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Jacques Rohault

Jacques Rohault, né en 1618 (ou peut-être vers la fin de 1617[1]) à Amiens et mort le à Paris, est un physicien français qui précisa et vulgarisa par des expériences remarquables la physique cartésienne et contribua au déclin de l'aristotélisme.

Jacques Rohault
Jacques Rohault
Gravure par Étienne Jehandier Desrochers.
Biographie
Naissance
Décès
Activités

Biographie

Ĺ’uvres posthumes, 1682

Jacques Rohault était le fils d'Ambroise Rohault, riche marchand de vin d'Amiens et marguillier de la paroisse Saint-Germain, et d'Antoinette de Ponthieu. Il fit des études classiques chez les jésuites et apprit la géométrie en autodidacte. Il s'établit professeur de mathématiques à Paris. Son enthousiasme et ses talents de vulgarisateur lui attirèrent une clientèle de plus en plus nombreuse : Claude Clerselier fut son élève ; Bossuet lui obtint la charge de professeur de mathématiques et de philosophie du Dauphin, et il enseignait les mathématiques aux princes de Conti. La matière de ces cours était :

  • les six premiers livres d'Euclide
  • l'arithmĂ©tique
  • la trigonomĂ©trie et les triangles sphĂ©riques
  • les mathĂ©matiques pratiques, c'est-Ă -dire la gĂ©odĂ©sie, l'arpentage et le jaugeage
  • les fortifications
  • les machines simples : treuil, levier, coin
  • le dessin en perspective

Il étudia la philosophie à Paris, peut-être avec Clerselier, dont il épousa une fille, Geneviève, en 1663 après la mort de sa première femme, Nicole Filassier, et découvrit ainsi les idées de Descartes. Il était membre de l'académie de Montmor. En , déjà célèbre, il répéta à Notre-Dame en présence d'un public nombreux les expériences barométriques que Blaise Pascal avait faites à la tour Saint-Jacques.

Devant l'affluence à ses leçons, il organisa chez lui des séances publiques hebdomadaires, les « mercredis de Rohault », à partir de l'année suivante. Il s'agissait d'expériences commentées, souvent nouvelles et originales, où ses talents d'expérimentateur et d'homme de spectacle trouvaient à s'exprimer. Plusieurs témoignages montrent qu'il était familier du travail des métaux et du verre, et donc proche des savoirs d'artisan : il aimait certainement, dit Paul Mouy, « pénétrer les secrets de fabrication ». Parmi les expériences qu'il donnait au public, on trouve :

  • inspirĂ©es par le TraitĂ© du Vuide de Blaise Pascal, des expĂ©riences originales montrant la pesanteur de l'air ;
  • inspirĂ©es par les MĂ©tĂ©ores de Descartes, des expĂ©riences sur la dispersion de la lumière ;
  • des recherches personnelles sur des curiositĂ©s de l'Ă©poque : l'attraction des aimants, les larmes bataviques[2].

Ces expériences se déroulaient de la façon suivante : Rohault présentait les phénomènes de façon à susciter des explications contradictoires de la part du public. Puis, par des contre-expériences et un raisonnement, il amenait à sa propre conclusion. Malebranche témoigne : « Il n'y avait pas de sûreté à le pousser (...) car tout le monde sait avec quelle justesse et avec quelle force ce savant homme repoussait les coups qu'on voulait lui porter, et qu'avec deux ou trois paroles prononcées sans chaleur et sans mouvement, il abattait l'imagination de ceux qui, tout plein d'eux-mêmes, croyaient le couvrir de confusion[3] »

Ces mercredis eurent un succès prodigieux : « il s'y trouvait des personnes de tout âge, de tout sexe et de toute condition ». Par Rohault, la physique cartésienne devint à la mode et faisait fureur dans les salons.

À partir de 1664, Rohault s'impose comme le chef de file de la science cartésienne. En 1667, ayant à organiser les festivités qui accompagnaient le retour en France des cendres de Descartes, il imagina, non sans habileté, de faire prononcer le second éloge du savant par le chanoine Foucher, demi-adversaire du cartésianisme. Son travail fut distingué par Gottfried Wilhelm Leibniz comme le plus original parmi ceux des élèves et des continuateurs de René Descartes[4].

Le Traité de physique (1671)

Cet ouvrage au succès exceptionnel se distingue des livres de physique antérieurs par la place donnée à l'expérimentation : les faits y précèdent les explications. Bien que les idées sous-jacentes soient pour l'essentiel tirées de la Dioptrique et des Météores de Descartes, Rohault a eu le souci d'expliquer des phénomènes nouveaux : la capillarité, le magnétisme.

Le livre comporte quatre parties :

  • L'exposĂ© des principes de la physique, tirĂ©s des idĂ©es cartĂ©siennes sur l'Ă©tendue et le mouvement. Rohault en dĂ©duit les lois gĂ©nĂ©rales de l'hydrostatique, de l'optique, de la dĂ©formation des solides. Rohault dĂ©veloppe une thĂ©orie du choc un peu diffĂ©rente de celle de Descartes.
  • Une cosmographie, oĂą Rohault, après avoir exposĂ© les doctrines traditionnelles (PtolĂ©mĂ©e, Tycho Brahe) prend parti pour le système de Copernic.
  • Une physico-chimie des Ă©lĂ©ments terrestres : terre, air et eau. Rohault y dĂ©veloppe particulièrement une thĂ©orie de l'aimantation qui, Ă©cartant l'idĂ©e absurde d'action Ă  distance, repose sur l'intervention d'une matière subtile composĂ©e de « particules vis » et de « particules Ă©crous ».
  • Une Ă©tude dĂ©taillĂ©e du mouvement des « corps animĂ©s », c'est-Ă -dire des principes du vivant. Rohault suit lĂ  encore gĂ©nĂ©ralement Descartes, mais prĂ©fère la thĂ©orie de Harvey pour la circulation du sang et le fonctionnement du muscle cardiaque.

Le Traité de Physique parut en traduction latine à Genève en 1674. À l'initiative de John Clarke[5], une autre traduction latine parut à Londres en 1702, qui connut cinq rééditions.

Par Rohault, la physique cartésienne se perpétua jusqu'en 1730 dans l'esprit mécaniste, plutôt que par la métaphysique.

Les Entretiens sur la philosophie (1671)

Devant les attaques de l'Église contre les idées de Descartes (décret de la Congrégation de l'Index du ), Rohault, chef d'école du cartésianisme, défendit dans des Entretiens l'enseignement du maître sur deux points :

L'ouvrage ne fit pas grand-chose pour la cause, et attira dès sa parution une série de calomnies contre Rohault, qui mourut peu après. Les autorités exigèrent de lui, dans ses derniers moments, une profession de foi catholique en bonne et due forme.

Ĺ’uvres

  • Physique nouvelle (1667), Texte Ă©ditĂ© par Sylvain Matton et prĂ©sentĂ© par Michel Blay, avec une Ă©tude de Xavier Kieft et une note d’Alain Niderst, Paris: SEHA — Milan: ArchĂ©, 2009.
  • TraitĂ© de Physique, 1 vol. in-4°, Ă©d. par Vve Savreux, Paris, 1671. RĂ©Ă©ditions : 1672, 1675, 1682, 1705, 1723, 1730 par Denys Thierry, Paris.
  • Entretiens sur la Philosophie, 1 vol. in-12°, Paris, 1672. RĂ©Ă©dition avec notes par Pierre Clair, C.N.R.S., Paris, 1978.
  • Ĺ’uvres posthumes de M. Rohault, 1 vol. in-4° avec prĂ©face de Clerselier, Paris, 1682.

Notes et références

  1. Selon Nicolas Liènard (Le Journal des Sçavants du 9 mai 1695) Rohault aurait eu cinquante-cinq ans à sa mort.
  2. Voir :
  3. La Recherche de la Vérité, tome II, pp. 41-42
  4. Francisque Bouiller : Histoire et critique de la révolution Cartésienne; page 189
  5. John Clarke (1682-1757), physicien anglais et doyen du chapitre de Salisbury à partir de 1728, était le fils du député de Norwich et le frère cadet du philosophe Samuel Clarke. Il écrivit Recherches sur l'origine et les causes du mal (1720). Il fut en 1750 l'éditeur de La religion naturelle de William Wollaston.

Bibliographie

  • Adrien Baillet, Vie de M. Descartes, 1691. RĂ©Ă©dition : La Table Ronde, 2 vol. in-4° chez Daniel Horthemels, Paris, 1946. (ISBN 2-7103-0534-8)
  • Paul Mouy, Le DĂ©veloppement de la physique cartĂ©sienne (1646-1712), Vrin, Paris, 1934.
  • Pierre Costabel et Monette Martinet, « Quelques savants et amateurs de science au XVIIe siècle » in Cahiers d’histoire et de philosophie des sciences, n° 14, 1986.
  • Trevor McClaughlin et Guy Picolet, "Un exemple d'utilisation du Minutier Central de Paris: La Bibliothèque et les instruments scientifiques du physicien Jacques Rohault selon son inventaire après dĂ©cès",in Revue D'Histoire des Sciences, 1976-XXIX/1,pp3-20.
  • Trevor McClaughlin, "Quelques mots sur Rohault et Molière" in Europe, 569, 1976, pp.178-83.
  • Trevor McClaughlin, "Descartes, experiments, and a first generation Cartesian, Jacques Rohault" in Descartes' Natural Philosophy,edited by Stephen Gaukroger, John Schuster and John Sutton, Routledge, London & New York, 2000, pp.330-346.
  • Archives Nationales, Minutier Central, Étude XXXIX, Liasse 127, Inventaire après dĂ©cès de Jacques Rohault, .
  • Trevor McClaughlin, "Jacques Rohault and the natural sciences", PHD (unpublished) History faculty, Cambridge University, 1972.
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