrir à la fin de juillet 1792, une traite de 100 livres sterling payable à vue sur Thelusson, banquier royaliste et consul de France à Londres, à condition qu’il parte tout de suite pour l’Angleterre. Rotondo accepta, mais il n’en resta pas moins à Paris et ce n’est qu’à la fin d’octobre qu’il alla toucher sa traite. Entre-temps, une légende, qu’il prit soin de répandre lui-même mais à laquelle les historiens ont fait justice, le désigna longtemps comme le principal meurtrier de la princesse de Lamballe pendant les massacres de Septembre.
À peine fut-il passé en Angleterre que la légende l’y accompagna. Loin de se récrier, Rotondo se para du titre de meurtrier de la princesse de Lamballe pour terrifier les émigrés. À Londres, après une rixe avec des émigrés au café d’Orange à Piccadilly, il est arrêté et, après avoir passé très peu de temps en prison, il fut mis en liberté.
Il prit alors le nom de Brambilla, sous lequel il séjourna à Windsor, à Bath et il retourna enfin à Londres. Enfin, ne pouvant plus rester en Angleterre, Santerre lui conseillait de ne pas revenir à Paris et sa maîtresse, qui continuait à lui être fidèle, l’exhortant à chercher refuge dans un pays neutre, ce fut vers la Suisse que Rotondo dirigea ses pas. Parti de Margate le 22 décembre, par Liège, Aix-la-Chapelle, Mézières, Nancy, Strasbourg, il arriva, un peu à cheval, un peu à pied, à Bâle le et de là par Berne et Bienne il se rendit à Genève.
Parmi les émissaires français qui remplissaient la ville, Rotondo reprit son assurance. Voulant, dit-on, occasionner quelque grand mouvement au moyen duquel il espérait opérer la réunion de Genève à la France, les comités le firent arrêter, le , par mesure de prudence. Quoiqu’on ne pût le convaincre d’avoir eu aucun mauvais dessein contre Genève, il resta en prison jusqu’au 31 juillet.
Lorsque Rotondo, chassé de Genève, débarqua à Nyon, il y fut arrêté de nouveau et conduit sous bonne escorte au château de Chillon. Également accusé d’avoir pris part aux massacres des Suisses après le 10 août, les coups ne lui furent pas épargnés en chemin. Les cantons suisses ne pouvant, faute de preuves, lui faire un procès pour ce chef, on se rendit aux insistances du baron Vignet de le livrer au roi de Sardaigne.
Le 23 août, le bailli de Vevey le remit au commandant de Saint-Maurice. Le 25 au matin, il fut conduit aux limites du Grand Saint-Bernard, d’où il fut traduit par Aoste aux prisons du Pô à Turin.
Comme il fallait recueillir bien des preuves avant de pouvoir établir sa culpabilité, la magistrature piémontaise instruisit jusqu’au , date du dernier document des archives de Turin où on trouve le nom de Rotondo. Son nom ne reparaît d’aucune manière après cette date. Il est probable qu’il mourut en prison entre 1795 et 1798 sans jamais être passé en jugement.
Sources
- G. Roberti, « Un Septembriseur italien. Jean-Baptiste Rotondo », Revue historique vaudoise, Lausanne, Vincent, 1898, p. 65-76.