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Jansiac

Jansiac (du nom du lieu-dit) est un lieu de vie politique communautaire crée en 1974 situé dans la vallée du Jabron dans les Alpes-de-Haute-Provence dans l'intention de susciter un changement de société, par l'analyse et la critique de la société occidentale, la recherche d'autres possibilités d'organisation sociale, et leur expérimentation concrète. Il est, avec les coopératives Longo Maï et les communautés de l'Arche de Lanza del Vasto, l'un des quelques lieux contestataires qui a perduré jusqu'à aujourd'hui[1]. Le lieu, retiré (12 km de mauvaise piste), les ressources en eau très limitées, n'ont pas permis l'installation de nombreuses personnes. Toutefois, la communauté n'a jamais manqué de réseau et de nombreuses personnes y ont séjourné de quelques jours à quelques mois, voire quelques années.

Origines

Les fondateurs, ne voulant pas pratiquer le militantisme, mais plutôt se pencher sur la question de l'utopie, ont choisi de ne pas séparer leur volonté d'action politique de leur vie quotidienne, et se sont installés sur un terrain de 300 ha visuellement isolé afin de pouvoir immédiatement commencer la mise en place et l'expérimentation d'une société plus conforme à leur idéal[2].

Recherches et expérimentations

Souhaitant mettre en place une sociĂ©tĂ© Ă  fonctionnement anarchiste, la sociĂ©tĂ© expĂ©rimentĂ©e a pour principales caractĂ©ristiques d'avoir un mode d'organisation dĂ©centralisĂ© et liĂ© au lieu, tant politiquement (dĂ©mocratie directe au consentement unanime) qu'Ă©conomiquement (Ă©conomie directe « dĂ©financiarisĂ©e Â»), comme moyen de « vivre sans nuire Â»[3]. Mais l'objet de l'expĂ©rimentation s'Ă©tend Ă©galement Ă  d'autres domaines, puisqu'il s'agit d'imaginer une autre sociĂ©tĂ© sans tenir compte de celle qui existe dĂ©jĂ . Ainsi, Ă  la nĂ©cessitĂ© technique d'assurer la subsistance, sont ajoutĂ©es d'autres prĂ©occupations d'ordre politique (absence d'inĂ©galitĂ©s et de domination), Ă©cologique (rapport au milieu et aux individus des autres espèces), philosophique, phĂ©nomĂ©nologique[4]… Cela se retrouve aujourd'hui dans l'aspect visuel du site dont l'amĂ©nagement suit une logique d'ensemble.

Organisation

Le mode d'organisation a fait l'objet de nombreuses expérimentations sur la manière de garantir(?) un fonctionnement anarchiste, avec, lorsque plusieurs communautés ont existé simultanément (ce qui fut le cas à plusieurs reprises), la possibilité d'expérimenter les rapports entre communautés[4].

Conformément au principe autogestionnaire, il n'y a pas d'entité collective ou individuelle au-dessus des individus, ni de distinction entre les personnes par leur ancienneté (président, chef…), uniquement des conventions adoptées par chacun[5].

Le site est subdivisé en bassins versants pouvant chacun accueillir (et subvenir ?) aux besoins d'une communauté d'une douzaine de personnes, unité de base de l'organisation sociale. Les membres d'une communauté se réunissent lors des repas et prennent les décisions qui concernent tout le monde à l'unanimité exprimée[6] - [7]

Économie

Les communautĂ©s de Jansiac n'ont pas d'activitĂ© commerciale : ses membres pratiquent l'Ă©conomie de subsistance ou Économie domestique. Ils opposent Ă  l'idĂ©e de la croissance, non pas celle de la DĂ©croissance, mais celle d'une sociĂ©tĂ© stable, la question Ă©tant de la dĂ©finir[8]. Outre l'agriculture Ă  proprement parler, l'autoproduction a selon les Ă©poques concernĂ© de nombreux domaines : bois, travail du bois et des mĂ©taux, construction, fabrication et rĂ©paration de matĂ©riel, Ă©tude de la production autonome d'Ă©lectricitĂ©, alimentation au sens large (farine, conserves...), Ă©lectricitĂ© et Ă©lectronique, crĂ©ation ou conservation de milieux de vie Ă©cologiquement riches (mares, clairières, pelouses sèches…), Ă©dition, infrastructure, filage de la laine[9]... Concrètement, la production de nourriture et autres biens a toujours Ă©tĂ© marginale, l'altitude et le caractère superficiel du sol ne permettant pas grand chose d'autre que le pastoralisme. Il y a longtemps eu un troupeau de brebis Ă  Jansiac, probablement la principale source de revenus du lieu, avec les hĂ©ritages successifs (le lieu peinant Ă  retenir longtemps la jeunesse). La production d'Ă©lectricitĂ© n'a jamais vu le jour, ce qui a fortement limitĂ© l'activitĂ© artisanale.

GĂ©ographie

Jansiac est un lieu-dit, nom d'un ancien village Ă©tabli au Moyen Ă‚ge, et plus largement une vallĂ©e haute intermĂ©diaire entre la crĂŞte de Lure et la vallĂ©e du Jabron, Ă  cheval sur les communes de Châteauneuf-Miravail et Saint-Vincent-sur-Jabron, avec un adret Ă  caractère provençal et un ubac de caractère plus alpin. Altitude autour de 1 000 m[10]. L'accès au lieu se fait par la vallĂ©e du Jabron, une vallĂ©e longtemps sous-peuplĂ©e Ă  l'Ă©conomie chancelante traversĂ©e d'est (Sisteron) en ouest (Sèderon) d'une unique route.

L'utopie

Jansiac a une place particulière parmi les utopies historiques, car si le lieu s'inscrit tout à fait dans la logique de remise en question de la société par l'utopie, telle qu'étudiée par le philosophe Miguel Abensour, et que la tentative jansiaquaise compte sur le pouvoir de l'utopie pour provoquer l'émancipation politique et sociale, il a été en plus choisi de présenter concrètement cette utopie en un lieu donné, dans lequel chacun peut se rendre[11] - [12].

Les habitants de Jansiac se rĂ©fèrent Ă  l'utopie du philosophe inuit Aper Sonn, qu'ils prĂ©sentent lors d'un colloque organisĂ© par l'association La Ligne d'Horizon en 2002[13]. Plus tard, elle sera dite utopie topique, pour insister sur son caractère dĂ©centralisĂ©, et liĂ©e au lieu dans sa singularitĂ©, par opposition Ă  la sociĂ©tĂ© du symbolique oĂą « le rĂ©el est remplacĂ© par sa reprĂ©sentation[11] - [12]».

La principale réussite du lieu a été la sortie du salariat, et une saine défiance envers le travail tel qu'il est conçu et envisagé dans le monde actuel. La conséquence étant une certaine indigence dans les moyens et l'aboutissement des projets de développement.

La nef des fous

La nef des fous est un nom d'Ă©diteur choisi par les habitants en rĂ©fĂ©rence au poème satirique de SĂ©bastien Brant (qui inspira Ă©galement JĂ©rĂ´me Bosch), car c'est une manière de dĂ©signer « la planète et ses habitants Â»[4]. C'est lorsque paraĂ®t dans la revue Ă©cologiste Silence un article intitulĂ© Jansiac : la nef des fous que ce nom devient Ă©galement pour certains le nom du lieu[14].

Notes et références

  1. Communautés : convergences et différences, Michel Bernard, Revue Silence 192-193, juillet-août 1995, p. 30 lire en ligne
  2. Une communauté autour du feu, André Laude, Le Monde, 21-22 avril 1974
  3. L'utopie du philosophe inuit Aper Sonn considĂ©rĂ©e dans ses aspects Ă©conomiques, politiques, sociologiques, technologiques, Ă©cologiques…, colloque dĂ©faire l'Ă©conomique, refaire l'humain, universitĂ© Toulouse le Mirail, 21 fĂ©vrier 2004 lire en ligne
  4. Rencontre insolite et en miroir avec la nef des fous, Ruth Stégassy, France Culture, 20 juillet 2002 écouter en ligne
  5. Les dĂ©fricheurs : voyage dans la France qui innove vraiment, Eric Dupin, La DĂ©couverte, 2014, (ISBN 978-2-7071-7562-5)
  6. Vivre autrement maintenant c'est possible, radio solidaire, 26 juin 2012
  7. reportage France 3 Provence-Alpes, 16 avril 2013
  8. Pour une alternative à la décroissance, les habitants de Jansiac, septembre 2004 lire en ligne
  9. L'utopie, ici et maintenant!, L'Écologiste no 7, juin 2002 lire en ligne
  10. Irène Magnaudeix et alii, Pays de Haute-Provence : de Lure au Luberon. Manosque, pays de Forcalquier, de la montagne de Lure au Luberon, guide de dĂ©couverte par les chemins, ADRI/Les Alpes de Lumière, 1999, (ISBN 2-906924-25-3) et (ISBN 2-906162-47-7), p. 113.
  11. Du Grain Ă  moudre, France Culture, 3 janvier 2012
  12. lire en ligne
  13. Défaire le développement, refaire le monde, Parangon, 2003, 210p. (ISBN 2-84190-095-9)lire en ligne p. 4
  14. Michel Bernard, « Jansiac : La Nef des Fous », Silence, nos 192-193,‎ , p. 24-29

Voir aussi

Liens externes

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Articles connexes

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